Des textes de réflexions de Michèle Barnabé, bénévole au Secours Catholique de Capdenac-gare, Notre-Dame d’Olt et Diège
NOTRE-DAME BRÛLE…
…et nous sommes tous Quasimodo : on retient son souffle dans un silence impressionnant. Veillée par les Parisiens, inquiets, soutenue par les pompiers, héroïques, la vieille dame, joyau de l’art gothique, résistera toute la nuit dans un rougeoiement de flammes dansantes. Au petit matin, le soleil levant dévoile, noircie, blessée, mutilée, sa silhouette cruciforme toujours arrimée à ses deux tours, solidement ancrée au cœur de la Cité, au milieu des hommes. L’épreuve du feu ! …quand elle n’est pas destructrice, elle est purificatrice et révélatrice du mieux, du simple écobuage au creuset en fusion ou même au bûcher de l’holocauste ; et en effet, elle relève de l’offrande rituelle, l’image forte de la flèche qui se brise dans une gerbe d’escarbilles au sein de l’incandescence tout comme celle, magique, éblouissante, de la croix de l’autel, miraculeusement épargnée. Lundi 15 avril, début de la Semaine Sainte ; dans ce lent processus d’indifférence et de déchristianisation qui peut être meurtrier (on pense aux centaines de victimes au Sri Lanka), l’incendie de la cathédrale nous interpelle (comme le fut Moïse interloqué face au buisson ardent) : Point de non-retour ? Dernier recours ? Ou appel au secours du monde profane déboussolé au Dieu Sauveur juste avant sa Passion et sa Résurrection ? Notre Dame redevient alors Marie, mère de Jésus qui, douloureuse au pied de la croix, intercède pour nous auprès de son Fils ; discrète mais ô combien présente, elle est prête à réitérer avec nous le miracle des noces de Cana : « Faites ce qu’Il vous dira » nous souffle-t-elle. Saurons-nous l’entendre ? (10/5/2019)
LE DROIT A S’AMÉLIORER
Le droit à s’améliorer… c’est Robert Badinter, en citant Victor Hugo, dans la Préface du « dernier jour d’un condamné », qui évoque ce droit fondamental, le droit à devenir meilleur ; le rôle de la justice humaine, dit le poète citoyen, est, « non de se venger ni de punir, mais de corriger pour améliorer ». C’était au milieu du XIXe siècle, aux temps héroïques de la guillotine et de la peine de mort. De nos jours, on critique, on juge facilement, on condamne tout aussi aisément, avec des propos et des gestes violents, voire haineux. Sous couvert d’anonymat et en toute impunité, Internet et les réseaux sociaux ne s’en privent pas et, devant le spectacle de certaines catastrophes, des voix sinistres crient vengeance et exigent des sanctions maximales, y compris la peine de mort, ce châtiment radical, définitif qui dénie à tout condamné la possibilité de se racheter, son droit au pardon, à une 2e chance. Pourtant, c’est tous les jours qu’on réclame indulgence pour soi comme un dû : « Pardonne-nous nos offenses… », en oubliant volontiers la suite « …comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Et on s’en prend même à Dieu : « Comment permet-Il cela ? » entend-on. Mais Dieu n’est ni un gourou ni un garde-fou ; c’est un père aimant et, à ce titre, Il nous fait le plus beau des cadeaux, la liberté, cet autre droit fondamental, qui s’arrête là où commence celui de l’Autre, et, par là même, nous responsabilise et nous engage auprès de cet Autre. Et si on la revendique, à cor et à cri, cette liberté de faire ce que l’on veut, ne pense-t-on pas trop souvent que l’Autre, parce qu’il a ce même droit, nous limite, nous dérange ? Avant de juger tel ou tel en soupçonnant en lui le comédien et le roublard, n’ai-je pas besoin de me remettre en cause ? Je vois « la paille qui est dans son œil » et je ne vois pas « la poutre qui est dans le mien ». Mieux vaut donc l’accompagner, cet Autre, ce compagnon de route, ce frère d’armes, avec humilité et enthousiasme, dans la confiance et le respect mutuels… car c’est à nous ensemble que la 2e chance est promise. (6/12/2018)
PARENTHESE DE NATURE
(La philosophie des petits riens)
Ce matin-là, le temps est au beau fixe : quelques heures plus tôt, du côté de l’Est, le soleil levant s’est drapé de rouge, annonçant des ondées pour la soirée. Fuyant la radio et son bavardage anxiogène, je prends le parti de la nature pour une balade matinale sur le Causse : l’authentique, le bon sauvage, le silence comme autant d’antidotes au factice, au bruit et à la vanité du monde actuel dit civilisé. Oubliés le temps d’une marche les tribulations d’un garde du corps qui n’en est pas un, les extravagances de Donald, le canard cher à Picsou, des gifles retentissantes, des chutes de popularité, des portes qui claquent, partout, l’individualisme, partout la violence… bref, tout un vaudeville cacophonique d’où émerge un instant la voix étonnamment claire d’un petit garçon qui, du haut de ses 4 ans, fait du 18 le chiffre miracle qui sauve sa mère. Remontant de la source, deux chevreuils traversent le chemin, bondissants, gracieux, effarouchés vite rassurés: non, l’intrus admiratif que je suis n’est pas chasseur ; plus loin, un écureuil espiègle, panache roux en bandoulière, joue à cache-cache avec moi… tandis que, sur un chêne perchés, des corbeaux jettent leurs croassements sinistres. Qu’augurent-ils ? Un hiver précoce ? Le réchauffement inéluctable du climat ? La recrudescence du mal en tout genre? Décidément, de la nature ou du monde, qui dit vrai ? Se réfugier dans la première pour mieux avoir prise sur le second : utopie, lâcheté ou ressourcement ? Reste à s’émerveiller sans retenue devant des petits riens, fugitifs, insignifiants, anodins : les chevreuils jaloux de leur liberté, le petit écureuil malicieux en diable et même les corbeaux, criant leur noire réputation, sans oublier ce héros de petit garçon qui veille à jamais sur sa maman… des petits riens qui disent beaucoup quand, mis bout à bout, ils redessinent un monde plus beau, plus solidaire. Il suffit de les écouter. Ce soir-là, il n’a pas plu, le ciel est rouge, demain, il fera beau ! (4/10/2018)