Catholique non croyant ?

A propos d’un sondage de 2007 – où seulement une personne se disant catholique sur 2 croit en Dieu – une étudiante m’écrit :

J’avais entendu parler de ce sondage à la radio et trouvant cela ridicule de se dire catholique sans croire en Dieu, j’en avais fait part à mes amis. Certains ne sont pas baptisés et n’ont pas eu d’éducation catholique, ils n’étaient pas très intéressés par ce sujet de discussion.

D’autres sont baptisées, sont allées au catéchisme forcées ou n’y sont pas allées et m’ont dit « et alors ? moi je suis baptisée donc je suis catholique ! » et quand je leur ai demandé : « tu crois en Dieu ? » la réponse était claire : « non ». 

Elles affirment que dès qu’on est baptisé on entre dans l’Eglise catholique et par conséquent on est catholique tout le reste de sa vie. Je suis d’accord avec elles. Cependant lorsqu’on baptise un enfant de quelques mois et qu’on ne lui donne ensuite aucune éducation catholique et qu’il ne croit pas en Dieu, peut-on dire que cet enfant est catholique ?

J’ai l’impression qu’on baptise de plus en plus les enfants pour la tradition, pour faire plaisir aux grands parents, à la famille,…

J’ai l’impression qu’il en est de même avec le mariage. Une de mes amies s’est mariée récemment et cela a occasionné des discussions sur le mariage. Toutes mes amies veulent se marier à l’église pour avoir une belle cérémonie ! Il y en a une qui n’est pas baptisée et les autres lui ont dit « pas de chance, nous on est baptisées, on pourra se marier à l’église. » Cela me révolte un peu que des couples veulent se marier à l’église juste pour la cérémonie. Le principe ce n’est pas de se marier devant Dieu ? Y-a-t-il un intérêt à se marier devant Dieu alors qu’on ne croit pas en lui ? Et à ce niveau là, est-il nécessaire d’être baptisé pour se marier à l’église ?

Mon interrogation la plus profonde reste quand même comment peut-on être catholique sans croire en Dieu ? Le baptême fait-il forcément de nous des catholiques ?

Le plus drôle dans cette histoire, c’est que je ne peux pas (ou presque pas) parler de religion avec mes amies « catholiques » (les rares sujets qu’elles savent aborder sont principalement les sujets sur la contraception et le pape)… Alors qu’avec un ami qui est agnostique je peux en parler comme je veux, il m’écoutera toujours ! Je sais que si j’ouvre la Bible sur un quelconque passage, il sera prêt à en discuter avec moi…

Merci pour ces belles questions qui ne sont pas que de la sociologie…

Souvent les extrêmes se rejoignent : un chrétien qui vit profondément sa foi, et un « faux » chrétien qui se contente de dire qu’il est catholique parce qu’il est baptisé sans forcément que cela l’engage à croire, tous deux ont en fait en commun la valorisation du baptême !

Le chrétien qui vit sa foi reconnaît que celle-ci est une chance imméritée, un don gratuit, et qu’elle est bien une « vertu théologale », c’est à dire ayant Dieu comme source. Son engagement chrétien, sa foi, il les vit non pas comme une démarche qui partirait de lui, mais comme une réponse à l’initiative de Dieu de venir à lui, de se communiquer à lui par Jésus-Christ. Alors, il « rend grâce » à Dieu, ce qui signifie que le premier don, la première gratuité vient de Dieu. Aussi, il voit dans son baptême le moment où tout s’est joué, où incompréhensiblement, le Christ l’a choisi pour être membre de son Corps, témoin de sa vie de ressuscité… Il considérera que sa confirmation est moins le moment où lui-même confirme qu’il est bien chrétien ou valide le choix de ses parents de l’avoir fait baptiser, mais plutôt le moment où il laisse Dieu le confirmer comme son fils ou sa fille à la manière du Fils unique. De la sorte, il pourra dire lui aussi qu’il est chrétien parce qu’il est baptisé, confirmé, eucharistié, parce qu’il a reçu la grâce des sacrements de l’initiation qui font de lui un chrétien, c’est-à-dire un « saint » en puissance (il faut lire comment saint Paul s’adresse aux Ephésiens en Ep 1 !) d’une sainteté qui ne relève pas de sa générosité personnelle, mais du fait que Dieu le voit comme tel. Saint Augustin pouvait alors dire : « Devenez ce que vous êtes. » C’est à dire : des saints, parce que le baptême a fait de vous des membres du Christ, des vivants ressuscités avec lui, morts à eux-mêmes pour vivre dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de leurs jours (Lc 1,75).

Le fait que les baptêmes des petits enfants se soient généralisés à partir du 5ème siècle relève de ce qui précède : l’initiative de Dieu prime sur la réponse de foi du baptisé. La grâce du baptême rend possible – mais pas de manière automatique – cette adhésion de foi. Mais elle ne la remplace pas ! Le cardinal Lustiger disait à ses jeunes prêtres que le baptême qu’ils donneraient aujourd’hui à tel ou tel enfant pourrait ne montrer sa fécondité en terme de foi que dans… 80 ans.

Cela dit, les sacrements ne sont que les moyens « ordinaires » par lesquels Dieu donne sa grâce. Cela n’exclue pas qu’hors d’eux, hors de l’Eglise, des personnes puissent être touchés par la grâce et ouvrent leur coeur au Christ. Il n’en reste pas moins qu’une telle conversion doit se prolonger sacramentellement, pour signifier de la part du nouveau croyant que c’est bien d’un don de Dieu, avec la médiation du Christ, et de l’Eglise que le Christ a choisie pour être son épouse, que procède sa conversion.

Si donc les extrêmes se rejoignent, les deux attitudes du chrétien de coeur, et de l’autre – que l’on ne devrait pas appeler chrétien -, diffèrent malgré tout dans le rapport qu’ils ont aux sacrements, vus pour le premier comme l’occasion de laisser le Christ faire son oeuvre en lui et en son Eglise « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », et pour l’autre, au mieux comme quelque chose d’inutile, au pire comme un droit à revendiquer du fait d’avoir été baptisé : « j’ai le droit de me marier à l’Eglise, d’avoir un prêtre à mon enterrement etc… » Pour le premier, il s’agit de rester greffé sur le cep, branché sur la source, uni au Christ qui donne de devenir ce que l’on a reçu, un autre Christ (alter Christus). Pour l’autre, ce n’est qu’un rite ou un décor dont on a perdu le sens, au risque de le profaner.

Si ces questions t’intéressent, je t’invite à un forum que j’ai lancé sur facebook (« Forum Philo-Théo tala »), avec de la philosophie et de la théologie d’inspiration chrétienne, auquel participent des lycéens et des étudiants.

Credo et dialogue interreligieux

A destination de jeunes de l’aumônerie ou de couples préparant le baptême d’un enfant, voici un diaporama sur le Symbole des Apôtres (cliquer ICI). Ci-dessous, voilà une autre version, contemporaine, d’une profession de foi chrétienne en dialogue avec les autres religions.

Contrairement au texte déroulant ci-haut, il ne s’agit pas d’un « texte d’inspiration catholique » : le pasteur réformé Shafique Keshavjee qui l’a rédigé est aussi l’auteur du roman Le Roi, le Sage et le Bouffon (Seuil, collection Points, 2000, 6€), un très beau livre sur le dialogue interreligieux, avec plusieurs niveaux de lecture, et que j’ai eu offert maintes fois (à partir du lycée).

Cette profession de foi a été partagée en équipe MEJ (20-21 ans), à partir de questions habituelles sur le rapport entre la foi chrétienne et les autres religions.

 

Une confession chrétienne du Dieu vivant

Pasteur Shafique Keshavjee, Lausanne ; texte paru dans la revue « Fidélité » en octobre 2004.

 

Avec tous nos frères et sœurs chrétiens, nous confessons que le Dieu Unique est Père – au-delà de tout et de tous – Fils – s’approchant de tout et de tous – et Saint-Esprit – au-dedans de tout et de tous. Nous confessons que le Dieu trois fois Saint est mystère d’Infinité et de proximité, de communion et de communication, de tendresse et de justice.

Avec nos frères et sœurs en humanité juifs, nous confessons que Dieu est le Créateur de l’univers et qu’il est le Saint.
Et différemment d’eux, nous confessons que le Créateur s’est fait créature et que le Saint s’est incarné.

Avec nos frères et sœurs en humanité musulmans, nous confessons que Dieu est le Tout-Puissant, le Parfait et l’Immortel.
Et différemment d’eux, nous confessons que le Tout-Puissant a accepté d’être fragile, que le Parfait a porté nos imperfections et que l’Immortel, par la mort et la résurrection de Jésus, a transfiguré notre mortalité.

Avec nos frères et sœurs en humanité bouddhistes, nous confessons que la réalité ultime est inexprimable.
Et différemment d’eux, nous confessons que l’inexprimable s’est exprimé, non comme « vide » impersonnel (shunyata) mais comme personnalité qui s’est « vidée » (Kénose).

Avec les religions de l’Orient, nous confessons que Dieu est silence et souffle. Avec les religions juive et musulmanes que Dieu est parole.
Et différemment de toutes, nous confessons que Dieu est tout à la fois silence, parole et souffle, Père, Fils et Esprit, que la source silencieuse s’est faite parole que la parole s’est faite chair et que par le souffle de la parole toute chair peut devenir une parole animée à la louange de Dieu au-delà de tout…

Avec tous nos frères et sœurs en humanité sans religion et de bonne volonté, nous confessons que les droits de l’homme et de la femme sont inaliénables.
Et différemment d’eux, nous confessons que l’humain est image du divin.

Avec l’apôtre Paul et tous les Chrétiens de tous les temps, nous confessons la divinité, l’incarnation, la mort, la résurrection et l’élévation de Jésus, Fils de Dieu reconnu comme Messie, venu et qui vient (cf. Philippiens 2, 5-11). Et cette confession commune nous réjouit intensément.

A propos du ou des papes…

Question sur facebook : Pourriez-vous m’expliquer pourquoi le Pape revêt une telle importance aux yeux des catholiques ? Qu’est ce qui le différencie des autres évêques? et des autres hommes ? J’ai parfois l’impression que l’on assimile l’image du Pape à celle de Dieu, ou plutôt que l’on donne à Dieu le visage du Pape, compte tenu de « l’adoration » que certains d’entre eux (je parle bien sûr des Papes en général) suscitent.

Les Evangiles présentent l’apôtre Pierre sans cacher sa faiblesse (refus de la Passion, impulsivité, reniement…) mais aussi avec l’autorité et la mission que Jésus lui donne : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Luc 22, 32) ou « Sois le berger de mes agneaux, (…) le pasteur de mes brebis, (…) le berger de mes brebis. » (Jn 21,15-17).

Ce contraste chez Pierre entre fragilité humaine et force reçue du Christ, est encore plus net chez saint Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16,18) suivi seulement 5 versets plus loin de : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,23).

Ce contraste persiste en chacun des successeurs de Pierre.

Aussi les catholiques n’idolâtrent pas le pape, mais lui reconnaissent une autorité reçue du Christ pour « affermir » la foi de ses frères. Pour les papes qui l’ont exercé de manière exemplaire, ils ont alors une reconnaissance qui s’attache aussi à l’homme, ce qui est humain, mais je dirais aussi, ce qui est chrétien, dans le prolongement de la foi en l’incarnation !

La Bible a besoin d’une autorité pour authentifier que les multiples interprétations qu’on lui donne – et qu’il faut continuer de donner – restent fidèles à la foi reçue des apôtres. C’est une des grandes différences avec l’Islam, pour qui le Coran, en tant qu’il est considéré comme parole de Dieu au sens absolu, est à lui-même sa propre règle d’interprétation. Pour nous chrétiens, la Bible est parole de Dieu, en tant que parole humaine inspirée. Pour son interprétation, elle recquiert l’inspiration du même Esprit que celui qui l’a inspiré. D’où la nécessité d’une instance régulatrice, extérieure à la Bible.

Cette instance prend trois formes : (1) communautaire – l’Eglise entière, dans son unanimité de foi, a un « sens de la foi » qui lui fait percevoir ce qui est juste ; (2) collégiale – les successeurs des apôtres que sont les évêques, ont autorité, en particulier dans leurs rassemblements en concile ; (3) personnelle – avec le pape qui par fonction reçoit du Christ un « charisme » de vérité dans l’authentification de la foi : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16,19) L’étonnant alors quand on étudie l’histoire de l’Eglise, la papauté, en particulier ses saints papes et ses papes grands pécheurs et source de scandale, c’est que dans leur mission spécifique d’authentification de la foi, de discernement dogmatique, les papes, y compris les plus scandaleux, ont tenu la route. Un gros livre pratiqué par les séminaristes le « Denzinger » qui compile toutes les prises de position officielles des papes et des conciles sur les questions de foi, en rend compte de façon très surprenante !

Les différentes confessions chrétiennes mettent plus ou moins l’accent sur les trois formes de l’autorité, communautaire, collégiale et personnelle. Les protestants insistent davantage sur (1) et (2), mais reconnaissent aussi la nécessité de (3), sans forcément la lier à la papauté. Les orthodoxes reconnaissent les 3 et (3) y compris en l’attribuant au pape, mais comprennent son autorité comme une « primauté d’honneur », et non comme une capacité d’arbitrer, de décider lorsqu’il y a conflit.

Pour approfondir le sujet sur le point de vue catholique, il vous faut lire la courageuse encyclique de Jean-Paul II « Ut unum sint » (1995) sur l’oecuménisme, i.e. sur le dialogue entre confessions chrétiennes, en particulier les n°88-96, en particulier le n°95 où le pape met en discussion avec tous « les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres ».

Historicité du récit des tentations…

Question sur facebook : Si Jésus était seul dans le désert, comment savons nous ce qu’il y a fait ? Est-ce que c’est lui qui a tout écrit ou l’a-t-il raconté ? ça a dû être difficile puisque c’était une expérience très intime !

La question est liée à celle du statut de l’Evangile, qui est un écrit à la fois historique et théologique. Et en christianisme, du fait que Dieu se fait homme, du fait que l’Eternel entre dans le temps, l’historique et le théologique sont liés. La question de l’historicité de la Bible a déjà été abordée sur un autre post (cliquer ICI).

Les textes sacrés des autres religions parlent de Dieu ou font parler Dieu à partir de mythes ou de fables sans prétention historique, d’autres à partir de maximes de sagesse, de préceptes moraux ou religieux, de formules ou de chants liturgiques, d’autres à partir de l’expérience religieuse ou des enseignements d’un homme en contact avec le divin… C’est le cas des évangiles apocryphes, du Coran, des écrits védiques, des textes sacrés bouddhistes …

Les Evangiles de nos Bibles ont cette particularité de nous parler de Dieu en racontant l’histoire de Jésus, et en affirmant que les paroles, les gestes, les événements vécus par Jésus de Nazareth nous disent le plus parfaitement qui est Dieu : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9). Même si les Evangiles ont plein de trous dans sa biographie, notamment avant le début de sa vie publique, les chrétiens croient que le peu que ses disciples ont recueilli de son histoire, suffit à nous donner accès à « Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1,8) parce qu’Il est le Vivant, le Ressuscité qui se laisse toujours rencontrer aujourd’hui, et dont les évangiles – et la Bible entière – ne constituent qu’un moyen d’identification, pour authentifier que c’est bien Lui que nous rencontrons : c’est Jésus qui EST la Parole de Dieu ; la Bible est une parole humaine inspirée, qui n’est « Parole de Dieu » qu’indirectement, en tant qu’elle met en contact avec Lui.

Il y a alors chez les évangélistes canoniques, Matthieu, Marc, Luc et Jean :

– une objectivité à rapporter ce qu’ils savent de Jésus, y compris des faits « gênants » de sa biographie parce qu’ils affaiblissaient la première prédication chrétienne : baptême de Jésus par Jean-Baptiste, disputes et arrivisme des apôtres, reniement de Pierre, crucifixion, premiers témoignages de la résurrection par des femmes…

– une modestie à dire les faits sans (trop) en rajouter : miracles bien en deçà de l’attente messianique ; silence complet sur ce que les évangélistes ignorent, notamment sur l’enfance et surtout, sur le coeur de la foi, sur la résurrection, sur ce qui se passe entre la mise au tombeau et la découverte du tombeau vide…

– des contradictions de détail sur un accord de fond.

Tout cela atteste qu’il s’agit de témoins, et non de faussaires ou d’affabulateurs qui se seraient concertés sur leurs récits. Il en résulte – que l’on soit croyant ou non – que l’on peut affirmer le caractère historique des récits, y compris celui des tentations de Jésus au désert. Mais cette historicité n’est pas seulement celle que spontanément nous considérons comme la seule valable : celle de l’historien ou du journaliste qui relate les faits « exactement » tels qu’ils se sont déroulés.

Le projet des Evangiles est de dire le plus profondément l’identité de Jésus à partir de ce que ses premiers disciples ont vécu avec lui. Cela débouche sur des récits historiques au sens journalistique du terme pour ce qu’ils ont vécu avec lui, mais aussi sur des récits relevant du « plus que nécessaire », de « ce-qui-ne-peut-pas-ne-pas-avoir-eu-lieu », non pas de l’ « exact » mais du « profondément vrai ».

Ainsi, les récits des tentations de Jésus au désert, relèvent de cette nécessité et de cette vérité sur la personne de Jésus, pour dire ensemble :

(1) la capacité qu’avait Jésus de réaliser des miracles, attestant de la venue du Royaume,

(2) l’humilité, la non-violence, le refus du messianisme temporel (qui consiste à faire advenir ce Royaume par ses propres forces), le choix de recevoir sans cesse sa mission de son Père.

Pour rédiger un tel récit, je ne sais si les évangélistes se sont reposés sur le témoignage direct de Jésus – j’en doute, sauf pour le récit primitif en 2 versets chez Marc (Mc 1,12-13 : « Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. »). Je crois plutôt que les évangélistes ont rédigé le détail des tentations, à partir de l’accès priant qu’a le chrétien à l’expérience même du Christ, car ce sont les mêmes tentations qu’il connaît.

Ce que je constate, c’est que la rédaction d’un tel texte pour dire ce qu’a dû vivre Jésus, aboutit à un texte d’une richesse inépuisable sur plein d’autres choses :

– La relecture de l’histoire d’Israël, et en particulier de l’Exode, atteste que les mêmes questions se sont posées pour Israël au désert : l’épisode de la manne (cf. 1ère tentation sur la nourriture), le miracle de l’eau (donnant lieu à un défi lancé à Dieu comme à la 2ème tentation en Mt, ou la 3ème en Lc), l’entrée en Canaan (par la force militaire ou en recevant la terre promise de Dieu comme à la 3ème tentation en Mt, ou la 2ème en Lc).

– Sur la Croix, Jésus a eu à entendre les mêmes 3 tentations, dans les paroles des chefs des prêtres (« Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Lc 23,35), des soldats (« Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Lc 23,37), et du mauvais larron (« N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Lc 23,39), qui reprennent dans l’ordre inverse les 3 tentations en Lc 4,1-13.

– Les 3 tentations surmontées par Jésus font de lui celui qui réalise parfaitement la triple dimension du premier commandement donné à Israël : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force. » (Dt 6,5)

– Pour d’autres interprétations s’appliquant au chrétien lui-même, lire le livre extraordinaire de Fabrice Hadjadj, « La Foi des démons ou l’athéisme dépassé », Salvador 2009 (http://tinyurl.com/lafoidesdemons), un peu difficile si on n’aime pas la philosophie (!)

C’est aussi cette multiplicité de sens qui me laisse penser que le récit des tentations n’est pas simple invention littéraire, et mais texte inspiré…

Principe et fondement

L’homme est créé pour louer,
respecter et servir Dieu notre Seigneur
et par là sauver son âme,
et les autres choses sur la face de la terre
sont créées pour l’homme,
et pour l’aider dans la poursuite de la fin
pour laquelle il est créé.

D’où il suit que l’homme doit user de ces choses
dans la mesure où elles l’aident pour sa fin
et qu’il doit s’en dégager
dans la mesure où elles sont, pour lui,
un obstacle à cette fin.

Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents
à toutes les choses créées,
en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre-arbitre
et qui ne lui est pas défendu ;
de telle manière que nous ne voulions pas,
pour notre part, davantage
la santé que la maladie,
la richesse que la pauvreté,
l’honneur que le déshonneur,
une vie longue qu’une vie courte
et ainsi de suite pour tout le reste,
mais que nous désirions et choisissions uniquement
ce qui nous conduit davantage
à la fin pour laquelle nous sommes créés.

 

1h sur ce porche d’entrée des Exercices Spirituels de Saint Ignace (conférence END 5/2/2011). Pour aller plus loin, cliquer ICI.

Question(s) de discernement…


50′ d’une conférence sur le discernement, donnée aux équipiers Notre-Dame du diocèse de Montpellier (5 février 2011), à partir des questions et de la prière suivantes :

Que faire ?
Recul pour prendre une décision, réussir vs rater, liberté (que puis-je faire ?) / simple évaluation des possibles

Qu’est-ce que je veux faire ?
Indécision, marque de la conscience (+ vs instinct) / une étape à surmonter, avec 3 écueils possibles (abstention, activisme, volontarisme)

Que dois-je faire ?
Peser le pour et le contre, + vs -, bonheur vs malheur (Dt 30), devoir (double sens : fait et droit) / solitude, subjectivisme, question indépendante de la présence d’autrui et du monde

Que dois-je faire de bien ?
Bien vs mal, devoir moral, prise en considération d’un ordre objectif / morale du devoir (kantien vs catholique), conflits de valeurs (sauf cas d’interdits moraux, impossibilité de faire reposer une décision libre sur un calcul du pour et du contre, y compris moral)

Que dois-je faire en tant que chrétien ? 
« Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Mc 10,17), conseil, effort de former ma conscience grâce à l’expérience d’autrui, de la tradition de l’Eglise, enjeu existentiel et spirituel, rapport à l’éternité / devoir, faire, avoir… je, ma (le moi au centre, non relation, non évangélique) ; réponse de Jésus a/s « bon maître » (relativité à Dieu)

Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Relation, confiance, foi en Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui veut avoir besoin de l’homme, qui attend quelque chose de moi, vocation / hétéronomie, prédestination absolue, volonté de Dieu différente, obscure, « âme soeur »…, idolâtrie de la bonne décision : discernement  comme recherche de lumière supérieure, Dieu au service de mon discernement, peur de se tromper, primat du faire (vs amour inconditionnel de Dieu : le bon larron… ; commandements de Dieu en forme de promesse, loi donnée à Israël, pour donner à l’homme la possibilité d’inventer une réponse d’amour au don gratuit de Dieu…

Seigneur, que ta volonté soit faite !
Abandon, confiance d’un enfant à l’égard de son Père, désencombré du souci de bien faire, mais qui suppose tout le positif de ce qui précède, sinon, lâcheté, démission, refus de la décision, de la responsabilité, de sa liberté

Prière du « Suscipe » (Saint Ignace de Loyola)
Prends, Seigneur et reçois, toute ma liberté,
ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté ;
Tout ce que j’ai et possède,
c’est Toi qui me l’as donné :
à Toi, Seigneur, je le rends.
Tout est à Toi, disposes-en
selon Ton entière volonté.
Donne-moi, ton amour et ta grâce :
c’est assez pour moi.

Justice de Dieu et responsabilité des hommes

Question d’un étudiant hier, encore sur facebook… 

Comment Dieu peut-il être à la fois juste et laisser une responsabilité aux hommes, leur laisser la liberté ? L’exemple qui m’a dérangé et qui a d’abord soulevé cette question dans ma tête, c’est celui des missionnaires. Quand un missionnaire partait sur un nouveau continent pour évangéliser :
– ou il avait quelque chose d’essentiel à apporter aux indigènes (bonheur, salut, je ne sais pas…), et on peut se demander s’il n’est pas injuste de la part de Dieu d’avoir laissé ces populations sans cette chose essentielle pendant si longtemps ;
– ou les indigènes n’avaient pas besoin de ce missionnaire pour être heureux (sauvés…) et dans ce cas, les missionnaires ne servent à rien…

 

Ta question touche à plusieurs domaines :

La révélation chrétienne : le fait que pour le christianisme, Dieu, Bien absolu et donc infiniment désirable, ait choisi de se communiquer lui-même par des moyens humains, temporels, fragiles, à travers des hommes imparfaits et pécheurs, au risque d’erreurs ou de lacunes dans la transmission de la Bonne Nouvelle (contre-témoignages des chrétiens, peuples ignorés par l’évangélisation…). C’est là le prolongement de l’Incarnation, où Dieu se fait homme pour se dire aux hommes, au risque de rencontrer leur incompréhension – un risque avéré par l’histoire même de Jésus, puis par celle de l’Eglise. Or cette fragilité dans les moyens de communication de l’Evangile… fait partie du message évangélique.

De fait, la transmission du meilleur de ce que Dieu veut donner, son Esprit Saint, sa vie, passe par l’action évangélisatrice de l’Eglise, une action conditionnée par les limites de ses membres. Les catholiques croient malgré ces limites que Dieu sait ce qu’il fait quand il choisit des pécheurs pour prolonger sa mission, quand il confie à Pierre le soin d’affermir la foi de ses frères et lui garantit une solidité de foi non liée à ses mérites personnels (« tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les puissances du mal ne pourront l’emporter sur elle… » à mettre en vis à vis avec le reniement de Pierre), quand il fait de l’Eglise son « épouse » à qui il se confie pour se communiquer aux hommes. Depuis le concile de Vatican II, cette foi en la « sainteté » de l’Eglise (le fait que malgré le péché des chrétiens, l’Eglise reçoive de Dieu la capacité de mener la mission qu’il lui confie de le donner aux hommes), va avec l’affirmation que Dieu est aussi capable de se donner au-delà des frontières de l’Eglise, même si la plénitude de la Révélation passe par l’accueil du Christ ressuscité, et l’entrée dans l’Eglise, en tant que communauté de ceux qui vivent de cet accueil.

Autre domaine lié à ta question : Le lien entre toute puissance de Dieu et liberté des hommes.

Dans toute religion – y compris dans le christianisme – se pose la question du dosage entre les deux. La plupart du temps, on imagine une sorte de jeu de tir à la corde ou de vases communiquants, où ce que l’un gagne, l’autre le perd. Plus l’un est à l’oeuvre, moins l’autre l’est.

Dans l’Islam par exemple, qui signifie étymologiquement « soumission », l’obéissance de l’homme aux commandements de Dieu, fait le bon musulman. Les commandements y sont concrets et réalistes (interdits alimentaires, prières n fois par jour, aumône, jeûne etc… tout à fait pratiquables et mesurables), pour que la volonté de Dieu puisse se réaliser complètement à travers ses fidèles, parce qu’avec le Coran, ils pensent savoir tout ce qu’on peut et doit savoir de Dieu et de sa volonté, et qu’ils ont les moyens de le satisfaire.

Dans le christianisme, Jésus pousse à l’extrême la logique des commandements donnés à Israël : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes des forces, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même », et il n’y a plus de mesure à ce commandement d’aimer. Il fustige les pharisiens qui prétendent être quitte, dans la bonne conscience d’avoir accompli extérieurement les commandements. Plus question alors de prétendre être un « bon chrétien », quelqu’un qui sait ce que Dieu veut et qui le fait exactement. La logique n’est pourtant pas celle d’un commandement impossible qui humilierait l’homme, mais plutôt l’inverse, celle de la divinisation de l’homme par Dieu : lorsque Jésus présente les rôles respectifs de Dieu et des hommes, il parle d’un maître de maison qui s’est absenté et a confié la gérance de sa maison à ses serviteurs, étant entendu qu’à son retour, il jugera la gestion de chacun ; mais plus encore qu’un jugement, c’est le fait qu’à son retour le maître se mette à servir ses serviteurs qui signe cette inversion. En sorte que ce n’est pas en termes de concurrence qu’il faut penser l’action de Dieu et celle des hommes, mais de gloire : Dieu est glorifié lorsque des hommes prennent au sérieux la promesse de divinisation qu’il fait à l’humanité. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » (Saint Irénée de Lyon)

Être chrétien, c’est accueillir la réactualisation permanente de la promesse que Dieu fait à l’homme : « tu aimeras », qui de même que tous les « commandements » du Décalogue est au temps de l’inaccompli en hébreu, que l’on traduit en français par le futur, comme une promesse, et non par un impératif comme « aime ». La foi chrétienne n’est donc pas un en-soi que l’on aurait – lorsqu’on a été évangélisé, reçu le baptême, pratiqué les commandements etc… – et que l’on n’aurait pas si on n’a pas reçu ou vécu tout ça, mais une mise en route sur un chemin de rencontre progressive avec Dieu, pour vivre toujours davantage de lui. Cet aspect dynamique me semble permettre d’échapper au dilemne que tu proposes.

Coulisses de Noël

Voici le conte de Noël imaginé pour les enfants du KT de la paroisse Notre-Dame du Haut Ségala, et la saynète qu’une trentaine d’entre eux ont jouée à la veillée de Noël à Moyrazès (12). Voix : Anne-Marie Féral et les enfants. Musique : ‘Noël, au coeur de pauvreté’, Dominique Pons & Gilles Constans (Mediaclap, module Nathanaël « Messagers de Paix »).

 

 

Pour le voir et l’entendre au format 800×500 pixels, cliquer ICI (avi 13,1 Mo).

Sont aussi téléchargeables séparément : diaporama (4,7 Mo), son (9,5 Mo), texte (30 Ko). Télécharger d’abord le diaporama : clic gauche sur le lien… Puis télécharger le son : clic gauche sur le lien, clic droit, enregistrer sous, garder le nom du fichier proposé (Saynete_a_lecole_des_anges_-_musique.mp3) et l’enregistrer dans le même répertoire que le diaporama pour que ce dernier fonctionne avec le son.

 

Une cour de récréation, avec une maîtresse d’école en blouse blanche au milieu, attendant la sonnerie de fin de récréation. La sonnerie… sonne enfin. Des enfants, habillés avec un dessus blanc (chemise, sweat-shirt, pull ou autre… de couleur blanche) s’approchent d’elle, venant des différents coins.

 

Maîtresse :
– Les enfants, les enfants ! [appel]

Les enfants :
– Bonjour !

Enfant 1 :
– Pourquoi est-ce que vous nous avez dit de revenir aujourd’hui ?

Enfant 2 :
– On devrait être en vacances !

Enfant 3 :
– Tout le monde est en vacances en ce moment. Même les petits que je dois garder.

Maîtresse :
– Mickaël, quel jour sommes-nous aujourd’hui ?

Enfant 3 :
– Le 24 décembre.

Maîtresse :
– Eh bien, j’ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle extraordinaire. [une pause pour attirer l’attention] C’est vous qui avez été choisis ! C’est notre école qui a été choisie !

Les enfants :
– Choisis pour quoi ?

Maîtresse :
– Vous ne vous rappelez pas ?

[petit temps d’interrogation silencieuse, puis stupeur de tous les enfants]

Enfant 1 :
– Oh nooonnn ! Ce n’est pas vrai !

Enfant 2 :
– C’est nous ?

Enfant 4 :
– C’est vraiment nous ?

Enfant 3 :
– C’est nous qui avons été choisis ?

Maîtresse :
– Eh oui ! Ce n’est pas croyable, mais c’est vrai ! C’est bien nous : [Elle sort une lettre de type administratif] « J’ai l’honneur de vous informer que l’école « Notre-Dame des anges » a été choisie pour participer au grand projet « Noël en Palestine », vous voudrez bien vous mettre à disposition de Monsieur Gabriel Chérubin, coordinateur du projet…

Enfants :
– Waaaoouuuu ! On va y aller ! On va y aller !

Enfant 1 :
– Est-ce qu’ils disent pourquoi on a été choisis ?

Enfant 4 :
– Tu veux dire « sélectionnés » : c’est sûrement parce qu’on est les meilleurs !

Enfant 2 :
– On est les plus forts !

Enfant 3 :
– Les plus beaux !

Enfant 4 :
– Les plus intelligents !

Enfant 1 :
– Ou tout ça à la fois !

Maîtresse :
– Eh bien… [cherchant sur la lettre]  Il n’y a rien d’écrit là dessus… Ah si… Il semble que vous ayez été choisis pour ce grand projet, parce que vous êtes les plus… [petite pause pour lire plus attentivement la lettre]  les plus… petits ! Oui, c’est ça : les plus petits !

Enfants :
– [sur un ton déçu]  Ah bon ?

[une fille arrive en retard…]

Enfant 1 :
– [se tournant vers elle] Eh bien Angelina, d’où viens-tu ? pourquoi es-tu en retard ?

Enfant 5 :
– [avec assurance] Gaby, je ne suis jamais en retard : j’étais là-bas, tout là-bas [en montrant le lointain d’où elle vient] mais ça ne m’a pas empêché d’être ici avec vous, depuis toujours !

Maîtresse :
– Oui, Gaby, Angélina a raison. Dois-je vous rappeler que vous êtes des anges, et que vous pouvez être partout à la fois ?

Enfant 2 :
– Et alors, c’est nous, les plus petits des anges qui avons été choisis pour annoncer Noël aux hommes ?

Maîtresse :
– Vous êtes des anges encore trop jeunes pour protéger les hommes, pour les aider à se battre contre le mal, à lutter contre les tentations, contre le Tentateur. Vous n’êtes encore que des… angelots, des anges en apprentissage !

Enfant 2 :
– Alors qu’est-ce que l’on peut faire sur terre ?

Enfant 3 :
– Pourquoi est-ce que Dieu nous envoie en bas ? [geste de montrer le bas]

Enfant 4 :
– Si on ne sait pas encore bien faire, pourquoi c’est nous qu’il a choisis ?

Maîtresse :
– Eh bien, nous arrivons au cœur du sujet : asseyez-vous ! Je vais vous dire en quoi consiste votre mission !

[Les enfants s’asseyent]

Maîtresse :
– Votre mission, c’est d’apporter aux hommes la joie du ciel, la joie que nous avons ici au ciel. C’est la mission qui convient le mieux aux plus enfantins des anges.

Enfant 1 :
– C’est vrai qu’ici, avec Dieu, c’est impossible d’être triste. J’ai essayé : je n’y arrive pas, à être triste. C’est désespérant !

Maîtresse :
– Oui, pour nous la joie, c’est facile, mais il faut croire que cela n’est pas si évident que ça pour les hommes.

Enfant 2 :
– Ils en manquent tellement de la joie sur terre ?

Maîtresse :
– Regardez ! [en se penchant vers le bas et en invitant les enfants à faire pareil] Il fait nuit en ce moment sur terre, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup souffrent de l’injustice, de la violence, de la misère, de la solitude, du non sens… et ils sont nombreux à douter que Dieu les aime.

Enfant 4 :
– On ferait pareil, si on était à leur place.

Maîtresse :
– Eh bien justement, vous êtes chargés d’aller à leur rencontre dans cette nuit pour leur montrer la lumière.

Enfant 3 :
– Cette lumière, c’est Jésus-Christ !

Maîtresse :
– Chut… Ne le dis pas encore ! Il faut leur laisser le temps de le découvrir. Il n’est encore qu’un petit bébé, mais c’est lui qui relie déjà le ciel et la terre.

Enfant 4 :
– Alors, nous, on sert à quoi ?

Maîtresse :
– Nous sommes les serviteurs et les messagers de Dieu, mais parce que Dieu aime les hommes, il veut avoir besoin d’eux. Vous, vous êtes chargés d’en trouver quelques uns qui aident tous les hommes à reconnaître le Christ. Il n’y a pas besoin qu’ils soient très nombreux. [montrant l’assemblée des fidèles] Regardez en bas : Il y en a là à qui il faut l’annoncer.

Enfants :
– Mais ils sont nombreux, en fait !

Maîtresse :
– Aujourd’hui, oui ! Mais il suffit d’en trouver quelques uns qui acceptent de venir adorer notre Maître qui s’est fait petit enfant.

Enfant 1 :
– Et qu’est-ce qu’on doit leur dire ?

Maîtresse :
– « Gloria in excelsis Deo, et pax hominibus bonae voluntatis »

Enfant 2 :
– Je n’y comprends rien.

Maîtresse :
– Ce n’est pas grave. Je ne suis pas sûr qu’ils comprennent non plus.

Enfant 3 :
– Et qu’est-ce que ça veut dire ?

Maîtresse :
– Cela veut dire : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Enfant 4 :
– Euh… Je comprends les mots, mais pas la phrase…

Enfant 5 :
– Ça suffira de le leur dire ?

Maîtresse :
– Oui, cela veut dire que Dieu est là, et que tout l’univers rayonne de sa présence. Et cela veut aussi dire qu’en se faisant petit enfant parmi les hommes, il est la paix pour tous ceux qui sont prêts à l’accueillir.

Enfant 2 :
– Est-ce que je pourrai m’occuper du bébé ?

Enfant 3 :
– Non c’est moi !

Enfant 4 :
– Non, c’est moi qui l’avais demandé en premier !

Maîtresse :
– Vous n’allez pas vous disputer pour rendre visite au Prince de la Paix ! Votre mission est d’abord d’aller annoncer sa naissance aux hommes. Ensuite vous aurez le droit de vous approcher de la crèche.

Enfant 1 :
– On peut s’approcher des animaux ?

Maîtresse :
– Oui, si vous promettez de ne pas leur faire peur !

Enfant 2 :
– Comment faut-il parler à Marie ?

Maîtresse :
– Je pensais que ton oncle Gabriel te l’avait appris. Dîtes simplement : « Je vous salue, Marie, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous. »

Enfant 2 :
– Et pour Joseph ?

Maîtresse :
– Vous pourrez lui redire ce que nous lui avons déjà dit il y a plusieurs mois : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse : certes l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Pourtant, c’est toi lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Enfant 3 :
– Et quand est-ce qu’on y va ?

Maîtresse :
– Eh bien, c’est maintenant l’heure. Prenez vos tenues de lumière.

 

[Les enfants vont chercher dans des coffres les aubes de servants d’autel et les enfilent ; les plus jeunes prennent les ailes confectionnées… pendant que résonne la mélodie de « Noël au cœur de pauvreté ». Quand ils sont prêts, le son de la musique baisse, les enfant rejoignent les allées en marchant vers l’extérieur, et en chantant avec l’aide de la chorale le chant « Noël au cœur de pauvreté », avec le refrain modifié : « Jésus qui vient pour VOUS aimer… »…]

Voeux 2011

Depuis quatre mois que je suis à Baraqueville, j’entends souvent la question : « Alors, vous vous habituez ? » C’est parfois plusieurs fois par jour qu’elle revient, avec différents sens auxquels je souscris :

– la sollicitude de paroissiens à l’égard de leur nouveau prêtre, parce que l’hiver est rude en Ségala, qu’il y a de quoi faire en pastorale, et que pour un curé débutant, le risque est avéré de trop embrasser, de mal étreindre, et de verser dans l’activisme ;
– l’étonnement aussi devant l’étrangeté d’un parisien d’origine vietnamienne, à l’œuvre dans ce haut-lieu de ruralité aveyronnaise, l’un des grands foyers de la JAC ;
– l’attente enfin à l’égard de l’institution-Eglise, d’une inculturation, d’une familiarité, d’une communion croissante avec les lieux et les personnes, dans un pays où tout le monde se connaît, et où déjà au plan civil, humain, on met haut la barre de la vie communautaire.

Eh bien, malgré tout ce qui précède, je fais le vœu, qu’en 2011, ni moi, ni les paroissiens de Notre-Dame du Haut Ségala, ni vous, nous ne devenions des « habitués » !

Qu’en 2011, nous ne nous habituions pas aux appuis sur lesquels nous nous reposons « habituellement » : moyens, savoirs, talents, relations, foi… Aucun ne va de soi. Rien n’est dû. En période de changements, voire de crise, la vie prend davantage la forme d’une aventure, avec ses chutes et ses relèvements. Que cela même qui nous dérangera cette année, nous donne de découvrir LE véritable appui, autre, toujours Autre : le Christ, sans qui nous ne pouvons rien faire, ni croire, ni espérer, ni aimer.

Que nous ne nous habituions pas à ce qui devrait toujours susciter notre indignation, mais avec quoi nous composons le plus souvent : la faim et la misère dans un monde qui produit assez pour tous ; la guerre à laquelle nos appétits ou nos peurs déraisonnables ne sont pas étrangers ; le manque de liberté, d’égalité et de fraternité, d’abord là où nous sommes, où il incombe à chacun de les faire grandir, mais aussi là où des croyants, des chrétiens pour la plupart, sont persécutés pour leur foi.

Il reste cependant quelques bonnes habitudes à garder, dont celle de souhaiter à tous une joyeuse et sainte année 2011 !