Les vocations, c’est l’affaire de tous

Les vocations, c’est l’affaire de tous

Les vocations, c’est l’affaire de tous, parce que nous sommes tous appelés à trouver notre manière unique d’aimer, de nous donner, de consacrer notre vie. Par­ce que la valeur de la vie se mesure à ce pour quoi on est prêt à la donner, et non à ce que l’on veut y gagner et dont la mort nous privera bientôt. La vocation, c’est alors la forme personnelle du don de soi, du service d’amour, du « sacrifice », non au sens de ‘perte doulou­reuse’, mais de ‘don joyeux’, de consécration de ce que nous sommes, avons et faisons, et qui donne plein sens à notre vie.

Pour les croyants, les vocations, c’est aussi l’affaire de tous, parce qu’il s’agit de chercher et de trouver sa voie, mais surtout de se laisser chercher et trouver par Dieu qui adresse un appel universel à la sainteté : un appel qui vient de plus loin que de notre aspiration au bon­heur ; qui sourd à travers les gémissements du monde nous requérant à le servir ; un appel de l’Absolu à l’ado­rer, dans la louange et la gratitude, dans la nuit et la supplication.

Pour les chrétiens, et en particulier les catholiques, les vocations, c’est l’affaire de tous, parce que l’Eglise est Corps du Christ, et que tout baptisé est membre de ce Corps, porte-parole habilité à relayer l’appel de Dieu, à redire à chacun les paroles de Saint Paul aux Romains : « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. » (Rm 12,1) cf. Appeler à devenir prêtre

Depuis quand avons-nous…

– prié pour les vocations personnellement, en équipe, dans notre mouvement, service, paroisse ?

– parlé positivement à quelqu’un de la vocation religieuse ou presbytérale ?

– relayé auprès d’un jeune l’appel à servir le Christ, l’Eglise, le monde par le don de sa vie ?

Les vocations, ce n’est pas tabou

L’Eglise a besoin de prêtres, et pour des jeunes qui pourraient devenir prêtre, il y a un enjeu de bonheur d’y être appelés.

Pourtant, beaucoup – y compris des prêtres – sont réti­cents à appeler. Nous craignons parfois qu’un appel di­rect en « veux-tu… ? » ressemble à un recrutement qui ne respecte pas la liberté : « On n’a pas le droit d’appe­ler… c’est entrer dans l’intimité de quelqu’un, s’immis­cer dans sa relation avec Dieu. »

En réalité, la vocation n’est pas qu’une affaire de for intérieur. C’est encore plus vrai pour un ministère, un service d’Eglise (et le diaconat et l’épiscopat le mani­festent complètement), où la vocation réside entière­ment dans l’appel explicite, objectif… de l’Eglise adres­sé à quelqu’un pour servir à telle ou telle mission, et non dans l’attrait intérieur, subjectif que l’on aurait pour tel état de vie. Il n’y a donc pas à attendre que quelqu’un y soit attiré pour l’interpeler sur une possible vocation de prêtre, si nous percevons qu’il a les « dis­positions requises ».

– Echanger en équipe, en relais, en mouvement, en équipe d’animation pastorale… sur ce que l’on ferait pour appeler un jeune à être prêtre, ou accueillir sa démarche.

– Donner davantage une coloration vocationnelle aux proposi­tions de la pastorale diocésaine des jeunes. (cf. SNEJV : un seul service national)

Appeler rend libre

Le fait d’être appelé est libérateur et permet de se construire sans cette « fatigue d’être soi » contem­poraine, liée à la prétention et à l’obligation d’inventer seul sa vie.

Laisser à quelqu’un le choix et respecter sa liberté, n’implique pas de le laisser errer en se contentant de lui dire « Tu feras ton chemin », le laissant découvrir seul sa vocation. Et ne pas appeler quelqu’un, c’est aussi déjà répondre « non » à sa place… alors que tout appel et donc toute réponse – quelle qu’elle soit – porte du fruit.

– Oser poser la question de la vocation – dès la catéchèse en primaire – « Et toi, as-tu pensé… ? »

– Ecrire une lettre aux confirmands sur la vocation.

Pas de vocation chrétienne
sans relation personnelle au Christ

La réponse à sa vocation est réponse au Tout-Autre. Cela suppose une relation profonde à Dieu, une ren­contre avec le Christ. Il nous faut surmonter notre ti­midité à annoncer le cœur de la foi, et faire en pasto­rale des jeunes des propositions où la prière ait la pla­ce centrale : les vocations naissent dans les lieux ferti­les, où les jeunes trouvent une proposition spirituelle forte.

– S’inspirer des propositions d’autres diocèses (école de prière, initiation à l’oraison, adoration, « valise vocation » tournant dans les familles, camp retraite diocésain…).

– Proposer un accompagnement spirituel personnel aux jeunes en aumônerie, services ou mouvements.

Le temps est propice

Nous sommes à une période propice de l’Eglise com­me lieu de fraternité et de partage de l’amour de Dieu. Des chrétiens sont prêts à s’engager pour inventer de nouvelles manières d’être frères en Christ. Ils ont be­soin de pasteurs accessibles, simples, pratiquant la « visitation », venant chez eux, capables d’appeler… La place du prêtre est à réinventer, à vivre autrement, et c’est une aventure passionnante. Il y aura à faire des choix pastoraux pour les prêtres, mais l’implica­tion croissante des laïcs permettra aux prêtres d’être davantage là ils doivent être, en tant que prêtres.

En soi, le métier de prêtre est épanouissant. On ne le dit pas assez, et l’activisme des prêtres peut le mas­quer. C’est un engagement qui demande de se donner, une source de joie du fait d’être toujours en mission, où l’ennui est absent ! Et un prêtre heureux, accessible et fécond… est appelant !

– Travailler en équipe d’animation pastorale sur ce que l’on attend du prêtre, sur d’au­tres styles de prêtres que curé ou modérateur.

– Communiquer davantage sur le bonheur d’être prêtre.

Sachons accueillir ce qui nous dérange

L’Eglise a de plus en plus mission de révéler ce que Dieu fait déjà dans le cœur des hommes. Un rôle d’ac­cueil, d’authentification, qui suppose une ouverture de cœur à toutes les richesses suscitées par Dieu… La vocation est un mystère qui nous dépasse. Il n’y a pas qu’une voie. Les sensibilités doivent pouvoir coexister, se respecter. Il nous faut arrêter de coller des étiquet­tes, de ne défendre qu’une chapelle, au risque de per­dre des vocations avec des jeunes qui ne se sentent pas chez eux dans l’Eglise.

p. Raphaël Bui

d’après les propos échangés en Services Provincial (Toulouse : 28/1/2014) et Diocésain (Rodez : 15/2/2014) des Vocations

Le Prologue de Saint Jean en toutes lettres

Les enfants du KT de la paroisse ont travaillé le Prologue de Saint Jean avec le module Nathanaël « Jésus-Christ, homme et Dieu« . Nous leur avons proposé de présenter ce texte lors de la veillée de Noël 2013 au moyen de grandes lettres, et voilà ce que cela a donné (vidéo de la dernière répétition, le 24 décembre après-midi ; le soir, c’était dans l’obscurité complète, éclairé par de la lumière noire…) :

 


Prologue de Saint Jean, en toutes lettres vidéo par Raphaël Bui

Le Prologue de Saint Jean (Jn 1,1-15)

– Au commencement était le VERBE, et le Verbe était avec Dieu,
– et le Verbe était DIEU. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui, rien ne fut.
– Ce qui fut en lui était la VIE, et la vie était la lumière des hommes ;
– et la LUMIERE lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue. Il y eut un homme envoyé de Dieu.
– Son nom était JEAN. Il vint pour témoigner, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous crussent par lui. Celui-là n’était pas la Lumière, mais il avait à rendre témoignage à la Lumière.
– Le VERBE était la Lumière véritable qui éclaire tout homme. Il venait dans le monde.
– Il était dans le MONDE, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu.
– Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné le pou-voir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang,
– ni d’un vouloir de CHAIR, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. Et LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, et il a habité parmi nous,
– et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme FILS unique, plein de grâce et de vérité.
– Jean lui rend témoignage…

 

Le texte du Prologue de Jean est lu par Michael Lonsdale, sur une musique de Daniel Facérias (copyright : Les Baladins de l’Evangile), par 30 enfants du KT de la paroisse Notre-Dame du Haut Ségala, pour la veillée de Noël 2013 à la salle paroissiale de Colombiès (12)

Avec l’autorisation des Baladins de l’Evangile, la bande-son est extraite de leur spectacle « Passion ».

Cliquer ICI pour une indication de mise en oeuvre.

Face au sentiment de culpabilité

Face à un si intense sentiment de culpabilité, qu’il ferait désespérer de soi, et même de Dieu…

Cela demanderait plus de développements, mais ce que la foi chrétienne dit de Dieu n’est pas premièrement qu’il est « juste » – récompensant les justes et punissant les pécheurs, ce qui est la vision binaire Paradis/Enfer que l’on retrouve certes dans tous les monothéismes, dans le christianisme médiéval, et dans l’Islam encore aujourd’hui – mais qui n’est pas ce que Jésus révèle de Dieu, à savoir qu’il est essentiellement « amour », don, agapè (charité), miséricorde : injuste bienveillance à l’égard de ceux qui à vue humaine ne la mériteraient pas. Au nom de Dieu son Père, Jésus affirme inlassablement qu’il est venu pour les pécheurs et non pour les justes ; que dans le Royaume, les publicains et les prostituées – en gros, ceux qui sont en défaut au plan de la morale publique (sociale, économique, politique…) ou de la morale privée (affective, sexuelle, familiale…) – précèdent ceux qui sont « à la hauteur », ceux qui font tout bien comme il faut, mais dont la justice pourrait être motif de s’enorgueillir, de se suffire à eux-mêmes, et de s’enfermer sur eux-mêmes. L’Enfer est cet enfermement-là, poussé à l’extrême, le point d’aboutissement de ceux qui se préfèrent à tout et à tous, ce à quoi mène l’égocentrisme, l’orgueil… infiniment pire que n’importe quelle faute morale. Mais cet enfermement sur soi et cet égocentrisme peuvent aussi être ceux du pécheur qui à cause de son indignité morale, s’abaisserait à l’excès, non pas devant Dieu (qui le relèverait), mais devant lui-même grimé en idole de justice, en juge impitoyable de lui-même. Des scrupules qui replient le pécheur sur lui-même ne viennent pas de Dieu, mais relèvent d’une tentation. Si ce pécheur reste obsédé par son péché, par ses scrupules, jusqu’à négliger le Christ qui veut et peut l’en tirer – et qui l’a déjà fait sur la Croix – il y a là aussi un enfermement infernal. On en sort en accueillant le regard bienveillant du Père que nous transmet le Christ, lui qui nous connaît jusque dans nos ténèbres, et qui pourtant nous aime, et nous révèle notre bonté et notre beauté foncières. Ce regard seul nous décentre de nous-même, de nos bonnes comme de nos mauvaises actions. Il distingue en nous la personne et les actes, et c’est là une expérience libératrice. La morale cesse alors d’être ce qui nous définit et nous juge, en bien comme en mal, mais l’art et la manière conséquente dont nous prolongeons par notre vie l’expérience préalable de cet amour libérateur donné sans condition. L’ordre importe : « Ta foi t’a sauvé. Va et ne pèche plus. »

P.S. Quelques textes ou livres qui ne vont pas dans le sens d’un travail sur soi en vue d’ôter un trouble, ni d’une thérapie (où prière, pardon, conversion, relation renouvelée avec Dieu ne seraient que des moyens en vue d’une finalité centrée sur soi : la guérison). Ils insistent plutôt sur un oubli de soi en vue d’une plus juste relation avec Dieu, sur une remise de soi au Christ pour faire feu de tout bois – force ou faiblesse, quiétude ou épreuve… – afin de servir « sa plus grande gloire ». A la manière du « bon usage des maladies » de Blaise Pascal. Le reste : guérison, amour, joie, paix… viendra alors de surcroît, comme « fruit », « don » et non comme « objectif », « dû »… Evangile de Jésus-Christ selon Saint Luc (pour un recentrage sur le Christ) Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, DDB 2007 André Louf, Au gré de sa grâce, DDB 1989 Sainte Thérèse de Lisieux (qui a connu grandes désolations, scrupules, perte de goût de vivre…), Manuscrits autobiographiques (nouvelle désignation de ce que l’on appelait avant Histoire d’une âme) Quelques textes du blog sur le pardon : http://textala.over-blog.com/search/pardon/

Leçons magistrales dominicaines

L’après-midi du samedi 20 octobre, les trois pères dominicains Jean-Michel Maldamé, Serge-Thomas Bonino et Benoît-Dominique de la Soujeole, ont donné une leçon publique à l’occasion de la réception du grade de « maîtres en sacrée théologie » au couvent des dominicains de Toulouse. Ayant eu la chance d’avoir eu les deux premiers comme professeurs à la Catho de Toulouse, je vous transmets ci-dessous les notes que j’ai été heureux de prendre à ces conférences – ces notes n’engagent pas les conférenciers, car j’ai pu mal entendre ou mal interpréter. Elles portaient sur :

– les premiers mots de la Bible (J.M.Maldamé)
– être un « défenseur de la foi » (S.Th.Bonino)
– la possibilité d’une concélébration eucharistique entre catholiques et orthodoxes (B.D.de la Soujeole)

Les conférences elles-mêmes peuvent être écoutées directement sur le site des dominicains : ICI.

 

Les premiers mots de la Bible

Commençons par le commencement : Bereshit bara Elohim et hashamaïm vehet haarets. Cette phrase forme un tout, avec un sujet, Dieu ; un verbe, créer ; un objet, la totalité ;mais aussi un premier mot : Bereshit. Comment le traduire ? Tous s’accordent pour dire qu’il est formé à partir du mot rosh, tête, et Chouraqui traduit sans traduire par « en tête ». Les traductions habituelles des bibles BJ, TOB traduisent par « au commencement ». C’est exact, mais insuffisant. La LXX traduit par en archè, la vulgate in principium, et là, c’est plus que le commencement. C’est considérable : les 5 premiers mots forment un porche d’entrée au récit, sans faire partie du récit (La terre était informe et vide, et l’esprit planait sur les eaux…). C’est un porche pour la Genèse, mais aussi pour toute la Bible, NT compris. C’est cette exigence qui invite à voir dans Bereshit autre chose qu’un banal « au commencement ». C’est ce mot qui a inspiré Saint Jean dans le Prologue, reprenant le premier mot de la Bible grecque, et saint Paul dans son hymne du 1er chapître de l’épître aux Colossiens, auquel sera consacrée cette leçon.

 

Rendons grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint.
Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé,
par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés.
Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature,
car c’est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles :
tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Église.
Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, puisqu’il devait avoir en tout la primauté.
Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total.
Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,sur la terre et dans les cieux,en faisant la paix par le sang de sa croix.

(Col 1,12-20)

 

Nous lisons en Col 1 une confession de foi au Christ fils de Dieu. Un hymne, oui, mais en réalité une confession. Une grande phrase, majestueuse, ample, qui couronne l’évolution de la foi de Saint Paul. La confession de l’épître aux Romains, antérieure, où Paul désigne le Christ comme Fils de David selon la chair, Fils de Dieu avec puissance, selon l’esprit de sainteté par sa résurrection d’entre les morts. (Rm 1,3). Espérance messianique, où le messie est désigné fils de Dieu par le prophète Nathan. La résurrection, est la glorification de l’humble fils de David selon la chair en Fils de Dieu. Dire que Jésus est Christ, c’est confesser l’exaltation du Christ ressuscité. Mais dans Col, Paul va plus loin: il applique à Jésus, au ressuscité, toutes les harmoniques de sens contenues dans le 1er mot de la Bible : Bereshit, en archè. Il est l’image du Dieu invisible. Paul est dans la Genèse, où l’image évoque l’homme, la seule image possible de Dieu, qui n’a pas d’autre représentation possible. Derrière image, entendons Adam, créé par Dieu. Est-ce que ce rapprochement est légitime ? Oui, car c’est un thème majeur de la pensée de Saint Paul, qui l’accompagne toute sa vie de parler du Christ en référence à Adam (1 Co : Adam et Christ, principes de vie promise à la mort ou à la vie éternelle…). En 1Co, Paul parle de l’illumination de l’Evangile de la gloire du Christ lui qui est l’image de Dieu (2 Co 4,4). Ce que signifiait prophétiquement Gn 1, se trouve accompli par Jésus-Christ quand il rentre dans sa gloire. C’est à cela que fait référence le premier né d’entre les morts.

Certes, la notion d’image a été entendue dans d’autres sens chez les Pères de l’Eglise. Mais nous acceptons de rester dans le contexte de la pensée de Saint Paul.

Paul dans Col, nous dit des perspectives cosmiques, cosmologiques, et réagit à une erreur évoquée dans d’autres textes du NT, selon laquelle Jésus ressuscité serait monté aux cieux, et serait devenue une puissance céleste parmi d’autres (puisque dans ce temps les cieux étaient divinisés) fût-ce la première. Pour dire que Jésus n’est pas un être céleste parmi d’autres, Paul se réfère à ce qu’il y avait dans la Création, qui transcende le cours du temps, en affirmant la présence dans l’intention du Fils de Dieu. Les sages d’Israël, pour dire la création, prenaient la comparaison de l’architecte avec le projet qui préexiste à l’oeuvre. Dès le principe tout est créé pour tendre vers l’image du Dieu invisible. La notion d’architecte qui préexiste à la Création, identifié à la Sagesse, se retrouve dans « Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui. » En relisant les textes de sagesse, on trouve la Sagesse personnifiée présidant la Création, et en Si : tout ce qui est dit de la sagesse « n’est autre que le livre de l’Alliance du Très Haut » (Si 24, 23). Chez les rabbins, les scribes, les cabbalistes qui vont durcir les choses, cette sagesse, c’est la loi, qui n’est pas supprimée mais accomplie en Christ. Ce que les sages disaient de la loi, il faut le dire du Christ. Ce qui était dit d’une lettre morte, il faut le dire d’un vivant, premier né d’entre les morts. La place centrale de celui qui est glorifié est signifiée par l’emploi du premier mot de la Bible : toute la Création se comprend dans son principe (archè). « Il est le Principe »… Il faudrait à rebours traduire Bereshit, non par « Au commencement », mais « Dans la Sagesse », ou « Avec Sagesse » ou « Par la Sagesse ». Ce serait là une nouvelle traduction, qui renverrait à la lumière qui vient du 1er mot de la Bible. Traduire Bereshit par Sagesse, libérerait nos esprits d’un certain nombre de confusions, en particulier le concordisme, où l’on ferait du big bang le point zéro du modèle cosmologique standard, alors qu’elle n’est qu’une singularité initiale. La Genèse ne nous raconte pas le commencement, mais la générosité de Dieu, la sagesse de Dieu dans son acte créateur.

Le Christ est aussi désigné comme « tête du corps » (cf. rosh), ce qui anime le corps, ce qui donne vie à tout. Quand on entre dans cette compréhension des choses, on est toujours alors hanté par la question du Mal. Pour ne rien éviter, Paul évoque alors le sang de la Croix. La grande difficulté que Paul a connue dans sa jeunesse, c’est celle d’u Messie crucifié. Or C’est ce Messie crucifié qui est la tête, ce qui était annoncé dans le 1er mot de la Bible, l’amour qui va assumer, affronter la mort.

En hébreu, il y a des modes, plutôt que des temps passé, présent, futur. Dans la 1ère phrase de la Bible, portail qui ouvre jusqu’à l’Apocalypse, on n’a pas de passé, présent, avenir. Mais le passé convient, car il dit que ce qu’il y a dans le principe, c’est ce qui se déroule dans le temps. Mais c’est aussi maintenant que Dieu crée, que dans sa sagesse il nous fait vivre, que dans le Christ ressuscité il nous donne la vie.

La foi demande à s’exprimer, elle est fortifiée par l’expression de la liturgie. A la fin du cycle liturgique, il y a une fête importante, la fête du « Christ Roi ». Le Concile Vatican II et la réforme liturgique qui l’a suivi l’a changée en fête du « Christ roi de l’univers », ce qui revient à honorer le Christ dans la profession de foi de Saint Paul en Col. Cela évite des discours nostalgiques d’ancien régime, mais cela donne à la Résurrection sa place centrale, cela aussi permet de distinguer la place du Christ et la nôtre. Le mystère pascal est le cœur de la foi, et s’exprime en divers moments liturgiques. La dimension cosmique du mystère pascal est signifié dans l’Ascension. Le temps liturgique qui s’achève est récapitulé en Christ. Ce n’est pas une évasion. Dans l’hymne de Vêpres de l’Ascension, il y a 2 versets : Culpat caro, purgat caro, regnat Deus Dei caro. La chair est le lieu du péché, la chair a été l’instrument du salut et du règne de Dieu. Dieu règne sur la chair comme principe de salut. La chair de Dieu comme principe de salut, Le Christ roi de l’univers, celui qui a notre foi.

Il faut expliquer saint Paul par saint Paul, sans s’appuyer sur Jn 1 et la théologie du logos qui s’appuie sur les 1ers mots de la Genèse En archè, cela ne doit pas faire penser à un désaccord entre Paul et Jean. Il y a en fait un accord profond entre Paul et Jean. Dans le dernier entretien de sa vie publique, Jésus déclare en Jn 12,32 « Elevé de terre, j’attirerai tout à moi », le mot signifie à la fois la croix et l’exaltation. C’est ce que disait saint Paul. Le Christ attire tout à lui. Pendant la semaine sainte, à l’office du matin et au milieu du jour, une prière d’intercession s’adresse au Christ et lui demande : « Toi qui ayant étendu tes bras sur la croix, attire à toi tous les temps, tous les mondes. »

Oui, je crois, je m’efforce d’accueillir et de vivre cette parole du Christ transmise par l’Evangile de Jean : « Elevé de terre, j’attirerai tout à moi ».

 

Être un défenseur de la foi

Si on laisse de côté la question pourtant essentielle de la langue, que reste-t-il comme différence entre un moudjahidine afghan et un dominicain ? Tous deux sont des combattants de la foi. Pour « la défense de la foi », dit la liturgie. Cette défense est au cœur de la vocation dominicaine. Ainsi pour la prière sur les offrandes pour la messe de Saint Thomas d’Aquin. La préface insiste : « Dominique fonda son ordre pour mener le combat de la foi. » Vocabulaire martial, voire belliqueux.

La différence tient dans la nature, les finalités, et donc le style et les moyens du combat. Le combat de la foi désigne la lutte vitale que mène chaque homme dans sa vie. Au plus intime de lui-même s’affronte la vie et la mort, la voix de la foi et les voix mauvaises de l’incrédulité, du désespoir, d’une pitoyable sagesse du carpe diem sans raison de vivre. L’homme reste un animal métaphysique, en qui a été inoculé le terrible virus métaphysique, qui fait sa souffrance et son honneur de ne plus se satisfaire du relatif. Odon Vallet signale que le simple fait de donner la vie à la génération qui vient, signifie que la vie est pour nous intrinsèquement bonne, valant la peine d’être vécue. Un oui à la vie, qui en dernière analyse est un oui à Dieu ; un oui jamais acquis, arraché à la tentation du nihilisme et de l’incroyance. Seul face au gué de Yabboq, Jacob a lutté toute la nuit et en sort vainqueur : je ne te lâcherai pas que tu m’aies béni. Combat de la foi, dans la nuit, solitaire, qui se conclue par une bénédiction. Mais cela se vit en Eglise, et les dominicains ont mission d’accompagner le combat apostolique de la foi, en vue du salut des âmes. Ce combat apostolique consiste à écarter les obstacles qui s’opposent à la rencontre personnelle avec le Christ. 2 conditions : au plan objectif, la foi fides quae désigne un enseignement qui s’adresse à l’intelligence pour ouvrir un nouvel horizon pour l’existence ; le combat pour la foi implique de proposer un enseignement vrai. Mais il faut aussi la fides qua, au plan subjectif : les conditions favorables à l’accueil de la foi.

Le 1er obstacle, c’est l’erreur sur la personne, comme Jacob qui se trompe entre Rachel et Léa – de l’inconvénient du voile intégral… Il faut pour cela que la Parole de Dieu soit donnée elle-même, et non nos accommodements idéologies, nos hérésies, une sorte de Canada Dry, qui ressemble à la foi, en a le goût, mais n’est pas la foi. Pour que ce soit bien cette parole qui soit transmise, Jésus a promis l’assistance de l’Esprit Saint pour la transmission de cette parole. L’Eglise veille à transmettre sans altération ce qu’elle a reçu du Christ. Cette mission est celle de toute l’Eglise. Mais l’Eglise n’est pas un tout indifférencié, mais structuré. Tous les chrétiens sont dotés d’un flair, d’un 6ème sens, le sensus fidei qui leur permet de sentir la conformité de l’enseignement avec la foi reçue des apôtres. Mais les pasteurs, les évêques ont reçu un charisme pour prêcher la foi en étant attentif à écarter toutes les erreurs qui menacent le troupeau. Cf. l’iconographie qui représente Saint Thomas d’Aquin avec sur la poitrine un soleil qui dissipe les ténèbres de l’erreur par la vérité de son enseignement. Il revient à une seule et même personne de s’attacher à un contraire et à réfuter l’autre. L’office du sage est de méditer la vérité et de combattre les erreurs. L’erreur, de manière générale est un mal qui blesse la personne dans sa capacité à connaître, qui est la condition d’un agir responsable. Elle limite la liberté, et empêche de prendre de bonnes décisions. Combattre l’erreur est un service rendu au croyant. Il faut veiller qu’aux enfants qui demandent du pain, on ne remette pas une pierre. Le catéchisme de l’Eglise indique que la mission du Magistère est d’écarter les erreurs pour permettre de professer la foi authentique. Les frères dominicains, en vertu de leur profession participent à cette mission. 1215 : ordination des premiers frères pour être prédicateurs, chargé d’extirper les erreurs, chasser le vice… avec les termes mêmes du Concile de Latran IV pour définir le munus docendi des évêques. Participation à la mission enseignante des évêques. Cela inclue la défense et illustration de la foi catholique. L’assistance promise à l’Eglise n’est pas magique, extrinsèque, elle ne tombe pas du ciel, mais s’inscrit dans une démarche ecclésiale, avec les moyens humains pour accomplir cette tâche. L’étude est le 1er moyen, consubstantiel à la vocation dominicaine, par une immersion dans la Parole de Dieu, qui fait discerner ce qui est conforme ou non à la foi apostolique. Mais cette étude qui met en œuvre les ressources de la rationalité est aussi une affaire spirituelle. Le théologien doit dans la prière garder un contact vivant avec la Révélation, avec une nécessaire purification de son intention profonde, car la défense de la vérité est un lieu propice à la volonté de toute puissance, avec le désir d’avoir toujours raison, qui remplace l’effacement humble devant la vérité. Cette humilité fait du théologien le collaborateur de la vérité. Son obéissance permettra que la vérité puisse parler à travers la théologie.

L’agronome ne veille pas à la qualité des semences pour les conserver sous cloche. De même, l’Eglise conserve le dépôt de la foi, pour le communiquer à tout homme. C’est le 2nd aspect de la foi, comme démarche intérieure d’accueil de ce Dieu qui vient à moi. Le défenseur de la foi se trouve alors démuni, se situant à l’extérieur. C’est Jésus qui frappe à la porte, et qui entre, seul. Mais Jésus envoie ses disciples en avant de lui, dans les lieux où lui-même devait aller. Mission d’aller préparer les cœurs, pour que Jésus puisse venir célébrer la Pâque dans le cœur de tout un chacun. La conviction de Saint Thomas d’Aquin est que la puissance de Dieu se manifeste dans sa générosité. Dieu suscite dans ses enfants une capacité d’agir les uns sur les autres. A la différence des puissants de ce monde, Dieu n’a pas besoin de se prouver qu’il existe en abaissant les autres. Au contraire, il associe ses créatures à son propre gouvernement de l’univers. A la fin de la prima pars, St Thomas envisage les différentes manières dont Dieu agit : Dieu seul est présent, agissant au plus intime de moi-même, au cœur même de mon activité la plus personnelle. L’altérité de Dieu n’est pas du même ordre que l’altérité humaine, en vis-à-vis d’autrui. Dieu est la source permanente de l’acte d’être qui me fait ce que je suis, et qui rend réelle toute activité positive. Deus intimior intimo meo. Le christianisme a ainsi sanctuarisé la personne. L’ordination de la personne à Dieu relativise toutes les relations horizontales aux créatures. Aucune créature n’a prise directe sur l’intimité de ma vie, l’action d’une créature ne passe que par les conditions extérieures de ma vie. Ainsi l’ange ne peut pas agir directement sur ma liberté ou mon intelligence, mais indirectement, sur les processus psycho somatiques qui conditionnent la vie de l’esprit. Pour l’homme, l’influence est encore plus limitée, même à son plus haut, qu’est l’éducation. Le maître ne communique pas sa pensée, mais manipule des idées, des mots, pour mettre son élève sur la piste. La lumière de la connaissance si elle agit, surgit de l’intérieur. Aucune créature ne peut donner la foi à une autre créature. L’acte de foi est un acte vital qui surgit de l’intérieur de la créature. Seul le Christ, le maître intérieur peut donner aux paroles extérieures une force de vie. Mais le maître extérieur doit établir des ponts entre l’univers mental de son interlocuteur et la vérité de la foi. Il a souci de rendre audible la parole de la foi. Il doit comprendre le contexte culturel de son interlocuteur, en discernant ce contexte facilite ou rend plus difficile la foi. L’incroyance contemporaine, n’est pas réductible à la seule mauvaise volonté. Elle est induite par un contexte culturel, intellectuel, qui rend la foi improbable, qui ferme l’accès à la foi : conception négative d’une liberté absolue déconnectée de la vérité, la mythologie de l’évolutionnisme, la réduction de la rationalité aux seules sciences dures aboutissant au relativisme, à l’abandon de la foi aux fluctuations du sentiment… Mon attention à la pensée médiévale est liée au souci de détecter à leur source des aiguillages défavorables à l’accueil de la foi.

Le combat de la foi est inséparable d’un certain style, avec une cohérence entre le contenu du message et la manière de l’annoncer. Appuyé sur la seule grâce du Christ, face au catharisme, Dominique a fait un choix décisif : la parole plutôt que les armes de la croisade. Comme David refusant l’armure de Saül, pour ne prendre que 5 galets, les 5 livres de la torah. Des formes plus subtiles de violence, pression sociale, chantage affectif, savoir institué, sagesse illusoire… Saint Paul y a renoncé, comme à toute forme de puissance autre que la vérité et la charité. La foi chrétienne n’a pas besoin d’autres armes. Elle s’appuie sur une cinquième colonne, un allié inviscéré dans le tréfonds de l’esprit humain : le désir de la vérité. Nous n’avons pas à le susciter : l’esprit est fait pour la vérité. La vérité ne s’impose alors que par la force de la vérité elle-même. C’est une reconnaissance qui s’opère dans l’acte de foi. Tu étais là et je ne le savais pas. La vérité doit être cherchée selon la manière propre de l’esprit humain, librement, par l’échange et le dialogue, où l’on s’expose la vérité que l’on a trouvé ou pense avoir trouvé. Manuel II paléologue, l’empereur byzantin, le disait : ne pas agir selon la raison, est contraire à la foi. On ne doit jamais recourir à la violence pour convaincre. Certes, les chrétiens n’ont pas toujours été à la hauteur de cette exigence. Jean-Paul II en a demandé pardon, pour le consentement à l’intolérance et la violence dans le service de la vérité.

Une légende veut qu’une nuit, Saint Dominique eut la visite de Pierre et Paul, qui lui remettent le bâton de pèlerin et le livre de l’Evangile. Les peintres ont doté les apôtres de leurs attributs habituels : les clés, et l’épée. Cette épée correspond à l’évangile lui-même remis à Dominique. La Parole de Dieu est cette épée à double tranchant qui sort de la bouche du Christ, qu’il n’aurait pour rien au monde échangée contre les rapières émoussées. Seule cette épée de la Parole aiguisée par la méditation et l’étude pourra infliger une blessure qui guérit toute blessure.

 

Concélébrer entre catholiques et orthodoxes

Le propos de la leçon est de savoir si dans l’état actuel des relations œcuméniques entre catholiques et orthodoxes, la concélébration eucharistique est possible ou non.

La pertinence ou non de cette concélébration, en raison de l’unité substantielle de foi dans le mystère eucharistique entre nos confessions, ainsi que sur le ministère ordonné. Pour le dialogue avec les protestants, la question est infiniment plus complexe. Il reste du chemin vers la pleine communion entre catholiques et orthodoxes, avec notamment la question du ministère du successeur de Pierre, et 1000 ans de séparation culturelle. La concélébration eucharistique, d’un point de vue purement dogmatique. Il y a 40 ans, nous étions très proches de voir Paul VI et Athénagoras concélébrer. Avec les 50 ans de Vatican II, la question mérite d’être reposée. Qu’est-ce qui à cette époque nous avait tant rapprochés ? Qu’est-ce qui nous a éloignés ?

Avec Vatican II la perspective était de partir de ce qui nous éloignait. Avec Vatican II, changement de perspective, en insistant sur ce qui nous unit à nos frères séparés. La question de la concélébration se pose ainsi : est-ce que la concélébration demande que l’on soit dans la pleine unité préalable, et la célébration manifesterait cette unité ? ou est-ce que l’unité requise pourrait être réelle, mais incomplète, et la célébration aiderait à compléter cette unité ? Avec les orthodoxes, la proximité est telle qu’il y a bien peu de différence qui fasse obstacle à la concélébration.

Pour les personnes individuelles, avant de parler de la discipline concernant les communautés, le mot discipline renvoyant au « comment être de vrais disciples », nous avons radicalement changé de manière de faire avec Vatican II. La discipline antérieure interdisait aux catholiques d’assister ou de quelque manière que ce soit à une célébration non catholique, du fait que cette participation aurait impliqué l’approbation aux croyances des cultes dissidents. Aujourd’hui, dans la discipline actuelle pour des personnes individuelles, si un catholique se trouve en pays orthodoxe, sans possibilité de participer à un culte catholique, il peut légitimement demander de participer à un culte orthodoxe, avec l’autorisation des responsables orthodoxes. La réciproque est possible : l’admission d’un orthodoxe à une célébration eucharistique catholique. Mais il y a d’autres éléments de cette discipline individuelle qui peuvent s’appliquer à des communautés : « nécessité impérieuse » et « bien spirituel ». Dans un contexte de crise générale de la mondialisation, n’y aurait-il pas lieu de manifester la fécondité d’une autre mondialisation en Christ ? L’Eucharistie pourrait-elle être en un moyen ? En évitant l’indifférentisme… Or la discipline actuelle reste très claire et très ferme, commune aux catholiques et orthodoxes : la concélébration par des ministres catholiques et orthodoxes, ne sera possible qu’après une entière et complète communion.

L’argument majeur est que l’Eucharistie est le sacrement de l’unité, à condition que l’on soit dans l’unité des moyens de grâce. Concélébrer l’Eucharistie alors que l’on ne serait pas dans cette communion préalable, serait un signe menteur, la perversion du signe sacramentel par excellence, un sacrilège. Cela est rappelé par les 2 confessions. Il ne s’agit pas d’introduire une rupture dans une tradition constante, mais on peut proposer une intelligence plus profonde des principes de cette tradition.

Par exemple, la doctrine des limbes, très largement commune a été l’expression de l’intelligence que l’on avait de 2 principes valables : le péché originel qui empêche d’entrer dans la béatitude, l’absence de péché personnel des enfants qui interdit leur damnation. Aujourd’hui, on cherche quels pourraient être les moyens pour les enfants en bas âge d’être reliés au Christ.

Est-ce que si l’on revisite ce qui nous unit, peut-on modifier le curseur en proposant une nouvelle pratique à partir d’une nouvelle interprétation des mêmes principes ?

La nature du mouvement œcuménique, des relations entre nous… La distinction de 2 œcuménismes, celui spirituel, et celui doctrinal. Le 1er est fondé sur les biens spirituels que nous partageons et pouvons vivre en commun. Cet œcuménisme est l’âme de tout œcuménisme, qui permet de célébrer ensemble la liturgie des heures. Le 2ème, doctrinal est second. L’œcuménisme spirituel n’a peut-être pas été assez sondé, avec la concélébration eucharistique comme préalable à la pleine unité dans l’œcuménisme doctrinal, actuellement en panne avec les orthodoxes.

La discipline actuelle qui prohibe s’il n’y a pas d’unité doctrinale complète, crée une situation paradoxale. La concélébration comme signe menteur, serait dépourvue d’effets de grâce, alors que la célébration séparée porterait des fruits de grâce. Peut-on essayer une 3ème possibilité ? la concélébration comme signe vrai d’une unité célébrée, pour parvenir à l’unité complète, mettrait en avant l’œcuménisme spirituel avant l’œcuménisme doctrinal.

La question la plus visible du dialogue catholique-orthodoxe, porte sur le ministère de l’évêque de Rome, qui pour les catholiques n’est pas seulement signe, mais cause d’unité dans l’Eglise, ce qui suppose une autorité, un certain pouvoir. Les orthodoxes n’y voient qu’une primauté d’honneur, un pur signe, sans la responsabilité de l’unité avec l’autorité nécessaire. Il est bon d’user des règles d’exégèse de Saint Thomas d’Aquin dans son « contre l’erreur des grecs », appelant à recourir aux mêmes autorités que celles des grecs, aux plus anciennes, même si elles sont moins explicites, en usant du sens des mots de nos interlocuteurs.

La primauté d’honneur, n’est pas vanité, symbole vide de tout sens. Honneur suppose dignité, renvoyant à l’autorité de Dieu. Personne ne doute que si une concélébration eucharistique avait lieu au plus haut niveau ecclésial, ce serait l’évêque de Rome qui la présiderait, exerçant une primauté d’honneur qui ne serait pas un symbole vide. Le 25 juillet 1965, Athénagoras accueille Paul VI, en le désignant comme « le premier en honneur entre nous, celui qui préside dans et par la charité », induisant sa présence à la présidence du sacrement de la charité. L’honneur rendu à l’évêque de Rome ne serait pas rendu à lui, mais au Christ, dans un rôle iconique. La divergence sur le mystère de la primauté, pourrait ne pas être aussi profonde qu’on le pense, en lui donnant un sens qui est celui le plus ancien et qui pourrait se manifester à sa juste place, avant toute définition canonique : rendre un honneur liturgique est beaucoup plus lourd de conséquences qu’on l’imagine. L’excellence personnelle de l’évêque de Rome reconnue dans l’Eucharistie impliquerait son autorité y compris dans le domaine de l’enseignement.

En changeant de discipline, on peut ne pas rompre avec la doctrine passée. Concélébrer le sacrement de l’unité pour que le signe ne soit pas menteur, suppose que l’on soit uni dans le mystère premier de la foi, et dans le mystère des sacrements qui portent le mystère premier. Une unité est requise pour la concélébration, qui pourrait être incomplète, et le dynamisme de l’unité pourrait être appuyé par la concélébration eucharistique.

Dans une partie de Ep 4, qui est un très grand chapitre pour saisir ce qu’est l’unité des chrétiens, Saint Paul dit qu’avec grande humilité et mansuétude, vous supportant avec patience et dans la charité, appliquez-vous à l’unité dans la paix. En évitant 4 risques et en cultivant 4 vertus : (1) fuir l’orgueil et cultiver l’humilité ; quand un orgueilleux veut présider d’autres orgueilleux, la dissension et la ruine arrivent. Il faut de l’humilité pour les conjurer. La dissension catholique-orthodoxe ne pourra être résolue par l’humilité intérieure et extérieure, qui introduit l’Eucharistie. (2) fuir la colère et cultiver la mansuétude ; chaque Eglise doit faire preuve vis-à-vis de l’autre de mansuétude. Ce fut le cas le 7 décembre 1965 lors de la levée réciproque des excommunications. (3) fuir l’impatience et cultiver la patience envers les opposants. Nous sommes encore opposants sur des points doctrinaux non mineurs. La patience est ici une attitude éminemment positive. (4) se méfier du zèle désordonné et pratiquer une endurance charitable. Ceux qui jugent imprudemment perturbent les communautés. Il faut pratiquer la charité, ce qui en contexte œcuménique que chacun supporte les manques de l’autre, laissant la charité œuvrer par la réconciliation via l’œcuménisme spirituel.

Si cet œcuménisme spirituel est l’âme de l’œcuménisme doctrinal, la concélébration œcuménisme ne pourrait –elle pas être le signe de ce primat ?

La foi chrétienne en 5′

26 images pour dire la foi chrétienne en 5'Pour préparer une exposition sur la foi chrétienne, à l’occasion de la rencontre des « Religions pour la Paix », il a fallu rédiger un exposé de « la foi chrétienne en 5 minutes ». En voici le résultat, réalisé avec les corrections d’une équipe de laïcs. Il développe ce qui avait été fait précédemment sous le titre « La foi en 10 images« .

A télécharger :
– 9 panneaux d’exposition (texte légèrement modifié) : ICI
– livret 8 pages A6 portrait (à partir de 2 feuilles A5 paysage recto-verso), pdf prêt à imprimer : ICI
– album des images associées à chaque paragraphe : ICI

 

1. Dieu le Père

La contemplation de l’univers, la confrontation aux grandes questions de l’existence, la vie et la mort, le bien et le mal, l’amour, la liberté, la vérité… tout cela suscite en l’homme une interrogation, voire une intuition religieuse : au fondement et au-delà de toute chose, y au­rait-il une réalité absolue, éternelle, infinie… divine ?

A la suite d’Abraham, le peuple d’Israël a expérimenté dans la rudesse de son histoire, la proximité aimante de cette réalité : un Dieu créateur, libérateur, sauveur, donnant la vie et se révélant en personne pour faire alliance avec l’humanité. Un Dieu qui par ses promesses dynamise l’histoire, et qui par ses exigences liant foi en lui et souci du pro­chain, rend l’homme capable de lui répondre amour pour amour.

Avec les juifs et les musulmans, les chrétiens croient en un seul Dieu créateur. Ils le nomment même Père, lui dont la toute-puissance, la sainteté et la grandeur sont celles de l’amour, avec ce que cela implique de miséricorde et de fécondité, de force et de vulnérabilité.

 

2. La Bible, Parole de Dieu

Le Dieu des chrétiens se révèle dans l’histoire d’un peuple, Israël, et au cœur de ce peuple, dans celle d’un homme, Jésus de Nazareth, en qui Dieu a tout dit de lui-même. La relecture de cette histoire, pour y repérer les traces de la présence de Dieu a donné lieu à divers témoignages, oraux puis écrits. Dans cette bibliothèque, une diversité d’expérien­ces de Dieu sont relatées, conservées, sélectionnées pour constituer la Bible.

Nous pouvons puiser dans ce trésor pour discerner dans nos vies ce qui relève de Dieu ou au contraire d’une illusion, d’une vue partiale ou partielle (hérésie) du mystère.

La Bible comporte des paroles humaines certes, mais inspirées. Pour les chrétiens, Jésus-Christ est La Parole de Dieu faite chair. La Bible n’est « Parole de Dieu » que par analogie, par l’accès incontournable qu’elle donne au Christ, par son annonce (Ancien ou Premier – Testament), et le témoignage de ses 1ers disciples (Nouveau Testament). « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. » (Saint Jérôme)

 

3. Jésus-Christ, Dieu fait homme

L’alliance de Dieu avec l’humanité atteint son sommet indépassable en Jésus-Christ. En Jésus se réalise la promesse faite à Israël d’une parfaite communion entre Dieu et l’homme. En Jésus, Dieu se fait homme, et c’est en contemplant son humanité que l’on découvre en plénitude qui est Dieu. Alors que « Dieu, personne ne l’a jamais vu » (1Jn 4,12), le Christ nous montre le Père à l’œuvre en lui, et la paternité de Dieu à l’égard de tous.

Sa relation unique au Père le fait reconnaître comme Fils unique de Dieu. Sa relation unique aux hommes, et en particulier aux exclus, aux pauvres, et aux pécheurs, leur manifeste leur dignité d’en­fants de Dieu et leur donne de vivre comme tels, « par lui, avec lui et en lui ». Sa manière de vivre manifeste que la loi, les commandements de Dieu sont seconds par rapport à l’initiative gratuite, à l’amour indéfectible de Dieu pour l’humanité.

Écouter l’enseignement du Christ, devenir son disciple, l’imiter et plus encore le laisser faire alliance avec nous et pouvoir dire avec Saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20), tel est le programme de vie du chrétien.

 

4. La Passion du Christ

Jésus pose tout au long de sa vie publique des signes, des miracles qui manifestent que Dieu veut l’homme debout, restauré dans sa dignité inaliénable de fils de Dieu, et que « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » (Saint Irénée). La lutte contre le mal et la souffrance est une constante dans sa vie.

Pourtant, le lieu par excellence où il manifeste la gloire de Dieu, la toute-puissance de son amour, reste la Croix. Sur la Croix, il n’accomplit pas de prodige pour se sauver lui-même, mais consent librement à souffrir sa Passion qui le mène à la mort, en gardant jusqu’au bout sa confiance à l’égard de son Père. L’amour de miséricorde qu’il garde pour ceux qui l’ont condamné et l’outragent, est déjà victorieux à la Croix.

En Jésus-Christ crucifié, Dieu rejoint l’humanité jusque dans ce qu’elle a de plus tragique : la finitude, la condition mortelle, le scandale du mal et tout particulièrement la souffrance de l’innocent. En descendant dans nos enfers et dans notre mort, le Christ nous assure de ne jamais nous y laisser seul. Mieux, il s’identifie à nous en ces circonstances pour nous unir à lui. En cela, Jésus « n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu pour l’expliquer. Il est venu pour la remplir de sa présence. » (Claudel)

 

5. La Résurrection du Christ

La Résurrection du Christ est le cœur de la foi chrétienne. En elle est affirmée la réalité de la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, la fécondité de sa vie donnée, et par suite, de la nôtre vécue à sa manière. Le Christ est présent auprès de nous, lorsque nous nous réunissons en son nom, que nous écoutons sa Parole, que nous le recevons dans les sacrements. La Résurrection proclame la finalité présente et ultime de notre existence.

Le Christ est vivant : rien ne peut nous séparer de lui, de l’amour qu’il répand, pas même les épreuves, les échecs ou la mort. En cela, Dieu est fidèle à son projet créateur : la vie qu’il donne à l’homme, lui est réellement donnée, pour de bon, pour toujours. Une telle qualité de don permet alors au chrétien de vivre à son tour en ressuscité, libéré de la peur et du doute.

Être chrétien, être baptisé, c’est plonger dans la mort du Christ, mourir à soi-même avec lui, pour ressusciter avec lui, dans une existence décentrée de soi, mais consacrée au Christ.

 

6. La Trinité

Le Dieu des chrétiens est amour. Amour créateur, principe de toute chose, ne manquant de rien : il est Père. Amour sauveur, envoyé auprès des hom­mes, se réjouissant de leurs joies et souffrant de leurs peines : il est Fils. Amour d’alliance, s’inscri­vant au cœur de ceux qu’il aime, source d’inspira­tion : il est Esprit Saint.

Par analogie avec l’amour humain qui conjugue amour de soi, amour d’autrui et amour qui donne la vie, cet amour est trinitaire. C’est l’amour d’un seul Dieu en trois relations : le don du Père, l’accueil de ce don par le Fils, et le débordement de cet amour mutuel.

 

7. L’Eglise, Corps du Christ

Comme Corps du Christ, Peuple de Dieu et Temple de l’Esprit Saint, l’Eglise rassemble dans une même foi et un même baptême, des membres divers, complémentaires. L’unité et la vitalité de ses membres dépend de leur union au Christ, seul capable de faire resplendir sur eux la sainteté de Dieu. Tout en étant composée de pécheurs, l’Eglise rayonne du Christ qui l’a choisie pour être « à la fois le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » (LG 1) Pour cela, la Vierge Marie est figure exemplaire de l’Église et du chrétien.

L’Église reçoit du Christ le don et la mission d’annoncer sa Bonne Nouvelle de salut, de prier et célébrer avec lui, de vivre l’Évangile au quotidien par une vie de charité. On n’est pas chrétien tout seul, car cette triple mission ne peut être vécue seul, mais ensemble, en Église.

L’Église souffre de son manque d’unité, entre catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans, évangéliques… La prière que le Christ adresse à son Père : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,22) n’est donc pas encore accomplie. Le dialogue œcuménique témoigne qu’ensemble, nous ne nous en satisfaisons pas.

 

8. Les sacrements

Les sacrements mettent en communion vivante avec le Christ ressuscité. Dans les sacrements, le Christ se rend présent par un geste et une parole de sa vie publique, car sa résurrection nous en rend contemporains. Bénédiction, pardon, guérison, envoi en mission, consécration… autant d’ac­tes de salut du Christ pour aujourd’hui, en direction de son Père et des hommes. Il y associe l’Eglise, et tous les membres de son corps unis à lui moyennant la foi baptismale. Ce n’est donc pas par eux-mêmes ou pour eux-mêmes, que les chrétiens célèbrent un sacrement, mais « par lui – le Christ -, avec lui et en lui » et « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».

En tout sacrement, l’Esprit Saint consacre le Christ – et nous avec – à son Père et aux hommes. Le baptême et la confirmation nous consacrent prêtre, prophète et roi avec le Christ pour rayonner de lui au milieu des hommes. L’Eucharistie consacre la vie des hommes, ce qu’ils reçoivent de la création et ce qu’ils en font par leur travail.

Pour les catholiques, le mariage est un sacrement, et il consacre à Dieu l’amour d’un homme et d’une femme, reçu de Dieu. De même, l’ordination consacre et envoie au service de l’Église. Plus mystérieux encore, le sacrement du pardon ou des malades consacrent no­tre faiblesse accueillie dans la foi et remise entre les mains du Père.

 

9. La morale : suivre le Christ

La morale est naturelle et non pas spécifiquement juive, chrétienne, ou judéo-chrétienne : pour le bonheur de l’homme, elle donne des règles éprouvées d’attention au prochain et de bien vivre ensemble. Avec le peuple d’Israël, les chrétiens voient la morale comme moyen de répondre à l’amour de Dieu pour l’humanité, puisque les commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain vont ensemble.

Ils voient aussi dans l’effort moral vers le bien et contre le mal, la possible collaboration du chrétien au salut donné par le Christ, l’imitation de sa vie toute donnée aux autres, le fruit de l’union au Christ. Le commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », induit alors un au-delà de la morale qui va jusqu’à l’amour de l’ennemi, à « tendre la joue gauche » etc…

L’amour préférentiel pour les petits et les pauvres n’est pas optionnel pour le chrétien. Les servir, c’est servir le Christ qui s’identifie à eux : c’est servir Dieu lui-même. Cela s’étend à la recherche de la paix, de la justice, d’une économie au service de l’homme et respectueuse de la Création. L’amour n’est pas que sentiment, passion ou compassion, mais décision et action en vue du bien d’autrui et du bien commun.

La sainteté, kézako ?

Question étudiante aujourd’hui sur facebook :

C’est quoi la sainteté ? Si on veut y aspirer on doit se battre jusqu’à nier pour ne plus avoir de défauts ? 

Ex : je veux être saint, mais parfois je suis jaloux, donc je m’auto-convainc que je ne suis pas jaloux, je me raisonne et prend du recul, et me dis que c’est pas grave finalement ? Là, c’est être saint ?

Moi j’ai plus l’impression que c’est une négation de nos faiblesses, et que ce recul aussi juste et sain soit-il nous éloigne du coeur de nous même, il nous rend plus froid…

Je pense à une réflexion acide d’un non croyant sur la charité chrétienne comme « la manière très particulière qu’ont les chrétiens d’aimer ceux qu’ils n’aiment pas ».

Eh oui, vu comme ça, cela sent la sueur, l’effort volontariste d’aller à l’inverse de ses sentiments naturels, une forme d’hypocrisie. Cela n’est pas chrétien, même si cela a quand même de la valeur, puisque c’est simplement être civilisé que d’apprendre à se raisonner comme dans ton exemple sur la jalousie, à sublimer ou à contrôler ses pulsions (eros ou thanatos) pour les canaliser dans des directions plus moralement ou socialement acceptables.

Être saint, implique aussi un effort exigeant sur soi-même, mais à la différence de ton exemple, où tout ne part que de soi et renvoie à soi (« je m’auto-convainc… je me raisonne… je me dis… »), cet effort ne peut être que second par rapport à l’accueil de la grâce d’être aimé de Dieu sans condition. Sans cette relation dont Dieu a l’initiative, on court le risque du pharisaïsme (tirer orgueil de ses efforts, les faire en vue d’une récompense, prétendre à une antériorité de notre don sur celui de Dieu) ou de l’héroïsme (donner de soi, dans une générosité qui s’épuise à ne donner qu’à partir de soi).

Le chrétien au contraire mesure sa faiblesse, et même son incapacité foncière à aimer à la manière dont Dieu aime et l’appelle à aimer, mais il se découvre en même temps incompréhensiblement aimé, « grâcié », comme dans la parabole du débiteur impitoyable (Mt 18,23-35) ; s’il se laisse faire, s’il accueille cette grâce, il reçoit le cadeau mystérieux d’une capacité nouvelle d’aimer et de pardonner, par delà tout effort, et au-delà du raisonnable (cf. les 5 premières minutes de cette vidéo), bien loin d’un christianisme-caution-idéologique-à-la-morale-bourgeoise. C’est cela la « charité » : aimer d’un amour divin qui découle de l’accueil de ce même amour de Dieu pour nous, comme c’est le cas pour Zachée en Lc 19,1-10.

Les exigences déraisonnables du discours sur la Montagne (Mt 5-7) ou du fameux « tendre la joue gauche » (Lc 6,29)… tout cela n’est alors audible qu’à partir de l’accueil préalable de la révélation d’un Dieu qui aime les bons comme les méchants, qui promet que nous pourrons aimer comme lui, et qui en Jésus-Christ se donne pour que cela se réalise. Les sacrements servent à cela.

En régime chrétien, le don précède toujours l’exigence ; la morale découle d’une mystique, et avant d’être un « faire » ou « donner », la sainteté est d’abord un « se-laisser-faire » et « recevoir ». Par comparaison, si le héros était un arrosoir qui s’épuise à se vider, le saint serait un tuyau d’arrosage déversant son eau à la mesure de ce qu’il reçoit en amont.

A propos d’exorcisme…

Réponse à une question d’un étudiant sur les exorcismes, en particulier ceux que l’on peut voir dans des films récents – ou non.

Je ne suis pas le meilleur interlocuteur sur les questions d’exorcisme, même s’il m’est arrivé d’être confronté une fois à des phénomènes vraiment extraordinaires – déplacements et destructions d’objets sans cause physique explicative -, qui ont requis que je célèbre sacrement du pardon et messe au domicile d’un couple victime de cela : les phénomènes ont cessé alors.

Il n’y a qu’un prêtre par diocèse que l’évêque nomme exorciste. La plupart des exorcistes que j’ai rencontrés témoignent que les « possessions » ou envoûtements ou autres phénomènes extraordinaires requérant un « exorcisme » du genre décrit dans les films, sont en fait extrêmement rares, et que 99% des personnes qui sollicitent un exorciste en se pensant envoûtés ou confrontés à des phénomènes qu’ils croient « surnaturels », sont certes confrontés au diable, mais selon des modalités en fait explicables psychologiquement ou médicalement. C’est pour cela que les exorcistes s’entourent souvent d’une équipe comprenant psychologues ou psychiatres.

Pour souligner le caractère ordinaire des phénomènes démoniaques, le fait que le diable emploie des causes secondes banales pour agir, et qu’en contrepartie, les moyens pour y répondre sont tout simples et ordinaires, il suffit de remarquer qu’avant Vatican II, tout prêtre avant son ordination sacerdotale, recevait les 4 « ordres mineurs », dont celui d’ « exorciste », pour indiquer que n’importe quel prêtre, voire même n’importe quel chrétien, peut dire une prière de délivrance du Mal, notamment par un simple « Notre Père » : la petite Thérèse de Lisieux, à 8 ans, avait compris que la simple prière confiante d’une enfant ayant la foi en Jésus-Christ pouvait faire « fuir les démons ».

Le diable n’a en fait pas besoin de moyens extraordinaires pour abîmer l’homme, physiquement, psychiquement, moralement ou spirituellement : dans les vies des saints, c’est même un signe de faiblesse de sa part (cf. les violentes manifestations démoniaques qu’a subies le curé d’Ars…) et il y a d’autant moins à en avoir peur qu’il y fait de l’esbrouffe. C’est ainsi que j’ai réagi dans le cas évoqué plus haut, en traitant le diable avec des moyens « ordinaires » – une confession et une messe -, mais où le Christ est présent et se charge de l’affaire !

Les termes bibliques employés pour parler du diable (étymologiquement le « diviseur ») : Satan (l' »accusateur »), Démon, Tentateur, Adversaire etc… le désignent comme un ennemi spirituel qui agresse l’homme, un pur esprit qui le tente pour le pousser au péché et à la mort, en fait pour l’éloigner de Dieu. La théologie qui traite de cela (l’angéologie, sic) théorisera cela en parlant du diable comme d’un ange déchu, d’une créature spirituelle, libre, éternelle, dont le « non » au projet divin d’aimer l’homme acquiert de par son statut angélique une valeur définitive. Le diable agresse donc l’homme, non parce que l’homme serait un adversaire digne de lui, mais par opposition au projet divin de faire alliance avec l’homme. Le nom de « Lucifer » (« porteur de lumière »), témoigne de cette jalousie angélique pour Dieu, contre sa mésalliance avec l’homme. Le tentateur vise ainsi à prouver à Dieu qu’il a tort d’aimer une créature aussi vile que l’homme… Le mystère pascal pousse cela à l’extrême avec l’action du Tentateur visant à faire dévier l’homme-Dieu de son sacrifice pour l’humanité (« Sauve-toi toi-même… » 3 fois répété dans la Passion selon saint Luc – Lc 23,35.37.39 -, à l’instar des 3 tentations au début du ministère public de Jésus – Lc 4,1-13). Mais depuis Pâques, il n’y a plus lieu de s’inquiéter de phénomènes démoniaques dans la mesure où avec la crucifixion de son Fils, Dieu a assumé le pire éloignement possible de l’homme avec lui, et en a fait LE moyen de réconciliation avec l’homme.

Même si bien des prêtres ont tendance à ne plus parler du diable, ou à minorer son influence, à l’inverse d’une époque où on en parlait trop, il me semble indispensable de le nommer, car dans le combat spirituel, c’est déjà la moitié du travail de fait que de nommer son adversaire. Dans l’expérience de la tentation que nous connaissons tous, nous ne sommes pas seul avec nous-mêmes, à débattre – ou non – avec notre conscience : il y a un agresseur caché, qu’il convient de désigner pour lui résister, avec la force que donne la foi en Celui qui l’a vaincu sur la Croix.

Sur la messe

7′ d’extraits de l’homélie de la première communion à Baraqueville (20 mai 2012, suite à l’aimable piratage de Chantal Pringault) à partir de la redécouverte de la messe lors de mes années étudiantes, au contact de camarades chrétiens…  et de conversations avec un jeune musulman, Kader Z. lorsque j’étais séminariste à Villefranche de Rouergue.

10 images pour dire la foi

Voici un diaporama (Powerpoint 6 Mo – téléchargeable en cliquant sur « 10 images…« ) pour dire la foi chrétienne en quelques minutes, en vue d’une catéchèse en accéléré (préparation au mariage ou au baptême, animation auprès de jeunes…). Les pistes de texte d’accompagnement sont disponibles en cliquant ICI. On peut aussi voir chaque image séparément sur un album Picasa :

(1) La Bible, mémoire et guide de la marche de l’homme avec Dieu

Un Dieu qui laisse une trace de sa présence auprès de l’homme, dans la Création et dans l’Histoire.

La Bible, mémoire vive des rencontres faites avec Dieu : un livre ou plutôt une bibliothèque, qui met en contact avec la Parole vivante de Dieu.

La Bible, un guide qui permet de repérer comment Dieu, fidèle à sa promesse, continue de parler aujourd’hui.

. (2) La prière, présence et réponse de l’homme à Dieu

Dieu s’adresse à l’homme, pour que l’homme puisse l’entendre et lui répondre.

La prière donne à l’homme d’être en contact personnel avec Dieu.

Un contact qui peut n’être que de simple présence, d’adoration silencieuse : « Tu es Dieu, et cela me suffit. »

 

(3) Jésus, la Parole de Dieu faite chair

Le point culminant du dialogue de Dieu avec l’homme est atteint en Jésus, la Parole de Dieu faite chair.

Dieu se fait homme, pour que tout homme se découvre enfant de Dieu.

Dieu prend le langage d’une vie d’homme pour se dire.

. (4) La Passion du Christ pour les hommes

Toute la vie de Jésus dit Dieu, y compris l’expérience du scandale du mal, de la souffrance et de la mort.

La Croix de Jésus-Christ est le point culminant de la révélation de Dieu : amour donné jusqu’au bout.

Tout homme, en particulier dans la souffrance, est à l’image de Dieu, icône du Christ.

 

(5) Les sacrements, don de la Vie du ressuscité

La Résurrection, au cœur de la foi en Dieu qui descend dans nos enfers pour nous donner la Vie.

La vie éternelle promise par Dieu, est celle dont vit le Christ ressuscité : rien ne peut nous séparer de lui.

Par les sacrements, le Christ nous communique sa vie, pour que nous aussi, nous nous donnions aux autres.

. (6) Le baptême, plongée dans le Christ

La foi est un risque à prendre, à la suite du Christ : un acte de la raison mue par la volonté, soutenue par la grâce.

Le baptême nous fait plonger dans la foi de l’Eglise.

Par le baptême, nous devenons d’autres Christ, morts au péché, et vivants pour Dieu.

 

(7) Suivre le Christ, la pratique de l’Evangile

Être uni au Christ, se vérifie par l’imitation concrète de sa vie toute donnée aux autres, par l’amour.

L’amour préférentiel pour les petits et les pauvres n’est pas optionnel pour le chrétien.

Servir les petits et les pauvres, c’est servir le Christ qui s’identifie à eux : c’est servir Dieu lui-même.

. (8) La morale, grammaire de l’amour

L’amour n’est pas que sentiment ou passion, mais décision et action en vue du bien d’autrui.

La morale, aussi bien naturelle que révélée – avec le Décalogue donné à Moïse, en donne des règles universelles.

Dieu donne à l’homme la liberté de choisir entre le bien et le mal, de discerner sa vocation.

 

(9) L’Eglise, ensemble pour aller de la terre au ciel

On n’est pas chrétien tout seul, mais ensemble, en Eglise.

Nous sommes à la fois pécheurs, avançant à cloche-pied vers Dieu, et saints, déjà habités par l’amour du Christ.

Le chrétien est appelé à répondre à sa vocation, comme membre unique du Corps du Christ, l’Eglise.

. (10) Vivre de l’Esprit, réenchanter le monde…

Dieu nous donne son Esprit, pour que nous en vivions, en témoignant de son amour pour tout et pour tous.

Annoncer l’Evangile – la bonne nouvelle du Christ vivant – est la tâche et la joie du chrétien.

Le mystère de la Trinité révèle toute l’ampleur de l’amour de Dieu.

Pourquoi se marier à l’Eglise ? A quoi sert un sacrement ?

Avec le printemps, fleurissent des mariages à l’Eglise. C’est l’occasion d’en repréciser le sens pour aujourd’hui.

A l’heure où s’affirme davantage la revendication d’une égale reconnaissance pour les diverses manières d’être en couple ou de constituer une famille, l’Eglise catholique persiste à penser que le meilleur écrin pour accueillir l’enfant, pour fonder un foyer, se trouve dans l’engagement entre un homme et une femme à s’aimer d’un amour libre, fidèle, indissoluble et fécond.

Certains contestent ces points – qui pour l’Eglise constituent les quatre piliers du mariage – mais peu remarquent que ces points n’ont en eux-mêmes rien de religieux ou de spécifiquement chrétien, car ils concernent tout autant le mariage civil. A ceux qui le contestent en disant que l’on peut divorcer d’un mariage civil, on peut répondre que le mariage civil implique lui aussi de l’indissolubilité, avec l’irréversibilité de droits et de devoirs réciproques qui demeurent entre les époux, y compris lorsqu’il y a séparation : même en ce cas, un couple marié civilement ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu mariage.

Face à une telle réappréciation du mariage civil de la part de l’Eglise, et qui surprend parfois ceux que nous préparons au mariage religieux, l’interrogation voire le doute, viennent alors sur ce que le mariage religieux change par rapport au mariage civil, voire à l’engagement privé entre deux personnes qui s’aiment. Voici alors quelques ébauches de réponses.

Venant après le mariage à la mairie, le mariage à l’Eglise apporterait :

– un « plus » indéfinissable de l’ordre d’une « atmosphère », d’une « ambiance » qui donnerait plus de poids symbolique à l’engagement des époux ;
– une bénédiction, au sens où Dieu « dirait du bien » du couple constitué ;
– une « grâce sacramentelle », d’un don de Dieu qui se rendrait présent, comme c’est le cas en tout sacrement, et qui ferait grandir la foi en lui.

Tout cela est juste… mais peut aussi être critiqué !*

En quoi la force de l’engagement des époux dépendrait-elle du décor (mairie ou église) ou de la présence de figurants (témoins, clergé, invités…) ? En quoi Dieu ne dirait-il pas du bien de l’amour entre deux êtres avant leur mariage ? Dans un amour selon les quatre piliers de la liberté, de la fidélité, de l’indissolubilité et de la fécondité, déclaré en privé par un homme et une femme, Dieu n’aurait-il pas déjà tout donné ? Que reste-t-il à recevoir puisque « où sont amour et charité, Dieu est présent. » (hymne grégorienne pour le Jeudi Saint) ?

C’est là la limite d’un raisonnement en terme de « ce-que-l’on-peut-recevoir-de-plus » avec le sacrement du mariage, mais aussi avec tout sacrement. Car en toute liturgie – qui étymologiquement signifie le « service public » que l’Eglise accomplit en union avec le Christ – célébrer un sacrement ce n’est pas d’abord chercher à recevoir quelque chose qui manquerait, mais plutôt « servir » et donner rien moins que soi-même, en consacrant à Dieu ce que l’on a déjà reçu de lui, à partir du constat proprement chrétien de ce que Dieu a déjà tout donné en son Fils Jésus-Christ. Mieux encore : de ce qu’en Jésus-Christ, Dieu nous donne de quoi nous donner nous-mêmes !

Logique de gratuité, le mariage chrétien part d’une double « reconnaissance » :

– au sens d’ »identification » de Dieu comme source première de l’amour entre un homme et une femme capables de s’engager – même en privé – selon les quatre piliers ci-dessus ;
– au sens de « gratitude » à l’égard de Dieu, en lui consacrant ces dons reçus de lui que sont déjà le couple, l’amour entre époux, ceux-ci acceptant en retour la responsabilité de veiller sur ces biens qui ne leur appartiennent plus, mais qui appartiennent à Dieu et dont Dieu leur confie la gérance. Promesse de sérieux et de décontraction tout à la fois…

Dans tout sacrement, à commencer par le baptême, la question n’est pas celle de savoir si on en a « besoin » pour (s’)aimer davantage, pour être plus croyant etc… une question qui reste centrée sur soi. Elle est moins encore celle d’être aimé davantage de Dieu : Dieu est amour, et son amour infini pour chacun n’est pas déterminé par le fait d’être ou non « pratiquant ». La vraie question est plutôt celle du psalmiste : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115) à laquelle il répond immédiatement en termes liturgiques : « J’élèverai la coupe du salut. J’invoquerai le Nom du Seigneur ! »

Comme à chaque Eucharistie, où l’assemblée dit pourquoi elle célèbre : « pour la gloire de Dieu et le salut du monde« , tout sacrement est une réponse à l’amour de Dieu déjà reçu (et reconnu tel moyennant la foi), une remise de soi, un décentrement, un « rendre gloire à Dieu » qui est le contraire du « pour moi ». Or ce n’est qu’avec le Christ qu’un tel décentrement vers le Père et vers les autres est possible : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) Célébrer un sacrement, c’est alors s’en remettre au Christ, lui consacrer ce que nous recevons et transformons de la Création, ce « fruit de la terre et du travail des hommes » (messe), lui consacrer cet amour que nous avons reçu de Dieu (mariage), lui consacrer cette faiblesse, cette fragilité qui nous affecte par le péché ou la maladie et que nous confions au Seigneur, certains qu’il saura bien en faire quelque chose (sacrement du pardon, sacrement des malades), lui consacrer notre énergie, notre envie de vivre, d’agir, de nous engager (confirmation), lui consacrer toute notre personne en plongeant avec lui dans cette aventure de la vie qui intègre la mort (baptême)… et recevoir en retour ce que nous avons consacré au Christ comme la plus haute des bénédictions : le fait de pouvoir « offrir notre personne et notre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu. C’est là l’adoration véritable » (Rm 12,1). La grâce de tout sacrement qui unit au Christ est qu’un tel don de soi à Dieu et au monde soit effectif. « Donne-moi seulement de t’aimer » (Saint Ignace de Loyola)

A l’occasion d’une récente rencontre commune de préparation au mariage en doyenné, un des fiancés présents a eu la sincérité de dire que s’il se mariait à l’Eglise, c’était « pour l’autre », en désignant celle avec qui lui, non croyant, allait se marier. Belle remarque finalement, car il suffit de la corriger en « pour l’Autre » et « pour les autres » pour dire la valeur sacramentelle du mariage chrétien.

 

 

* Le même genre de propos arrive lorsqu’il est question du « plus » qu’apporte le sacrement du baptême :

– la satisfaction de faire les choses comme il faut, comme la tradition le demande : la famille, l’Eglise… ;
– l’entrée dans la communauté chrétienne ;
– une bénédiction-protection contre le mal ;
– le fait de devenir enfant de Dieu.

A cela, on pourra objecter que tout être humain est enfant de Dieu dès sa conception, qu’il soit baptisé ou non, qu’il soit croyant ou non ; que le chrétien n’est pas épargné par le scandale du péché, du mal, de la souffrance et de la mort ; que les frontières de l’Eglise débordent le groupe des baptisés, ne serait-ce que parce qu’y sont admis les catéchumènes non encore baptisés ou les tout-petits « baptisés » d’un « baptême de désir » ; et enfin que toute tradition est relative à un lieu du monde et à un moment de l’histoire, et qu’à se contenter de la respecter pour la respecter, on en viendrait à n’être musulman ou bouddhiste que du seul fait d’être né au Maghreb ou en Asie, ou à l’inverse « catholique et français, toujours ».

Le baptême ne fait donc pas devenir enfant de Dieu, car c’est déjà l’identité de tous. Il rend pourtant possible de « devenir ce que nous sommes » (Saint Augustin) de vivre en cohérence avec cette identité commune, en réponse à l’amour reçu de Dieu, en reconnaissance à l’égard de cet amour. Cette vie chrétienne ne relève pas d’abord d’une supériorité morale du baptisé, mais de ce que le baptême signifie et réalise : une plongée dans le Christ, une remise de soi au Christ, qui nous partage son identité parfaite de Fils de Dieu, afin que ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ qui vive en nous. (Ga 2,20) Le baptême consacre alors au Christ l’enfant de Dieu que nous sommes déjà, pour que nous vivions en fils ou en fille de Dieu, dans le Fils unique de Dieu.