Pâques (3)

LES EVANGILES ET LES ACTES DES APÔTRES

Les rédacteurs des Evangiles dépassent les problèmes posés par le schéma 2 de différentes manières. Ils font de l’événement pascal, de la passion et de la résurrection du Christ le sommet de leurs oeuvres, montrant que c’est là que se situe la révélation ultime de Dieu. Ils exposent cet événement ainsi que la vie de Jésus comme le point d’aboutissement de toute l’histoire du salut. Ils le font en utilisant l’Ecriture de l’AT elle-même pour le présenter, non pas seulement à titre illustratif ou apologétique vis à vis des juifs, mais comme s’il n’était pas possible de le présenter autrement. Aux yeux d’un non croyant, une telle construction littéraire pourrait sembler une création arbitraire de l’Eglise primitive cherchant elle-même à donner sens aux événements. Les récits de résurrection ne seraient alors que des mythes invraisemblables à visée étiologique. La formule de R. Bultmann « Jésus est ressuscité dans le kérygme de la communauté » illustrerait ce point de vue, s’il n’y avait la subsistance d’Israël comme témoin crédible de ce qui reste pertinent dans le premier schéma : l’impossibilité d’accéder humainement – sans révélation – à une synthèse de toutes les figures de révélation de l’AT. « Ce qui est décisif, c’est que l’Ancien Testament tout entier ait été amené à déboucher sur une synthèse transcendante qui ne pouvait être construite à partir de lui. » ([1] p.219) L’usage obligé de l’AT dans les Evangiles manifeste ainsi la relation entre l’événement pascal et toute l’histoire du salut qui le précède : la seconde conditionne le premier comme préparatifs et comme figure, mais c’est le premier qui détermine la seconde, comme cause finale.

Les Actes de Apôtres décrivent les débuts de l’histoire de l’Eglise comme le déploiement de l’événement pascal dans l’histoire : avec Pierre, avec Paul dont la vie est obéissance et imitation du Christ, c’est la puissance de l’Esprit Saint qui est à l’œuvre. Matthieu, lui, « a écrit ses « Actes des Apôtres » en surimpression au récit évangélique » ([4] p.169) donnant avant Pâques aux disciples de Jésus la foi d’après Pâques qui leur permet de le reconnaître comme le Seigneur, le Fils de Dieu (Mt 16,13-23). Ce qu’il y a alors de remarquable, c’est que le cœur de l’événement pascal lui-même, la résurrection du Christ, le point central de toute l’histoire du salut, passée (AT) et future (Ac, Mt), ce centre n’est pas décrit. Contrairement aux apocryphes, les évangélistes gardent une sobriété d’expression convenant à l’objectivité de la rencontre, en n’appuyant leurs récits que sur des événements historiquement tangibles : ceux qui précèdent la mise au tombeau et ceux qui suivent le tombeau vide. Ils ont fait un choix normatif de « concepts et moyens d’expression convenables [en juxtaposant] des traditions différentes et en partie contradictoires (…) des affirmations limites » qui n’ont pas à être conciliés à tout prix sur le plan terrestre (chronologie, topographie…) mais à être rattachés à « la source commune transcendante qu’elles expriment » ([1] p.245-246) , sans pour autant verser dans l’anti-historisme de Bultmann*. Le schéma est alors le suivant, qui donne tout son sens au mot Pâque – passage :

Un saut doit être fait, que seul le Christ peut réaliser, et qu’il n’est pas donné à l’homme, fût-il évangéliste, de décrire par une description qui supprimerait le saut nécessaire de la foi. Le chemin décrit par les évangélistes est normatif pour le croyant ; il s’agit de passer du « voir sans croire » (condition des disciples auprès de Jésus avant la résurrection), au « ni voir, ni croire » (pendant la nuit du tombeau et l’indescriptible résurrection), au « voir et croire » (les apparitions du Christ ressuscité) et enfin au « croire sans voir » (Jn 20,29).

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* « Que la frontière marquant l’entrée dans le mythe ne soit pas franchie, en d’autres termes, que la dite image mythique du monde reste sans valeur par rapport à l’intention théologique de l’exposé fait que les affirmations bibliques gardent pour nous leur importance, par delà tous les changements que l’histoire a entraînés dans les conceptions du monde, sans que soient requises nulle part de suppressions ni d’altérations importantes (par démythisation). Les « faits nus » (…) sont présentés de telle façon que leur portée théologique apparaît sans que, derrière le kérygmatique, l’historique devienne méconnaissable. » [1] H.U. von Balthasar, Le Mystère Pascal, in Mysterium Salutis n°12, p.246

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