Pâques (1)

PÂQUES DANS L’ANCIEN TESTAMENT

Pâque est pour Israël le mémorial annuel de la première Pâque, de la libération de la captivité en Egypte par l’intervention décisive de Dieu pour son peuple. Cette délivrance de l’Exode qui s’actualise dans chaque Pâque annuelle est aussi invoquée chaque fois qu’Israël subit d’autres esclavages et qu’il fait l’expérience d’un salut qui ne lui vient que de Dieu. Aussi, l’Ancien Testament, en tant qu’histoire de salut apparaît comme une succession de relectures, de réinterprétations de cet événement fondateur aux implications présentes et futures. De par sa fidélité, ce qu’il a fait dans le passé, Dieu le fait et le fera encore.

Israël a fait preuve d’une grande liberté pour donner de nouvelles versions au récit de l’événement pascal, à travers les différentes couches rédactionnelles de l’Ecriture elle-même, mais aussi dans ces commentaires théologiques que sont les targum, ou les midrash qui semblent négliger la vérité historique des faits passés pour accentuer la valeur de leur sens actuel ou futur. Cette liberté dans l’usage du passé résulte de l’orientation foncière d’Israël vers l’avenir, qui fait mettre le mémorial du passé au service de cette ouverture, et qui autorise bien des enjolivements à motif théologique ou moral. La littérature apocalyptique (AT et intertestamentaires) fonctionne dans le même sens, en soutenant l’espérance des croyants persécutés, par le rappel du passé pris comme modèle de ce qui doit advenir. Cet eschatologisme propre à Israël puisqu’il est entouré de cultures à temps cyclique, va dans le même sens que son refus viscéral de toute idolâtrie : l’attente du Dieu qui vient, de son intervention définitive pour Israël ne saurait être comblée par une représentation temporelle ou une manifestation historique du divin. Dans cette attente messianique qu’aucune réalisation historique (juge, roi, prophète…) ne satisfait pleinement, Israël s’ouvre toujours plus à une récapitulation de toutes ses expériences de rencontre avec Dieu, mais telle qu’elle ne peut être conçue qu’à la fin des temps, au delà de l’histoire. On attend celui qui sera à la fois le nouveau Moïse, le nouveau David, le nouvel Elie, le nouveau prophète… mais aussi le serviteur souffrant, la sagesse en personne etc… Devant l’impossible synthèse de ces figures juxtaposées dans l’Ancien Testament, et attendant leur unité dans le Messie eschatologique, la tentation existe d’avoir une conception si transcendante de Dieu qu’on lui refuse la possibilité de se manifester historiquement, et qu’on ne puisse avoir accès à lui que par une « élévation » au dessus de l’histoire qui rendrait négligeable tout ce qui a lieu dans ce monde. On risque alors d’être tellement polarisé sur cette glorieuse fin des temps, qui sera aussi la résurrection des justes, que l’on en devient inattentif à l’humble présence de Dieu à l’œuvre dans le temps. Il en sera ainsi lorsqu’Israël ne saura reconnaître le Christ présent en Jésus de Nazareth dans son histoire. A cette tendance spiritualisante, s’oppose le courant sapientiel, mais aussi celui du judaïsme pharisien qui valorise les œuvres concrètes de la vie de tous les jours ou du culte, de la fidélité à la loi comme lieu sinon comme condition d’accès à Dieu. Cependant l’attente eschatologique reste entière : les thèmes et les figures, les mots et les récits bibliques sont paroles de Dieu, certes, mais en tant qu’ils pointent tous en direction du Messie à venir. A ce titre, ils lui sont relatifs ; ils ont beau être inlassablement mis en relation les uns avec les autres, être analysés via targum, interprétation allégorique, rabbinique ou cabalistique… de manière toujours plus complexe ou imagée pour leur faire donner du sens, Israël les conserve en fait comme autant de trésors sans rapport évident les uns avec les autres, comme autant de pièces détachées dont il manquerait le plan d’assemblage. Et le Talmud, qui est l’équivalent juif du Nouveau Testament, ne change rien à cette attente liée à une vision de l’histoire que l’on pourrait schématiser ainsi :

Dans ce schéma, l’événement de la vie et de la mort de Jésus de Nazareth n’a pas de place – sauf quelques mots dans le Talmud – sinon comme événement historique contingent qui ne saurait désigner la venue du Messie de la fin des temps, et encore moins signifier sa venue dans le temps.

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3 réponses sur “Pâques (1)”

  1. Perso je ferais commencer l’histoire avec le Ps 136: « Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion … ».
    Le peuple et de retour et il se souvient de la captivité. De retour d’exil. Un exil dont on a toujours pensé qu’il s’achèverait un jour. D’ailleurs, dans cet exil on refusait de chanter des cantiques du Seigneur ‘ »sur une terre étrangère ». Loin du temple comment croire. Puisqu’on croit-espère que cet exil aura une fin.
    Au retour de l’exil, outre qu’on se frotte à ceux qui n’étaient pas partis, on réalise que, finalement, le retour n’a pas tout résolu. On espérait que ce serait mieux; que ce serait comme avant. (Mythe très contemporain n’est-ce pas ? Que la vie sera belle quand le prix du carburant redeviendra comme avant …).
    La foi en est renforcé en un Dieu libérateur.Qui nous libère de nos mythes, de nos enfermements, de notre prétention à avoir la main sur tout. (y compris jusqu’à décider s’il est bon ou pas de chanter des hymnes au Seigneur! Qui suis-je pour juger de ce qui est bien ou mal, de ce qui est bon ou pas. Dieu seul est législateur et juge. Car finalement, c’est Dieu qui nous a lib »ré de Babylone.
    Comme il avait, déjà dans le passé,libéré son peuple d’Egypte, contre son grès, par la main de Moïse. Cette libération-là a du être grandiose puisque Dieu a tout fait du début à la fin.
    Bref, je plaide pour une relecture de l’Exode, post libération de l’Exil.

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