Thélès 2005, 156 p. 16 €
« Dieu est entré à l’hôpital. » Y entre-t-il à travers cette originalité de notre laïcité française qu’est la présence de l’aumônerie catholique au sein de l’hôpital ? ou tout simplement à travers la présence du Christ souffrant en chaque personne souffrante ? Fierté du témoin ou humilité du serviteur ?
L’ambiguïté du titre est en fait significative de la visée ce livre-témoignage : rendre compte de l’expérience d’une transcendance qui se donne dans la relation aux malades, dans le contact avec leurs familles, dans la vie quotidienne aux côtés du personnel soignant d’un des grands hôpitaux de Toulouse, le CHU de la Grave. Expérience spirituelle profonde, où Dieu est en effet présent de part et d’autre de ce contact, au coeur de ces relations. Le livre d’Annie Bras tire sa substance du récit de ces rencontres : avec les malades atteints d’un cancer ou du Sida ou d’une affection plus bénigne, avec les familles confrontées au décès de leur enfant nouveau-né , avec des femmes – souvent seules – face à la perspective d’une interruption de grossesse, avec les personnes âgées en service gériatrique, avec ceux qui restent, et avec ceux qui repartent de ce lieu de vie, de travail, de deuil et d’espérance qu’est l’hôpital. Avec le personnel soignant également, auquel l’auteur, « femme, mère de famille, laïque… » a appartenu pendant plus de vingt-cinq ans à Rodez avant d’être nommée aumônier d’hôpital de 1998 à 2003 par Mgr Marcus.
C’est en s’effaçant derrière toutes ces personnes rencontrées à l’hôpital de la Grave, qu’Annie Bras exprime le mieux le rôle qui a été le sien à leur côté, avec une équipe de bénévoles très unis : dans ces pages, elle redonne la parole à quelques uns de ceux qu’elle a accompagnés ; elle réitère ce service qui a été l’essentiel du ministère confié par l’évêque de Toulouse, à elle et à l’équipe de l’aumônerie : écouter, et par cette écoute laisser advenir une parole humaine d’une exceptionnelle densité, dense de cette perception aiguë de la finitude de l’homme et de sa grandeur, que la souffrance et la proximité de la mort peuvent donner. Prendre le temps de l’écoute et d’une mémoire aimante de cette parole. Mais aussi oser une autre parole, adossée à cette Parole de vie qu’est l’Evangile, où l’on ne peut tricher devant celui qui est confronté aux enjeux les plus fondamentaux de son existence, où c’est le plus haut service de l’homme que de lui donner le Christ le rejoignant à l’extrême de sa finitude et de sa dignité.
C’est le cas lorsqu’il s’agit de célébrer des obsèques chrétiennes, et le livre rend compte de quelques unes des nombreuses célébrations qu’Annie Bras a présidées comme laïque à la chapelle de l’hôpital. Là se dit toute une pédagogie de la foi à travers le soin liturgique et le tact de la préparation, qui peuvent inspirer les équipe de laïcs en formation dans les diocèses pour l’accompagnement des obsèques. Le livre ne fait que survoler ce qu’un tel service suppose de travail, de fidélité, de présence, de logistique aussi. Les chapitres sur les obsèques ou celui sur « une journée à l’aumônerie » l’évoquent, mais en donnant presque une valeur monastique, comme allant de soi, à la régularité de ces visites aux malades, au vaguemestre, au Point Santé, et même au restaurant de l’institut du cancer Claudius Regaud, sans oublier l’ouverture et l’entretien de cette chapelle du Dôme sans laquelle Toulouse ne serait plus Toulouse.
Comme dans d’autres livres-récits d’accompagnement, on ressort de ce livre émerveillé par cet accroissement d’humanité que l’épreuve permet parfois, et qu’un accompagnement rend manifeste à ceux-là même qui vivent cette épreuve dans la nuit.