Laudato Si, 5 ans d’anniversaire

Ce dimanche 24 mai est le 5ème anniversaire de l’encyclique du pape François « Laudato Si » sur l’écologie, que deux équipes paroissiales à Naussac et à Asprières ont pris le temps de lire pendant plusieurs mois. Le pape François y parle d’ « écologie intégrale », avec l’expression « tout est lié » qui revient à 9 reprises, pour affirmer le lien entre l’attention aux pauvres et à la nature (16, 70), à la paix et à la justice sociale (91, 92), à la vie humaine dans sa fragilité (embryonnaire, handicapée…) (117, 120), aux enjeux environnementaux, économiques, sociaux (138) et même institutionnels (142) ; mais aussi le lien de la communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures (240).
La crise sanitaire du Covid-19 a aussi une cause écologique – les contacts humains avec les espèces sauvages liés à leur chasse et à la destruction de leur habitat – et des conséquences sociales et économiques (particulièrement tragiques en certains lieux, cf. en Inde et en Afrique) qui requièrent une réponse à la fois personnelle, collective et institutionnelle. Ce caractère multiforme de la crise dit la pertinence du diagnostic du « tout est lié » de Laudato Si, mais aussi de son invitation à une « conversion écologique » où il est question notamment de « ralentir la marche » (114) et « d’accepter une certaine décroissance » (193) : « Nous savons que le comportement de ceux qui consomment et détruisent toujours davantage n’est pas soutenable, tandis que d’autres ne peuvent pas vivre conformément à leur dignité humaine. C’est pourquoi l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties. » (193)

Quelques questions pour une mise en pratique :

  • Comment traduire personnellement et collectivement ce « ralentir la marche » et cette « certaine décroissance » ?
  • Par exemple, si je devais réduire mes dépenses actuelles d’un tiers – une proportion qui ne soit pas que symbolique -, comment m’y prendrais-je ?
  • Si je devais employer un tiers de mes ressources pour créer de l’activité ou pour partager, à quoi, à qui les consacrerais-je ?

Pour aller plus loin dans l’accueil de l’encyclique Laudato Si :

  • La conférence des évêques de France vient d’ouvrir le magazine en ligne (webzine) toutestlie.catholique.fr avec des articles passionnants, notamment pour relire la crise ou pour penser un développement plus juste.
  • L’hebdomadaire La Vie ouvre aussi dans son dernier n° un dossier sur Laudato Si qui vaut le détour.
  • Le journal La Croix vous propose de le recevoir gratuitement du 25 mai au 13 juin pour 3 semaines de réflexion pour penser et panser l’ « après-crise ».
Et si la crise actuelle nous donnait d’approfondir ce sujet pour un « après » plus résilient ?

La crise du Covid-19 ailleurs…

Notre diocèse bénéficie de l’aide de prêtres originaires d’Inde et d’Afrique, missionnaires (Fidei Donum) ou incardinés en Aveyron. Voici comment est vécue la crise du Covid-19 dans leur (sous-)continent d’origine.

En Inde

Le drame principal n’est pas la faibles­se d’un système de santé inaccessible pour les pauvres, mais le confinement et le blocage de l’économie informelle (92 % des emplois, et donc sans protection sociale) qui jettent sur les routes des dizaines de millions de migrant workers sans ressource ni moyen de transport pour revenir dans leurs villages à des centaines de km ; en­dettés, la faim redevient leur 1ère cause de mor­talité. La phrase “Je serai sûrement mort de faim avant d’avoir le coronavirus” résume la précarité des pauvres, qu’aggrave le cyclone Amphan au N.E. de l’Inde et au Bengladesh : « le cyclone a détruit nos moyens de subsistan­ce ». bit.ly/covid19-inde ou (en anglais) bit.ly/covid-inde-2

En Afrique

La crise alimentaire due aux con­flits était déjà aiguë pour 34 millions d’africains en 2019. 36 millions de plus se retrouvent en grande insécurité alimentaire en 2020 avec l’invasion de criquets à l’est, la sécheresse au sud, tous deux liés au changement clima­tique, et la pandémie de Covid 19 qui bloque le com­merce et affecte les pays importa­teurs nets de produits alimen­taires en en renchéris­sant le coût. La famine arrive. bit.ly/covid-afrique

Recevoir ou donner le nécessaire

Dans ce temps de crise sanitaire et économique, les réseaux sociaux donnent de repérer en ce moment deux questions distinctes :

1- Comment résorber le chômage dans une économie en récession, parce que dépendante de la consommation de biens et services dont huit semaines de confinement nous auront fait nous passer ?

2- Pourquoi reporter aussi loin des célébrations d’Église et en premier lieu la messe ?

Leur enjeu n’est évidemment pas le même, ne serait-ce que par le nombre de personnes concernées, mais ces deux questions ont en commun de nous interroger sur ce qui est ou non « de première nécessité », des nécessités d’ordre différent, au sens des trois ordres pascaliens – des corps, des esprits, de la charité.

 

Pour la première question, contrairement au schéma d’un travail finalisé par ce qu’il permet de gagner et de consommer, la crise actuelle rend flagrants :

(1) l’inégalité des échanges Nord-Sud qui sacrifie le travail dans les pays pauvres et tout particulièrement en temps de récession (des centaines de milliers d’ouvrières du textile au Bengladesh sans emploi et donc sans revenu ; des quelques 40 millions de travailleurs migrants en Inde, renvoyés chez eux sans ressource parfois à des centaines de km à pied) : la crise actuelle menace les populations des pays les plus pauvres dans leurs besoins vitaux, parce que le brusque ralentissement du commerce mondial les prive de travail même sous-rémunéré, d’indispensables ressources alimentaires importées, et de débouchés pour leurs matières premières ou leurs industries de main d’œuvre. Le confinement y lamine aussi une économie informelle de survie au jour le jour, sans parler d’autres misères antérieures à cette crise, comme les guerres civiles, l’invasion de criquets à l’Est de l’Afrique, la sécheresse au Sud, la terreur djihadiste au Sahel jusqu’au Mozambique… Sur le risque de pénurie alimentaires, cf. vidéo ICI.

(2) l’impasse pour les pays riches de fonder l’emploi sur une croissance liée à une consommation de biens non nécessaires venant de l’autre bout du monde (30 millions de chômeurs aux États-Unis) : pour les pays les plus riches, alors que leurs besoins essentiels sont satisfaits, maintenir le niveau de vie et résorber le chômage, semblent requérir une croissance incompatible avec la finitude des ressources et l’équilibre écologique. Cette croissance devient hypothétique lorsque le confinement restreint chacun à ne consommer que l’essentiel, rendant vaines l’amélioration ou l’augmentation de biens ou services non nécessaires. L’économie des pays riches s’effondre lorsque l’on s’y contente de dépenser le strict nécessaire !

Tout cela montre que la vraie denrée rare pour tous, le véritable bien de première nécessité, c’est… le travail lui-même, pour lequel nous devons réviser nos objectifs, les motiver autrement, non plus par la consommation de « toujours plus » de superflu ici, rimant avec gaspillage et déséquilibres sociaux et écologiques là-bas, mais plutôt par :

(a) la satisfaction des besoins de ceux qui manquent du nécessaire : là se trouve la vraie réserve de croissance ;
(b) la chance que le travail donne de déployer son énergie et ses talents, d’être utile, de servir.

Au contraire d’une finalité du travail reposant sur ce que l’on y gagne (le hélas trop fameux : « travailler plus pour gagner plus »), il s’agirait de « travailler plus pour se donner plus ». Certes « tout travail mérite salaire ». Pourtant, les semaines passées ont montré bien des exemples d’engagement et d’héroïsme, de dévouement et de fierté au travail, bien que non corrélés avec un salaire à la hauteur. Est-ce alors utopique de faire de la satisfaction non pas de l’envie d’un superflu dont nous avons un peu appris à nous abstraire, mais des besoins vitaux des plus pauvres, le moteur d’une vraie et légitime croissance, d’un vrai travail-don-de-soi ?

Le mot fameux de J.F. Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », s’applique ici et rejoint la doctrine sociale de l’Église avec son principe de « destination universelle des biens ». Aussi légitime et naturel soit-il, le droit à la propriété – en particulier des fruits du travail – est ordonné et relatif au bien le plus large que l’on puisse faire de son usage. Ce qui peut se traduire de diverses manières : consentir, non seulement de bonne grâce, mais comme un honneur, comme un lien d’appartenance à la communauté nationale, au fait de participer à cette nécessaire redistribution qu’est… l’impôt ; dans nos choix de dépenses, privilégier ce qui contribue le plus et le mieux à créer de l’activité pour ceux qui manquent de travail ; renoncer au dernier gadget technologique pour acheter tel produit local ou équitable ; adopter comme premier critère de réalisation dans mon travail, non le montant du salaire, mais l’utilité qu’il a pour les plus pauvres ici et là-bas ; même avec des projets futurs, s’interdire de thésauriser pour thésauriser ; envisager comme l’a évoqué le pape François un « salaire de base universel« …

Il se trouve que la question sur la messe a des accents analogues, avec le risque de la réclamer en la comprenant comme ce-dont-le-confinement-nous-aura-privé, voire ce-dont-tel-ou-tel-voudrait-nous-priver avec un étonnant soupçon d’atteinte à la liberté de culte alors qu’il ne s’agit que de simple précaution sanitaire. Une telle attitude reviendrait à voir dans la communion un bien surnaturel certes, mais guère mieux qu’un produit de consommation à obtenir. Avec la célébration des sacrements, avec la liturgie – étymologiquement « service public » par le peuple – la vraie question est en réalité celle du psalmiste : « comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115), ce qui en régime chrétien se traduit en louange (rendre grâce à Dieu) et en amour (servir son prochain), nous décentre de nos « besoins » propres et nous oriente vers le tout-Autre et vers autrui.

« Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. » (Rm 12,1) L’Eucharistie en est certes la source et le sommet, mais elle est célébrée pour la gloire de Dieu et le salut du monde, pour qu’un tel don de soi de notre part, en louange à Dieu et en service du frère, un tel sacrifice, soit toujours et en tout lieu effectif.

A quoi ça sert la foi ?

Sur facebook, un ami transmet une question de sa nièce : « Avec un groupe, on réfléchit sur la liberté et la foi. Depuis quelques séances ce qui ressort dans notre groupe, ce sont les notions de bien et de mal, du fait de choisir Dieu ou non, d’enfer et de paradis, aujourd’hui. Mais à quoi ça sert d’avoir la foi du coup ? »

Dans ce que te dit ta nièce, j’entends l’objection suivante : avoir la notion du bien et du mal et choisir librement le bien, ne requiert ni dieu(x), ni foi, ni perspective d’une sanction (enfer ou paradis) : le libre exercice de notre conscience suffirait.

On pourrait répondre qu’un peu d’expérience de la vie nous rend plus modestes. Avec Saint Paul, nous vérifions que nous ne faisons pas le bien que nous voulons, et que nous faisons le mal que nous ne voulons pas ; qu’il y a un écart entre savoir ce qui est bien, le vouloir, et pouvoir l’accomplir. En ce sens, notre liberté n’est ni native, ni absolue. Elle doit être éclairée par une éducation qui passe par sanctions et récompenses de la part de parents, société, autorités…, pour s’exercer comme capacité à choisir le bien. Et la modestie est aussi requise de la part de toute autorité humaine, qui ne peut être dupe de la relativité de ses lois, de ses principes moraux : « Vérité en deçà des Pyrénés, erreur au-delà ». (Pascal)

La pensée démocratique « fait avec » la conscience de cette relativité. Elle y voit même une digue contre l’intolérance, le fanatisme et l’absolutisme des autorités, jamais si tentées d’abuser de leurs pouvoirs que lorsqu’elles sont absolument certaines d’être dans le « camp du Bien ». Mais on ne peut se contenter de cette modestie et de ce relativisme. La proclamation de droits de l’homme qui soient « universels », c’est-à-dire valables quelles que soient les cultures et les époques, l’intuition d’une « common decency » qui fait qu’il y a des choses qui se font, et qu’il y en a d’autres qui ne se font pas… tout cela rejoint la notion aristotélicienne et thomiste de « loi naturelle », qui renvoie à un ordre objectif, non-écrit, et donc jamais-totalement-clair-pour-la-conscience, qui précède pourtant tout discernement moral. Constatant alors que les actes bons ne sont pas toujours récompensés (« trop bon, trop c… »), on ne peut que « postuler » que la moralité des actes, la cohérence entre les actes et cet ordre moral, soit ultimement récompensée (Kant).

Cependant, faire dépendre la foi en Dieu de la nécessité de fonder l’ordre moral sur une autorité supérieure, sur un juge suprême qui le garantisse, a peu de rapport avec ce que nous chrétiens nous appelons la foi. Le Christ a lui-même contesté le pharisaïsme comme vision mercantile de la foi où l’on attendrait de Dieu qu’Il récompense nos bonnes actions par le salut. Ce volontarisme qui voudrait réaliser le bien par ses propres forces, ce salut par les oeuvres, cette prétention de maîtrise ont été dénoncés par Saint Augustin puis Luther.

La foi est d’un autre ordre : relationnel, amical, amoureux… De même que la question « A quoi ça sert d’être l’ami de… ? » signe par là-même que l’on n’est plus dans le registre de l’amitié, la question du « A quoi ça sert d’avoir la foi ? » n’est pas du tout adéquate. Elle peut éventuellement être changée en « Qu’est-ce que ça change d’être croyant ? » et il faudrait pour cela écouter le témoignage de convertis, qui peuvent mieux faire la différence entre un avant (sans la foi) et un après (avec). Mais comme la foi est toujours en processus, avec ses progrès et ses reculs, toute croissance dans la foi peut aussi donner lieu à un témoignage sur ce qu’elle produit comme « fruit » – terme plus juste que « résultat » ou « effet » – car ce « fruit » n’est toujours qu’un surcroît par rapport au seul et vrai enjeu de la foi : être en relation avec Dieu, s’en découvrir aimé et l’aimer en retour, notamment dans l’amour de nos frères. C’est la définition que donne Ste Thérèse d’Avila de la prière, de l’oraison : « un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »

Cela dit, comme c’est le binôme liberté-foi qui est questionné par ta nièce, je te redonne la « formule ignatienne de l’action » qui articule parfaitement l’une et l’autre, par delà les écueils possibles, y compris en régime chrétien, comme par exemple une foi fidéiste ou quiétiste qui justifierait un abandon irresponsable à la providence ; ou une foi qui ne serait pas libre, car rendue obligatoire pour réussir sa vie, pour obtenir le salut ; ou une liberté qui se croirait souveraine et où l’homme serait donc responsable de tout…

Cette formule est la suivante :
« Aie foi en Dieu comme si le succès de ce que tu entreprends ne dépendait que de toi. Et cependant, agis en tout comme si Dieu devait tout faire, et toi rien. » (Hevenesi 1705).

Des souvenirs d’un commentaire magistral de cette sentence par le p. Gaston Fessard s.j., voilà ce que j’en retiens : la foi chrétienne est la confiance en un Dieu qui dans toute la Bible se révèle dans sa volonté de libérer l’homme, de toute forme d’esclavage, du péché, de la mort… Parce qu’Il aime l’homme d’un amour inconditionnel, Dieu le rend libre, y compris et surtout dans la manière de répondre à cet amour : il n’y a pas d’autre prédestination que celle d’être enfants de Dieu, car à la suite du Christ – le Fils unique dont Il nous a fait à l’image – le choix des moyens nous appartient pour être davantage à sa ressemblance, et l’amour de Dieu ne nous fera pas défaut parce que nous aurons fait tel choix plutôt que tel autre. La foi en ce Dieu-là nous rend capable d’un choix libre et entier, sans pusillanimité ni demi-mesure, car posé dans un climat de confiance en un Dieu qui ne nous a pas programmé pour telle ou telle vocation, mais fait siens nos choix lorsqu’ils sont posés dans ce climat de foi. Aussi, dans la phase du discernement de ce que nous pouvons entreprendre, des oeuvres dans lesquelles nous nous lançons (pour servir Dieu et nos frères), du choix d’un état de vie pour suivre le Christ, nous faisons « comme si » tout cela ne dépendait que de nous, d’où le sérieux et la paix, et donc la véritable liberté dans lesquels s’accomplissent ces choix. Pourtant, et c’est le 2ème volet de la sentence, le véritable maître de l’Histoire, c’est Dieu, qui fait tout contribuer au bien de ceux qu’il aime : tout, c’est-à-dire succès et échecs… ce qui devrait donner à l’homme d’action chrétien la décontraction, l’humour, la souplesse, le détachement pour vivre avec bonheur les aléas de l’action.

Décalogue

Après la présentation de la lettre pastorale de l’évêque en 8 épisodes dans les journaux paroissiaux de Baraqueville et Naucelle, nous aurons en 2014-2015 une série de 10 épisodes sur… le Décalogue – littéralement « 10 paroles ». C’est pour les uns le résumé de la morale universelle en dix com­mandements, pour les autres la charte de l’alliance de Dieu avec l’humanité, avec dix paroles en forme de promesses, encore inaccomplies et donc traduites au futur, et dont l’ordre même dit quelque chose de Dieu, de l’homme, et du lien entre le comportement envers l’un et envers l’autre.

Ainsi, 1er et 7ème commandements se répondent, car ils portent sur la fidélité à Dieu (adoration) et au conjoint (adultère) ; les 2ème et 8ème disent l’interdit de faire d’une chose un dieu (idolâtrie), et d’un être humain une chose (« rapt », meilleure traduction que « vol ») ; les 3ème et 9ème concernent l’usage de la parole, à l’égard de Dieu (blasphème) et à l’égard d’autrui (mensonge) ; les 4ème et 10ème portent sur le rapport de l’homme aux choses (production, consommation, convoitise, prédation… ou au contraire abstention). Enfin les deux commandements au centre, le 5ème et le 6ème disent les interdits fondateurs de toute vie en société : l’interdit de l’inceste (avec la juste distance aux parents : « honore ton père et ta mère ») et l’interdit du meurtre (« tu ne tueras point »). Puissent ces paroles fondamentales inspirer notre agir, à l’heure où les principes d’humanité les plus élémentaires sont bafoués au Proche Orient, au Nigéria, et dans tant de pays.

A propos du "mariage pour tous"

Nous avons eu samedi 10 novembre une vive discussion avec une quinzaine d’étudiants après la messe des jeunes à propos des questions sociétales en débat aujourd’hui. Pour alimenter celui sur le projet de loi de « mariage pour tous » qui a donné lieu à la « manifestation pour tous » samedi 17 novembre en divers lieux en France, et notamment à Toulouse, mais aussi et surtout celle qui aura lieu à Paris, le dimanche 13 janvier à 13h dans le 13ème arrondissement (place d’Italie), voilà des points de vue que j’ai exprimés dans des débats (enflammés) sur facebook :

 

La question n’est pas celle de l’égalité, mais du rapport entre droit « à » l’enfant et droit « de » l’enfant, car le mariage homosexuel ne pose problème que parce que ses promoteurs le présentent comme une nouvelle étape du « droit A l’enfant ». Avec le PACS, ses partisans disaient la main sur le coeur que l’adoption serait exclue (cf. le discours d’Elisabeth Guigou, ministre de la justice de l’époque pour défendre le PACS) ; on en parle maintenant. Dans le programme de Fr.Hollande, et il y a encore un mois, on disait que la PMA pour les couples de femmes serait exclue ; Najat Vallaud-Belkacem puis la majorité parlementaire en parlent maintenant pour le mois de mars. On dit aujourd’hui que la GPA pour un couple d’hommes serait exclue ; quand fera-t-on sauter ce tabou rétrograde-discriminant-contraire-à-l’égalité-des-droits ? C’est ce que demande explicitement Pierre Bergé : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » Ce qui passe aux oubliettes, c’est l’égalité des enfants, le « droit DE » l’enfant à bénéficier d’un père et d’une mère…

Aussi légitime et même souhaitable soit le désir d’enfant de la part du couple, quel qu’il soit, homo ou hétéro, pour accueillir l’enfant, ce désir ne suffit pas à fonder la parentalité. On le comprend bien lorsque l’on refuse à un couple de retraités, et même à un couple de cinquantenaires l’agrément pour l’adoption d’un enfant. Au contraire, faire de l’existence d’un projet parental, du désir d’enfant de la part d’un individu ou d’un couple, quel qu’il soit, la cause formelle de l’advenue d’un enfant (le-projet-parental-comme-seul-fondement-de-l’existence-de-l’enfant), cette manière de voir nie l’enfant comme finalité en lui-même, irréductible au seul projet d’un tiers, fût-ce de ses parents. C’est ce que les chrétiens disent en disant que les parents ne sont que procréateurs, et non créateurs de leurs enfants, ce que l’on peut moquer en disant que « l’enfant ne tombe pas du ciel », mais qui peut aussi se dire plus simplement en considérant l’enfant comme un don, et non comme un dû ou un droit. Penser l’inverse, conduit effectivement à demander à la technique (PMA, GPA) ou à n’importe quel moyen (argent comme c’est le cas pour des GPA aux USA, contrainte, comme c’est déjà le cas en Europe de l’Est) de suppléer pour satisfaire le désir individuel selon une logique qui est de fait celle du libéralisme. C’est sûr que d’écrire cela va de pair chez moi, et dans la pensée de l’Eglise catholique, avec une remise en cause du « droit » à l’avortement, de la PMA, et bien sûr de la GPA… ce qui est dur à avaler à beaucoup, mais a autant de cohérence – inversée – que celle de Pierre Bergé cité par F.X. Bellamy : le choix est celui de l’une ou l’autre de ces cohérences ; le discours d’Elisabeth Guigou en 1998 voulait se le cacher…

 

Pour aller plus loin :

– les réponses de Xavier Lacroix aux questions du journal « Le Monde » à propos du « mariage pour tous » (26 octobre 2012).

– la conférence de Henry Couleau à Rabastens (81) le 8 novembre 2012, sur « Elle et lui, père et mère » (1h):

– une revue de presse précise suite à la manifestation du 17 novembre, sur le site lemessin.wordpress.com.

– l’enquête sur les études sur le genre en Norvège (40′) où est manifeste une posture idéologique refusant les faits contraires à une théorie qui ne veut voir dans l’identité masculine ou féminine qu’un conditionnement éducatif, social ou culturel, sans base biologique ou naturelle :

L’argumentaire du philosophe Thibaud Collin à propos du mariage homosexuel (13 décembre 2012) :

La réflexion de François-Xavier Bellamy sur la logique libérale à l’oeuvre dans le projet d’adoption, PMA (et pour Pierre Bergé, GPA) pour tous (18 décembre 2012)

La réflexion profonde d’Erwan Le Morhédec (koztoujours.fr) sur le sujet (7 janvier 2013).

Sur l’euthanasie

Dialogue sur facebook…

J’aimerais avoir votre point de vue sur l’euthanasie ? J’estime que dans certaines conditions, cela devrait être autorisé. Et ce sentiment s’est amplifié depuis que je suis professionnel de santé. Après avoir vu des personnes, des enfants, partir après de très longues souffrances inutiles, j’aimerais comprendre ce qui peut pousser les gens à être contre l’euthanasie pour certains cas.

Même si je le réprouve, le choix de se suicider reste libre. Mais en présence de quelqu’un qui veut se suicider ou qui s’apprête à le faire, par exemple en le voyant enjamber le parapet d’un pont, la seule position moralement acceptable est de tout faire pour le convaincre de ne pas se suicider, au besoin en l’aidant à apaiser sa souffrance. C’est la logique des soins palliatifs, qui est celle qui préside à l’excellente loi Léonetti pour les personnes en fin de vie, loi votée à la quasi unanimité par l’Assemblée Nationale le 22 avril 2005, et que l’on ne connaît pas assez : refus de l’euthanasie, refus de l’acharnement thérapeutique.

A l’inverse, assister un candidat au suicide en lui faisant la courte échelle pour enjamber le pont, n’est en aucun cas une « aide » juste, mais une violation de l’interdit du meurtre, qui avec l’interdit de l’inceste, est fondateur de toute société humaine (cf. Claude Levi-Strauss). Je ne parle même pas des situations où ce n’est pas de l’aide au suicide, mais de décisions prises indépendamment du patient, de mettre fin à ses jours.

Je suis d’accord avec vous dans ce principe. Et je suis pour accompagner une personne jusqu’à la fin dans les meilleures conditions. Or, je faisais référence à des cas particuliers de personnes qui n’ont absolument plus aucun espoir et qui n’ont plus l’envie de vivre. Alors oui, en ce qui me concerne, je ferai tout pour le convaincre de renoncer à ce choix, mais je ne pourrais jamais condamner une personne qui veut abréger ses souffrances alors qu’elle se sait condamnée. Je suis tout à fait d’accord avec le droit au laisser mourir mais j’aimerai comprendre pourquoi on ne pourrait pas aider à mourir des personnes comme Vincent Imbert. Et j’aimerai avoir votre avis sur ce cas dont j’ai eu connaissance : un homme agé en soins palliatifs a un corps qui ne répond plus, et la seule chose qui le maintient en vie, c’est son pacemaker. Les medecins se refusent de le lui enlever car cela le condamnerait immédiatement, et ils pensent que l’on doit attendre que la pile soit completement usée. N’est-ce pas une atteinte à la loi Léonetti qui autorise le droit au laisser mourir, sachant que c’est en fait une machine qui le maintient en vie et non son propre corps? Ne devrait-on pas laisser cet homme partir en paix plutôt que de le maintenir en vie artificiellement alors que son corps en aurait décidé autrement ?

Moi non plus, je ne condamne pas la personne souffrante qui préfère abréger ses propres souffrances. Mais il y a un enjeu fondamental pour les soignants à refuser de collaborer activement à mettre fin à ses jours. Au contraire, ce qui est humanisant, c’est avec l’accord du malade, de tout faire pour réduire la souffrance physique via anti-douleurs, soins palliatifs… mais aussi d’accompagner le malade dans sa souffrance morale, qui est affaire de sens, de relation, de regard sur lui-même… et qui sera aggravée par la perspective qu’ouvrirait la légalisation de l’euthanasie, le fait qu’au-delà d’un certain seuil, la société considérerait que vous feriez mieux de disparaître, que vous avez perdu votre « dignité » d’homme. Comme homme et comme chrétien, je réaffirme que cette dignité est inaliénable, qu’elle ne peut lui être retirée, qu’elle lui vient du seul fait d’être homme, qu’elle ne dépend pas de son état de santé, de son QI, de la somme de ses qualités moins ses défauts…*

Le droit d’un patient à ce qu’on le laisse mourir peut certes aller jusqu’à accéder à sa demande de ne plus être alimenté, ou d’être débranché d’un respirateur artificiel… Mais cela n’implique pas le droit d’un soignant d’agir activement dans le but de provoquer certainement la mort, ce qui est la définition du meurtre. Ainsi les soins palliatifs peuvent impliquer d’administrer des substances pour calmer la douleur avec des effets secondaires (non voulus pour eux-mêmes) réduisant l’espérance de vie, mais elles ne peuvent être données dans le but de provoquer directement la mort. Ainsi, laisser un pacemaker est dans cette logique de ne pas provoquer directement la mort. Débrancher un respirateur artificiel est un cas limite, selon qu’on le considère ou non comme soin disproportionné et donc comme acharnement thérapeutique ou non.

Je marche sur des oeufs, car je ne suis pas spécialiste du sujet, qui requiert d’autres sources, par exemple d’Eglise ou de blogueurs.

* L’enjeu est le même sur les personnes handicapées, car il s’agit de travailler à leur intégration, à réduire souffrance physique (cf. leur rendre la vie plus facile…) et morale (cf. le regard porté sur eux, reconnaissant leur dignité, valorisant leurs richesses, notamment de coeur…), plutôt qu’à leur suppression, que ce soit de leur vivant (euthanasie pratiquée sur les handicapés par les nazis) ou avant leur naissance (IMG à fins de suppression des foetus handicapés). Et pour justifier cette suppression, on a toujours commencé par leur retirer leur « dignité » d’être humain.

Tendre la joue gauche

Question d’une lycéenne :

On devrait tendre la joue gauche quand on nous frappe sur la joue droite. Pourquoi?
– répondre par l’amour et la compréhension à la violence
– rester noble face à la violence
Mais violence, physique ou morale, tu crois pas que ça tourne vite à la persécution ou au sado masochisme ?
ça me fait penser aux femmes battues.

 

Esquisse de réponse :

Pour interpréter ce « commandement impossible », je t’invite à reprendre le passage où il se trouve dans l’évangile selon saint Luc (Lc 6,29) qu’il faut lire dans son contexte :

Jésus déclarait à la foule :
27 « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez :
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.
28 Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.
29 A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique.
30 Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas à celui qui te vole.
31 Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.
32 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.
33 Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant.
34 Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu’on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.
35 Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour.
Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

 

Commentaires :

v.27a : Jésus est le sujet en relation avec nous, nous donnant au présent de l’indicatif, pour aujourd’hui la parole de révélation sur Dieu.

v.27b-31 : Les verbes sont à l’impératif et s’adressent à nous, en relation avec les autres, pour donner une loi de gratuité, d’amour inconditionnel.

v.32-34 : Une succession de conditionnelles (« si… ») et d’interrogations, pour dire comment nous allons mettre en oeuvre cette logique de gratuité dans les diverses situations qui se présentent.

v.35 : Il s’agit de nous en relation avec les autres et avec Dieu, avec des impératifs et des verbes au futur ; la loi n’est pas qu’impératif, elle est aussi promesse d’une relation filiale à Dieu se révèlant comme source de l’amour inconditionnel.

De manière générale, les commandements bibliques sont écrits dans l’Ancien Testament en employant le temps hébreu de l’inaccompli (souvent traduit par le futur : tu aimeras ton prochain, tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu respecteras le sabbat etc…) plutôt que par celui de l’impératif (honore ton père et ta mère). Autrement dit, ils sont autant promesse que commandement, comme si Dieu disait : « je te promets que s’accomplira le jour où tu aimeras ton prochain comme toi-même… » etc… ce qui permet au croyant d’accueillir le commandement non pas d’abord comme une exigence (plus ou moins impossible) mais comme une invitation à la foi en celui qui donne de réaliser ce qu’il ordonne. Saint Augustin avait ainsi cette prière : « Seigneur, donne ce que tu ordonnes, et ordonnes ce que tu veux ! »

Certes, dans le commandement de Lc 6,29, le masochisme est possible, mais il n’a alors rien à voir avec l’attitude qui précède : on n’y trouve ni exigence, ni promesse. On a au contraire maints exemples de mise en pratique de ce commandement et qui relèvent de la foi et sont de l’ordre de la sainteté. Cf. Maximilien Kolbe (cf.wikipedia) au camp d’Auschwitz…

A propos du prix Nobel de médecine…

Sur facebook encore, un lycéen écrit : Le Vatican critique le prix Nobel de médecine, pour la découverte de l’insémination artificielle, qui a permis à plus d’un million de couples de connaître le bonheur d’avoir un enfant. Des fois, j’ai vraiment honte…

 

Je prendrai plus tard le temps de participer au débat houleux sur ce mur, qui tourne au traditionnel « pour ou contre la religion catholique » laissant chacun dans ses opinions et sa plus ou moins grande tolérance à l’opinion de l’autre, mais préfère répondre à ce qui a lancé ce débat, à savoir ton incompréhension – et celle de beaucoup, visiblement – devant la réserve de l’Académie Ponficale pour la vie sur l’octroi du prix Nobel au prof. Geoffrey Edwards, pionnier dans la fécondation in vitro (FIV).

Ce n’est pas la prouesse technique qui est critiquée, et encore moins le fait que 4 millions environ de bébés aient pu naître grâce aux techniques de FIV depuis 1978. Ce sont plutôt deux réserves, que partagent aussi des médecins pratiquant ces FIV, comme me l’a confié une amie qui était aumônier catholique d’un centre de néonatologie en pointe sur les FIV :

(1) Le développement d’une mentalité de « droit à l’enfant », « je l’ai voulu, je l’ai fait », dans la ligne du film « Bienvenue à Gattacca » que plusieurs d’entre vous ont visionné, et qui induit un rapport dévié à l’enfant, reçu non comme un don, mais comme un dû ; évidemment tous les parents recourant à une FIV ne sont pas dans cette optique, mais l’existence même de la technique peut induire ces dérives, et de fait les induit ; et comme on sait que le même raisonnement (dû / don), la même volonté de puissance s’applique pour la suppression de l’enfant à naître, c’est un « droit » symétrique de vie ou de mort sur l’enfant à naître, qu’octroient les « techniques » de FIV ou d’avortement chimique.

(2) Le rapport d’une fécondation pour 20 embryons « produits », que l’on appelle pour cela « surnuméraires », que l’on congèle, dans l’attente d’autres inséminations, parce que les chances de réussite d’une FIV sont faibles (1 sur 5). Sans parler du moraliste, et pas seulement du moraliste chrétien, le législateur lui-même peine à définir le statut de ces 280 000 embryons « produits » chaque année en France, pour que naissent 15 000 enfants par FIV. Faut-il les conserver indéfiniment ? Les détruire comme du vulgaire matériel biologique ? Pourquoi feraient-ils l’objet d’une attention infinie, en tant que « personnes potentielles » (ce sont les termes mêmes du comité national d’éthique, qui pour un catholique ne vont pas assez loin dans la reconnaissance de l’originalité, de l’unicité, du caractère personnel de l’embryon) au moment où on les prépare en vue d’une FIV, et seraient si négligeables quand on n’en a plus besoin ?

Le débat sur la FIV est plus subtil qu’il paraît et ne peut se résumer à un « méchant-Vatican-rétrograde-anti-science-qui-refuse-aux-parents-la-joie-d’avoir-un-enfant ». L’Eglise n’interdit pas les FIV. Elle n’en a ni le projet, ni le pouvoir. Elle baptise avec joie les enfants nés d’une FIV. Mais en rappelant les risques éthiques de la technique, elle est dans son rôle d’interpellation de consciences que l’on endort facilement à coup de bons sentiments.

Les propos de Benoît XVI sur le SIDA, sans déformation…

Voici le texte intégral de la déclaration dans son contexte (infos issues de ZENIT.org) :

Question : Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l’Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du sida. La position de l’Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n’étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage ?

Benoît XVI : Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est précisément l’Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant’Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, à toutes les religieuses qui sont à la disposition des malades… Je dirais qu’on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n’y met pas l’âme, si on n’aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d’augmenter le problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c’est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l’un avec l’autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l’homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l’égard de son propre corps et de celui de l’autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d’épreuve. Il me semble que c’est la juste réponse, et c’est ce que fait l’Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font.

 

Pour plus d’infos : cliquer ICI (site de la conférence des évêques de France), ICI (site de réflexions à partir de la doctrine sociale de l’Eglise), ICI (article de Edouard Husson), ICI (« Les capotes sont cuites », article caustique et très informé)  ou ICI (« Le discours de Benoît XVI sur le préservatif est tout simplement réaliste », réponse de 5 scientifiques à la lettre ouverte publiée dans Le Monde). A télécharger également : un quizz pour collégiens (3ème) ICI, un texte humoristique sur les réactions aux paroles du pape ICI.

 

Commentaire personnel :

Chose rare sur ce blog (qui n’en est pas tout à fait un), je me permets un commentaire qui relève de la logique, avant même de parler de morale :

Des pays très pauvres d’Asie ou d’Amérique latine ont un taux de diffusion du préservatif comparable à celui en Afrique. La différence entre ces pays et l’Afrique – où le SIDA est tellement plus répandu -, n’est donc pas liée à la faible diffusion du préservatif qui leur est commune, mais à la différence de comportement affectif et sexuel entre ces continents.

Certes, dans un raisonnement à court terme, le préservatif peut être nécessaire, et même obligatoire pour qui ne serait pas capable de vivre une sexualité ordonnée à l’amour, c’est à dire fidèle à un seul partenaire. Et c’est ce que l’Eglise a déjà dit, y compris officiellement : je l’ai notamment entendu de la voix du cardinal Lustiger sur un JT, et plus récemment de Mgr Di Falco.

A l’inverse, la promotion du préservatif comme premier voire comme « seul » remède au fléau du SIDA a pour effet de cautionner des moeurs qui sont justement la cause du problème, ou de les considérer comme un état de fait irréformable. Une prévention du Sida exclusivement basée sur le préservatif combine ainsi une immoralité fondamentale (« vous pouvez continuer à vagabonder, du moment que vous avez un préservatif ») et un désespoir flirtant avec le racisme (« ils ne changeront jamais de moeurs »), qui ont donc pour conséquence d’ « augmenter le problème », comme le dit Benoît XVI. Une telle prévention est tout aussi dangereuse que celle qui limiterait la prévention routière au seul port du casque ou de la ceinture, sans s’interroger sur les comportements (vitesse, alcoolémie…). Ce que l’Eglise refuse, c’est la doctrine du « tout-préservatif » que prône la société occidentale, si allergique aux mots fidélité, abstinence, morale sexuelle… – l’abbé Pierre sur le plateau télé d’un Sidaction avait été publiquement conspué pour avoir osé parler de fidélité ! Incapable d’entendre le discours de l’Eglise sur la lutte contre le Sida, dont l’action concerne un malade du Sida sur 4, nos sociétés préfèrent censurer le discours de l’Eglise, ou le caricaturer en interdiction du préservatif.

Un des rares pays où l’épidémie VIH a régressé au début des années 2000 est l’Ouganda, dont le message du gouvernement (oui du gouvernement, pas seulement de l’Eglise locale) était la chasteté et la fidélité pour enrayer l’épidémie. Et cela à marché. Voir l’étude (résumée en anglais ci-dessous*) des chercheurs RL Stoneburner, Low-Beer (2004), « Population-Level HIV Declines and Behavioral Risk Avoidance in Uganda », publiée par le magazine Science n° 304, avril 2004, p. 714-718. » (commentaire de xav007 le 18/03/2009, extrait du site de Famille Chrétienne)

Osons le dire, contre tous ceux qui hurlent aujourd’hui avec les loups : par le poids de ses oeuvres caritatives dans le domaine de la lutte contre le VIH, par la pertinence de ses réflexions sur les causes et les remèdes, l’Eglise catholique est le plus responsable des acteurs de la lutte contre le SIDA. Il apparaît hélas que le rôle prophétique qu’elle endosse avec courage sur cette question, implique pour elle d’être seule à défendre la vérité.

 

*Population-Level HIV Declines and Behavioral Risk Avoidance in Uganda
Rand L. Stoneburner and Daniel Low-Beer

Uganda provides the clearest example that human immunodeficiency virus (HIV) is preventable if populations are mobilized to avoid risk. Despite limited resources, Uganda has shown a 70% decline in HIV prevalence since the early 1990s, linked to a 60% reduction in casual sex. The response in Uganda appears to be distinctively associated with communication about acquired immunodeficiency syndrome (AIDS) through social networks. Despite substantial condom use and promotion of biomedical approaches, other African countries have shown neither similar behavioral responses nor HIV prevalence declines of the same scale. The Ugandan success is equivalent to a vaccine of 80% effectiveness. Its replication will require changes in global HIV/AIDS intervention policies and their evaluation.

Population Health Evaluation Unit, Cambridge University, Cambridge, UK.

 

 

Après un avortement…

A une femme qui éprouve très douloureusement la culpabilité d’un avortement passé, et s’interroge sur la compatibilité de cet acte avec un engagement en Eglise.

L’avortement est un acte grave, mais le fait que vous en mesuriez la gravité, que vous en éprouviez de la « mauvaise conscience » – aussi pénible soit-elle -, vous honore.

Certes, cette mauvaise conscience n’a pas à être cultivée, surtout lorsqu’elle empêche de vivre, mais elle garde sa valeur d’indicateur moral. Le pire serait de faire le mal en cherchant à écarter tout sentiment de culpabilité, à se déculpabiliser en se cachant à soi-même la gravité du mal que l’on fait. Au contraire, le sentiment de culpabilité aide à nommer objectivement le mal que l’on a pu faire, et par là même à commencer à en prendre de la distance. « La vérité vous rendra libre. » (Jn 8,32)

Pour objectiver ce mal, il faudrait creuser de manière plus fine des éléments comme (1) votre intention au moment de poser l’acte d’avorter, (2) l’influence de votre entourage… qui conditionnent la valeur, la responsabilité et la culpabilité de votre acte. Cela ne doit pas être fait dans le but de vous déculpabiliser, mais dans un effort de vérité.

Pourtant, cet effort de vérité n’est qu’un commencement.

C’est le pardon demandé (à votre enfant, à vous-même, à Dieu…) – et reçu dans le sacrement du pardon, qui accomplit la distinction la plus radicale, entre ce que vous êtes et ce que vous avez fait, aussi grave soit-il.

Le pardon de Dieu opère à la racine de l’être, car il restaure ce qui constitue le plus profondément la personne, par delà tout mérite et démérite, et qui est d’être enfant de Dieu, fils ou fille bien-aimé du Père. De fait, l’accueil renouvelé de l’amour miséricordieux de Dieu pour qui lui demande ce pardon, le délivre du fardeau de la culpabilité, et lui renvoie en bénédiction – le fait que Dieu dise du bien de lui ! – l’humble aveu qu’il fait de son péché. Dieu réalise cette restauration dans le sacrement du pardon, même si on ne le sent pas toujours complètement au moment du sacrement : un sentiment de culpabilité peut encore subsister, mais peu importe alors car « notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. » (1Jn 3,20) Et dans ce contexte de vérité et de pardon demandé et reçu, il ne s’agit plus là d’une vaine déculpabilisation.

Ayez assez confiance en l’amour infini de Dieu pour vous, pour faire de la mise en vérité de votre acte, de son aveu, l’occasion de demander et de recevoir le sacrement du pardon auprès d’un prêtre de votre choix. « Moi, si j’avais commis tous les crimes possibles, je garderai toujours la même confiance, car je sais bien que cette multitude d’offenses n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent. » (Ste Thérèse de Lisieux)

Le reste viendra de surcroît, y compris avec ce que la foi de l’Eglise appelle la « communion des saints », une relation apaisée et même féconde avec votre enfant désormais en Dieu, et même capable d’intercéder pour vous. Il n’y a pas alors de contre-indication à ce que vous mettiez au service des autres et de l’Eglise, les ressources d’un coeur agrandi de se découvrir aimé à ce point.

« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31)