A propos de Harry Potter…

En réponse à une de mes filleules me demandant si j’ai lu Harry Potter et ce que je pense de l’avis critique du pape sur le phénomène…

Eh oui, j’ai lu HP7 (moins de 2 semaines après sa parution en anglais). Et c’est l’un de mes préférés, tout particulièrement à la fin quand se dévoile – enfin – le personnage de Severus Rogue. C’est bizarre, mais j’ai toujours préféré les tomes impairs (surtout les 1, 3 et 7), plein de rebondissements, de personnages complexes, avec au contraire dans les tomes pairs une action trop lente (t.2), trop linéaire ou prévisible (t.2,4) ou à l’inverse trop obscure (t.6).

Concernant « l’avis du pape », en réalité il s’agit d’un avis qu’il a donné en 2003 alors qu’il « n’était que » cardinal Ratzinger, et qu’il n’impliquait pas toute Eglise, ou du moins pas autant que depuis qu’il est pape. Joseph Ratzinger a de fait critiqué HP à propos de l’usage de la magie ou de l’occultisme qu’on y trouve, dans une lettre de mars 2003 adressée à une allemande, Gabriele Kuby, qui lui avait envoyé le livre qu’elle avait écrit contre le phénomène HP.

Je crois que cet avis – dont l’excès est certainement dû au fait que J.Ratzinger n’a probablement pas lu HP – peut malgré tout être entendu au même titre que ce que l’on doit entendre au sujet des jeux vidéos. La grande majorité de ceux qui les pratiquent font la différence entre le virtuel et le réel. Et s’ils peuvent se passionner pour un jeu, ils n’en préfèrent pas moins revenir au monde réel. Ceci dit, il y a des déséquilibrés qui en deviennent à ce point fan qu’on les appelle – dans le jargon – des « no life », qui s’enferment dans tel ou tel jeu et se déconnectent de la réalité qui leur paraît fade en contrecoup. Pire, il y en a qui rêvent de mettre en oeuvre dans la réalité ce qui n’est en fait qu’artifice en vue d’une « distraction » (conduire des bolides, tirer sur des gens…). Pour ces déséquilibrés, une critique peut être utile.

En ce qui concerne Harry Potter, la magie n’est ici qu’un moyen littéraire, un décor, et l’immense majorité des lecteurs distingue bien cela de la réalité. Mais une critique est d’autant plus nécessaire que la pratique de la magie (noire) existe, avec des rites proches de ce que l’on trouve à la fin du tome 4, avec des intentions identiques à celle des Mangemorts : volonté de puissance, recherche du mal pour le mal, lien avec la mort, satanisme… Ce n’est pas qu’une fiction ! J’avoue que cette fin du tome 4 m’a dérangé, ainsi que la fin du tome 6 – toujours des tomes pairs !

Hormis cela, l’intrigue des HP m’a plu, mais en tant que distraction, en tant qu’énigme à résoudre avec des indices bien parsemés. La série des HP n’a cependant pas la profondeur symbolique, psychologique et spirituelle du « Seigneur des Anneaux », du « Lord of the Rings » qu’il faut lire si possible en anglais – et pas seulement voir en DVD même si ceux-ci sont particulièrement fidèles, parce que non seulement c’est un chef d’oeuvre de littérature, mais surtout parce que cela fait grandir ses lecteurs. On y admire l’héroïsme, la grandeur, la beauté, la bonté possibles, au coeur de vies ordinaires, celles d’hommes, de hobbits… sans autres pouvoirs que celui de donner leur vie. A ceux-là, nous pouvons nous identifier. Le Seigneur des Anneaux était l’un des livres de chevet du plus grand intellectuel catholique du XXème siècle, le théologien suisse allemand Hans Urs von Balthasar.

Il faut bien que cette vie humaine, cette vie ordinaire de « sang-de-bourbe » ait bien de la valeur pour que Dieu ait choisi de la vivre, en choisissant de n’être connu pendant 30 ans que comme le fils de Joseph le charpentier. Que l’Enfant de la Crèche te garde dans l’émerveillement devant la vraie magie de cette vie-là : il nous est possible d’y devenir enfants de Dieu !

A propos de pédagogie

En 2003, en tant que non professionnel, voire en béotien des questions d’enseignement, j’ai eu la chance de participer à un des débats sur l’Education Nationale dans le cadre du collège du Sacré-Coeur à Rodez. Ces débats avaient accouché au niveau national du rapport Thélot, source d’inspiration plus ou moins lointaine de la loi Fillon.

En dehors de ce que m’apprennent des conversations de table avec des professeurs de collège – surtout de l’Enseignement Catholique – et le contact avec des collégiens que j’accompagne pour leur profession de foi (6èmes du public) ou leur confirmation (4èmes-3èmes du privé), j’avoue ne pas connaître grand chose aux questions de pédagogie. Mais mon admiration grandit pour le travail de ces professeurs de collège, à mesure que je constate avec eux la difficulté de transmettre des valeurs autant que des connaissances, de valoriser l’attention, l’effort ou la persévérance dans un contexte médiatique et technique qui promeut le contraire, d’obtenir une cohérence éducative entre adultes – enseignants et parents – à l’égard des jeunes, de réformer « le Mammouth » et de corriger les dégâts de la pensée de mai 68 dans l’éducation.

Un constat semble évident : la chute spectaculaire du niveau de français et plus particulièrement en orthographe, pour les jeunes d’aujourd’hui par rapport à ceux d’il y a 20 ans ; la baisse du niveau de mathématiques, y compris dans les filières scientifiques, où ce qui faisait l’objet de démonstration à comprendre et à savoir retrouver, peut désormais être admis sans démonstration, et où des notions apprises au lycée sont reportées à l’université.

Pour aller plus loin, voici l’adresse du site web et d’un document PDF* publiés par Laurent Lafforgue, l’un des grands mathématiciens français actuels**, qui s’est penché récemment sur ces questions de pédagogie et d’enseignement. Ce qu’il y a découvert l’a amené à critiquer fortement ce qui depuis les années 70 a conduit à une dégradation de notre système scolaire… et à démissionner du Haut Conseil de l’Education (HCE) mis en place récemment dans le cadre de la loi Fillon.

A méditer !

* Les signataires de ce document sont des physiciens et mathématiciens français de renom. J’en ai eu certains comme profs à l’école Polytechnique.

** Laurent Lafforgue a reçu en 2002 la médaille Fields de mathématiques, i.e. l’équivalent du prix Nobel dans cette discipline des mathématiques qui n’en comporte pas.

Laïcité ou laïcisme ?

A signaler : la recension d'un livre de Georges Weigel intitulé Le cube et la cathédrale, L'Europe, l'Amérique ou la politique avec ou sans Dieu, aux Editions de la Table ronde, avril 2005. J'ai apprécié la question taboue qu'il pose : une civilisation qui prétend se fonder sur les droits de l'homme peut-elle se donner pour culte l'ignorance de Dieu ?

Georges Weigel, universitaire américain, a été un proche de Jean-Paul II et l'auteur d'une de ses plus complètes biographies (Jean-Paul II, Témoin de l'espérance, Jean-Claude Lattès, 1999) qui a servi de trame à la biographie filmée et diffusée en DVD par Le Figaro.