A propos du ou des papes…

Question sur facebook : Pourriez-vous m’expliquer pourquoi le Pape revêt une telle importance aux yeux des catholiques ? Qu’est ce qui le différencie des autres évêques? et des autres hommes ? J’ai parfois l’impression que l’on assimile l’image du Pape à celle de Dieu, ou plutôt que l’on donne à Dieu le visage du Pape, compte tenu de « l’adoration » que certains d’entre eux (je parle bien sûr des Papes en général) suscitent.

Les Evangiles présentent l’apôtre Pierre sans cacher sa faiblesse (refus de la Passion, impulsivité, reniement…) mais aussi avec l’autorité et la mission que Jésus lui donne : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Luc 22, 32) ou « Sois le berger de mes agneaux, (…) le pasteur de mes brebis, (…) le berger de mes brebis. » (Jn 21,15-17).

Ce contraste chez Pierre entre fragilité humaine et force reçue du Christ, est encore plus net chez saint Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16,18) suivi seulement 5 versets plus loin de : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,23).

Ce contraste persiste en chacun des successeurs de Pierre.

Aussi les catholiques n’idolâtrent pas le pape, mais lui reconnaissent une autorité reçue du Christ pour « affermir » la foi de ses frères. Pour les papes qui l’ont exercé de manière exemplaire, ils ont alors une reconnaissance qui s’attache aussi à l’homme, ce qui est humain, mais je dirais aussi, ce qui est chrétien, dans le prolongement de la foi en l’incarnation !

La Bible a besoin d’une autorité pour authentifier que les multiples interprétations qu’on lui donne – et qu’il faut continuer de donner – restent fidèles à la foi reçue des apôtres. C’est une des grandes différences avec l’Islam, pour qui le Coran, en tant qu’il est considéré comme parole de Dieu au sens absolu, est à lui-même sa propre règle d’interprétation. Pour nous chrétiens, la Bible est parole de Dieu, en tant que parole humaine inspirée. Pour son interprétation, elle recquiert l’inspiration du même Esprit que celui qui l’a inspiré. D’où la nécessité d’une instance régulatrice, extérieure à la Bible.

Cette instance prend trois formes : (1) communautaire – l’Eglise entière, dans son unanimité de foi, a un « sens de la foi » qui lui fait percevoir ce qui est juste ; (2) collégiale – les successeurs des apôtres que sont les évêques, ont autorité, en particulier dans leurs rassemblements en concile ; (3) personnelle – avec le pape qui par fonction reçoit du Christ un « charisme » de vérité dans l’authentification de la foi : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16,19) L’étonnant alors quand on étudie l’histoire de l’Eglise, la papauté, en particulier ses saints papes et ses papes grands pécheurs et source de scandale, c’est que dans leur mission spécifique d’authentification de la foi, de discernement dogmatique, les papes, y compris les plus scandaleux, ont tenu la route. Un gros livre pratiqué par les séminaristes le « Denzinger » qui compile toutes les prises de position officielles des papes et des conciles sur les questions de foi, en rend compte de façon très surprenante !

Les différentes confessions chrétiennes mettent plus ou moins l’accent sur les trois formes de l’autorité, communautaire, collégiale et personnelle. Les protestants insistent davantage sur (1) et (2), mais reconnaissent aussi la nécessité de (3), sans forcément la lier à la papauté. Les orthodoxes reconnaissent les 3 et (3) y compris en l’attribuant au pape, mais comprennent son autorité comme une « primauté d’honneur », et non comme une capacité d’arbitrer, de décider lorsqu’il y a conflit.

Pour approfondir le sujet sur le point de vue catholique, il vous faut lire la courageuse encyclique de Jean-Paul II « Ut unum sint » (1995) sur l’oecuménisme, i.e. sur le dialogue entre confessions chrétiennes, en particulier les n°88-96, en particulier le n°95 où le pape met en discussion avec tous « les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres ».

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