Nature humaine 4 (chrétiens)

Réflexions chrétiennes sur la nature humaine

1. Les Pères de l’Eglise :

Les pères de l’Eglise s’appuieront sur cette conception de la nature « où l’homme se sent intégré dans son expérience intime au point de s’accorder à elle de mieux en mieux par l’exercice des vertus » [1]. Cependant, à l’inverse de la vision antique de la Nature comme cosmos régi par un Destin rationnel intangible, la pensée judéo-chrétienne dédivinise la Nature en la relativisant au Créateur, sans pour autant la déprécier, puisqu’elle est un « miroir de Dieu », qu’elle est créée pour l’homme, et donc bonne en tant que telle. Elle est impliquée avec l’homme dans la chute, et c’est en l’homme transcendant la Nature que réside l’issue du salut dont l’initiative revient d’abord à Dieu, puis à l’homme, parce que la nature de celui-ci ne désigne pas seulement sa biologie, mais davantage ce que sa raison lui permet de saisir comme aspiration au sens, à la vérité et à la vie. Plus ultimement, en s’appuyant sur la Révélation et au delà d’une théodicée qui ne dériverait que de la raison humaine, la finalité de l’homme est de participer à la vie divine, dans une dialectique d’assimilation qui dépasse les désirs de l’homme et ne peut résulter que d’une initiative divine : c’est là toute l’histoire du salut accompli en Christ.

L’anthropologie chrétienne voit en l’homme le seul être créé à l’image de Dieu. Etre spirituel et doté de raison, il est donc responsable de ses actes, contrairement aux êtres infra-humains que leurs instincts ou leurs « inclinations » poussent naturellement à agir selon les lois propres de leur espèce, de leur nature. Les lois naturelles, physiques, biologiques expriment pour les êtres irrationnels un déterminisme strict. L’homme en tant qu’animal subit également de telles inclinations naturelles, mais il les régule par sa liberté et sa raison, en tant que cette dernière est une participation à la lumière divine qui lui permet un discernement moral.

Chez St Augustin, la nature humaine est liée à la vie présente de l’homme, qui « n’est qu’une plaie ». La lutte pour satisfaire ses besoins, la fatigue physique, l’accablement moral – où l’homme fait le mal qu’il ne veut pas et ne fait pas le bien qu’il veut – font naître au coeur de l’homme une quête de bonheur dont il se rend compte qu’elle vise infiniment au delà de ce que sa condition finie, mortelle, contingente lui permet d’espérer. La nature humaine ne se comprend alors que sur fond de surnature. Elle ne peut être instance normative pour un agir moral qu’à condition d’être réordonnée par l’Evangile. Avec St Augustin, « ce qui correspond à la véritable nature de l’homme ne peut être connu que par les yeux de la foi. » [2] Gratien transposera la notion augustinienne de nature dans l’ordre du droit en faisant de la Révélation et non de la nature humaine le seul véritable principe directement normatif du droit. « Ce que la nature de l’homme ordonne vraiment à l’homme de faire ne se déchiffre que dans la foi et ne peut s’opérer qu’avec le secours de la grâce. » [3]

2. St Thomas d’Aquin :

Dans une visée plus métaphysique qui est celle d’une théodicée, St Thomas d’Aquin redonne un statut à la nature humaine vis à vis de la grâce, en s’appuyant sur Aristote, pour qui toute nature implique une finalité et donc une normalité de fonctionnement pour atteindre cette fin : « en un mouvement ascendant, l’univers est comme soulevé par une finalité qui le parcourt en toutes ses dimensions et le pousse à revenir vers Dieu, à remonter vers son auteur, pour en exprimer la grandeur, pour le louer et lui rendre gloire. » [4] La nature humaine chez St Thomas est ainsi caractérisée par sa finalité. Dans son traité sur la béatitude [5], il distingue la fin comme béatitude à atteindre, et la fin telle que celle-ci est ou non atteinte au terme des choix libres et volontaires que l’homme aura posés dans son existence concrète. Dans le premier sens, la fin comme désir de bonheur est inscrite dans la nature humaine de la même manière que toute nature est finalisée vers sa perfection, c’est à dire vers son bien. De ce point de vue, l’homme n’est pas libre de ne pas vouloir son bonheur. Dans le second sens de fin, on rend compte de la condition humaine faite de liberté et de conditionnements, et donc d’errements possibles [6].

Certains actes des hommes relèvent spécifiquement de la nature humaine : ce sont les « actes humains », qui dépendent d’une libre détermination de la raison. Un acte humain est alors ontologiquement bon s’il permet à l’homme d’atteindre la plénitude d’être typique à sa nature humaine. Ce qui est vrai de chaque être, à savoir que sa loi naturelle est la manière dont, selon sa nature et donc sa fin spécifiques il « doit » atteindre sa plénitude d’être, prend pour l’homme une dimension morale, car l’homme, de par sa liberté, est le seul être pour qui le verbe « devoir » peut avoir une signification morale. Agir bien, c’est agir comme un homme, c’est à dire conformément à la raison, et dans le sens d’une plus grande humanisation. La raison humaine est ainsi la mesure des actes humains, mais cette raison n’est pas considérée comme auto-suffisante, parce qu’elle a besoin de la réalité pour s’exercer, et parce qu’elle n’est qu’une participation à la raison divine ou éternelle. En effet, les situations humaines ont une dimension existentielle qui n’est pas contenue a priori dans la nature humaine – sans quoi ce serait nier la liberté de l’homme – mais la nature humaine et la loi naturelle se dévoilent à l’homme à partir de la confrontation de celui-ci avec la réalité en tenant compte de l’expérience accumulée dans l’histoire des hommes. Chaque situation nouvelle, chaque expérience nouvelle permet à l’homme de découvrir, dans une « connaissance par inclination » [7], un type de comportement conforme ou non à sa nature humaine, ce qui contribue à un développement croissant de la connaissance de la loi naturelle, sans exclure les risques d’erreurs. La loi naturelle n’est donc pas un code supposé écrit par la Nature dans le coeur de l’homme et qu’il suffirait de dérouler pour obtenir un modèle rationnalisable en système. Sa connaissance ne peut être qu’imparfaite et jamais achevée. L’histoire de la condition et de la conscience humaine est donc l’histoire de la découverte progressive des « inclinations » proprement humaines face aux différentes situations existentielles. Les groupes sociaux ou culturels les formalisent, les objectivent et les particularisent provisoirement en lois positives, ou en règles de « droit des gens » toujours imparfaites [8]. Alors que la loi naturelle relève de la nature humaine, inconnaissable comme elle, sinon progressivement et au travers des situations existentielles, les lois positives relèvent des particularités des groupes humains et de leur histoire contingente, et n’ont de valeur que relative à la loi naturelle, sans que le lien entre celles-ci et celle là puisse être établi déductivement ou une fois pour toute. La figure d’Antigone est là pour rappeler cette relativité des lois positives par rapport aux exigences de la conscience.

La nature humaine correspond ainsi à la notion d’essence humaine, transcendant le monde de l’expérience, tout en ne pouvant être perçue qu’à travers elle, par voie de connaissance non réductible à une raison déductive. Les exigences de la nature humaine ont alors force de loi, mais non directement sous la forme d’un ordre moral positif, parce qu’étant non-écrite, la loi naturelle ne crée pas immédiatement un ordre juridique ou un droit réel : ce sont les lois positives, à condition d’avoir été élaborées en consonance avec elle et au contact de l’expérience, qui créent des droits positifs, divers selon les groupes sociaux où elles naissent, et toujours susceptibles d’amélioration. On résout par là les conflits si délicats que génèrent les systèmes juridiques idéalistes – le nôtre en France actuellement – ou à l’inverse positivistes, entre la loi et la jurisprudence, entre la norme et le fait. N’est-ce pas là la meilleure traduction épistémologique du non arbitraire moral de l’agir humain, de ce qu’il y a de liberté et de raison en l’homme ?

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[1] « Réflexions sur les relations entre la philosophie et la théologie », Servais PINCKAERS, in Actes du congrès « Actualité de la Philosophie » 13-14 oct. 1989, NEL.

[2] article « Nature / Droit naturel », in Dictionnaire de Théologie, Wilhelm KORFF, Cerf 1988

[3] idem ci dessus.

[4] Philosophie de la Nature, Jean Marie AUBERT, Beauchesne 1965.

[5] Somme Théologique, Ia IIae, q. 1 à 5 (traité sur la béatitude)

[6] cf. introduction du traité sur la béatitude, par Jean Louis BRUGUES, (Somme Théologique, t2, Cerf).

[7] Jacques Maritain, commentant St Thomas, décrit ainsi cette connaissance mobilisée dans une situation existentielle : « La connaissance par inclination ou par connaturalité n’est pas une connaissance claire comme celle qui est obtenue par la voie des concepts et des jugements conceptuels ; c’est une connaissance obscure, non systématique, vitale, par mode d’instinct ou de sympathie, et dans laquelle l’intellect, pour former ses jugements, consulte les pentes intérieures du sujet, l’expérience qu’il a de lui-même, prête l’oreille à la mélodie produite par la vibration des tendances profondes rendues conscientes dans la subjectivité, tout cela pour aboutir à un jugement, non pas fondé sur des concepts, mais un jugement qui n’exprime que la conformité de la raison aux tendances auxquelles elle s’accorde. » (La Loi naturelle ou Loi non écrite, Jacques MARITAIN, Prémices, Editions Universitaires, Fribourg, 1986.)

[8] Par exemple, la confrontation des hommes avec le problème de la guerre a permis d’élaborer progressivement une doctrine de la légitime défense par la force militaire, où il faut à la fois :

– que le dommage infligé par l’agresseur soit durable, grave et certain ;
– que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés inefficaces ou impraticables ;
– que soient réunies les conditions sérieuses de succès ;
– que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux plus graves que le mal à éliminer.
Ces règles qui relèvent du droit des gens (jus gentium) n’ont pu être élaborées qu’à partir de l’expérience des guerres elles-mêmes et des inclinations de l’homme raisonnable confronté à cette expérience – et non d’un raisonnement rationnel et encore moins du déroulement d’une loi pré-écrite dans le coeur de l’homme. En cela elles n’ont qu’un caractère provisoire et sont appelées à un affinement dans l’histoire. (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2307 sq).
– que le dommage infligé par l’agresseur soit durable, grave et certain ; – que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés inefficaces ou impraticables ; – que soient réunies les conditions sérieuses de succès ; – que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux plus graves que le mal à éliminer. Ces règles qui relèvent du droit des gens (jus gentium) n’ont pu être élaborées qu’à partir de l’expérience des guerres elles-mêmes et des inclinations de l’homme raisonnable confronté à cette expérience – et non d’un raisonnement rationnel et encore moins du déroulement d’une loi pré-écrite dans le coeur de l’homme. En cela elles n’ont qu’un caractère provisoire et sont appelées à un affinement dans l’histoire. (n°2307 sq).

 

 

 

Nature humaine 5 (contestée par le sujet)

La nature humaine contestée par la notion de sujet

1. Du nominalisme à Descartes :

L’approche réaliste d’Aristote et de St Thomas d’Aquin devait être déformée dans le sens d’un rationalisme desséchant par la pensée scolastique du XIVème siècle, et induire la réaction contraire des « nominalistes ». La querelle des « universaux » met en effet en question la notion de nature-essence immanente aux individus : il n’y pas de nature ; il n’y a que des individus. Nous percevons des individus comme étant à tort d’une même espèce à cause de fausses ressemblances qui masquent des différences tellement radicales que le nom adopté pour désigner leur nature n’a qu’une valeur nominale, sans correspondre à rien de réel. C’est également par paresse de la perception que l’on rend compte de la régularité des générations intra-spéciès, sans voir entre deux fruits qui se ressemblent issus d’arbres qui se ressemblent les différences entre individus. Il en est de même de la notion de nature humaine, que l’on ne peut même pas réduire à sa dimension biologique. L’humanité n’a pas de réalité. Il n’y a que des hommes, et le nom commun « hommes » n’est même là que par facilité de langage. Ce refus persévérant de l’évidence vient chez Occam, de ce que pour lui, les lois naturelles ne dépendent plus de la raison divine à laquelle aurait pu participer la raison humaine, mais dépendent uniquement de la pure volonté de Dieu, qui est libre, donc arbitraire [1]. Dès lors, la réalité n’est plus intelligible et les recherches sur la nature humaine fonctionnent en circuit fermé, éventuellement cohérent, mais disjoint de la réalité. La sécularisation de la théologie nominaliste et volontariste d’Occam passe alors par Grotius et conduit jusqu’à Kant, via Descartes chez qui on trouve un « héroïsme du vouloir » [2] où le doute est un effort pour « dégager la pensée de tout contenu » [3], pour détacher le sujet de son objet « au lieu d’y adhérer et de ne faire qu’un avec lui ». L’autonomie du sujet – littéralement, le fait de se donner sa propre loi – passe par ce détachement. C’est tout le contraire de l’émerveillement aristotélicien devant la réalité, qui permet de la considérer à la fois comme régularité intelligible des natures et comme irréductibilité des substances à ce qu’on peut en connaître. Cet émerveillement qui est attachement et qui est amour permet de saisir la liaison intrinsèque qui existe entre nature et substances [4]. Chez Descartes au contraire, la 7certitude de la pensée pure n’est pas celle de l’essence de l’homme, et la liaison entre la conscience de soi permise par le Cogito et la nature de l’homme n’est réalisée que de manière extrinsèque par la médiation d’un Dieu bon garantissant l’adéquation de la pensée avec la réalité, par un « coup de force métaphysique », ou une chiquenaude divine initiale dont ses successeurs pourront se passer [5].

2. De Kant à l’existentialisme :

Désormais le pli est pris. Pour la pensée critique, la connaissance de la nature et de la nature humaine repose sur la législation de l’entendement humain et non plus sur l’observation de la réalité. Ainsi, il n’y a plus de nature au sens ontologique chez Kant puisque l’objet de la connaissance est construit par l’entendement humain. La mathématisation de la nature ne se prononce plus sur ce qu’est la nature. D’où une définition différente : « la nature est l’existence des choses en tant que déterminées par des lois universelles. » [6] Elle s’oppose à la liberté pratique, propriété d’agir d’après les lois que la volonté se donne à elle-même, ce qui conduit à nier l’existence d’une nature humaine puisque le spécifique humain est dans cette liberté pratique que l’homme éprouve par les règles, les lois, le droit qu’il se donne en se détachant de la nature, où règne l’ordre du fait et le déterminisme. « Nous ne pouvons pas plus nous demander ce qui doit arriver dans la nature que demander quelle propriété un cercle doit avoir. » [7] Au contraire, l’autonomie de la volonté humaine – qui chez Kant est la liberté – est absolue et remplace la volonté divine d’Occam dans une morale de l’impératif catégorique qui joue le rôle d’une sorte de loi naturelle : le sujet ne doit obéir qu’à lui-même en usant comme critère la possibilité d’ériger la « maxime » d’un acte, son motif, en maxime universelle. Cependant, la force apparente d’une telle formulation, n’est que celle d’une règle redondante, qui ne peut être que totalitaire ou aporistique (stérile) dans sa forme, analogue par exemple à celle sur la liberté – « la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ». Le XIXème siècle verra ainsi plusieurs tentatives infructueuses d’élaboration d’une axiomatique du droit sur la base d’une norme issue de cette raison pratique, et dont dépendrait la diversité des lois positives [8]. Le XVIIIème siècle s’était également passionné sur le rapport entre la raison et la liberté, entre les lois de la nature et le droit. Chez Kant, le droit est établi sans l’intermédiaire, voire contre les lois de la nature, suivant en cela la pente nominaliste d’Occam chez qui la liberté est liberté d’indifférence, de refus à l’égard des inclinations les plus naturelles comme la conservation de l’existence, l’aspiration au bonheur, l’adhésion à l’évidence. Dans cette lignée, Schelling et Hegel voient entre l’homme et la nature un rapport dialectique. La Nature est conçue comme incarnation de l’esprit : « il faut que la nature soit l’esprit visible, l’esprit la nature invisible » (Schelling). « L’homme est nécessairement en rapport avec la nature : toute évolution implique que l’esprit se dresse contre la nature et se réfléchisse en lui-même ; elle signifie une séparation de l’être spirituel qui se rassemble en soi en se dressant contre sa propre immédiateté, qui est justement la nature. » (Hegel) Dans la même veine, si ce qui est de l’ordre naturel est figé, « déterminé par des lois universelles », la revendication d’une liberté humaine conduit à l’ « humanisme intégral » de Sartre, où l’homme ne dépend que de lui-même, où sa liberté est capacité à s’arracher à ses causes ; à faire et en faisant, se faire ; à se recréer contre son passé et son immédiateté. Ainsi, « l’enfer, c’est les autres », en tant qu’ils m’objectivent comme destin à partir de mon passé, à partir des conditionnements qui pèsent sur moi, alors qu’au contraire, par existence, l’homme n’est pas voué. Il n’aurait pas de nature humaine au sens classique du terme, car il échappe toujours à la connaissance objective que l’on peut en avoir, ou qu’il peut avoir de lui-même. C’est d’ailleurs dans cet échappement, par l’engagement par exemple, qu’il est pleinement homme, ou plus rigoureusement, qu’il s’éprouve l’être. Il en est ainsi de l’expérience du Cogito : le sujet, en tant que lié à un corps est toujours en mouvement et le temps lui empêche une présence totale à lui-même. Mais le Cogito lui permet d’éprouver au moins cette forme d’auto-transcendance. De même, pour Jaspers, le moi existentiel est transcendant au temps et donc n’est pas objectivable. C’est alors une propriété du langage poétique (symboles, mythes…) que de pouvoir rendre intelligible ce qu’il y a de transcendant dans la conscience de l’existence.

D’où le paradoxe consistant à dire que ce qu’il y a de plus universel en l’homme, c’est qu’il soit sujet ; que sa nature, c’est son existence (son « être-dans-le-monde » ou « dasein »). « En aucun cas le sujet existentiel ne saurait être confondu avec un sujet biologique, sociologique ou psychologique comme l’envisage la connaissance objectivée » affirme Berdiaev [9] pour qui, après Husserl, la connaissance réelle ne résulte pas d’un face à face entre un sujet et un être extérieurs l’un à l’autre, mais d’une opération du sujet en lui-même conjointement avec l’être, dans une communion d’existences. L’objectivation n’en est qu’une dégradation à fins de communication sociale [10] : « objectiver c’est rationaliser en ce sens qu’on prend les produits de la pensée, substances, universaux et le reste pour des réalités ; quand elle objective et rationalise, la pensée reste en deçà de l’irrationnel et de l’individuel, c’est à dire de l’existence et de l’existant. » [11]

3. Retour à la nature humaine :

Si cette revendication s’oppose à juste raison à la réduction du sujet à une objectivation qui confondrait être et objet, alors que celui-ci est produit non existentiel du sujet connaissant, il n’en reste pas moins qu’une telle objectivation est possible, qu’une communication portant sur le général dans les êtres est réalisable et que l’homme a donc bien une nature, dussions-nous circonscrire l’importance de l’accès qu’elle permet à l’homme sujet. Il est en effet peu réaliste de faire supporter au seul langage – fût il poétique – ou au seul fonctionnement de l’entendement humain, l’origine des régularités qui rendent possible cette communication entre les hommes sur l’homme, même si celle-ci divague quelquefois ou laisse échapper la dimension existentielle du sujet. La réaction existentialiste se situe donc contre une objectivation totalitaire de l’humain dans l’homme, qui en prétende une intelligibilité rationnelle en lois universelles – biologiques, psychologiques, sociologiques, etc… – et qui correspond à la définition idéaliste ou rationaliste de nature humaine, comme celle de Kant. Elle rejoint au contraire la notion « classique » de nature humaine dans son double respect pour l’intelligible et l’existentiel dans l’homme, parce que cette notion comporte « à côté du matériel et du mécanique, un élément téléologique et formel – ce second sens étant le meilleur, et le premier étant, au fond, la négation même de l’idée de phusis » [12] L’individualisme nominaliste, l’expérience du Cogito, ou le moi existentiel de Jaspers traduisent le caractère insaisissable de la personne humaine. On ne peut rien en dire sans la trahir, ou plutôt, sans la manquer. Cependant, la personne n’est pas emmurée dans sa solitude. La communion des personnes, la réciprocité des consciences permettent une connaissance – au sens biblique du terme – qui est celle de l’amour, pour laquelle ce qui est dit de la personne, sans définir ce qu’elle est – présentement et ontologiquement – permet d’accéder à ce dont elle hérite et ce vers quoi elle est tendue, sans pour autant l’enfermer dans un conditionnement (son passé) ou un déterminisme (son avenir) absolus. La personne est plus que son passé, et son avenir lui appartient. La notion de nature humaine comme animal raisonnable assume cette double notion d’héritage et de finalité, dans au moins les deux dimensions biologiques et culturelles, dans une distinction sans confusion ni séparation avec la notion de personne humaine. On retrouve cette distinction chez les philosophes personnalistes du XXème siècle, pour qui la connaissance de l’humain dans l’homme n’est pas nécessairement une objectivation rationnelle et déductive de la personne, mais une étape de sa rencontre : « percevoir autrui, c’est commencer par rencontrer le masque naturel de sa personnalité et puis traverser ce masque dont les qualités peuvent être un obstacle mais aussi un instrument de notre perception. » [13] L’histoire de la notion de nature humaine part de cet équilibre aristotélicien et thomiste, précisant le statut et les limites de la connaissance de celle-ci, et s’infléchit, soit dans le sens d’une séparation entre nature et personne humaine, soit dans le sens matérialiste ou rationaliste d’une confusion entre les deux, au risque de nier toute liberté à la personne humaine.

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[1] Pour cela, cette vision de Dieu n’a plus rien de chrétien puisqu’elle ne se situe plus dans l’amour de Dieu désirant faire participer l’homme à sa divinité.

[2] Le doute cartésien est expérience de liberté ; c’est la volonté de dire non et de ne céder qu’à la plus totale évidence. ((6) Marxisme, Existentialisme, Personnalisme, Jean LACROIX, PUF, 1955.)

[3] idem (6).

[4] Jean Onimus décrit ainsi cette approche du réel, qui est celle de la connaissance par inclination de St Thomas : « Une essence concrète définit ce qu’il y a de stable et d’universel dans une réalité naturelle : les éléments de base autour desquels joue le hasard des instants vécus. On n’y accède ni par l’analyse (morale, chimique, physique) ni par quelques jeux d’abstractions philosophiques. On n’y accède que par la contemplation poétique, c’est à dire par un effort de participation, voire d’identification, par un don de soi répondant au don du réel. » (7) Essais sur l’émerveillement, Jean ONIMUS, PUF, 1990.

[5] « Le passage du « je pense » au « je suis » s’accomplissait sous la lumière de l’évidence, à l’intérieur d’un discours dont tout le domaine et tout le fonctionnement consistaient à articuler l’un sur l’autre ce qu’on se représente et ce qui est. Il n’y a donc pas à objecter à ce passage ni que l’être en général n’est pas contenu dans la pensée ni que cet être singulier tel qu’il est désigné par le « je suis » n’a pas à été interrogé ni analysé pour lui-même. (…) Tant qu’à duré le discours classique, une interrogation sur le mode d’être impliqué par le Cogito ne pouvait être articulée. » Michel FOUCAULT, (8) Les Mots et les Choses, NRF, 1966.

[6] Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science, 2ème partie, #14. Cette définition de la nature nous influence encore : c’est une définition analogue que Lévi-Strauss emploie dans l’opposition qu’il fait entre nature et culture.

[7] Critique de la raison pure, Eclaircissement de l’idée cosmologique d’une liberté en union avec la nécessité universelle de la nature, A547, B575.

[8] Ainsi de Hans Kelsen, théoricien autrichien du droit, dont plusieurs disciples se départiront finalement de l’idéalisme pour faire retour à la notion de loi naturelle.

[9] (9) Cinq Méditations sur l’existence, Nicolas BERDIAEV, Aubier, 1936.

[10] On retrouve là l’esprit nominaliste.

[11] idem (9).

[12] Vocabulaire technique et critique de la Philosophie, article « nature », André LALANDE, PUF, 1947.

[13] (10) La réciprocité des consciences, Maurice NEDONCELLE, Aubier, 1942.

 

 

 

 

 

 

 

 

Nature humaine 6 (contestée par la condition)

La nature humaine contestée par la notion de condition humaine

1. Approches rationalistes :

Si les approches décrites précédemment visaient à sauvegarder la liberté de la personne contre tout enfermement dans une « nature humaine » conçue comme réduction en lois universelles et rationnelles, d’autres approches s’inspirent d’une définition analogue de la nature humaine pour en tirer des conclusions inverses.

Pour Spinoza, il y a identité de la pensée et de la réalité. De cette approche extrême, on déduit que l’objectif du philosophe, comme de tout homme, est de comprendre la réalité comme ensemble où règne une nécessité absolue, sans contingence, ni liberté. La liberté humaine consiste alors à renoncer à une illusoire liberté, en comprenant le monde et soi-même comme Dieu le comprend. Cette mystique de la raison et de la nécessité rejoint celle née de la Renaissance où l’on parle de « religion naturelle » dans laquelle l’homme et l’Etat se substituent à toute transcendance, et les lois de la nature à toute loi révélée, en s’appliquant d’elles-mêmes quasi mécaniquement [1]. C’est l’optimisme de l’homme humaniste qui découvre de l’extérieur une loi universelle qui le régit et l’oriente « naturellement » – au sens mécanique du terme – vers son bien. La perspective rationaliste considérant que cette loi est accessible de manière purement rationnelle, invite l’homme à exercer sa liberté à la tâche de traduire cette loi universelle en loi positive, s’appliquant à tous les hommes, puisque pré-écrite dans les coeurs humains comme un code tout prêt de Droit, connaissable une fois pour toutes par une raison libérée des coutumes particulières, de l’histoire et de la tradition. La société politique qui s’en déduit sera alors un ordre rationnel parfait. « Une bonne loi est bonne pour tous, comme une proposition vraie est vraie pour tous ». On devine de quels totalitarismes est porteuse cette affirmation de Condorcet !

John Stuart Mill a critiqué dans « Nature » (1874) ce passage trop facile de l’ordre du fait – les lois de nature – à l’ordre du droit – les lois positives [2]. De même, Roland Barthes a vu dans la notion de nature universelle transformée en norme, le « ce-qui-va-de-soi » d’une culture « petite bourgeoise » faisant de la culture d’autrui un phénomène pathologique et anormal.

2. Marx :

En dépit de ces remarques, la réduction rationnelle de l’humain en lois universelles continue d’exercer sa séduction sur l’esprit humain en quête de ce qui conditionne l’homme, au risque de faire disparaître le sujet. Conditionnement économique tout d’abord : pour Marx, « les hommes font librement l’histoire dans des conditions déterminées ». Le pluriel des « hommes » marque non seulement l’universel, mais surtout le rôle mineur du sujet comme relatif à la classe dont il fait partie. Le conditionnement économique est tel que la liberté dont il est question est celle du comportement à adopter en l’absence de choix, puisque, à l’inverse de l’existentialisme qui est une philosophie de l’engagement, l’homme chez Marx n’a pas à s’engager : il est engagé, qu’il le veuille ou non. « Le marxisme n’est qu’une libre participation à une dialectique de la nécessité (…) et libre non certes de la créer ou de l’arrêter, mais de l’agir en quelque sorte en la connaissant ou de la subir en l’ignorant. » (Jean Lacroix) [3] Certes, « dans le communisme, l’intégration de l’individu à la société est telle que liberté individuelle et nécessité sociale coïncideront. » [4] Il y a donc dans le marxisme l’affirmation que l’essence de l’homme ne se réalise que dans une personne communautaire en communion avec les autres. Cependant, l’homme présent, lui, n’est pas encore pleinement homme. La nécessité qui s’exerce sur l’homme dans son histoire par le travail et la lutte des classes, ne pèse que dans la période douloureuse de gestation de cette humanité communiste désaliénée, réconciliée avec elle-même et avec la Nature. En attendant, l’homme concret pré-communiste vit un conditionnement tel que même la compréhension du sens de l’histoire que le marxisme lui donnerait ne lui permet pas de se déterminer ou de se comprendre lui-même, mais tout au plus de comprendre ce qu’il doit faire en fonction de ce qui va lui arriver. En confondant l’homme et son histoire, Marx résout le problème de la norme et du fait en résorbant tout dans le fait : la lutte des classes est un fait. Les valeurs, la culture qui pourraient rendre compte de l’humanité de l’homme d’aujourd’hui ne sont que superstructure idéologique dérivée des conditions de production. « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, mais leur être social qui détermine leur conscience. » L’homme n’a donc pas de nature au sens ontologique, parce qu’il est en gestation et qu’il n’est que ce que sa condition produite par le travail humain détermine. Si l’homme se produit lui-même par le travail humain, il ne se reçoit ni par héritage biologique ou culturel, ni par descendance, ressemblance ou attirance vers une transcendance. Ainsi, considéré de l’intérieur, le marxisme exerce la séduction d’une philosophie qui prétend assurer à la fois la description positive des faits tels que les produit l’histoire et qui ne seraient fonction que des rapports économiques entre des « hommes » qui ne le sont pas encore pleinement, mais aussi une eschatologie qui prévient de questionner l’homme réel d’aujourd’hui sur ce qu’il est, en détournant son aspiration au sens vers cet avenir de l’histoire, cette fin de l’historicité qu’est l’avènement de l’homme nouveau communiste. Dans ce système où chaque génération n’est qu’instrument de progrès pour l’avènement de la génération future, la personne humaine perd toute dignité, sinon celle d’être moyen pour l’avenir et de n’être significative qu’historiquement et qu’en tant qu’individu d’une classe, d’une multitude.

3. Sciences humaines et structuralisme :

Déjà Pascal avait noté que la nature de l’homme peut se considérer soit selon sa fin, « et alors il est grand et incomparable » soit selon la « multitude », c’est à dire en la décrivant à partir d’une moyenne statistique tirée des comportements du grand nombre, « et alors l’homme est abject et vil. » [5]. C’est la tentation des « sciences humaines » dont Michel Foucault décrit la genèse » [6] et qui procèdent d’une approche découvrant la finitude de l’homme, non dans son rapport à l’infini ou à une transcendance qui – seule pourtant – rend compte du mystère de la personne humaine et donc de son impossible connaissance par mode rationnel objectif, mais dans un discours où l’homme, de l’intérieur de sa vie, de son travail, de son langage, se représente la vie, le travail, et le langage comme objets d’un savoir fini [7] : avec Cuvier, Ricardo et Bopp, qui assurent la mutation de la pensée classique de « représentation » (passage de l’histoire naturelle, l’analyse des richesses, et la réflexion sur le langage, à la biologie, l’économie, et la philologie), « l’expérience qui se forme au début du XIXème siècle loge la découverte de la finitude, non plus à l’intérieur de la pensée de l’infini, mais au coeur même de ces contenus qui sont donnés, par un savoir fini, comme les formes concrètes de l’existence finie. » [8] Il y a là un discours de l’homme sur ses propres représentations, dont la circularité n’est pas sans analogie avec celle du Cogito, mais qui procède d’une intention contraire : Descartes s’éprouve comme être dépassant son immédiateté par le dégagement de sa pensée de toute représentation. Le sujet par là même se découvre comme échappant à tout discours sur le monde et a fortiori sur lui même ; conclusion en forme d’aporie, mais qui révèle à l’homme qu’il est mystère. Marcel Mauss, Claude Lévi-Strauss et les structuralistes au contraire épuisent en l’homme par objectivation l’ensemble de ses représentations, y compris celles inconscientes où aurait pu se loger sa part d’inconnaissable. Mais cette objectivation passe par un discours réflexif où, dans la combinaison d’objectivité et de subjectivité présente en l’homme, le sujet aurait la capacité de se regarder lui-même et de réduire toujours davantage la part de subjectivité en lui. L’homme « total », y compris l’inconscient, ce « social subjectivé », pourrait ainsi être dévoilé par la psychanalyse (objectivation du moi subjectif) ou par l’ethnologie structurale (objectivation de l’ « autre » subjectif). Par exemple, en assimilant ce qui est de l’ordre de la nature à ce qui est spontané ou universel, et l’ordre de la culture à ce qui est règle ou norme, Lévi-Strauss voit dans la prohibition de l’inceste, fait et règle à la fois, la seule règle sociale dont le contenu soit universel, obligeant donc les hommes à communiquer et fondant par conséquent le passage de la nature à la culture [9]. Il « met en relief l’aspect de système des diverses dimensions culturelles de la vie humaine, et cherche dans ces systèmes moins la trace du passage de la nature à la culture que l’élément auquel est dévolu le rôle de commutation » [10]. Sa méthode de travail peut être illustrée par son commentaire de la notion de « fait social total » chez Mauss [11] : l’ethnologue en situation d’immersion dans un milieu culturel différent du sien accède à la fois à l’objectivité de l’analyse sociologique extérieure et à la subjectivité de son expérience intérieure. Il réconcilie ces contraires que sont le psychologique et le social en faisant du premier expérimenté individuellement le moyen de vérification du second, dans la mesure où il peut objectiver à l’infini sa propre subjectivité en s’éprouvant lui-même. On pense au vers de Valéry : « je me vois me voyant et me voyant me voir » ! Le problème est que cette démarche, analogue à celle de Hegel [12], relève d’un vice de raisonnement : un passage à la limite abusif dans un discours autoréférentiel.

4. Retour à la nature humaine :

Le structuralisme apparaît ainsi comme un ultime effort d’évacuation du sujet, où celui-ci, constatant l’existence de structures dans le savoir objectif qu’il constitue sur ce qu’il pense de lui-même, pense finalement n’être que l’intersection des systèmes qui l’enserrent et le dépassent, puisque la subjectivité peut être réduite à rien. Au coeur de cette entreprise qui se veut une démystification du sujet et qui aboutit à cette « mort de l’homme » évoquée par Foucault et rappelée par Maurice Clavel [13], il y a la prétention à confondre le sujet s’objectivant et objectivant ses conditionnements, et le produit de son objectivation, alors même que c’est dans cette distance, aussi infime soit-elle du point de vue de l’objectivation rationnelle, que réside le mystère de la personne. Le mérite des sciences humaines, de Marx, de Freud est de mieux circonscrire ce mystère de l’extérieur, en nous épargnant de le chercher là où il n’est pas : il n’est ni dans la dialectique des besoins économiques, ni dans l’activité fabricatrice, ni dans les replis intimes de l’inconscient, ni dans le chatoiement des cultures et des symboles, mais il est ce qui donne justement à chacun de ces aspects de la condition humaine leur coloration proprement humaine. De même qu’ « affirmer l’existence d’une loi naturelle, c’est dire que la conscience humaine est capable de critiquer tout droit positif et qu’en certains cas c’est une obligation » [14], de même la notion de nature humaine demeure, non pas comme le contenu universel de ce qui est objectivable en l’homme, mais comme le rappel que l’homme dépasse toute objectivation, psychologique ou culturelle, et qu’une objectivation de l’homme ou de ses conditionnements – et la culture en est un des plus radicaux – manque sa cible si elle n’ouvre à l’émerveillement devant le mystère de la personne humaine. Comme le rappelle un grand expert en humanité, « le progrès même des cultures montre qu’il existe en l’homme quelque chose qui transcende les cultures. Ce ‘quelque chose’ est précisément la nature de l’homme : cette nature est la mesure de la culture et la condition pour que l’homme ne soit prisonnier d’aucune de ses cultures, mais pour qu’il affirme sa dignité personnelle dans une vie conforme à la vérité profonde de son être. » [15]

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[1] « Cette loi [de nature] est commune à tous les hommes et leur est innée du fait même de leur humanité. C’est elle qui les unit d’un amour réciproque, ignorante de la division, cause et origine de toute haine et des plus grands maux. Elle est une maîtresse qui distingue le juste et l’injuste, le laid du beau. Tout ce qui est bon dans la loi de Moïse ou dans n’importe qu’elle autre, la loi de nature le contient en elle à l’état achevé. » Uriel Da Costa (1585-1640) cité en (1) p. 30.

[2] « En termes kantiens, c’est par un vice de subreption que la norme se trouve résorbée dans le fait. » (11) article « nature et culture », Françoise ARMENGAUD in Encyclopaedia Universalis.

[3] idem (6).

[4] idem (6).

[5] Pensées, Blaise PASCAL, éd. Brunschvicg, n°415.

[6] (8) Les Mots et les Choses, Michel FOUCAULT, NRF, 1966.

[7] « les sciences humaines ne sont pas analyse de ce que l’homme est par nature mais plutôt analyse qui s’étend entre ce que l’homme est en sa positivité (être vivant, travaillant, parlant) et ce qui permet à ce même être de savoir (ou de chercher à savoir) ce que c’est que la vie, en quoi consistent l’essence du travail et ses lois, et de quelle manière il peut parler. » (8) p. 364.

[8] idem (8), p. 327.

[9] Les structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss, 1948.

[10] Françoise Armengaud, cf. (11).

[11] (12) Sociologie et Anthropologie, Marcel MAUSS, PUF, 7ème éd. 1980, introduction de Claude LEVI-STRAUSS.

[12] voir citation plus haut.

[13] « [l’homme] meurt, comme nous l’avait annoncé Nietzsche, comme nous le confirment nos anthropologies qui partout ont dissous ou débusqué le sujet, ne nous laissant plus même la ressource de dire ‘je’ avec un semblant de fondement. » Maurice CLAVEL, (13) Dieu est Dieu, nom de Dieu !, Grasset, 1976. Clavel décrit là l’individu humain d’occident qui, collectivement, par choix culturel, a cru devoir et pouvoir tuer Dieu en lui, se produire en s’incorporant au monde et s’attribuer la source de toute vérité : cet « homme » là finit par s’écoeurer lui-même, se perdre à son vide et mourir.

[14] (14) L’esprit de la loi, André MANARANCHE, Seuil, 1977, p. 152.

[15] (15) encyclique Veritatis Splendor, Jean-Paul II, n°53

 

 

 

Nature humaine 7 (conclusion provisoire)

Conclusion provisoire

Qu’est-ce que l’homme ? La question fondamentale de la philosophie, des sciences humaines et de l’anthropologie ne cesse de se poser de manière nouvelle. La conscience aiguë de notre liberté nous fait soupçonner que l’homme échappera toujours à toute objectivation qui le réduirait à un concept universel, à une structure ou aux conditionnements qui peuvent l’affecter : l’homme passe l’homme. L’histoire de la pensée est celle des variations autour d’un mystère humain qui exerce sa séduction sans jamais épuiser les attentes de la raison qui l’interroge.

La première attitude devant la question du « qu’est-ce que l’homme ? » est cependant celle qui cherche à lui donner une réponse. Mais l’homme qui pense son humanité, découvrant sa qualité d’être libre et raisonnable au terme d’un examen qui le distingue des autres êtres inanimés ou vivants, se trouve tenté de forcer son investigation dans ces deux directions de la liberté et de la raison.

Insister sur la liberté de l’homme, sur son irréductibilité à toute conceptualisation conduit à un changement de perspective mettant en cause la possibilité même de poser la question « qu’est-ce que l’homme ? » Si aucune caractérisation universelle, d’ordre biologique, psychologique ou sociale ne convient à définir l’être humain dans chaque homme, peut on encore parler d’humanité ou de nature humaine ? Même une perspective téléologique qui, par respect pour l’auto-transcendance de l’homme, invoquerait une finalité, une vocation pour l’homme, se trouve être niée, comme aliénant l’homme à un destin inscrit ou non en lui. Les philosophies existentialistes poussent ce primat de la liberté jusqu’à un humanisme intégral et paradoxal à la fois car refusant toute nature humaine – essence.

Au contraire, l’affirmation de la raison, éventuellement conçue comme auto-subsistante, conduit à chercher les lois universelles de la nature humaine, d’abord dans une perspective éthique, puis scientifique, et enfin par les voies des « sciences humaines » qui traquent les illusions du Moi, du sujet, et identifient ce qu’il y a de conditionné dans nos comportements, libres en apparence seulement. A nouveau, la notion de nature humaine se trouve comme vidée de contenu et on lui préférera celle de condition humaine. La psychanalyse, les sciences de l’éducation, la sociologie vont dans ce sens. L’anthropologie structurale l’accentue encore.

Ces deux versants de la philosophie contemporaine dont l’existentialisme et le structuralisme sont les archétypes pensent mettre en question la notion « classique » d’essence ou de nature humaine. L’analyse qui précède montre qu’ils peuvent constituer au contraire le développement même du programme philosophique contenu en elle : non une définition totalisante et rationnelle de « l’homme » que l’on pourrait connaître définitivement, mais une heuristique à une anthropologie qui, pour n’être qu’apophatique, requiert un cadre qui situe l’homme dans son auto-transcendance, dans sa relativité à autrui, et sa capacité à fonder une morale qui tienne compte de l’expérience de ceux qui l’ont précédé. Après Kant, on reconnaîtra que la question « qu’est-ce que l’homme ? » procède d’une confusion entre l’empirique et le transcendantal. Affirmer alors que l’homme passe l’homme, que son identité individuelle ne saurait être comprise qu’en communion avec autrui (cet autre être qui participe de la même « humanité » que lui) laisse sourdre un appel à la raison même, l’invitant à laisser ouvert le mystère humain, non dans toutes les directions, mais dans celles que confusément peut-être encore l’homme perçoit comme conforme à la dignité de sa nature humaine.

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Créer un site internet de A à Z

(mise à jour 6/3/2021 : l’hébergeur gratuit livehost.fr ne fonctionne plus ; le tutoriel reste valable, mais en changeant d’hébergeur gratuit)
(mis à jour le 7/10/2014 : document téléchargeable sur
http://tinyurl.com/wordpress-tuto)

De quoi avez-vous besoin ?

– une connexion internet haut-débit.

– un email valide et accessible facilement, si possible en en créant un sur un webmail comme yahoo.fr ou gmail.com… en lien avec le futur nom du site.

– Le Bloc-notes de Windows (à trouver dans le menu Démarrer de Windows dans Programmes/Accessoires)

– le logiciel Filezilla, à télécharger ICI pour tout système d’exploitation, ou ICI (pour Windows XP), ou éventuellement sur le site d’origine (en faisant attention à refuser d’installer d’autres logiciels qui vous seront proposés pendant l’installation). Filezilla servira à transférer des fichiers depuis votre disque dur vers votre hébergeur de site.

Vue d’ensemble

Le site que nous allons créer sera administré par WordPress, un CMS (content management system) à télécharger (au format zip) sur http://fr.wordpress.org/ et qui permet de distinguer les données (textes, images, liens, etc… stockées sur une base de données MySQL) et leur mise en forme (thème, feuille de style stockées dans le CMS) : on peut ainsi changer le look du site, sans toucher aux articles et pages.

Pour accueillir le CMS et la base de données MySQL, il faut un compte sur un hébergeur, qui peut être payant comme ovh.com ou 1and1.fr qui proposent pour 2 à 10 € par mois un service sans publi­cité, et un nom de domaine en « .fr ». Mais pour débuter dans la création de sites web, nous préférons un hébergeur gratuit comme http://www.livehost.fr/ avec très peu de publicité en bas de page du site, mais facilement désactivable (au moyen notamment d’Adblock pour Chrome, Internet Explorer, Sa­fari ou Firefox) et un nom de site en « .livehost.fr ». Cet hébergeur est gratuit mais demande en fait 1,50 € au démarrage pour s’inscrire (via un simple SMS permettant d’obtenir un code d’inscription). livehost.fr est un suffixe un peu compliqué pour votre site, mais le nom de site lui-même pourra être simplifié grâce à une adresse de redirection en « .fr.cr » (voir plus bas).

 

Voilà ci-dessous détaillées les 10 premières étapes, les plus fastidieuses, pour héberger CMS et base de données MySQL. Une fois cela fait, c’est plus facile et vous pourrez continuer seul avec des tutoriels bien faits pour la partie « créativité » de la conception de sites web.

A- 10 étapes de « bidouillage » un peu fastidieux, mais que l’on ne fait qu’une fois !

(1)   Ouvrir un compte sur http://www.livehost.fr/ : cliquer sur inscription et fournir un pseudo (en lien avec le futur nom de votre site), un mot de passe (plus de 8 caractères), un email valide puis recopier les caractères indiqués, puis « M’enregistrer ». Aller sur votre email retrouver le mail de « Bienvenue sur livehost ! » et activer votre compte en cliquant sur le lien http://www.livehost.fr/activation.php?key=etc… Cliquer ensuite sur « ICI » pour accéder à votre compte livehost.

(2)   Dans la colonne de gau­che, cliquer sur « Mes coordonnées », puis « Modifier mes coordon­nées » pour les renseigner exactement et « Valider ». Rq : la mention de votre adresse postale est légalement obligatoire. Ensuite, cliquer sur « Créer un nouveau site ». Donner alors un nomdesite (court, uniquement en minuscules, sans accent, ni espace, ni ponctuation, ni caractères spéciaux), et un mot de passe, si possible le même que celui de l’étape (1) ; cliquer sur « Créer un site web », puis sur « Ok ». Ouvrir le Bloc-notes de Windows et y copier-coller les informations de Connexion FTP (elles sont sous la forme : Hôte : ftp.livehost.fr Port : 21 identifiant : nomdesite_autrescaracteres). Notez aussi le mot de passe que vous avez choisi et laisser le Bloc-notes ouvert.

(3)   Dans la colonne de gauche, cliquer sur « Créer une nouvelle base de données ». Donner alors un nom à cette base, si possible le même que celui du site (uniquement des minuscules, sans accents, ni espace, ni ponctuation, ni caractères spéciaux), et un mot de passe, si possible le même que celui de l’étape (1) et (2) ; cliquer sur « Créer la base de données ». Une fois la base de données créée, cliquer sur [Gérer cette base de données], et copier-coller dans le Bloc-notes de Windows, sous les informations de (2) les informations de Connexion Mysql (elles sont sous la forme : Hôte : localhost Nom de la base : nomdesite_autrescaracteres identifiant : nomdesite_autrescaracteres). Notez aussi le mot de passe que vous avez choisi et laisser le Bloc-notes ouvert. Attention : le nom de l’hôte ou de l’identifiant de connexion FTP en (2) ne sont pas les mêmes que le nom de l’hôte et de base de données de connexion Mysql en (3) !

(4)   Après avoir dézippé le fichier wordpress-etc.zip (cf. clic droit, extraire tout…) dans un répertoire directement dans Mes documents, aller dans le dossier wordpress y trouver le fichier wp-config-sample.php. Le renom­mer en wp-config.php. Clic droit, ouvrir avec…, Bloc-notes, Ok pour l’ouvrir. Pour le lire correctement, cliquer sur « Format », « Retour automatique à la ligne ».

(5)   Rechercher dans ce fichier texte (touffu !) les 3 parenthèses : (‘DB_NAME’, ‘votre_nom_de_bdd’), (‘DB_USER’, ‘votre_utilisateur_de_bdd’) et (‘DB_PASSWORD’, ‘votre_mdp_de_bdd’). Remplacer alors les expressions votre_nom_de_bdd et votre_utilisateur_de_bdd (selon la version de WordPress, cette expression peut être légèrement différente) par le Nom de la base que vous aviez collé dans le Bloc-notes en (3). Attention, ce n’est pas l’Hôte ou l’identifiant en (2) qui correspondent plutôt aux informations de connexion FTP qui serviront en (6) ! Remplacer votre_mdp_de_bdd par le mot de passe noté en (3). Attention : bien laisser les apostro­phes encadrant ces remplacements et vérifier que la parenthèse (‘DB_HOST’, ‘localhost’) y est bien. Cliquer sur Fichier, Enregistrer, puis fermer ce fichier wp-config.php.

(6)   Après avoir téléchargé puis installé le logiciel Filezilla, le lancer. Renseigner les 4 plages Hôte [ftp.livehost.fr], Identifiant, Mot de passe et Port [21], avec les informations de connexion FTP que vous aviez collées dans le Bloc-notes en (2), puis cliquer sur « Connexion rapide ». Si tout fonctionne, il devrait y avoir des infos en noir, bleu ou vert dans le cadre juste en dessous des informations de connexion. En bas, en colonne de droite, figure alors le dossier d’hébergement sur livehost.fr. S’il y a du rouge, c’est que votre connexion a échoué.

(7)   En colonne de gauche, dans le cadre du haut (« site local »), rechercher dans l’ar­bre des dossiers, le dossier word­press où se trouvent les fichiers wp-etc… (Si le dossier wordpress est sur le bureau, il vous faut aller à C:/Utilisateurs/votre_nom/bureau ou C:/Users/votre_nom/bureau…) Vérifiez notamment que le fichier wp-config.php apparaît dans le cadre sous l’ex­plorateur. Cliquer gauche sur un des fichiers de ce cadre, Ctrl-A au clavier pour sélectionner tous les fichiers, puis glisser-déposer ces fichiers dans le ca­dre juste à droite. Le transfert du mil­lier de fichiers du CMS wordpress a lieu vers l’hébergeur livehost.fr, et on peut en suivre l’avancement dans le ca­dre du bas. Cela dure quelques minu­tes, selon le débit de votre connexion internet.

(8)   Sur votre navigateur internet (Chrome, Internet Explorer, Firefox…), ouvrir un nouvel onglet et aller sur le site http://nomdesite.livehost.fr/wp-admin – pour cela, copier-coller ce texte dans la barre d’adresse de votre navigateur internet, et sans quitter cette barre, remplacer nomdesite par le nom exact de votre site (cf. (2)).

(9)   La page de bienvenue de votre CMS WordPress s’ouvre. Donner un nom de site en toutes lettres (avec possibilité d’utiliser majuscules, accents, espaces, caractères spé­ciaux, etc…). Changer l’identifiant « admin » en un iden­tifiant personnel en lien avec le nom du site – à copier-coller sur votre Bloc-notes, puis indiquer un mot de passe (pour accéder au CMS via internet) si possible le même qu’en (1), (2) et (3), et votre adresse mail, puis cliquer sur « Installer WordPress ».

(10)    Vous accédez alors au cadre d’entrée ou de login de votre CMS WordPress. Entrer l’iden­tifiant et le mot de passe, notés dans le Bloc-notes en (9). Si vous êtes sur un ordinateur sûr, cocher « Se souvenir de moi » et acceptez que votre navigateur internet « enregistre le mot de passe ». La page qui s’ouvre : http://nomdesite.livehost.fr/wp-admin/ doit être gardée dans vos favoris : elle est votre « tableau de bord » et désormais votre unique porte d’entrée à l’administration de votre site. La partie « bidouillage » est terminée !

B- Enfin créatifs…

C’est maintenant plus facile, et plus intéressant… puisqu’il s’agit d’explorer soi-même le « tableau de bord » avec toutes les facettes de la création de votre site internet. La suite du tutoriel est sur les multiples tutoriels expliquant comment se servir de WordPress. Vous y trouverez comment :

 

  Utiliser et régler le « tableau de bord ». Vous aurez à alterner entre le tableau de bord et le site tel qu’il est vu par les autres, moyennant clic gauche sur le premier lien en haut à gauche (juste à droite du W dans le coin supérieur). Mieux, en appuyant sur la touche CTRL, et en cliquant sur ce lien, un nouvel onglet apparaît : le site et son tableau de bord sont côte à côte.

  Changer l’apparence du site, et notamment du « thème » (Apparence/Thèmes) pour la mise en forme globale du site, parmi les centaines de thèmes téléchargeables (cf. http://wordpress.org/themes/). Choisir un thème « responsive », c’est-à-dire qui s’adapte au format de l’écran (smartphone, tablette, ordinateur).

  Utiliser les « widgets » (cf. Apparence/Widgets pour enrichir votre site web par des petits programmes comme : agendas, flux rss (servant à importer des données d’actualité venant d’autres sites internet émettant régulièrement de nouvelles infos), liste d’articles, ou texte libre (enrichi grâce au langage html, facile à apprendre et dont un tutoriel se trouve sur : http://fr.html.net/tutorials/html/)

  Rédiger Pages (informations stables, accessibles via menu) ou Articles (informations d’actualité, accessibles comme dans un blog dans l’ordre chronologique inverse, avec possibilité de mettre en avant certains articles). Deux modes sont proposés : « Visuel » ou « Texte » (cf. onglet en haut à droite du cadre d’édition de la page ou de l’article). Le mode « Texte » permet d’écrire en html, bien pratique pour aller plus loin dans la présentation de vos textes et images, et même vos vidéos (grâce aux boutons « share » ou « partager », et « embed » ou « intégrer » sur une vidéo Youtube, pour en insérer le code html : <iframe width= »560″ height= »315″ src= »//www.youtube.com/embed/######### » frameborder= »0″ allowfullscreen></iframe>).

  Enrichir votre tableau de bord de nouvelles Extensions/ajouter (ou « plugin » en anglais), notamment les plus utiles : Jetpack (le « couteau suisse » de WordPress, qui requiert une inscription sur le site de WordPress.com) et Ultimate TinyMCE (améliorant le traitement de texte pour pages et articles).

  Créer votre image d’en-tête (cf. Apparence/En-tête), en vous servant de Google pour trouver des images à assembler, modifier, découper… sur Gimp, un super logiciel de dessin, à télécharger sur http://www.gimp.org/.

C- Faire connaître votre site

L’adresse de votre site en http://nomdesite.livehost.fr n’est pas très pratique à retenir et à transmettre aux autres. Grâce au site azote.org, vous pouvez créer gratuitement et sans publicité une adresse de redirection directe en nomdesite.fr.cr, ou si vous préférez en .fr.nf, .asso.st, qui ressemblent presque à un nom de domaine en .fr, certes plus court mais payant.

 

Les sites et blogs que j’ai créés ont ainsi pour adresses :

http://ndhs12.fr.cr, http://sbes.fr.cr, http://textala.fr.cr , http://vocations12.fr.cr

 

 

p. Raphaël Bui

rbui12@yahoo.fr – 06 12 31 46 00

 : Raphael Bui