Poser correctement un problème, c’est déjà le résoudre à moitié. Or un problème bien posé est premièrement un problème où l’on a su définir d’abord les objectifs (« qu’est-ce que je veux ? ») avant de rechercher les moyens pour le résoudre. Avoir déjà en tête les moyens ou les méthodes avant d’avoir clairement défini les objectifs est non seulement inefficace – ces moyens ne sont pas forcément les bons – mais immoral – parce que l’objectif défini ensuite sert de paravent à des objectifs non dits ! [1] En conséquence, pour tout problème, veiller à :
* définir d’abord les objectifs (« qu’est-ce que je veux ? »), sans a priori (même inconscient) sur les moyens, en étant lucide sur nos motivations cachées concernant ces moyens.
* chercher ensuite les moyens adaptés à l’objectif visé ; les moyens sont toujours secondaires, relatifs à l’objectif, mais ils doivent aussi être bons en eux-mêmes : « la fin ne justifie jamais les moyens ».
« Réfléchis… » Ce conseil n’est pas toujours très utile si l’on ne sait pas de quel type de réflexion on a besoin au moment précis où le problème se pose. S’agit-il de faire appel à sa mémoire, de mobiliser des informations connues ? S’agit-il de faire appel à son intelligence créatrice, à inventer du neuf, à mettre en relation des éléments jusqu’à présent disjoints ? S’agit-il d’être tout simplement rigoureux dans un calcul, dans l’usage de règles de logique, de grammaire, etc.. bref, d’être concentré, persévérant et donc de faire preuve de volonté ? Pour un problème donné, les trois « puissances de l’âme » que sont la mémoire, l’intelligence et la volonté doivent souvent être employées dans l’ordre suivant :
1) mémoire : en se rappelant et en notant ce que l’on sait qui soit en rapport avec le problème : savoirs, vocabulaire, définitions, résultats connus, expériences suggérées par l’énoncé… cela permet de démarrer la résolution d’un problème, d’éviter de « réinventer l’eau chaude » et de ne pas paniquer à ne rien faire.
2) intelligence : créer du neuf à partir de ce qui est déjà connu, imaginer, relier à des connaissances éloignées… au delà du rappel de la mémoire, il s’agit de jongler avec les idées, de jouer, de rêver même, d’être personnel, même si c’est au prix d’un certain flou, d’un certain désordre… mais cela n’est possible que si la mémoire a déjà inventorié tout ce qui est déjà connu (cf. 1)) et si l’on sait qu’une étape ultérieure mettra de l’ordre dans tout cela (cf. 3)) ; le but est d’arriver à « l’ Idée » décisive pour la résolution du problème, ou, s’il y a plusieurs possibilités de répondre au problème, d’aboutir à une idée convaincante.
3) volonté : mettre en forme, organiser de manière rigoureuse les données produites par les opérations de mémoire et d’intelligence, en évitant les fautes d’inattention (logique, grammaire, règles diverses, plan, présentation…).
L’ordre naturel de la résolution d’un problème est donc 1) mémoire – 2) intelligence créatrice – 3) volonté, et il faut sentir à quel moment on bascule d’un type d’opération mentale à un autre : a-t-on épuisé le rappel de ce que l’on sait déjà dans le domaine du problème ? est-on arrivé à une idée décisive ? Parfois l’étape 2) éveille la réflexion en montrant que le problème a un rapport avec des domaines de connaissance que l’on n’avait pas envisagés dans l’étape 1) : on peut alors refaire un travail de remémoration, et l’ordre de la résolution du problème est alors 1) – 2) – 1) – 2) – 3).
[1] Le syndrome du « pompier pyromane » qui allume un feu pour se donner le plaisir de l’éteindre, est plus courant qu’il y paraît dans nos manières de faire : on veut absolument se servir de telle de nos capacités, de tel moyen ou méthode qui nous sont chers, qui nous permettent de nous mettre en valeur, et cela nous aveugle pour viser correctement l’objectif, puisqu’on le définit ensuite en fonction des moyens choisis a priori. L’objectif joue alors le rôle de « fin qui justifie les moyens », ce qui est le propre de l’immoralité. Par exemple, on invoque la distribution de pompes au Sahel (une fin « noble », mais définie a posteriori), pour donner une coloration humanitaire au Paris-Dakar, alors que c’est l’usage de moyens (voitures de rallye, motos…) pour eux-mêmes qui l’a déterminé.