Jn 1,1 et Gn 11,1-9

Une amie demande un éclairage sur « Au commencement était le Verbe » (Jn 1,1) et sur l’épisode de la tour de Babel (Gn 11,1-9). Je m’aperçois que cela a aussi un rapport avec la question de l’absolu et du relatif.

 

1) Verbe (français), traduit verbum (latin), qui traduit logos (grec), un terme philosophique d’inspiration stoïcienne, désignant l’intelligence ordonnatrice de l’univers. Le sage grec constatant que le monde est ordonné, harmonieux, « cosmos » (ce qui signifie en grec « belle parure ») – cf. la régularité des saisons, des lois de la nature etc… -, il en déduit qu’une intelligence organisatrice y est à l’oeuvre, qu’il y a de la raison dans l’ordre du monde, non pas seulement maintenant, mais toujours, et donc depuis les origines. Il nomme cela logos. La pensée chrétienne se saisira de ce concept de logos, pour affirmer paradoxalement que cette intelligence créatrice, maître d’oeuvre de la Création et participant à l’éternité divine, a choisi de s’incarner, de s’auto-limiter en entrant dans le temps, en devenant l’un de nous, pour révéler ce qu’il est principalement : amour infini, capable de don total de soi pour l’homme. Ce que le Prologue de l’Evangile selon saint Jean décrit avec le langage emprunté à la philosophie grecque (Jn 1,14), et que Saint Paul redit avec un langage plus concret dans son épître aux Philippiens (Ph 2,5-11), ce mouvement où ce n’est pas l’homme qui va vers Dieu, mais Dieu qui vient vers l’homme, dans un vertigineux mouvement de descente, pour élever l’homme à lui.

2) L’épisode de la tour de Babel au chapitre 11 de la Genèse est très intéressant, d’autant plus qu’il se prête à des mauvaises interprétations, la principale d’entre elles étant que c’est la jalousie de Dieu devant l’ingéniosité des hommes qui lui fait faire cesser la construction de cette tour. En fait, Robin, un de mes amis, ingénieur des Ponts et Chaussées, m’a indiqué qu’en relisant précisément le processus de construction, on s’aperçoit que les hommes commencent par faire des briques (11,3a), puis s’en servir comme pierres (11,3b), puis se dire qu’ils peuvent bâtir une ville et une tour (11,4a), et enfin ils posent l’objectif : se faire un nom et ne pas être dispersés (11,4b). Ce processus où l’objectif, la finalité ne sont définis qu’à la fin, où l’on se laisse entraîner dans une course en avant dans l’usage des moyens, où la fin invoquée n’est invoquée que pour justifier les moyens, cela est caractéristique du péché par excellence qu’est l’idôlatrie, qui consiste en une absolutisation de ce qui n’est en fait que moyens (objets, biens matériels, argent, connaissances ou savoirs, honneurs, activités…), en oubliant leur relativité à la fin pour laquelle toutes choses sont créées, le sacrifice d’action de grâce à Dieu. Saint Ignace de Loyola dirait « pour louer, révérer et servir Dieu son Créateur, et par là sauver son âme ». Jésus lui-même donne la bonne manière de construire une tour, en envisageant la fin, et en ordonnant les moyens à cette fin, qui n’est autre que de le suivre, lui, le Verbe incarné, dans son sacrifice d’amour et sa glorification. Cf. Evangile selon saint Luc 14,26-30.

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