Sur l’euthanasie

Dialogue sur facebook…

J’aimerais avoir votre point de vue sur l’euthanasie ? J’estime que dans certaines conditions, cela devrait être autorisé. Et ce sentiment s’est amplifié depuis que je suis professionnel de santé. Après avoir vu des personnes, des enfants, partir après de très longues souffrances inutiles, j’aimerais comprendre ce qui peut pousser les gens à être contre l’euthanasie pour certains cas.

Même si je le réprouve, le choix de se suicider reste libre. Mais en présence de quelqu’un qui veut se suicider ou qui s’apprête à le faire, par exemple en le voyant enjamber le parapet d’un pont, la seule position moralement acceptable est de tout faire pour le convaincre de ne pas se suicider, au besoin en l’aidant à apaiser sa souffrance. C’est la logique des soins palliatifs, qui est celle qui préside à l’excellente loi Léonetti pour les personnes en fin de vie, loi votée à la quasi unanimité par l’Assemblée Nationale le 22 avril 2005, et que l’on ne connaît pas assez : refus de l’euthanasie, refus de l’acharnement thérapeutique.

A l’inverse, assister un candidat au suicide en lui faisant la courte échelle pour enjamber le pont, n’est en aucun cas une « aide » juste, mais une violation de l’interdit du meurtre, qui avec l’interdit de l’inceste, est fondateur de toute société humaine (cf. Claude Levi-Strauss). Je ne parle même pas des situations où ce n’est pas de l’aide au suicide, mais de décisions prises indépendamment du patient, de mettre fin à ses jours.

Je suis d’accord avec vous dans ce principe. Et je suis pour accompagner une personne jusqu’à la fin dans les meilleures conditions. Or, je faisais référence à des cas particuliers de personnes qui n’ont absolument plus aucun espoir et qui n’ont plus l’envie de vivre. Alors oui, en ce qui me concerne, je ferai tout pour le convaincre de renoncer à ce choix, mais je ne pourrais jamais condamner une personne qui veut abréger ses souffrances alors qu’elle se sait condamnée. Je suis tout à fait d’accord avec le droit au laisser mourir mais j’aimerai comprendre pourquoi on ne pourrait pas aider à mourir des personnes comme Vincent Imbert. Et j’aimerai avoir votre avis sur ce cas dont j’ai eu connaissance : un homme agé en soins palliatifs a un corps qui ne répond plus, et la seule chose qui le maintient en vie, c’est son pacemaker. Les medecins se refusent de le lui enlever car cela le condamnerait immédiatement, et ils pensent que l’on doit attendre que la pile soit completement usée. N’est-ce pas une atteinte à la loi Léonetti qui autorise le droit au laisser mourir, sachant que c’est en fait une machine qui le maintient en vie et non son propre corps? Ne devrait-on pas laisser cet homme partir en paix plutôt que de le maintenir en vie artificiellement alors que son corps en aurait décidé autrement ?

Moi non plus, je ne condamne pas la personne souffrante qui préfère abréger ses propres souffrances. Mais il y a un enjeu fondamental pour les soignants à refuser de collaborer activement à mettre fin à ses jours. Au contraire, ce qui est humanisant, c’est avec l’accord du malade, de tout faire pour réduire la souffrance physique via anti-douleurs, soins palliatifs… mais aussi d’accompagner le malade dans sa souffrance morale, qui est affaire de sens, de relation, de regard sur lui-même… et qui sera aggravée par la perspective qu’ouvrirait la légalisation de l’euthanasie, le fait qu’au-delà d’un certain seuil, la société considérerait que vous feriez mieux de disparaître, que vous avez perdu votre « dignité » d’homme. Comme homme et comme chrétien, je réaffirme que cette dignité est inaliénable, qu’elle ne peut lui être retirée, qu’elle lui vient du seul fait d’être homme, qu’elle ne dépend pas de son état de santé, de son QI, de la somme de ses qualités moins ses défauts…*

Le droit d’un patient à ce qu’on le laisse mourir peut certes aller jusqu’à accéder à sa demande de ne plus être alimenté, ou d’être débranché d’un respirateur artificiel… Mais cela n’implique pas le droit d’un soignant d’agir activement dans le but de provoquer certainement la mort, ce qui est la définition du meurtre. Ainsi les soins palliatifs peuvent impliquer d’administrer des substances pour calmer la douleur avec des effets secondaires (non voulus pour eux-mêmes) réduisant l’espérance de vie, mais elles ne peuvent être données dans le but de provoquer directement la mort. Ainsi, laisser un pacemaker est dans cette logique de ne pas provoquer directement la mort. Débrancher un respirateur artificiel est un cas limite, selon qu’on le considère ou non comme soin disproportionné et donc comme acharnement thérapeutique ou non.

Je marche sur des oeufs, car je ne suis pas spécialiste du sujet, qui requiert d’autres sources, par exemple d’Eglise ou de blogueurs.

* L’enjeu est le même sur les personnes handicapées, car il s’agit de travailler à leur intégration, à réduire souffrance physique (cf. leur rendre la vie plus facile…) et morale (cf. le regard porté sur eux, reconnaissant leur dignité, valorisant leurs richesses, notamment de coeur…), plutôt qu’à leur suppression, que ce soit de leur vivant (euthanasie pratiquée sur les handicapés par les nazis) ou avant leur naissance (IMG à fins de suppression des foetus handicapés). Et pour justifier cette suppression, on a toujours commencé par leur retirer leur « dignité » d’être humain.

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