Les vocations, c’est l’affaire de tous

Les vocations, c’est l’affaire de tous

Les vocations, c’est l’affaire de tous, parce que nous sommes tous appelés à trouver notre manière unique d’aimer, de nous donner, de consacrer notre vie. Par­ce que la valeur de la vie se mesure à ce pour quoi on est prêt à la donner, et non à ce que l’on veut y gagner et dont la mort nous privera bientôt. La vocation, c’est alors la forme personnelle du don de soi, du service d’amour, du « sacrifice », non au sens de ‘perte doulou­reuse’, mais de ‘don joyeux’, de consécration de ce que nous sommes, avons et faisons, et qui donne plein sens à notre vie.

Pour les croyants, les vocations, c’est aussi l’affaire de tous, parce qu’il s’agit de chercher et de trouver sa voie, mais surtout de se laisser chercher et trouver par Dieu qui adresse un appel universel à la sainteté : un appel qui vient de plus loin que de notre aspiration au bon­heur ; qui sourd à travers les gémissements du monde nous requérant à le servir ; un appel de l’Absolu à l’ado­rer, dans la louange et la gratitude, dans la nuit et la supplication.

Pour les chrétiens, et en particulier les catholiques, les vocations, c’est l’affaire de tous, parce que l’Eglise est Corps du Christ, et que tout baptisé est membre de ce Corps, porte-parole habilité à relayer l’appel de Dieu, à redire à chacun les paroles de Saint Paul aux Romains : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. » (Rm 12,1) cf. Appeler à devenir prêtre

Depuis quand avons-nous…

– prié pour les vocations personnellement, en équipe, dans notre mouvement, service, paroisse ?

– parlé positivement à quelqu’un de la vocation religieuse ou presbytérale ?

– relayé auprès d’un jeune l’appel à servir le Christ, l’Eglise, le monde par le don de sa vie ?

Les vocations, ce n’est pas tabou

L’Eglise a besoin de prêtres, et pour des jeunes qui pourraient devenir prêtre, il y a un enjeu de bonheur d’y être appelés.

Pourtant, beaucoup – y compris des prêtres – sont réti­cents à appeler. Nous craignons parfois qu’un appel di­rect en « veux-tu… ? » ressemble à un recrutement qui ne respecte pas la liberté : « On n’a pas le droit d’appe­ler… c’est entrer dans l’intimité de quelqu’un, s’immis­cer dans sa relation avec Dieu. »

En réalité, la vocation n’est pas qu’une affaire de for intérieur. C’est encore plus vrai pour un ministère, un service d’Eglise (et le diaconat et l’épiscopat le mani­festent complètement), où la vocation réside entière­ment dans l’appel explicite, objectif… de l’Eglise adres­sé à quelqu’un pour servir à telle ou telle mission, et non dans l’attrait intérieur, subjectif que l’on aurait pour tel état de vie. Il n’y a donc pas à attendre que quelqu’un y soit attiré pour l’interpeler sur une possible vocation de prêtre, si nous percevons qu’il a les « dis­positions requises ».

– Echanger en équipe, en relais, en mouvement, en équipe d’animation pastorale… sur ce que l’on ferait pour appeler un jeune à être prêtre, ou accueillir sa démarche.

– Donner davantage une coloration vocationnelle aux proposi­tions de la pastorale diocésaine des jeunes. (cf. SNEJV : un seul service national)

Appeler rend libre

Le fait d’être appelé est libérateur et permet de se construire sans cette « fatigue d’être soi » contem­poraine, liée à la prétention et à l’obligation d’inventer seul sa vie.

Laisser à quelqu’un le choix et respecter sa liberté, n’implique pas de le laisser errer en se contentant de lui dire « Tu feras ton chemin », le laissant découvrir seul sa vocation. Et ne pas appeler quelqu’un, c’est aussi déjà répondre « non » à sa place… alors que tout appel et donc toute réponse – quelle qu’elle soit – porte du fruit.

– Oser poser la question de la vocation – dès la catéchèse en primaire – « Et toi, as-tu pensé… ? »

– Ecrire une lettre aux confirmands sur la vocation.

Pas de vocation chrétienne
sans relation personnelle au Christ

La réponse à sa vocation est réponse au Tout-Autre. Cela suppose une relation profonde à Dieu, une ren­contre avec le Christ. Il nous faut surmonter notre ti­midité à annoncer le cœur de la foi, et faire en pasto­rale des jeunes des propositions où la prière ait la pla­ce centrale : les vocations naissent dans les lieux ferti­les, où les jeunes trouvent une proposition spirituelle forte.

– S’inspirer des propositions d’autres diocèses (école de prière, initiation à l’oraison, adoration, « valise vocation » tournant dans les familles, camp retraite diocésain…).

– Proposer un accompagnement spirituel personnel aux jeunes en aumônerie, services ou mouvements.

Le temps est propice

Nous sommes à une période propice de l’Eglise com­me lieu de fraternité et de partage de l’amour de Dieu. Des chrétiens sont prêts à s’engager pour inventer de nouvelles manières d’être frères en Christ. Ils ont be­soin de pasteurs accessibles, simples, pratiquant la « visitation », venant chez eux, capables d’appeler… La place du prêtre est à réinventer, à vivre autrement, et c’est une aventure passionnante. Il y aura à faire des choix pastoraux pour les prêtres, mais l’implica­tion croissante des laïcs permettra aux prêtres d’être davantage là ils doivent être, en tant que prêtres.

En soi, le métier de prêtre est épanouissant. On ne le dit pas assez, et l’activisme des prêtres peut le mas­quer. C’est un engagement qui demande de se donner, une source de joie du fait d’être toujours en mission, où l’ennui est absent ! Et un prêtre heureux, accessible et fécond… est appelant !

– Travailler en équipe d’animation pastorale sur ce que l’on attend du prêtre, sur d’au­tres styles de prêtres que curé ou modérateur.

– Communiquer davantage sur le bonheur d’être prêtre.

Sachons accueillir ce qui nous dérange

L’Eglise a de plus en plus mission de révéler ce que Dieu fait déjà dans le cœur des hommes. Un rôle d’ac­cueil, d’authentification, qui suppose une ouverture de cœur à toutes les richesses suscitées par Dieu… La vocation est un mystère qui nous dépasse. Il n’y a pas qu’une voie. Les sensibilités doivent pouvoir coexister, se respecter. Il nous faut arrêter de coller des étiquet­tes, de ne défendre qu’une chapelle, au risque de per­dre des vocations avec des jeunes qui ne se sentent pas chez eux dans l’Eglise.

p. Raphaël Bui

d’après les propos échangés en Services Provincial (Toulouse : 28/1/2014) et Diocésain (Rodez : 15/2/2014) des Vocations

Le Prologue de Saint Jean en toutes lettres

Les enfants du KT de la paroisse ont travaillé le Prologue de Saint Jean avec le module Nathanaël « Jésus-Christ, homme et Dieu« . Nous leur avons proposé de présenter ce texte lors de la veillée de Noël 2013 au moyen de grandes lettres, et voilà ce que cela a donné (vidéo de la dernière répétition, le 24 décembre après-midi ; le soir, c’était dans l’obscurité complète, éclairé par de la lumière noire…) :

 


Prologue de Saint Jean, en toutes lettres vidéo par Raphaël Bui

Le Prologue de Saint Jean (Jn 1,1-15)

– Au commencement était le VERBE, et le Verbe était avec Dieu,
– et le Verbe était DIEU. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui, rien ne fut.
– Ce qui fut en lui était la VIE, et la vie était la lumière des hommes ;
– et la LUMIERE lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue. Il y eut un homme envoyé de Dieu.
– Son nom était JEAN. Il vint pour témoigner, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous crussent par lui. Celui-là n’était pas la Lumière, mais il avait à rendre témoignage à la Lumière.
– Le VERBE était la Lumière véritable qui éclaire tout homme. Il venait dans le monde.
– Il était dans le MONDE, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu.
– Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné le pou-voir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang,
– ni d’un vouloir de CHAIR, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. Et LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, et il a habité parmi nous,
– et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme FILS unique, plein de grâce et de vérité.
– Jean lui rend témoignage…

 

Le texte du Prologue de Jean est lu par Michael Lonsdale, sur une musique de Daniel Facérias (copyright : Les Baladins de l’Evangile), par 30 enfants du KT de la paroisse Notre-Dame du Haut Ségala, pour la veillée de Noël 2013 à la salle paroissiale de Colombiès (12)

Avec l’autorisation des Baladins de l’Evangile, la bande-son est extraite de leur spectacle « Passion ».

Cliquer ICI pour une indication de mise en oeuvre.

Face au sentiment de culpabilité

Face à un si intense sentiment de culpabilité, qu’il ferait désespérer de soi, et même de Dieu…

Cela demanderait plus de développements, mais ce que la foi chrétienne dit de Dieu n’est pas premièrement qu’il est « juste » – récompensant les justes et punissant les pécheurs, ce qui est la vision binaire Paradis/Enfer que l’on retrouve certes dans tous les monothéismes, dans le christianisme médiéval, et dans l’Islam encore aujourd’hui – mais qui n’est pas ce que Jésus révèle de Dieu, à savoir qu’il est essentiellement « amour », don, agapè (charité), miséricorde : injuste bienveillance à l’égard de ceux qui à vue humaine ne la mériteraient pas. Au nom de Dieu son Père, Jésus affirme inlassablement qu’il est venu pour les pécheurs et non pour les justes ; que dans le Royaume, les publicains et les prostituées – en gros, ceux qui sont en défaut au plan de la morale publique (sociale, économique, politique…) ou de la morale privée (affective, sexuelle, familiale…) – précèdent ceux qui sont « à la hauteur », ceux qui font tout bien comme il faut, mais dont la justice pourrait être motif de s’enorgueillir, de se suffire à eux-mêmes, et de s’enfermer sur eux-mêmes. L’Enfer est cet enfermement-là, poussé à l’extrême, le point d’aboutissement de ceux qui se préfèrent à tout et à tous, ce à quoi mène l’égocentrisme, l’orgueil… infiniment pire que n’importe quelle faute morale. Mais cet enfermement sur soi et cet égocentrisme peuvent aussi être ceux du pécheur qui à cause de son indignité morale, s’abaisserait à l’excès, non pas devant Dieu (qui le relèverait), mais devant lui-même grimé en idole de justice, en juge impitoyable de lui-même. Des scrupules qui replient le pécheur sur lui-même ne viennent pas de Dieu, mais relèvent d’une tentation. Si ce pécheur reste obsédé par son péché, par ses scrupules, jusqu’à négliger le Christ qui veut et peut l’en tirer – et qui l’a déjà fait sur la Croix – il y a là aussi un enfermement infernal. On en sort en accueillant le regard bienveillant du Père que nous transmet le Christ, lui qui nous connaît jusque dans nos ténèbres, et qui pourtant nous aime, et nous révèle notre bonté et notre beauté foncières. Ce regard seul nous décentre de nous-même, de nos bonnes comme de nos mauvaises actions. Il distingue en nous la personne et les actes, et c’est là une expérience libératrice. La morale cesse alors d’être ce qui nous définit et nous juge, en bien comme en mal, mais l’art et la manière conséquente dont nous prolongeons par notre vie l’expérience préalable de cet amour libérateur donné sans condition. L’ordre importe : « Ta foi t’a sauvé. Va et ne pèche plus. »

P.S. Quelques textes ou livres qui ne vont pas dans le sens d’un travail sur soi en vue d’ôter un trouble, ni d’une thérapie (où prière, pardon, conversion, relation renouvelée avec Dieu ne seraient que des moyens en vue d’une finalité centrée sur soi : la guérison). Ils insistent plutôt sur un oubli de soi en vue d’une plus juste relation avec Dieu, sur une remise de soi au Christ pour faire feu de tout bois – force ou faiblesse, quiétude ou épreuve… – afin de servir « sa plus grande gloire ». A la manière du « bon usage des maladies » de Blaise Pascal. Le reste : guérison, amour, joie, paix… viendra alors de surcroît, comme « fruit », « don » et non comme « objectif », « dû »… Evangile de Jésus-Christ selon Saint Luc (pour un recentrage sur le Christ) Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, DDB 2007 André Louf, Au gré de sa grâce, DDB 1989 Sainte Thérèse de Lisieux (qui a connu grandes désolations, scrupules, perte de goût de vivre…), Manuscrits autobiographiques (nouvelle désignation de ce que l’on appelait avant Histoire d’une âme) Quelques textes du blog sur le pardon : http://textala.over-blog.com/search/pardon/

Appeler à devenir prêtre

Quelques réflexions sur la responsabilité de tous dans l’appel au ministère presbytéral

Ne nous le cachons pas, il est difficile aujourd’hui d’appeler un jeune ou un adulte à devenir prêtre. En moins de deux générations, l’affaiblissement de la place du prêtre dans la société – et peut-être aussi dans l’esprit de certains chrétiens ne voyant en lui que l’homme des sacrements, voire des obsèques -, le caractère exceptionnel d’un tel état de vie, du fait de son célibat et d’un style de vie en rupture avec la société (deux éléments qui peuvent marginalement attirer certains tempéraments valorisant cette rupture), la diminution du nombre de prêtres en France, la surcharge qui en résulte pour ceux en activité, les qualités requises pour être responsable de communauté, la longue formation qui y prépare… mais aussi une image dégradée par des scandales comme celui de prêtres pédophiles, tout cela fait de la vocation presbytérale une sorte d’anormalité. Des amis chrétiens confiaient récemment que pour bien des gens de leur entourage, le « coming out » homo d’un fils choquerait moins que l’annonce de son désir de devenir prêtre !

Et s’il pouvait être « normal » d’appeler à devenir prêtre ?

Être prêtre n’est certes pas un métier comme les autres, mais il est possible d’en parler à l’aune de critères utilisés pour juger d’autres métiers. Une enquête 2011 de l’université de Chicago sur l’indice de satisfaction professionnelle aux Etats-Unis, place les hommes d’Eglise – « clergy » – en 1ère place dans le classement des métiers qui rendent le plus heureux, devant les pompiers, les kinésithérapeutes, les écrivains, les éducateurs spécialisés…  Sont invoqués par ces heureux professionnels des critères de satisfaction autres que le salaire ou le pouvoir, mais fondés plutôt sur la force et la qualité des relations liées au métier, le fait que le métier ait du sens, qu’il soit utile et que la personne qui l’exerce puisse s’y engager à fond. Certes, il s’agit des Etats-Unis où le prêtre n’a pas le même statut qu’en France, mais les critères restent les mêmes. La vie d’un prêtre – français ou américain – est profondément relationnelle, reliée à Dieu et à l’humanité, équilibrant action et contemplation, vie sociale et solitude, vie spirituelle et service d’autrui, approfondissement de la foi et annonce de celle-ci, réception et transmission de la grâce : c’est de fait un métier magnifique, ce dont nous, prêtres, ne témoignons pas assez, par pudeur, respect humain ou… activisme.

Mais cette approche en terme de métier ne suffit évidemment pas, et pourrait même verser dans le travers contemporain, à la fois individualiste et libéral, où tout ne serait finalement que recherche d’un accomplissement ou d’un épanouissement personnel, c’est-à-dire centré sur soi, et où le service d’autrui ne serait en fait qu’une manière de se réaliser, de se rechercher, de viser son propre bonheur.

Un engagement d’amour

Ëtre prêtre est en réalité une vocation, un engagement-d’amour-pour-la-vie, où la décision de devenir prêtre relève d’une liberté qui est moins d’initiative (partant de soi), que de consentement (à l’initiative d’un autre). Il s’agit moins de vouloir ou de désirer être prêtre, que de répondre à un appel du Christ antérieur à toute décision, un appel qui prolonge et spécifie l’appel adressé à tout baptisé d’être « saint », c’est-à-dire de laisser le Christ vivre en lui, de donner à sa suite sa vie par amour de Dieu et des hommes, et par là de réenchanter le monde. Pour le prêtre, cela suppose d’être disponible à servir, « si Dieu le veut et si l’Eglise l’appelle ».

Le décentrement que cela suppose peut sembler hors-norme, alors qu’il est en fait commun à toute vocation. Ainsi, contrairement à la formule consacrée (qui n’est d’ailleurs plus celle du rituel du mariage), un fiancé ne « prend » pas une femme pour épouse, mais il la « reçoit », ce qui sous-entend que la demande de cette dernière : « veux-tu être mon mari ? » soit antérieure au « oui, je te reçois comme épouse » que son fiancé lui dit ensuite. En tout engagement d’amour, tout se passe comme si l’amour de l’autre était donné gratuitement et antérieurement à l’engagement que l’on prend à son égard, en réponse à cet amour inconditionnel.

De même, être prêtre, c’est pour un chrétien une réponse possible à la question inhérente au baptême – de par la conversion que le baptême suppose ou à laquelle il dispose : « comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115) Se découvrir infiniment aimé de Dieu, inconditionnellement, sans réserve, jusqu’au don que le Christ fait de sa vie, implique de se savoir appelé à faire de sa vie une réponse à cet amour. C’est l’appel universel à la sainteté.

L’appel de l’Eglise

Qu’est-ce qui fait alors que pour certains, cet appel général se traduise en appel particulier à donner sa vie à l’Eglise, pour à travers elle servir Dieu et les hommes ?

L’analogie du mariage peut être éclairante, car c’est l’appel que l’Eglise adresse à un homme : « veux-tu me consacrer ta vie ? » qui est susceptible de susciter son consentement. C’est alors la vitalité d’une communauté chrétienne, l’amour évangélique dont elle vit déjà et dont un de ses membres a fait l’expérience préalable en son sein, qui donne force à l’appel qu’elle lui adresse pour servir cette vie en Christ, à vivre le don total de sa vie à l’Eglise, comme collaborateur de l’évêque, membre d’un presbyterium, pasteur attentif aux fidèles de l’Eglise et missionnaire à l’égard de tous. Cela requiert un sacré désintéressement de la part de cette communauté, de ceux qui appellent, car on n’appelle pas pour soi, mais pour un service d’Eglise au-delà de la communauté qui appelle.

La désacralisation du prêtre évoquée au début de cet article, peut être alors le préalable à une consécration qui ne soit pas la mise au pinacle d’un projet ou d’un parcours certes généreux ou extraordinaire – au risque de n’être que personnel voire individuel – mais la mise en œuvre d’un projet ecclésial dont l’Esprit Saint est le premier acteur, où le « oui » d’un homme serait relatif à l’appel que lui adresse l’Eglise (c’est-à-dire n’importe quel membre de la communauté chrétienne, avant que l’évêque authentifie cet appel), où l’audace d’appeler aurait autant d’importance que celle de répondre, où serait couronné le souci porté par tous, et non des seuls pasteurs, d’ « appeler des ouvriers pour la moisson ».

A l’inverse de ce que certains disent pour penser le célibat du prêtre, le prêtre n’est pas plus « marié » à Dieu que ne l’est tout chrétien, car l’alliance avec Dieu se réalise dans le baptême, qui greffe l’homme au Christ, qui l’y plonge tout entier. Mais, ce sont des épousailles que le prêtre vit avec l’Eglise, vécues librement, fidèlement, pour toujours et pour donner la vie, et auxquelles convient son célibat, nonobstant ce qui a pu ou pourrait varier dans la discipline de l’Eglise à cet égard.

Être pierre d’Eglise

La veille de mon ordination diaconale, une fillette de mes amis me demandait ce que c’était qu’une ordination. Lui répondant que c’était comme un mariage-avec-l’Eglise, elle me redemanda : « Comment tu vas l’embrasser, l’église ? Tu monteras sur une échelle ? » Je lui répondis dans le sens de ce que j’avais lu dans Ma vocation, le beau livre de Jean-Paul II, que ce moment serait celui de la grande prostration, visage contre le sol pour l’embrasser, pour signifier le lien indissoluble reliant le prêtre à une terre, à une culture, à une portion d’Eglise, pour faire corps avec cette terre, être pierre d’Eglise, non pas clé de voute en haut de l’édifice, mais à ras le sol, pour qu’en s’appuyant sur nous, les autres s’élèvent plus haut.

Jeudi Saint, 28 mars 2013

p. Raphaël BUI

Service Diocésain des Vocations

Sur la nouvelle évangélisation

Lundi Saint, le p. Francis Bestion, vicaire général du diocèse de Mende, a donné aux prêtres aveyronnais une conférence sur le thème « La grâce d’une nouvelle évangélisation pour un renouveau de notre ardeur missionnaire ». Voici les notes que j’ai prises : elles n’engagent pas leur auteur.

 

« Nouvelle évangélisation », est un terme que l’on retrouve dès 1973 : Jacques de Grandmaison, parlant de « seconde évangélisation ».

L’idée de « nouvelle évangélisation » de Jean-Paul II n’a pas été bien reçue en France. Benoît XVI l’a reprise à son compte, créant un nouveau dicastère et convoquant un synode romain sur ce thème. Cette idée a fait son chemin et s’est « démocratisée » dans l’Eglise, dans nos diocèses et paroisses. Ce n’est plus une posture pastorale réservée à quelques communautés ou personnes spécialistes de nouvelle évangélisation.

Cette idée est maintenant bien admise, même comprise de diverses manières : c’est dû au contexte.

Des conceptions doivent être écartées, à cause d’une possible intrumentalisation à des fins autres.

Que peut-on entendre par cette expression, à la lumière de textes antérieurs et des réflexions du synode ?

Un contexte nouveau

Lors de son premier voyage apostolique en Pologne, à Nowa Huta, Jean-Paul II fait une 1ère mention de la « nouvelle évangélisation ». « En ces temps nouveaux, une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une nouvelle annonce, bien qu’en réalité il s’agisse toujours de la même annonce. » Le monde change, il faut en tenir compte. Ce contexte nouveau, l’Eglise en avait fait le constat au moment du Concile de Vatican II, relayé par le synode de 1974, puis Paul VI avec l’exhortation Evangelii Nuntiandi faisant suite à ce synode, puis Jean-Paul II avec Redemptoris Missio, puis Benoît XVI avec la convocation d’un synode sur la nouvelle évangélisation.

Le concile avait fait le constat de la sécularisation. Quelque chose de plus a changé. Certes la sécularisation a continué, mais surtout, la vision optimiste sur le progrès d’il y a 50 ans n’est plus tenable. La mondialisation fait évoluer la réflexion sur la mission dans le contexte d’une diversité d’opinions et de croyances, au risque du relativisme, contre lequel Benoît XVI a lutté, à l’inverse de certaines herméneutiques du concile. L’urbanisation des cultures s’est accrue en 50 ans, et a modifié le rapport à soi, aux autres, les relations familiales et de voisinage (laissant la place à des relations de réseau). La culture devient plus fluide, la notion d’appartenance connaît des mutations inouïes. Cf. internet, réseaux sociaux…

On pensait à l’époque qu’il fallait entrer en contact avec les cultures, dialoguer. On le dit encore pour être fidèle à l’Evangile, mais il faut quelque chose de nouveau. Certaines craintes liées au concept de nouvelle évangélisation ont été levées, il s’agit de proposer le même message, de manière nouvelle, sans y absorber toute la pastorale, sans renier ce qui s’est fait.

Des fausses pistes écartées

L’expression de nouvelle évangélisation avait suscité au début et aujourd’hui encore des réticences assez fortes, notamment en France, dans nos presbyterium. Les générations plus anciennes des prêtres ont été critiques. La situation est différente maintenant, car nous avons levé des ambiguïtés. On y voit plus clair, l’idée a fait son chemin. Benoît XVI a beaucoup contribué à cette évolution, par la clarté de sa parole, de ses écrits, son humilité et sa simplicité, mais surtout, parce qu’il a essentiellement parlé de Dieu, dans un monde où Dieu est le grand absent. Lorsqu’il a annoncé la renonciation à sa charge, la réaction de V. Giscard d’Estaing à son égard va dans ce sens…

La nouvelle évangélisation n’est pas à comprendre comme un discrédit porté sur la pastorale en place. Si certains le pensent encore, c’est qu’il y a eu des maladresses et des incompréhensions de part et d’autre. Des communautés charismatiques ont pu regarder de haut la pastorale paroissiale, considérée comme pastorale d’entretien, de simple gestion du quotidien. Des curés, des aumôniers d’Action Catholique, ont pu considérer ces communautés comme déconnectées de la réalité, avec une vision du monde en noir, une préférence pour les coups d’éclat au détriment d’un labourage de terrain. Ces critiques peuvent être justifiées, mais elles sont parfois le signe d’un refus de se remettre en question de soi-même.

Des expériences conduites dans les paroisses, la maturation de communautés nouvelles, l’acceptation de l’autre permettent d’y voir plus clair, et de parler plus sereinement de la nouvelle évangélisation, comme renouvellement, plutôt que comme nouveauté absolue.

Les acteurs de l’évangélisation, tous les baptisés sont invités à entrer dans un discernement pour ne pas cautionner toute nouveauté, mais à les inscrire dans une histoire, à se mettre à l’école de la nouveauté perpétuelle de l’Evangile, à l’écoute de l’Esprit Saint.

La nouvelle évangélisation est un appel adressé à tous les baptisés, dans la diversité de leurs engagements et leurs sensibilités. Il s’agit de promouvoir la mission dans la famille, les réseaux, par un recentrage sur la paroisse.

Il n’y a plus de spécialistes de la nouvelle évangélisation, mais la recherche d’une communion entre paroissiens, mouvements, congrégations et communautés. La place des laïcs y est essentielle, le lien avec les prêtres est à soigner, l’accent est mis pour rendre nos communautés paroissiales plus missionnaires.

Autre fausse piste :

En 1983, Jean-Paul II s’adressant à Haïti aux évêques du CELAM, les invite à s’engager non « pour une réévangélisation , mais pour une nouvelle évangélisation, nouvelle par son ardeur, ses méthodes et son expression. » C’est le contexte qui doit être réévangélisé. Il ne faudrait pas laisser croire au retour d’un esprit conquérant alors que cette page a été tournée à Vatican II ; il ne s’agit pas de restaurer une chrétienté rêvée. Jean-Paul II et Benoît XVI ont été clairs. Dans Novo millenium ineunte, Jean-Paul II considère comme dépassée la situation d’une « société chrétienne » se référant aux valeurs évangéliques. La nouvelle évangélisation prend place dans une société sécularisée, il ne s’agit pas d’une contre-culture ou d’un projet socio-politique, mais un projet spirituel et éthique : évangéliser les cœurs et les vies des personnes.

Il y a des courants minoritaires dans le catholicisme qui imaginent la nouvelle évangélisation comme une reconquête, ce qui peut séduire des milieux notamment populaires, pour faire du catholicisme un marqueur identitaire, non pas parce que l’on a fait la rencontre du Christ, mais pour s’opposer à l’islamisation de la France en prônant le « catholique et français toujours ».

Le concordisme est une forme inverse de mondanisme, avec des postures d’enfouissement qui n’ont pas échappé à ce risque.

Une grâce pour notre temps, pour un renouveau missionnaire

Selon l’expression de Paul VI, il s’agit d’une évangélisation renouvelée, surtout en ce qui concerne la participation de tous à la mission de l’Eglise, la nécessité de l’annonce du Christ simple, directe, explicite (Evangelii Nuntiandi 26), annonce joyeuse (80), en cohérence entre paroles et actes (41). Le synode de 2012 a repris ces expressions, soulignant la nécessité d’une conversion radicale (10, 15, 36) et de la sainteté (41, 69, 76).

A la lumière du message des pères du synode, des divers textes du magistère signalés, et d’un regard personnel (lié à la formation des séminaristes…), on peut mettre en exergue quelques éléments constitutifs de la nouvelle évangélisation :

Evangéliser, c’est permettre une rencontre personnelle avec Jésus

C’est l’insistance du synode. Il s’agit de s’adresser aux personnes qui baptisées se sont éloignées de l’Eglise, pour favoriser une nouvelle ou une première rencontre avec le Seigneur. Proposer une « rencontre » (un terme qui revient 21 fois dans le message du synode), une expérience de la rencontre avec la personne vivante du Christ. Dans l’Evangile, on peut penser à toutes les rencontres du Christ avec les personnes de son temps.

Invitation à lire l’Evangile d’un seul trait… Cf. « Où demeures-tu ? » des disciples de Jean-Baptiste. Être avec le Christ les rend ensuite missionnaires. La nouvelle évangélisation nous concerne d’abord en 1er lieu. C’est dans la personne du Christ que se dévoile le mystère d’amour du Père : expérience à refaire nous-mêmes, avant toute mission ad extra. Comment je vais me laisser évangéliser moi-même ?

Evangéliser suppose de se disposer à la conversion

Un appel à la conversion. Dans l’instrumentum laboris  du synode, il y a un tel appel. Engagement œcuménique, recherche de la vérité, dialogue interreligieux, dénonciation de nos infidélités, attention aux plus pauvres.

8 appels à la conversion de l’Eglise, i.e. à notre conversion personnelle.

Pour nous rendre humbles. Les évêques eux-mêmes font un mea culpa. C’est un message qui concerne tout le monde. C’est apparemment la ligne du pape François.

Les pauvretés et les faiblesses des disciples de Jésus et de ses ministres pèsent sur la crédibilité de la mission.

Evangéliser, c’est se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu

C’est maintenant une évidence – cf. groupes bibliques… – mais ça n’a pas toujours été le cas. Combien de rencontres, de réunions sans écouter d’abord la Parole de Dieu.

Diaconia a eu un certain succès en Lozère. Des aumôneries de lycées se retrouvent autour de la Parole de Dieu. Des groupes de lecture biblique se forment à domicile.

Il ne s’agit pas de constituer des cercles exégétiques, pour se complaire dans des considérations savantes, mais de permettre la rencontre de Jésus dans sa Parole, le fait de découvrir d’autres dimensions de cette rencontre dans la famille, le travail, la pauvreté, la souffrance.

Nous sommes privilégiés à pouvoir la méditer, la commenter, la prêcher. Certains prêtres ont parfois tendance à prendre des homélies sur internet, sans prier, méditer sur les textes bibliques, sans faire lectio avant.

Evangéliser, c’est affronter les défis que l’histoire nous lance et ouvrir dans ce monde le chemin que le Christ nous ouvre par sa croix

Nous avons parfois perdu du temps dans l’Eglise à tenir des discours opposés sur notre manière de nous situer par rapport au monde. Ce monde est plein de défis, il est aimé de Dieu, et peut toujours y germer la semence de la Parole de Dieu. Pas de place au pessimisme, car le monde a été sauvé par le Christ sur la croix. Jésus nous porte. Cela nous permet d’affronter les défis de l’histoire, même dans des conditions peu porteuses, hostiles…

Cf. mondialisation, migrations, pauvreté même.

L’ouverture au monde, expression parfois piégée, car il s’agit plutôt de travailler de tout notre cœur à ouvrir dans ce monde un chemin pour le Christ, le chemin que le Christ ouvre par sa croix. La présence de la croix, sans laquelle nous serions que des mondains, et l’Eglise une « ONG pitoyable » (pape François)

Evangéliser, c’est permettre à ce que la beauté de la foi rayonne par la liturgie de l’Eglise

La liturgie est une œuvre du Christ, qui s’associe son Eglise, son corps. Le mystère pascal du Christ, s’y actualise. Toute célébration œcuménique, dans SC 7, est « l’action sacrée par excellence, dont nulle autre action de l’Eglise ne peut atteindre l’efficacité ».

On peut être certain du lien intrinsèque entre foi, évangélisation et liturgie. La lettre aux catholiques de France de 1996 a repris cet enseignement du concile, où l’Eglise propose la foi en célébrant cette foi. La liturgie peut être pratiquée comme acte d’évangélisation, car les sacrements sont la source d’où tout part, et où tout est appelé à revenir, donnant leur pleine portée théologale à l’engagement dans le monde.

Mgr Dagens, en 2006, explicite les présupposés théologiques et pastoraux de cette lettre : l’Eglise qui célèbre et qui prie est aussi une Eglise qui évangélise, précisément en célébrant et en priant, par ses sacrements. Contre toute opposition dépassée entre culte et évangélisation (souvent plus rêvée que pratiquée). On ne peut plus se permettre de renvoyer dos à dos les spirituels et les militants de l’action sociale.

Avec Benoît XVI, le mystère cru et le mystère célébré se manifeste dans la beauté, « splendeur de la vérité », non pas en raison d’un esthétisme, mais parce que dans la liturgie resplendit le mystère pascal du Christ. Par elle, la vérité de l’amour du Christ nous rejoint, nous fascine et nous attire. La beauté véritable, c’est l’amour de Dieu qui s’est pleinement révélée à nous dans le mystère pascal. La beauté liturgique n’est pas décorative de l’action liturgique, mais elle est un attribut de Dieu lui-même. La liturgie terrestre est un avant-goût de la liturgie céleste. La beauté de la foi doit resplendir dans la liturgie.

L’Evangélisation, c’est multiplier les puits dans le désert

Il y a un vaste horizon devant nous, c’est le travail des communautés chrétiennes, au-delà des nouvelles communautés qui ont été les fers de lance de la nouvelle évangélisation. La paroisse reprend sa valeur de fontaine où l’on peut  venir s’abreuver. Elle doit pouvoir joindre à ses missions ordinaires, des missions nouvelles avec la place essentielle des laïcs pour la rendre missionnaire. La variété des contextes exige la participation de toutes sensibilités, sans exclusive.

Exemples d’initiatives :

Une initiative venant de 5 catéchistes de l’Eveil à la Foi, de la paroisse Ste Thérèse de l’Enfant Jésus (Langogne), pour donner envie aux familles de venir, leur partager le projet, une visite de toutes les familles ayant fait baptiser leur enfant il y a 3 à 5 ans. Porte à porte, rencontres à domicile, proposition d’un dépliant, dialogue, joie immense et grand trouble à la fois, simplement faire passer le message, rencontrer les personnes dans leur histoire, mais aussi le constat de la fragilité de beaucoup…

Une quinzaine de jeunes qui se retrouvent régulièrement depuis les JMJ de Madrid, ayant formé un petit orchestre, donnant des concerts dans les paroisses du diocèse : de vraies veillées de prière, avec des chants sur des paroles de psaumes… Un groupe évangélisateur.

L’évangélisation a le visage du pauvre

Que l’Eglise soit auprès des pauvres. Diaconia a permis des avancées dans ce sens, mais il y a beaucoup à faire. Le pape François y aidera. On fait beaucoup pour les pauvres, mais il faut faire avec. Il s’agit de fraternité, de diaconie. Pas seulement un exercice de sociabilité, mais un fait spirituel.

L’évangélisation tournée vers la famille et les jeunes

Admirable travail de jeunes couples catholiques du diocèse de Mende, qui font beaucoup pour témoigner de l’Evangile. Des gens engagés, qui font peu de bruit, mais sur qui l’Eglise peut compter.

Être inventifs pour proposer aux couples un accompagnement avant et après mariage. C’est là un lieu d’évangélisation important.

Les jeunes attendent de nous une certaine exigence. A Saint Chély, un groupe de lycéens travaille le catéchisme de l’Eglise Catholique avec Youcat. Ces jeunes sont intéressés ! Nous n’allons plus toucher des masses, mais les petits groupes de jeunes avec qui nous sommes en contact attendent de nous une formation. Ils sont demandeurs de silence, de prière, d’adoration. Ils ont besoin d’un témoignage de sainteté, de prière. C’est dans ces groupes que peuvent naître des vocations sacerdotales ou religieuses.

Conclusion

Grâce… Joie. Ce mot revient souvent. La nouvelle évangélisation doit nous faire retrouver une joie de l’annonce. C’est un esprit plus qu’une méthode. Se laisser renouveler dans nos manières de vivre. Il n’y a pas une nouvelle doctrine par rapport aux textes magistériels, mais un renouvellement de notre existence baptismale.

Même avec toutes les techniques et méthodes, cela ne servirait à rien sans l’essentiel : avoir Jésus pour ami, et d’être son témoin.

C’est un art de vivre qui ne peut être communiqué que par celui qui a Jésus, celui qui a la vie, qui est la vie lui-même.

Semaine de l’unité des chrétiens 2013

Chaque année, du 18 au 25 janvier, les chrétiens des différentes confessions se rassemblent pour des temps de réflexion et de prière pour leur unité. Cette semaine de prière pour l’unité chrétienne est préparée chaque année par une commission internationale et interconfessionnelle qui émane à la fois du Conseil œcuménique des Églises et du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Les prières de la semaine 2013 ont été préparées par les Églises présentes en Inde sur le thème : « Ce que le Seigneur nous demande. »

 

Un dépliant de prière préparé par les communautés chrétiennes présentes à Rodez, est disponible ICI (A4 paysage recto-verso, reliure sur bord court, plié en 5 en accordéon).

 

Pour plus d’informations : http://tinyurl.com/unite2013

 

Voici la traduction de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens en Aveyron :

 

Millau :

• Mardi 22 janvier, 19h : repas-rencontre à la maison paroissiale de l’Eglise Réformée de France (37 boulevard Richard).

 

Rignac :

• Mardi 22 janvier, 11h : messe œcuménique à l’église de Rignac.

 

Rodez :

• Vendredi 18 janvier 2013, 20h30 : conférence-débat à plusieurs voix (catholique, protestante réformée, évangélique, pentecôtiste) sur « Qu’entend-on par mariage ? », à la maison des sœurs de Saint Joseph, 9 rue Jean XXIII. Entrée libre.

• Mercredi 23 janvier, 20h30 : célébration œcuménique, au temple de l’Église Réformée Evangélique (Route de Séverac).

 

Saint Affrique :

• Vendredi 25 janvier, 19h : repas-rencontre à la salle de l’Eglise Réformée de France, rue Lamartine.

 

Villefranche de Rouergue :

• Lundi 21 janvier, 20h à l’église de la Sainte Famille : célébration œcuménique.

 

Viviez :

• Vendredi 25 janvier, 17h30 : célébration œcuménique à l’église de Viviez.

Meilleurs voeux pour 2013

Avec les photos ci-contre en forme de « Cherchez Charlie… », je fais le voeu que cette « Année de la Foi » qui continue en 2013, donne à chacun ses meilleurs fruits d’Espérance et de Charité !

 

A propos du "mariage pour tous"

Nous avons eu samedi 10 novembre une vive discussion avec une quinzaine d’étudiants après la messe des jeunes à propos des questions sociétales en débat aujourd’hui. Pour alimenter celui sur le projet de loi de « mariage pour tous » qui a donné lieu à la « manifestation pour tous » samedi 17 novembre en divers lieux en France, et notamment à Toulouse, mais aussi et surtout celle qui aura lieu à Paris, le dimanche 13 janvier à 13h dans le 13ème arrondissement (place d’Italie), voilà des points de vue que j’ai exprimés dans des débats (enflammés) sur facebook :

 

La question n’est pas celle de l’égalité, mais du rapport entre droit « à » l’enfant et droit « de » l’enfant, car le mariage homosexuel ne pose problème que parce que ses promoteurs le présentent comme une nouvelle étape du « droit A l’enfant ». Avec le PACS, ses partisans disaient la main sur le coeur que l’adoption serait exclue (cf. le discours d’Elisabeth Guigou, ministre de la justice de l’époque pour défendre le PACS) ; on en parle maintenant. Dans le programme de Fr.Hollande, et il y a encore un mois, on disait que la PMA pour les couples de femmes serait exclue ; Najat Vallaud-Belkacem puis la majorité parlementaire en parlent maintenant pour le mois de mars. On dit aujourd’hui que la GPA pour un couple d’hommes serait exclue ; quand fera-t-on sauter ce tabou rétrograde-discriminant-contraire-à-l’égalité-des-droits ? C’est ce que demande explicitement Pierre Bergé : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » Ce qui passe aux oubliettes, c’est l’égalité des enfants, le « droit DE » l’enfant à bénéficier d’un père et d’une mère…

Aussi légitime et même souhaitable soit le désir d’enfant de la part du couple, quel qu’il soit, homo ou hétéro, pour accueillir l’enfant, ce désir ne suffit pas à fonder la parentalité. On le comprend bien lorsque l’on refuse à un couple de retraités, et même à un couple de cinquantenaires l’agrément pour l’adoption d’un enfant. Au contraire, faire de l’existence d’un projet parental, du désir d’enfant de la part d’un individu ou d’un couple, quel qu’il soit, la cause formelle de l’advenue d’un enfant (le-projet-parental-comme-seul-fondement-de-l’existence-de-l’enfant), cette manière de voir nie l’enfant comme finalité en lui-même, irréductible au seul projet d’un tiers, fût-ce de ses parents. C’est ce que les chrétiens disent en disant que les parents ne sont que procréateurs, et non créateurs de leurs enfants, ce que l’on peut moquer en disant que « l’enfant ne tombe pas du ciel », mais qui peut aussi se dire plus simplement en considérant l’enfant comme un don, et non comme un dû ou un droit. Penser l’inverse, conduit effectivement à demander à la technique (PMA, GPA) ou à n’importe quel moyen (argent comme c’est le cas pour des GPA aux USA, contrainte, comme c’est déjà le cas en Europe de l’Est) de suppléer pour satisfaire le désir individuel selon une logique qui est de fait celle du libéralisme. C’est sûr que d’écrire cela va de pair chez moi, et dans la pensée de l’Eglise catholique, avec une remise en cause du « droit » à l’avortement, de la PMA, et bien sûr de la GPA… ce qui est dur à avaler à beaucoup, mais a autant de cohérence – inversée – que celle de Pierre Bergé cité par F.X. Bellamy : le choix est celui de l’une ou l’autre de ces cohérences ; le discours d’Elisabeth Guigou en 1998 voulait se le cacher…

 

Pour aller plus loin :

– les réponses de Xavier Lacroix aux questions du journal « Le Monde » à propos du « mariage pour tous » (26 octobre 2012).

– la conférence de Henry Couleau à Rabastens (81) le 8 novembre 2012, sur « Elle et lui, père et mère » (1h):

– une revue de presse précise suite à la manifestation du 17 novembre, sur le site lemessin.wordpress.com.

– l’enquête sur les études sur le genre en Norvège (40′) où est manifeste une posture idéologique refusant les faits contraires à une théorie qui ne veut voir dans l’identité masculine ou féminine qu’un conditionnement éducatif, social ou culturel, sans base biologique ou naturelle :

L’argumentaire du philosophe Thibaud Collin à propos du mariage homosexuel (13 décembre 2012) :

La réflexion de François-Xavier Bellamy sur la logique libérale à l’oeuvre dans le projet d’adoption, PMA (et pour Pierre Bergé, GPA) pour tous (18 décembre 2012)

La réflexion profonde d’Erwan Le Morhédec (koztoujours.fr) sur le sujet (7 janvier 2013).

Leçons magistrales dominicaines

L’après-midi du samedi 20 octobre, les trois pères dominicains Jean-Michel Maldamé, Serge-Thomas Bonino et Benoît-Dominique de la Soujeole, ont donné une leçon publique à l’occasion de la réception du grade de « maîtres en sacrée théologie » au couvent des dominicains de Toulouse. Ayant eu la chance d’avoir eu les deux premiers comme professeurs à la Catho de Toulouse, je vous transmets ci-dessous les notes que j’ai été heureux de prendre à ces conférences – ces notes n’engagent pas les conférenciers, car j’ai pu mal entendre ou mal interpréter. Elles portaient sur :

– les premiers mots de la Bible (J.M.Maldamé)
– être un « défenseur de la foi » (S.Th.Bonino)
– la possibilité d’une concélébration eucharistique entre catholiques et orthodoxes (B.D.de la Soujeole)

Les conférences elles-mêmes peuvent être écoutées directement sur le site des dominicains : ICI.

 

Les premiers mots de la Bible

Commençons par le commencement : Bereshit bara Elohim et hashamaïm vehet haarets. Cette phrase forme un tout, avec un sujet, Dieu ; un verbe, créer ; un objet, la totalité ;mais aussi un premier mot : Bereshit. Comment le traduire ? Tous s’accordent pour dire qu’il est formé à partir du mot rosh, tête, et Chouraqui traduit sans traduire par « en tête ». Les traductions habituelles des bibles BJ, TOB traduisent par « au commencement ». C’est exact, mais insuffisant. La LXX traduit par en archè, la vulgate in principium, et là, c’est plus que le commencement. C’est considérable : les 5 premiers mots forment un porche d’entrée au récit, sans faire partie du récit (La terre était informe et vide, et l’esprit planait sur les eaux…). C’est un porche pour la Genèse, mais aussi pour toute la Bible, NT compris. C’est cette exigence qui invite à voir dans Bereshit autre chose qu’un banal « au commencement ». C’est ce mot qui a inspiré Saint Jean dans le Prologue, reprenant le premier mot de la Bible grecque, et saint Paul dans son hymne du 1er chapître de l’épître aux Colossiens, auquel sera consacrée cette leçon.

 

Rendons grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint.
Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé,
par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés.
Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature,
car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles :
tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église.
Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté.
Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total.
Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,sur la terre et dans les cieux,en faisant la paix par le sang de sa croix.

(Col 1,12-20)

 

Nous lisons en Col 1 une confession de foi au Christ fils de Dieu. Un hymne, oui, mais en réalité une confession. Une grande phrase, majestueuse, ample, qui couronne l’évolution de la foi de Saint Paul. La confession de l’épître aux Romains, antérieure, où Paul désigne le Christ comme Fils de David selon la chair, Fils de Dieu avec puissance, selon l’esprit de sainteté par sa résurrection d’entre les morts. (Rm 1,3). Espérance messianique, où le messie est désigné fils de Dieu par le prophète Nathan. La résurrection, est la glorification de l’humble fils de David selon la chair en Fils de Dieu. Dire que Jésus est Christ, c’est confesser l’exaltation du Christ ressuscité. Mais dans Col, Paul va plus loin: il applique à Jésus, au ressuscité, toutes les harmoniques de sens contenues dans le 1er mot de la Bible : Bereshit, en archè. Il est l’image du Dieu invisible. Paul est dans la Genèse, où l’image évoque l’homme, la seule image possible de Dieu, qui n’a pas d’autre représentation possible. Derrière image, entendons Adam, créé par Dieu. Est-ce que ce rapprochement est légitime ? Oui, car c’est un thème majeur de la pensée de Saint Paul, qui l’accompagne toute sa vie de parler du Christ en référence à Adam (1 Co : Adam et Christ, principes de vie promise à la mort ou à la vie éternelle…). En 1Co, Paul parle de l’illumination de l’Evangile de la gloire du Christ lui qui est l’image de Dieu (2 Co 4,4). Ce que signifiait prophétiquement Gn 1, se trouve accompli par Jésus-Christ quand il rentre dans sa gloire. C’est à cela que fait référence le premier né d’entre les morts.

Certes, la notion d’image a été entendue dans d’autres sens chez les Pères de l’Eglise. Mais nous acceptons de rester dans le contexte de la pensée de Saint Paul.

Paul dans Col, nous dit des perspectives cosmiques, cosmologiques, et réagit à une erreur évoquée dans d’autres textes du NT, selon laquelle Jésus ressuscité serait monté aux cieux, et serait devenue une puissance céleste parmi d’autres (puisque dans ce temps les cieux étaient divinisés) fût-ce la première. Pour dire que Jésus n’est pas un être céleste parmi d’autres, Paul se réfère à ce qu’il y avait dans la Création, qui transcende le cours du temps, en affirmant la présence dans l’intention du Fils de Dieu. Les sages d’Israël, pour dire la création, prenaient la comparaison de l’architecte avec le projet qui préexiste à l’oeuvre. Dès le principe tout est créé pour tendre vers l’image du Dieu invisible. La notion d’architecte qui préexiste à la Création, identifié à la Sagesse, se retrouve dans « Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui. » En relisant les textes de sagesse, on trouve la Sagesse personnifiée présidant la Création, et en Si : tout ce qui est dit de la sagesse « n’est autre que le livre de l’Alliance du Très Haut » (Si 24, 23). Chez les rabbins, les scribes, les cabbalistes qui vont durcir les choses, cette sagesse, c’est la loi, qui n’est pas supprimée mais accomplie en Christ. Ce que les sages disaient de la loi, il faut le dire du Christ. Ce qui était dit d’une lettre morte, il faut le dire d’un vivant, premier né d’entre les morts. La place centrale de celui qui est glorifié est signifiée par l’emploi du premier mot de la Bible : toute la Création se comprend dans son principe (archè). « Il est le Principe »… Il faudrait à rebours traduire Bereshit, non par « Au commencement », mais « Dans la Sagesse », ou « Avec Sagesse » ou « Par la Sagesse ». Ce serait là une nouvelle traduction, qui renverrait à la lumière qui vient du 1er mot de la Bible. Traduire Bereshit par Sagesse, libérerait nos esprits d’un certain nombre de confusions, en particulier le concordisme, où l’on ferait du big bang le point zéro du modèle cosmologique standard, alors qu’elle n’est qu’une singularité initiale. La Genèse ne nous raconte pas le commencement, mais la générosité de Dieu, la sagesse de Dieu dans son acte créateur.

Le Christ est aussi désigné comme « tête du corps » (cf. rosh), ce qui anime le corps, ce qui donne vie à tout. Quand on entre dans cette compréhension des choses, on est toujours alors hanté par la question du Mal. Pour ne rien éviter, Paul évoque alors le sang de la Croix. La grande difficulté que Paul a connue dans sa jeunesse, c’est celle d’u Messie crucifié. Or C’est ce Messie crucifié qui est la tête, ce qui était annoncé dans le 1er mot de la Bible, l’amour qui va assumer, affronter la mort.

En hébreu, il y a des modes, plutôt que des temps passé, présent, futur. Dans la 1ère phrase de la Bible, portail qui ouvre jusqu’à l’Apocalypse, on n’a pas de passé, présent, avenir. Mais le passé convient, car il dit que ce qu’il y a dans le principe, c’est ce qui se déroule dans le temps. Mais c’est aussi maintenant que Dieu crée, que dans sa sagesse il nous fait vivre, que dans le Christ ressuscité il nous donne la vie.

La foi demande à s’exprimer, elle est fortifiée par l’expression de la liturgie. A la fin du cycle liturgique, il y a une fête importante, la fête du « Christ Roi ». Le Concile Vatican II et la réforme liturgique qui l’a suivi l’a changée en fête du « Christ roi de l’univers », ce qui revient à honorer le Christ dans la profession de foi de Saint Paul en Col. Cela évite des discours nostalgiques d’ancien régime, mais cela donne à la Résurrection sa place centrale, cela aussi permet de distinguer la place du Christ et la nôtre. Le mystère pascal est le cœur de la foi, et s’exprime en divers moments liturgiques. La dimension cosmique du mystère pascal est signifié dans l’Ascension. Le temps liturgique qui s’achève est récapitulé en Christ. Ce n’est pas une évasion. Dans l’hymne de Vêpres de l’Ascension, il y a 2 versets : Culpat caro, purgat caro, regnat Deus Dei caro. La chair est le lieu du péché, la chair a été l’instrument du salut et du règne de Dieu. Dieu règne sur la chair comme principe de salut. La chair de Dieu comme principe de salut, Le Christ roi de l’univers, celui qui a notre foi.

Il faut expliquer saint Paul par saint Paul, sans s’appuyer sur Jn 1 et la théologie du logos qui s’appuie sur les 1ers mots de la Genèse En archè, cela ne doit pas faire penser à un désaccord entre Paul et Jean. Il y a en fait un accord profond entre Paul et Jean. Dans le dernier entretien de sa vie publique, Jésus déclare en Jn 12,32 « Elevé de terre, j’attirerai tout à moi », le mot signifie à la fois la croix et l’exaltation. C’est ce que disait saint Paul. Le Christ attire tout à lui. Pendant la semaine sainte, à l’office du matin et au milieu du jour, une prière d’intercession s’adresse au Christ et lui demande : « Toi qui ayant étendu tes bras sur la croix, attire à toi tous les temps, tous les mondes. »

Oui, je crois, je m’efforce d’accueillir et de vivre cette parole du Christ transmise par l’Evangile de Jean : « Elevé de terre, j’attirerai tout à moi ».

 

Être un défenseur de la foi

Si on laisse de côté la question pourtant essentielle de la langue, que reste-t-il comme différence entre un moudjahidine afghan et un dominicain ? Tous deux sont des combattants de la foi. Pour « la défense de la foi », dit la liturgie. Cette défense est au cœur de la vocation dominicaine. Ainsi pour la prière sur les offrandes pour la messe de Saint Thomas d’Aquin. La préface insiste : « Dominique fonda son ordre pour mener le combat de la foi. » Vocabulaire martial, voire belliqueux.

La différence tient dans la nature, les finalités, et donc le style et les moyens du combat. Le combat de la foi désigne la lutte vitale que mène chaque homme dans sa vie. Au plus intime de lui-même s’affronte la vie et la mort, la voix de la foi et les voix mauvaises de l’incrédulité, du désespoir, d’une pitoyable sagesse du carpe diem sans raison de vivre. L’homme reste un animal métaphysique, en qui a été inoculé le terrible virus métaphysique, qui fait sa souffrance et son honneur de ne plus se satisfaire du relatif. Odon Vallet signale que le simple fait de donner la vie à la génération qui vient, signifie que la vie est pour nous intrinsèquement bonne, valant la peine d’être vécue. Un oui à la vie, qui en dernière analyse est un oui à Dieu ; un oui jamais acquis, arraché à la tentation du nihilisme et de l’incroyance. Seul face au gué de Yabboq, Jacob a lutté toute la nuit et en sort vainqueur : je ne te lâcherai pas que tu m’aies béni. Combat de la foi, dans la nuit, solitaire, qui se conclue par une bénédiction. Mais cela se vit en Eglise, et les dominicains ont mission d’accompagner le combat apostolique de la foi, en vue du salut des âmes. Ce combat apostolique consiste à écarter les obstacles qui s’opposent à la rencontre personnelle avec le Christ. 2 conditions : au plan objectif, la foi fides quae désigne un enseignement qui s’adresse à l’intelligence pour ouvrir un nouvel horizon pour l’existence ; le combat pour la foi implique de proposer un enseignement vrai. Mais il faut aussi la fides qua, au plan subjectif : les conditions favorables à l’accueil de la foi.

Le 1er obstacle, c’est l’erreur sur la personne, comme Jacob qui se trompe entre Rachel et Léa – de l’inconvénient du voile intégral… Il faut pour cela que la Parole de Dieu soit donnée elle-même, et non nos accommodements idéologies, nos hérésies, une sorte de Canada Dry, qui ressemble à la foi, en a le goût, mais n’est pas la foi. Pour que ce soit bien cette parole qui soit transmise, Jésus a promis l’assistance de l’Esprit Saint pour la transmission de cette parole. L’Eglise veille à transmettre sans altération ce qu’elle a reçu du Christ. Cette mission est celle de toute l’Eglise. Mais l’Eglise n’est pas un tout indifférencié, mais structuré. Tous les chrétiens sont dotés d’un flair, d’un 6ème sens, le sensus fidei qui leur permet de sentir la conformité de l’enseignement avec la foi reçue des apôtres. Mais les pasteurs, les évêques ont reçu un charisme pour prêcher la foi en étant attentif à écarter toutes les erreurs qui menacent le troupeau. Cf. l’iconographie qui représente Saint Thomas d’Aquin avec sur la poitrine un soleil qui dissipe les ténèbres de l’erreur par la vérité de son enseignement. Il revient à une seule et même personne de s’attacher à un contraire et à réfuter l’autre. L’office du sage est de méditer la vérité et de combattre les erreurs. L’erreur, de manière générale est un mal qui blesse la personne dans sa capacité à connaître, qui est la condition d’un agir responsable. Elle limite la liberté, et empêche de prendre de bonnes décisions. Combattre l’erreur est un service rendu au croyant. Il faut veiller qu’aux enfants qui demandent du pain, on ne remette pas une pierre. Le catéchisme de l’Eglise indique que la mission du Magistère est d’écarter les erreurs pour permettre de professer la foi authentique. Les frères dominicains, en vertu de leur profession participent à cette mission. 1215 : ordination des premiers frères pour être prédicateurs, chargé d’extirper les erreurs, chasser le vice… avec les termes mêmes du Concile de Latran IV pour définir le munus docendi des évêques. Participation à la mission enseignante des évêques. Cela inclue la défense et illustration de la foi catholique. L’assistance promise à l’Eglise n’est pas magique, extrinsèque, elle ne tombe pas du ciel, mais s’inscrit dans une démarche ecclésiale, avec les moyens humains pour accomplir cette tâche. L’étude est le 1er moyen, consubstantiel à la vocation dominicaine, par une immersion dans la Parole de Dieu, qui fait discerner ce qui est conforme ou non à la foi apostolique. Mais cette étude qui met en œuvre les ressources de la rationalité est aussi une affaire spirituelle. Le théologien doit dans la prière garder un contact vivant avec la Révélation, avec une nécessaire purification de son intention profonde, car la défense de la vérité est un lieu propice à la volonté de toute puissance, avec le désir d’avoir toujours raison, qui remplace l’effacement humble devant la vérité. Cette humilité fait du théologien le collaborateur de la vérité. Son obéissance permettra que la vérité puisse parler à travers la théologie.

L’agronome ne veille pas à la qualité des semences pour les conserver sous cloche. De même, l’Eglise conserve le dépôt de la foi, pour le communiquer à tout homme. C’est le 2nd aspect de la foi, comme démarche intérieure d’accueil de ce Dieu qui vient à moi. Le défenseur de la foi se trouve alors démuni, se situant à l’extérieur. C’est Jésus qui frappe à la porte, et qui entre, seul. Mais Jésus envoie ses disciples en avant de lui, dans les lieux où lui-même devait aller. Mission d’aller préparer les cœurs, pour que Jésus puisse venir célébrer la Pâque dans le cœur de tout un chacun. La conviction de Saint Thomas d’Aquin est que la puissance de Dieu se manifeste dans sa générosité. Dieu suscite dans ses enfants une capacité d’agir les uns sur les autres. A la différence des puissants de ce monde, Dieu n’a pas besoin de se prouver qu’il existe en abaissant les autres. Au contraire, il associe ses créatures à son propre gouvernement de l’univers. A la fin de la prima pars, St Thomas envisage les différentes manières dont Dieu agit : Dieu seul est présent, agissant au plus intime de moi-même, au cœur même de mon activité la plus personnelle. L’altérité de Dieu n’est pas du même ordre que l’altérité humaine, en vis-à-vis d’autrui. Dieu est la source permanente de l’acte d’être qui me fait ce que je suis, et qui rend réelle toute activité positive. Deus intimior intimo meo. Le christianisme a ainsi sanctuarisé la personne. L’ordination de la personne à Dieu relativise toutes les relations horizontales aux créatures. Aucune créature n’a prise directe sur l’intimité de ma vie, l’action d’une créature ne passe que par les conditions extérieures de ma vie. Ainsi l’ange ne peut pas agir directement sur ma liberté ou mon intelligence, mais indirectement, sur les processus psycho somatiques qui conditionnent la vie de l’esprit. Pour l’homme, l’influence est encore plus limitée, même à son plus haut, qu’est l’éducation. Le maître ne communique pas sa pensée, mais manipule des idées, des mots, pour mettre son élève sur la piste. La lumière de la connaissance si elle agit, surgit de l’intérieur. Aucune créature ne peut donner la foi à une autre créature. L’acte de foi est un acte vital qui surgit de l’intérieur de la créature. Seul le Christ, le maître intérieur peut donner aux paroles extérieures une force de vie. Mais le maître extérieur doit établir des ponts entre l’univers mental de son interlocuteur et la vérité de la foi. Il a souci de rendre audible la parole de la foi. Il doit comprendre le contexte culturel de son interlocuteur, en discernant ce contexte facilite ou rend plus difficile la foi. L’incroyance contemporaine, n’est pas réductible à la seule mauvaise volonté. Elle est induite par un contexte culturel, intellectuel, qui rend la foi improbable, qui ferme l’accès à la foi : conception négative d’une liberté absolue déconnectée de la vérité, la mythologie de l’évolutionnisme, la réduction de la rationalité aux seules sciences dures aboutissant au relativisme, à l’abandon de la foi aux fluctuations du sentiment… Mon attention à la pensée médiévale est liée au souci de détecter à leur source des aiguillages défavorables à l’accueil de la foi.

Le combat de la foi est inséparable d’un certain style, avec une cohérence entre le contenu du message et la manière de l’annoncer. Appuyé sur la seule grâce du Christ, face au catharisme, Dominique a fait un choix décisif : la parole plutôt que les armes de la croisade. Comme David refusant l’armure de Saül, pour ne prendre que 5 galets, les 5 livres de la torah. Des formes plus subtiles de violence, pression sociale, chantage affectif, savoir institué, sagesse illusoire… Saint Paul y a renoncé, comme à toute forme de puissance autre que la vérité et la charité. La foi chrétienne n’a pas besoin d’autres armes. Elle s’appuie sur une cinquième colonne, un allié inviscéré dans le tréfonds de l’esprit humain : le désir de la vérité. Nous n’avons pas à le susciter : l’esprit est fait pour la vérité. La vérité ne s’impose alors que par la force de la vérité elle-même. C’est une reconnaissance qui s’opère dans l’acte de foi. Tu étais là et je ne le savais pas. La vérité doit être cherchée selon la manière propre de l’esprit humain, librement, par l’échange et le dialogue, où l’on s’expose la vérité que l’on a trouvé ou pense avoir trouvé. Manuel II paléologue, l’empereur byzantin, le disait : ne pas agir selon la raison, est contraire à la foi. On ne doit jamais recourir à la violence pour convaincre. Certes, les chrétiens n’ont pas toujours été à la hauteur de cette exigence. Jean-Paul II en a demandé pardon, pour le consentement à l’intolérance et la violence dans le service de la vérité.

Une légende veut qu’une nuit, Saint Dominique eut la visite de Pierre et Paul, qui lui remettent le bâton de pèlerin et le livre de l’Evangile. Les peintres ont doté les apôtres de leurs attributs habituels : les clés, et l’épée. Cette épée correspond à l’évangile lui-même remis à Dominique. La Parole de Dieu est cette épée à double tranchant qui sort de la bouche du Christ, qu’il n’aurait pour rien au monde échangée contre les rapières émoussées. Seule cette épée de la Parole aiguisée par la méditation et l’étude pourra infliger une blessure qui guérit toute blessure.

 

Concélébrer entre catholiques et orthodoxes

Le propos de la leçon est de savoir si dans l’état actuel des relations œcuméniques entre catholiques et orthodoxes, la concélébration eucharistique est possible ou non.

La pertinence ou non de cette concélébration, en raison de l’unité substantielle de foi dans le mystère eucharistique entre nos confessions, ainsi que sur le ministère ordonné. Pour le dialogue avec les protestants, la question est infiniment plus complexe. Il reste du chemin vers la pleine communion entre catholiques et orthodoxes, avec notamment la question du ministère du successeur de Pierre, et 1000 ans de séparation culturelle. La concélébration eucharistique, d’un point de vue purement dogmatique. Il y a 40 ans, nous étions très proches de voir Paul VI et Athénagoras concélébrer. Avec les 50 ans de Vatican II, la question mérite d’être reposée. Qu’est-ce qui à cette époque nous avait tant rapprochés ? Qu’est-ce qui nous a éloignés ?

Avec Vatican II la perspective était de partir de ce qui nous éloignait. Avec Vatican II, changement de perspective, en insistant sur ce qui nous unit à nos frères séparés. La question de la concélébration se pose ainsi : est-ce que la concélébration demande que l’on soit dans la pleine unité préalable, et la célébration manifesterait cette unité ? ou est-ce que l’unité requise pourrait être réelle, mais incomplète, et la célébration aiderait à compléter cette unité ? Avec les orthodoxes, la proximité est telle qu’il y a bien peu de différence qui fasse obstacle à la concélébration.

Pour les personnes individuelles, avant de parler de la discipline concernant les communautés, le mot discipline renvoyant au « comment être de vrais disciples », nous avons radicalement changé de manière de faire avec Vatican II. La discipline antérieure interdisait aux catholiques d’assister ou de quelque manière que ce soit à une célébration non catholique, du fait que cette participation aurait impliqué l’approbation aux croyances des cultes dissidents. Aujourd’hui, dans la discipline actuelle pour des personnes individuelles, si un catholique se trouve en pays orthodoxe, sans possibilité de participer à un culte catholique, il peut légitimement demander de participer à un culte orthodoxe, avec l’autorisation des responsables orthodoxes. La réciproque est possible : l’admission d’un orthodoxe à une célébration eucharistique catholique. Mais il y a d’autres éléments de cette discipline individuelle qui peuvent s’appliquer à des communautés : « nécessité impérieuse » et « bien spirituel ». Dans un contexte de crise générale de la mondialisation, n’y aurait-il pas lieu de manifester la fécondité d’une autre mondialisation en Christ ? L’Eucharistie pourrait-elle être en un moyen ? En évitant l’indifférentisme… Or la discipline actuelle reste très claire et très ferme, commune aux catholiques et orthodoxes : la concélébration par des ministres catholiques et orthodoxes, ne sera possible qu’après une entière et complète communion.

L’argument majeur est que l’Eucharistie est le sacrement de l’unité, à condition que l’on soit dans l’unité des moyens de grâce. Concélébrer l’Eucharistie alors que l’on ne serait pas dans cette communion préalable, serait un signe menteur, la perversion du signe sacramentel par excellence, un sacrilège. Cela est rappelé par les 2 confessions. Il ne s’agit pas d’introduire une rupture dans une tradition constante, mais on peut proposer une intelligence plus profonde des principes de cette tradition.

Par exemple, la doctrine des limbes, très largement commune a été l’expression de l’intelligence que l’on avait de 2 principes valables : le péché originel qui empêche d’entrer dans la béatitude, l’absence de péché personnel des enfants qui interdit leur damnation. Aujourd’hui, on cherche quels pourraient être les moyens pour les enfants en bas âge d’être reliés au Christ.

Est-ce que si l’on revisite ce qui nous unit, peut-on modifier le curseur en proposant une nouvelle pratique à partir d’une nouvelle interprétation des mêmes principes ?

La nature du mouvement œcuménique, des relations entre nous… La distinction de 2 œcuménismes, celui spirituel, et celui doctrinal. Le 1er est fondé sur les biens spirituels que nous partageons et pouvons vivre en commun. Cet œcuménisme est l’âme de tout œcuménisme, qui permet de célébrer ensemble la liturgie des heures. Le 2ème, doctrinal est second. L’œcuménisme spirituel n’a peut-être pas été assez sondé, avec la concélébration eucharistique comme préalable à la pleine unité dans l’œcuménisme doctrinal, actuellement en panne avec les orthodoxes.

La discipline actuelle qui prohibe s’il n’y a pas d’unité doctrinale complète, crée une situation paradoxale. La concélébration comme signe menteur, serait dépourvue d’effets de grâce, alors que la célébration séparée porterait des fruits de grâce. Peut-on essayer une 3ème possibilité ? la concélébration comme signe vrai d’une unité célébrée, pour parvenir à l’unité complète, mettrait en avant l’œcuménisme spirituel avant l’œcuménisme doctrinal.

La question la plus visible du dialogue catholique-orthodoxe, porte sur le ministère de l’évêque de Rome, qui pour les catholiques n’est pas seulement signe, mais cause d’unité dans l’Eglise, ce qui suppose une autorité, un certain pouvoir. Les orthodoxes n’y voient qu’une primauté d’honneur, un pur signe, sans la responsabilité de l’unité avec l’autorité nécessaire. Il est bon d’user des règles d’exégèse de Saint Thomas d’Aquin dans son « contre l’erreur des grecs », appelant à recourir aux mêmes autorités que celles des grecs, aux plus anciennes, même si elles sont moins explicites, en usant du sens des mots de nos interlocuteurs.

La primauté d’honneur, n’est pas vanité, symbole vide de tout sens. Honneur suppose dignité, renvoyant à l’autorité de Dieu. Personne ne doute que si une concélébration eucharistique avait lieu au plus haut niveau ecclésial, ce serait l’évêque de Rome qui la présiderait, exerçant une primauté d’honneur qui ne serait pas un symbole vide. Le 25 juillet 1965, Athénagoras accueille Paul VI, en le désignant comme « le premier en honneur entre nous, celui qui préside dans et par la charité », induisant sa présence à la présidence du sacrement de la charité. L’honneur rendu à l’évêque de Rome ne serait pas rendu à lui, mais au Christ, dans un rôle iconique. La divergence sur le mystère de la primauté, pourrait ne pas être aussi profonde qu’on le pense, en lui donnant un sens qui est celui le plus ancien et qui pourrait se manifester à sa juste place, avant toute définition canonique : rendre un honneur liturgique est beaucoup plus lourd de conséquences qu’on l’imagine. L’excellence personnelle de l’évêque de Rome reconnue dans l’Eucharistie impliquerait son autorité y compris dans le domaine de l’enseignement.

En changeant de discipline, on peut ne pas rompre avec la doctrine passée. Concélébrer le sacrement de l’unité pour que le signe ne soit pas menteur, suppose que l’on soit uni dans le mystère premier de la foi, et dans le mystère des sacrements qui portent le mystère premier. Une unité est requise pour la concélébration, qui pourrait être incomplète, et le dynamisme de l’unité pourrait être appuyé par la concélébration eucharistique.

Dans une partie de Ep 4, qui est un très grand chapitre pour saisir ce qu’est l’unité des chrétiens, Saint Paul dit qu’avec grande humilité et mansuétude, vous supportant avec patience et dans la charité, appliquez-vous à l’unité dans la paix. En évitant 4 risques et en cultivant 4 vertus : (1) fuir l’orgueil et cultiver l’humilité ; quand un orgueilleux veut présider d’autres orgueilleux, la dissension et la ruine arrivent. Il faut de l’humilité pour les conjurer. La dissension catholique-orthodoxe ne pourra être résolue par l’humilité intérieure et extérieure, qui introduit l’Eucharistie. (2) fuir la colère et cultiver la mansuétude ; chaque Eglise doit faire preuve vis-à-vis de l’autre de mansuétude. Ce fut le cas le 7 décembre 1965 lors de la levée réciproque des excommunications. (3) fuir l’impatience et cultiver la patience envers les opposants. Nous sommes encore opposants sur des points doctrinaux non mineurs. La patience est ici une attitude éminemment positive. (4) se méfier du zèle désordonné et pratiquer une endurance charitable. Ceux qui jugent imprudemment perturbent les communautés. Il faut pratiquer la charité, ce qui en contexte œcuménique que chacun supporte les manques de l’autre, laissant la charité œuvrer par la réconciliation via l’œcuménisme spirituel.

Si cet œcuménisme spirituel est l’âme de l’œcuménisme doctrinal, la concélébration œcuménisme ne pourrait –elle pas être le signe de ce primat ?

Les religions pour la paix, et si l’on s’exerçait au dialogue…

Merveilleuse journée de rencontre islamo-chrétienne à Rodez, hier, qu’il nous faudra relire avec le groupe des « Religions pour la Paix » qui se rencontre depuis dix ans. Nous avions voulu partager à davantage de fidèles de nos communautés respectives, catholiques, protestants, musulmans, le goût que nous avons de nous rencontrer, de dialoguer, de nous connaître pour aborder les sujets d’actualité ou de société susceptibles de rassembler ou de diviser les croyants. La violence religieuse, la liberté d’expression, le statut de la femme, la laïcité, la transmission etc…

 

Ces quelques heures passées au centre social Saint Eloi, à Rodez, ont permis de faire vivre cela à davantage que la vingtaine de membres des « Religions pour la Paix », en particulier aux tables rondes de l’après-midi, passionnantes pour les auditeurs, comme pour les partenaires d’un dialogue sans tabou, mais toujours vécu avec un immense respect.

 

En soirée, c’est une leçon de respect, et d’écoute de l’autre dans ce qu’il dit de sa foi, une leçon fondée sur un compagnonnage durable, mais aussi sur un recul historique particulièrement éclairant, que nous avons eu avec la conférence-débat du p. Christian Delorme et du Dr Wassim Hamie. En voici les notes prises ce soir, et qui n’engagent pas les conférenciers. Comme le disait en introduction le Dr Hamie, le bien que produiront ces mots vient de Dieu, les erreurs de moi !
Dr Wassim Hamié
Le dialogue islamo-chrétien à Albi s’est institué à l’occasion de la mort tragique des moines de Tibbhirine. Condition du dialogue, c’est le respect, qui ne demande pas de qualification particulière. La manière « sèche », manquant de respect, dont les occidentaux parlent de Jésus, de Marie, des prophètes, choque les musulmans qui arrivent en France. La piété est pour le musulman la qualité première de l’être humain.
La place de l’homme tel que le Coran le dit se trouve dans la 2ème sourate dite de la vache « Al-Bakhara » – un titre qui dit l’importance de la domestication des animaux par l’homme – qui vient d’une polémique autour d’une affaire de sacrifice d’une vache, évoque l’établissement de l’homme comme « calife », lieutenant de Dieu, chef… L’humanité est destinée à régner sur la terre. Le mot « calife » signifie aussi « successeur » du Prophète, dans la succession de l’histoire passée. Le récit de la 1ère désobéissance d’Adam et Eve, les deux ensemble, de leur repentir, dit la possibilité d’un pardon sans intermédiaire : pas de péché originel donc. La sourate – mot arabe qui signifie « rempart », comme un chapitre encadré – de la vache, dit que c’est ainsi que l’on a fait de vous, communauté islamique, une communauté intermédiaire, agissant dans la société, ni violente, ni retirée de la société. Le verset dit du trône dit la définition de Dieu, transcendante, englobant le ciel et la terre, sublime et grand. Pas de divinité autre que lui, le vivant, l’immuable. Enfin, voilà la sourate qui dit : « point de contrainte en religion ». Dans le dictionnaire de la religion, il n’y a pas le mot contrainte. C’est fondamental pour vivre en société. La même sourate (la seule) parle du jeûne du Ramadan. D’autres versets parlent du pèlerinage, du divorce, du refus du prêt à intérêt, de l’usure sur l’argent, de la finance pour la finance. A la fin de la sourate « Al Bakhara » il est dit que Dieu ne charge jamais une âme au-delà de ses capacités. Dieu ne nous blâme pas si on oublie…

Le programme du musulman sur la terre implique le refus de la violence et de l’autorité. Le musulman est libre. Le meilleur parmi nous, c’est le plus pieux. La sourate 6 verset 149 définit la piété à partir de la montée du croyant pour connaître ce qui est permis et ce qui est défendu : n’accorder à Dieu aucun associé, respecter ses parents, s’occuper des pauvres, refuser les turpitudes et les mauvaises actions, ne pas tuer l’âme que Dieu a refusé que l’on tue… ne pas approcher de l’argent de l’orphelin avant sa majorité, mesurer ce que l’on pèse, être juste dans la parole, ne pas favoriser la parenté, être fidèle dans ses pactes, suivre le droit, ne pas s’en écarter… La piété est définie par les 10 commandements, la plate-forme commune aux 3 religions, qui sert l’humanité, la société.
Le Coran accorde une place centrale à Marie. On a rapproché les versets bibliques et coraniques (sourate 30) et l’on voit que l’Islam honore davantage la vierge Marie.
P. Christian Delorme
Merci de m’avoir convié à cette fête, cet anniversaire. J’ai pu parler à un certain nombre d’entre vous, découvrir les liens d’amitié que vous avez construits. C’est exemplaire. Je vois beaucoup de choses en France et peu de lieux vivent cela autant qu’ici.
Je suis heureux du nombre que vous êtes, de votre diversité, de la présence de l’évêque, des responsables musulmans.
Les chrétiens ont pu goûter le témoignage de foi, érudite et réfléchie du Dr Wassim Hamié. En France, on n’a pas conscience que le Coran est pour les musulmans un moyen de vie spirituelle. Il y a chez eux un amour du Coran et de l’arabe. On va plutôt chercher des versets qui posent problème, sans voir la globalité du Coran. Vous avez l’expérience d’être libanais, avec une liberté de parole particulière.
Cette sourate Bakhara, de la génisse, la plus longue du Coran, résume l’Islam. Dans nos églises, on ne mesure pas cela. Mais les musulmans aussi ne mesurent pas le lien très particulier que les chrétiens ont avec la Bible, qui est une bibliothèque. Leur rapport est différent de celui du musulman au Coran. Nous sommes aussi amoureux de ce texte, mais autrement. Je commence par cela : ce dont nous avons besoin dans nos communautés, chrétiennes et musulmanes, c’est d’apprendre le respect du texte sacré de l’autre. Je suis peiné d’entendre des gens non instruits ou au contraire savants, parler de manière désobligeante de tels textes. Il n’y a pas tant d’autres textes qui ont produit autant de choses que ces textes sacrés. Si nous apprenions à les regarder avec un infini respect, ces textes religieux, le monde s’en porterait mieux. Ceux qui connaissent des musulmans de près, savent quel rapport ils entretiennent avec le Coran, même s’il y en a aussi d’autres qui en ont une lecture fondamentaliste, littérale.
Je pourrais dire le goût des chrétiens pour l’Evangile et les paroles de Jésus. Je préfère parler des grands bouleversements que l’on connaît aujourd’hui, mais pour les voir avec du recul, privilège de l’âge. On est dans une situation nouvelle au plan mondial et français, avec la montée de l’Islam.
Être vieux permet de voir les choses dans la durée. Ceux qui comme moi ont 60 ans et plus, se rappellent que l’on ne disait rien de l’Islam il y a 40 ans ; il y avait des figures admirables de missionnaires, comme Charles de Foucauld. On associait l’Islam à une religion tranquille, de bergers ne posant pas de problème. On disait « les pauvres musulmans, ils n’ont pas découvert la grandeur du Christ. » On parlait plutôt du péril jaune ou du péril communiste. A la fin des années 70, la guerre du Liban a modifié la perception de l’Islam en France (otages, violences interreligieuses) ainsi que la révolution iranienne en 1979, qui est d’abord révolution politique, mais aussi religieuse, avec une société organisée par des règles se prévalant de l’Islam. Il n’y avait jamais eu de révolution islamique avant ! On réalise alors qu’autour de l’Islam, des peuples ayant connu des périodes de domination extérieure (colonisation, mandat), ou intérieure (dictature), qui n’en peuvent plus de l’humiliation, s’appuient sur l’islam comme « religion de la justice ». L’Islam apparaît alors comme force de révolte, qui peut être canalisée par des partis religieux, ce que l’on voit en Egypte, en Tunisie, avec les frères musulmans, qui sont un parti religieux et politique. On est dans une grande révolution qui est une nouveauté dans le monde de l’Islam, et pour nous, avec des conséquences mondiales.
Au niveau français, là-aussi, la France en mai 68 était blanche. Il y avait déjà des immigrés, mais qui vivaient dans la marge. Dans les manifestations de mai 1968, il n’y avait pas d’immigrés. Aujourd’hui, nous sommes dans une société avec un mélange de population comme il n’y en a jamais eu. 3 à 18 millions de musulmans… selon les estimations. En gros, 10% de la population a un lien avec l’Islam, 25% dans certains quartiers, 40% dans des quartiers de Marseille, 60% dans certains de Seine Saint Denis. Le monde bouge. Des choses nouvelles apparaissent, et cela dérange. Les musulmans devraient aussi voir que l’histoire des relations entre l’Eglise et la société a longtemps été conflictuelle. La révolution française a été un grand traumatisme pour l’Eglise, avec sa séparation d’avec la monarchie. C’est la papauté qui a poussé l’Eglise de France à une séparation d’avec l’Etat, à la fin du XIXème siècle, et cela ne s’est réalisé qu’après la 1ère guerre mondiale. Deux siècles de conflits, qui ont abouti à une paix qui a mis du temps à se construire, notamment dans le face à face Eglise-République.
Or, voici qu’apparaît l’Islam, présent dans la sphère publique comme les églises ne le sont plus. Les musulmans n’ont pas cette mémoire de cette histoire conflictuelle. Quand en 1989 apparaît la 1ère affaire du voile en France, la peur qui a animé la société française n’était pas la peur de l’Islam, mais celle du cléricalisme, d’une intrusion des religieux dans une autre sphère que la leur : « on a chassé les curés des écoles, ils ne dictent plus la morale, et voici que l’Islam entre par les fenêtres ».
Notre approche du monde musulman en France est marquée par le contexte international, avec les violences où l’Islam est impliqué (Irak, Syrie, Pakistan…). Cela fait que l’on voit en le musulman, la figure que nous livre l’actualité. Il y a aussi une situation difficile au plan social et économique, qui touche davantage les couches populaires les plus récemment arrivées. Le chômage – cf. la crise des OS au début des années 80 – touche aussi les fils des immigrés. On associe Islam et problèmes sociaux, mais les mêmes difficultés d’intégration et de chômage touchent les immigrés antillais ou africains.
Le mouvement salafiste, grosso modo initié en Arabie Saoudite (qui est saoudite depuis le XXème siècle) par un courant au départ très minoritaire, devient majoritaire dans les cadres de l’Islam.
En France, contrairement à l’image que l’on en a, on a beaucoup de chance, car l’immense majorité des français se refuse au racisme, avec des phénomènes contradictoires. On aura une grande méfiance à l’égard des jeunes, des garçons en bas des tours. Est-ce du racisme ? Parfois. Parfois, c’est plutôt de l’agacement à l’égard de certains comportements. Les mêmes seront accueillants à l’égard de jeunes femmes musulmanes, jugées « impeccables ». Le racisme à la française, c’est aussi cela. Même chose pour l’islamophobie : on construit beaucoup plus facilement des mosquées aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Elles sont jugées préférables à l’Islam des caves. La société française est beaucoup plus pacifiée que l’on ne croit : bien plus pacifique et intégrée qu’en Espagne, Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, où les communautés sont séparées. En Espagne, les marocains sont beaucoup plus discriminés qu’en France avec des conditions de vie très difficiles. C’est l’héritage de l’histoire. Ici, on a plus d’habitude de la rencontre.
Nous avons avec la « communauté musulmane française » – moins définie que relevant d’un sentiment diffus d’appartenance, par delà les différences entre algériens et marocain, libanais et maghrébins – celle qui en Europe est la plus loyale à la société. On parle toujours des situations qui posent problème, mais l’ensemble de la communauté musulmane est soucieuse de la paix sociale.
La population musulmane algérienne représente la moitié des musulmans de France. Lors de la décennie noire des années 90 (entre 1992 et 2012, 200.000 personnes sont mortes en Algérie : ce serait l’équivalent de 600.000 personnes en France !), on a eu peur que les problèmes d’Algérie se transposent en France. En fait, les franco-algériens de France ont tout fait pour éviter cela. On ne dit pas assez qu’ils nous ont protégés d’une importation de la violence algérienne en France. De même, dans 98% des cas des attentats déjoués par la police, cela a été grâce à l’aide de musulmans. La meilleure protection de la paix religieuse en France, c’est la communauté musulmane en France. C’est de l’intérêt de la France de laisser la place à un Islam officiel, en ayant des interlocuteurs reconnus, et respectés.
Avec l’affaire du voile islamique, Jacques Chirac a voulu légiférer sur le port du voile à l’école sans consulter les musulmans. Beaucoup de musulmans qui ne voulaient pas forcément que leurs filles soient voilées, ont été choquées par cette loi. Mais la loi votée, elle a été acceptée et appliquée par les musulmans. Les seuls cas de résistance ont été le fait de musulmans d’origine turque en Alsace.
Le respect quant au texte et à la foi de l’autre. Un regard juste sur les musulmans de France.
Qu’ajouter de plus ?
Le mot respect résonne autant chez les âgés et les jeunes. On est tous sensible au manque de respect. Souci de se respecter au nom d’une commune humanité. La réintroduction de cours de morale à l’école voulue par le ministre de l’éducation nationale peut effectivement apprendre un vivre-ensemble dans une famille, un quartier, un espace public. C’est important. Tout être a droit à un infini respect, moi comme toi.
Lorsque nous sommes entre croyants, dans le dialogue interreligieux, il y a lieu d’écouter l’autre. Peu de chrétiens ont écouté des musulmans parler de leur foi, de leur rapport au texte, de leur perception du Prophète. Je le dis aussi à des musulmans, et j’ai été heureux de voir que nos amis musulmans ont pris la Bible proposée par nos frères protestants… en fait par les catholiques. Idem pour entrer dans le Coran, même si la lecture demande des outils, et pour cela écouter l’autre nous en parler.
Le dialogue islamo-chrétien bute sur des questions radicales. Votre connaissance mutuelle vous permet d’aller directement sur ces questions. Il faut accepter de ne pas comprendre. Des chrétiens moyens en France, différemment des chrétiens orientaux (plus littéralistes, plus accueillant au merveilleux), ne comprennent pas ce que vit un musulman. Idem pour un musulman vis-à-vis de ce que vit un chrétien, en particulier sur ce que nous disons de Jésus, fils de Dieu. Il faut accepter de ne pas comprendre, et de regarder l’autre, dans ce que sa foi transforme en lui. Comment le Coran change le musulman, et l’Evangile le chrétien. Quel lien as-tu à celui que tu appelles le fils de Dieu ressuscité, et qu’est-ce que cela change pour toi ?
Les choses deviennent alors très différentes. Je connais des musulmans qui sont capables de parler de la foi chrétienne aussi bien et mieux que moi. Rachid Benzine, mon ami, était le 1er musulman que je rencontrais qui avait assez rencontré de chrétiens pour connaître ce qu’ils vivent de l’intérieur.
Importance du cheminement d’amitié qui dure depuis des années. On peut se respecter car on a appris à s’aimer.
Débat
Que faut-il penser de la réaction des uns et des autres sur les caricatures ?
WH : à Albi, on en a très peu parlé, car on a compris que c’était de la provocation pure. Je suis très attaché à la liberté de penser et de s’exprimer. On a le droit de dire ce que l’on veut, mais on n’a pas alors à demander la protection de la police. Le débat interreligieux sur le dogme est encore plus loin d’aboutir que celui qui a eu lieu à l’origine de l’Islam, et qui n’a pas abouti. L’Institut Catholique a fait un choix heureux de choisir un musulman de terrain plutôt qu’un intellectuel pour parler de l’Islam.
CD : Charlie Hebdo est d’abord une entreprise commerciale, avec une idéologie libertaire : « ni Dieu, ni maître ». La liberté de pensée appelle en fait à une responsabilité. Au moment où des magazines – en particulier Newsweek – faisaient leur titre sur « la rage des musulmans » qui était un phénomène marginal, ils n’ont presque pas parlé du voyage de Benoît XVI au Liban, avec la participation de tous les responsables musulmans et le souci de tous de faire de ce séjour un temps de paix.
Par rapport aux caricatures, nous ne nous rendons pas compte que nous appartenons à une culture qui a développé des choses qui ne se sont pas développées de la même manière en Islam : le rapport à l’image et au corps. Cf. la remarque de musulmans qui s’étonnent que l’on puisse prier sans distraction dans une église remplie de statues et d’images. Nous sommes dans une culture de l’image, héritiers des grecs. Idem pour le corps, avec une culture du dévoilement du corps, de la mixité. On a cela dans nos gênes, alors que l’Islam est dans la culture du refus de l’image et le voilement du corps. Les sociétés occidentales se sont construites depuis le XVème siècle dans la raison critique, avec l’habitude de tout critiquer. D’autres cultures ne sont pas moins intelligentes mais avec un autre usage de la raison.
Quelles sont vos réactions par rapport à l’analyse historique du p. Delorme ?
WH : Le chemin parcouru depuis 30 ans est important, avec de plus en plus de dialogue, de connaissance mutuelle, notamment sur la vie spirituelle du musulman. Les musulmans, nous devons faire savoir les valeurs que nous transportons, le fait que nos sociétés sont très paisibles, conviviales, curieuses de l’ailleurs et de l’étranger… La sourate 5 de la table servie (v. 48) : « si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. » La diversité est voulue par Dieu. Le Coran ouvre la voie libre à tout être humain de vivre comme il veut. C’est une réalité humaine. Nous faisons des appels à participer à la vie sociale, aux élections. Avec les marocains, aux fêtes musulmanes à Albi, tout le quartier est inondé de gâteaux arabes. Ne pas être intimidés ! Le p. Delorme a raison de dire que c’est une chance d’être en France. La laïcité protège tout le monde. Les valeurs que nous vivons dans nos maisons ne peuvent que faire progresser la société. Par exemple en fin de vie.
Avec les thèses de droite et d’extrême-droite de renvoyer la religion dans les maisons, jusqu’où faut-il céder ?
WH : En toute chose de la vie, il y a des priorités, et le voile n’en est pas une. Il est une question de société en débat y compris dans les sociétés musulmanes.
CD : La société française doit apprendre, mais tous doivent apprendre. Il y a eu sur le voile des réactions issues de milieu féministes voyant dans le dévoilement une victoire. Dans les années 40, tous portaient un chapeau ou un voile. Ce fut une libération extraordinaire pour tant de religieuses d’abandonner le voile. Une société ne peut progresser que dans le dialogue. Elle fonctionne mieux que les idéologies. Des jeunes filles complètement voilées se trouvent avec d’autres sacrément dévoilées. On trouve de tout, avec des mixages étonnant. La question est non pas ce que l’on porte, mais que l’on sache vivre avec les autres, et ce n’est pas facile de le faire avec des différences.
A Rieux-la-Pape, il y a une communauté hindoue, avec un temple dédié au Dieu Ganesh, à corps d’homme et tête d’éléphant. Cela demande un gros effort pour les chrétiens d’entrer dans cette spiritualité ! Or le quartier de ce temple est surtout habité par des musulmans, qui accueillent avec beaucoup de tolérance les processions étonnantes des hindous.
WH : La discrimination de quelques jeunes qui ont failli être licenciés pour leur pratique du Ramadan, n’est qu’un phénomène minime par rapport aux millions de musulmans français qui ont pu pratiquer le Ramadan.
Les musulmans ne sont-ils pas plus cadrés que les catholiques, et cela expliquerait leur progression ?
CD : Il faut voir plus loin que la France. Le christianisme se porte extraordinairement bien dans le monde. Le plus grand défi de l’Eglise Catholique, ce n’est pas l’Islam, c’est la montée des églises évangéliques. Ici, le christianisme se rétrécit, parce qu’il a couvert toute la société pendant des siècles, et qu’il diminue non pas à cause de l’Islam, mais à cause d’une sécularisation liée à la liberté de pensée, à la raison critique, et c’est tant mieux, mais aussi à un accroissement économique et matériel qui fait oublier Dieu. Le sentiment d’un dynamisme de l’Islam est lié à la démographie, mais aussi à cause de courants de revivalisme musulman qui interrogent les chrétiens, peut-être trop tièdes. Les musulmans nous stimulent pour une plus grande extériorisation de notre foi chrétienne dans la société.
WH : L’être humain a besoin de rites, notamment en fin de vie, et les besoins des occidentaux sont différents.
Y a-t-il une méfiance de l’Islam, sur l’égalité homme-femme ?
WH : Une religion s’appuie sur une révélation et le poids d’une histoire, de traditions culturelles. Il faut lire le Coran à l’état pur, par-delà l’accumulation de ce que les civilisations, les écoles théologiques ont apporté. Le Coran donne à la fille la moitié de ce qui est donné au garçon ; oui, mais il y a des sociétés où ce n’est même pas cela la proportion.
Le fait que le Coran parle du divorce est même avant-gardiste par rapport au XXème siècle.
La religion est-elle forcément liée à une région ? La plupart des musulmans ne sont pas du Maghreb et du Moyen Orient. Il y a des français de souche qui sont musulmans.
WH : Remarque pertinente ! Mais en fait, on part d’un vécu personnel, car je suis issu de l’immigration.
CD : Il faut être conscient que ce que nous sommes s’enracine dans des histoires très anciennes. Si j’insistais sur le rapport à l’image et au corps, c’est inscrit en nous d’une manière dont nous ne sommes pas conscients. C’est valable aussi pour les catholiques et les protestants qui ont un autre rapport à l’autorité et à la liberté. Il n’y a pas de religion hors-sol. Il faut voir tout cela pour comprendre nos comportements. La problématique homme-femme est très récente, avec le droit de vote accordé aux femmes depuis 1946, après maintes batailles que n’a pas connues le monde musulman. On ne peut parler de la condition de la femme en Islam comme cela, car il n’y a rien à voir entre la femme touarègue ou marocaine (certaines sont oulemas) et d’Arabie Saoudite ou dans d’autres pays musulmans où la femme est considérée moindre qu’un animal. Idem pour les relations homme-femme en pays basque ou en Bretagne.
Une sourate parlait d’infidèle. Qu’entendez-vous par « infidèle » ?
WH : Il s’agit des polythéistes de la Mecque. Les juifs et les chrétiens sont considérés comme des « gens du Livre » rétribués selon le bien qu’ils font, et leur foi en Dieu créateur. Cette « évidence » d’un Créateur rétributif est ni prouvable, ni improuvable.
CD : Dans les débats théologiques sur la notion de « gens du Livre », il y a d’autres termes plus employés par le Coran pour parler des chrétiens, davantage mentionnés comme « nazaréens » et « gens de l’Evangile ». Cela correspond mieux à la compréhension que les chrétiens ont d’eux-mêmes, qui adhèrent à la personne du Christ plus qu’à un livre.
WH : La langue arabe est une langue ancienne qui a conservé tous les sons de la nature.
Vous avez un optimisme qui nous revigore, avec l’objectif d’un vivre ensemble, qui est l’objectif de la laïcité. Quid des tendances au « vivre entre nous », avec un nous d’exclusion, de rejet ? Du front national.
WH : C’est une question de la sphère politique, dans un pays démocratique avec des élections. Il faut entrer dans le débat politique et user arguments contre arguments. Je suis optimiste, avec le développement de techniques extraordinaires pour l’humanité, contre la faim, les maladies…
CD : En analysant la société française, il y a des raisons d’être optimistes, à condition d’être vigilant, car une société peut rapidement basculer dans le racisme. Je ne suis pas optimiste pour le monde, notamment pour la situation catastrophique des chrétiens dans le monde arabe. Vis-à-vis du front national, leur propos rejoignent la souffrance de beaucoup dans les quartiers populaires, qui n’est pas prise en compte par les autres instances sociales, religieuses ou politiques. Soit on a le front national, soit on a l’Islam comme moyen de réconfort. Ce qui interroge, c’est le populisme qui veut récupérer des thèmes portés par le front national, avec des concepts comme celui du racisme « anti-blanc », qui équilibrerait les autres formes de racisme. Travaillons le vivre-ensemble dans les quartiers populaires. Or on ne sait pas bien faire.
Pourquoi chez les musulmans en France, beaucoup plus de tolérance pour les garçons que pour les filles ?
WH : C’est une affaire tribale ancienne, car il y avait un tel biais chez les premiers théologiens ; le garçon était celui qui portait les armes, etc… Mais je partage l’avis du p. Delorme, que les filles s’en sortent mieux que les garçons en général.
Il faut lire les textes de l’autre, et éviter les lectures fondamentalistes. Est-ce possible de le faire en les lisant directement ?
WH : Le risque existe. Mais il y a maintenant plein de moyens – internet – d’apprendre. Dans 10 ans, ce sera difficile d’imaginer un prêtre qui n’ait pas lu le Coran et un imam n’ait lu l’Evangile. C’est inadmissible de ne pas entrer dans cette connaissance réciproque.
CD : Je crois important de réaliser d’abord que l’Islam connaît des révolutions incroyables. Les musulmans n’en sont pas toujours conscients, notamment que c’est seulement depuis les années 70 que le Coran est disponible pour tous les musulmans. Avant, le Coran était calligraphié, détenu par les seuls gens savants ou ayant les moyens d’en avoir un, et le musulman n’avait connaissance du Coran que moyennant la récitation par coeur du Coran – apprise dès l’enfance, 10 ans – et l’écoute orale du Coran. Pendant des siècles, on n’a pas eu le droit d’imprimer le Coran. A part une édition au XVIIème siècle et une autre au XIXème siècle à Saint Pétersbourg, ce n’est que dans les années 1920 que le Coran s’est diffusé massivement. Idem pour l’accès à la Bible dans le monde chrétien. Les grands savants religieux sont hélas mis de plus en plus à la marge, car tout le monde a accès direct au Coran et pense s’affranchir de la tradition. Apprendre à lire le Coran quand on est chrétien, à lire la Bible quand on est musulman, en prenant conscience de ce que représente ce texte pour le croyant.
Qui est Satan ?
WH : Satan est appelé dans le Coran ennemi en dehors de nous, et intérieur en nous. Le Satan, ou Ibliss, celui qui est désespéré de la clémence de Dieu, du projet de Dieu de faire de l’homme un calife sur la terre.
J’arrive des bouches du Rhône et je confirme que ce qui se passe à Rodez est exemplaire. Comment le faire savoir ?

Conclusion par Jean-Claude Lépinat (ERF) : Il y a eu une conférence de presse. Cette journée fut une réussite, avec 150 participants ce soir. Merci au Dr Hamié et au p. Delorme, pour ce qu’ils nous ont dit aujourd’hui. J’espère que cela va nous éclairer et ouvrir un chemin qui nous rapproche de plus en plus. Le groupe des « Religions pour la Paix » va travailler encore davantage.