La vocation de Saint Matthieu selon Le Caravage

Inspiré d’une idée du Service Diocésain des Vocations de Toulouse, et des commentaires de Notre-Dame du Web, le SDV de Rodez a réalisé un diaporama en vue d’une veillée de prière pour les vocations. Le support en est le tableau de la Vocation de Saint Matthieu par Le Caravage (1600) que l’on peut admirer à l’église Saint Louis des Français (Rome). Le texte qui accompagne les photos de ce diaporama est de Mathilde Coulon (Millau).

La Vocation de saint Matthieu
Le Caravage, 1600
1. [Veillée de prière pour les vocations à partir de la vocation de saint Matthieu par le Caravage]

2. [Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 9.9]

3. Regarde avec moi ce tableau. Approche-toi. En 1600, un peintre italien, Le Caravage, a pensé que l’image parlerait mieux que les mots. Alors regarde-moi. Regarde comment je veux agir avec toi. Mais ne regarde pas seulement : prends place, et comme l’un ou l’autre des personnages, laisse-toi interpeller. Il y a de la place pour toi dans mon Cœur.

4. Je te montre du doigt, oui, toi Lévi, Matthieu. Je ne me trompe pas. C’est bien de toi dont j’ai besoin. Ne te demande pas trop pourquoi. Une seule chose m’anime : l’Amour. Et je voudrais que ce soit ta raison de vivre, l’air que tu respires.
Avec moi, Pierre t’appelle. Je t’invite comme mon ami, et pour mes amis. Tu me manques, et à eux aussi. C’est au nom de l’Eglise que je t’appelle : l’Amour se reçoit et se donne dans ce lieu de mon Cœur. L’Eglise est mon Corps, l’Eglise est mon Epouse. Toi aussi, bientôt, avec moi, tu appelleras ceux que je te montrerai. Je t’invite parce que je sais que tu es capable du beau et du bien.

5. Regarde la main de Matthieu, ce doigt pointé sur son cœur. C’est de ce cœur blessé que je veux. C’est de ce cœur pécheur, de ce cœur perdu que je veux. Entre mes mains tout devient beau, entre mes mains, je te recrée. Laisse ma main rejoindre les tiennes. Laisse ta main droite lâcher ce que tu ne veux pas encore donner. Je t’ai tout donné. Si tu remets tout entre mes mains, c’est alors que tu découvriras la vraie valeur de tout ce que tu as.

6. Regarde ces deux jeunes hommes assis à la même table que Matthieu. Ils m’ont remarqué… Ce n’était pourtant pas spécialement eux que j’étais venu chercher. Mais à l’appel de Lévi, leurs visages se sont illuminés. Oui, je suis venu t’appeler et je connais ton cœur, je sais qui tu aimes, je sais qui tu côtoies. En te voyant, tes amis verront Celui que tu regardes, Celui que tu contemples parce qu’Il t’a appelé. Ta vie fixera les regards sur moi… parce que tes amis ont aussi droit à l’Amour. Le veux-tu ? C’est ce que je suis venu te proposer.

7. Regarde à droite de Matthieu, ces hommes sont pris dans leur travail. Ma Présence ne les a pas touchés. Cet argent leur paraît plus sûr. Ils ne courent aucun risque. Qui est Celui-ci qui paraît n’avoir rien à proposer ? Et toi ? Toi qui t’es épuisé à la tâche, qu’est-ce qui t’empêche encore aujourd’hui de lever ton regard sur moi, de risquer ta vie au service de l’Amour ? Ton travail, ou ton argent peut-être… tes biens, ou même tes talents ? Prends le temps d’écouter mon appel. Avec la pelle dont tu te sers pour déterrer le trésor que tu cherches. Assis-toi et regarde : il est là ton trésor, on n’en voit qu’un tout petit bout. Il est grand, large, profond, et tellement plus que ce que tu n’avais imaginé. Il va falloir du temps pour le déterrer, mais c’est à ça que je t’appelle. Une seule chose : viens, et suis-moi ! Mon appel est un appel à la conversion, au cœur même des petites choses de ton quotidien.

8. Aujourd’hui tu as été invité à venir prier… prier pour l’Eglise… et prier pour toi. Sois le témoignage qu’il est bon d’être un homme, et d’être un chrétien. Dans l’état de vie qui est le tien, dans ton époque, je viens te rejoindre. Laisse-toi interpeller, pour que d’autres le soient à leur tour… La vraie vocation est celle de la sainteté. Prie pour qu’il y ait de saints prêtres, religieux et religieuses, de saintes familles, que vous soyez chacun au service du Père, et au service les uns des autres. Fais-toi l’instrument de mon appel, fais-toi l’écho de mon appel auprès de ceux qui t’entourent, de tes amis, de jeunes garçons et de jeunes filles. Et prie. Ta prière est puissante, parce-qu’elle m’est adressée, et que j’ai soif de l’Amour dont vous êtes capables.

9. L’appel est regard. Le regard fait grandir. Le regard donne et reçoit. Je suis le regard du Père posé sur toi. Parce qu’Il t’aime et qu’Il t’appelle à Lui, il a ouvert un Chemin. Et je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. En moi, tu peux réaliser ta vocation. Celle de devenir saint. Parce que je suis Saint.

10. Alors laisse mon regard croiser le tien. A travers la prière, mais aussi à travers tous ceux qui ont besoin de toi. Laisse le regard d’un enfant te parler de moi, ose regarder la veuve et l’orphelin, le malade et le prisonnier…

11. Ils sont là, tout autour de toi, et réclament en urgence que tu réalises ce pour quoi tu es fait. Alors mets-toi en route. Ne baisse pas les yeux comme certains. Laisse nos regards se croiser.

12. Regarde à la fenêtre, en haut du tableau.

13. Tu ne l’avais sans doute pas vue ! La Croix est bien présente. Elle est au cœur de mon message. Parce que ta vie, et ta sainteté, consiste à accueillir et à participer au Salut que je t’ai offert sur la Croix. Même avec moi, tu connaîtras des moments difficiles. Des fois, il te semble que je ne suis pas là. Mais rappelle-toi, le bonheur n’est pas de ne pas souffrir. Il est de croire que la Vie est plus forte que la mort, que l’Amour est plus fort que la haine, qu’après le Golgotha, il y a la Résurrection, pour toi et pour tes frères.

14. Alors bats-toi avec moi, pour vaincre avec moi. C’est cette victoire qui te rendra heureux.

15. Comme Matthieu, laisse ton doute se transformer en conviction. Laisse ton hésitation, pour te lever et marcher à ma suite.

16. Sois un homme ou une femme de foi. Soit celui ou celle qui croit. Tout simplement. Et continue de prier, pour que d’autres aussi entendent mon appel. Prie tout particulièrement pour que des jeunes choisissent, en toute liberté et amour, la voie du sacerdoce, la voie de la consécration religieuse.

17. Je veux me donner à vous, et j’ai besoin de prêtres. Je veux donner la vie, et j’ai besoin d’époux et d’épouses soucieux de donner l’amour et de cultiver la vie. Je veux entendre vos prières et vos cris, et j’ai besoin de religieux et de religieuses qui me prient, me louent, et soient une fenêtre du Ciel ouverte sur le monde. Je veux aimer, et j’ai besoin de saints.

18. Oui, toi, « Suis-Moi ! »

Quelques diaporamas…

Voici quelques diaporamas (Powerpoint) à télécharger et qui ont illustré une partie du parcours de la « Fête de la Foi » des 6èmes (aumônerie de l’enseignement public) sur le récit de la Création (7,5 Mo ou 2 Mo), sur la mission confiée à l’homme de poursuivre cette Création (1,3 Mo), et sur l’invitation à « passer le relais » (2,9 Mo) en lien avec le 1er quart d’heure du film « Un monde parfait » de Mimi Leder (2001).

Le site de cette « Fête de la Foi » joyeusement préparée et célébrée les 5-8 juin 2008 est ICI.

Aimer Dieu (Ps 63)

2 Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

3 Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
4 Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

5 Toute ma vie je vais te bénir,
l
ever les mains en invoquant ton nom.
6 Comme par un festin je serai rassasié ;

la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

7 Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
8 Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
9 Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

10 [Mais ceux qui pourchassent mon âme,
qu’ils descendent aux profondeurs de la terre,
11 qu’on les passe au fil de l’épée,
qu’ils deviennent la pâture des loups !

12 Et le roi se réjouira de son Dieu.
Qui jure par lui en sera glorifié,
tandis que l’homme de mensonge
aura la bouche close !]

(Traduction liturgique – Copyright AELF
Paris – 1980 – Tous droits réservés)

 

L’« amour de l’homme pour Dieu » dans l’AT, s’exprime le plus souvent dans le contexte juridique d’une réciprocité à l’égard de Dieu et de son amour pour l’homme, au moyen de l’observance de ses commandements. L’AT comporte pourtant bien des pages où la relation entre l’homme et Dieu s’exprime explicitement sous la forme d’un sentiment amoureux. Ainsi en est-il du psaume 63 (62), qui dans le psautier exprime parfaitement l’intime relation d’amour que peut connaître le fidèle à l’égard de son Dieu (v.2a) : « Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube » (trad. liturgique). Les sentiments exposés dans ce psaume 63, et les mots pour le dire, ne sont pas isolés dans l’AT, mais résonnent avec d’autres passages bibliques. L’image spatiale de l’âme qui cherche Dieu (v.2a), et celle de la mémoire nocturne de l’Aimé (v.7 : « Dans la nuit, je me souviens de toi ») est la même que celle du Cantique des Cantiques (Ct 3,1 : « Sur ma couche, la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime »). De même, le terme « se presser » contre Dieu, ou s’attacher à Dieu (dabaq v.9 : « Mon âme s’attache à toi ») se retrouve dans des textes deutéronomiques pour exprimer la relation d’intimité spécifique du croyant avec Dieu (Dt 10,20 ; 11,22 etc… Js 23,8) : le psalmiste – ou le roi David errant au désert de Juda, poursuivi par ses ennemis – s’éprouve loin de Dieu et aspire à le retrouver, en particulier au sanctuaire du Temple (v.3a). Ce sentiment est exprimé sous la forme radicale d’un besoin, la soif, éprouvée par tout l’être du croyant dans son unité d’âme (v.2b) et de chair (v.2c) : « Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair ». Il s’exprime aussi sous la forme du désir d’être rassasié de Dieu (v.6) : « Comme par un festin je serai rassasié ». La formule de St Augustin sur le « cor inquietum », le cœur sans repos tant qu’il ne demeure en Dieu, la formule de St Thomas d’Aquin sur le « désir naturel de voir Dieu », ou leur réapprofondissement dans le débat sur le « surnaturel » au milieu du XXème siècle (Henri de Lubac) trouvent ainsi dans le psaume 63 une base scripturaire sûre. Besoin, désir, attachement, il importe de voir dans ce psaume ce qui caractérise l’amour du croyant pour son Dieu, ce qui le motive et la manière dont il l’exprime.

Un des moyens pour le voir est d’en analyser le plan. Certes, une proposition de plan d’un texte biblique est toujours un peu arbitraire. John S. Kselman et Michael L. Barré (New Jerome Biblical Commentary) proposent pour ce psaume le plan suivant :

v.2 :  exposition (le psalmiste loin de Dieu),
v.3-4  prière pour voir Dieu dans son Temple, (en parallèle aux v.5-6, puisque l’on retrouve les mêmes expressions « oui », « lèvres », « vie »)
v.5-6  prière du psalmiste pour qu’il revienne bénir Dieu,
v.7-9  expression d’intimité avec Dieu,
v.10-12  malédiction contre les ennemis et bénédiction des justes.

 

Un tel plan permet d’interpréter ce psaume dans le contexte cultuel d’une préparation au pèlerinage annuel à Jérusalem : le croyant redit son désir de retrouver la présence du Seigneur au lieu où par excellence elle se trouve : le Temple de Jérusalem. Amour cultuel, analogue à celui exprimé dans les psaumes « des fils de Coré », probablement des lévites au service du Temple, exprimant leur regret d’être éloignés voire chassés du Saint des Saint (Ps 42-49 ; 84-88). De fait la thématique du psaume 63 est très proche de celle des psaumes 42 et 43, avec des expressions identiques (Ps 42 v.3a : « Mon âme a soif de Dieu » ; v.5.7a : « Je me souviens de toi. »).

Pour préciser cet amour cultuel, et avec autant d’arbitraire, un plan différent peut être proposé, en chiasme ABCDC’B’A’, qui repose sur des similitudes de sens entre groupes de versets et sur le réemploi de mêmes racines hébraïques en plusieurs versets, mais qui – avouons-le – vaut surtout pour les conséquences qu’il permet de tirer :

Quelques racines vont par paire (elohim, erets) liées au chiasme, mais les réemplois indiquent surtout une direction vers ce qui apparaît comme le verset central (v.6) qui reprend les racines principales (nephesh, saphah, ranan, halal, peh) et polarise tout le psaume. Ce verset 6 permet d’identifier le cœur de l’attitude du psalmiste, consistant en un amour pour Dieu, qui culmine dans le fait de se rassasier de lui (v.6a) et en l’action de prononcer de vive voix et avec joie sa louange (v.6b) : « La joie sur les lèvres, je dirai ta louange », chantons-nous dans la traduction liturgique… Cela répond à la recherche de Dieu exprimée au début du psaume (v.2), et consacre la valeur de la parole, de l’oralité (lèvres et bouche) pour le croyant : la parole est en lui ce qui le met le plus intimement en rapport avec Dieu, parce qu’elle lui permet de rendre grâce à Dieu, et de répondre ainsi à son amour. La parole humaine est faite pour cet office, cet opus Dei de répondre à la Parole de Dieu. La traduction liturgique est allée plus loin au v.7b que celle de la Bible de Jérusalem, en dépassant une simple méditation sur Dieu par la formule : « je reste des heures à te parler. » La parole est ici destinée à faire pénétrer l’homme dans le dialogue initié par Dieu dans sa révélation, à lui faire connaître le privilège connu de Moïse seul : pouvoir parler à Dieu comme à un ami. La réciprocité d’amour de l’homme pour Dieu est certes cultuelle, mais elle peut s’exprimer en tout lieu, et en tout usage de la parole. A l’inverse, les menteurs du dernier verset (v.12c) qui n’auront pas su employer cette parole, auront la bouche fermée. Leur sanction est celle de ne plus pouvoir louer Dieu ! En paraphrasant St Augustin, le psaume 63 exprimerait la formule suivante : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre bouche, nos lèvres, notre langue sont au repos forcé, vaines, inutiles, tant qu’elles ne te louent pas. »

Une telle louange verbale s’appuie sur deux pôles cultuels complémentaires, C et C’ :

C : Le culte du Temple (v.3-5) à travers lequel se manifeste la puissance, la gloire (v.3b), et l’amour de Dieu pour le croyant, et où le croyant peut jusqu’à l’oubli de soi (v.4a) prononcer l’éloge de Dieu aimé pour lui-même (v.4b), par une vie consacrée à bénir Dieu (v.5a). Si pour les fils d’Israël, la vie est le bien suprême, nous avons en ce verset 4a la seule fois dans l’AT où un bien autre lui est préféré, et ce bien supérieur est l’amour de Dieu. Une telle affirmation contient en germe celle d’une extension de cet amour de Dieu au-delà de la mort du fidèle (Rm 8,38-39). La louange en parole est réponse à cet amour reçu au cœur même de la louange à Dieu. Elle est liée au geste sacerdotal d’élever les mains (v.5b), mais elle peut s’exprimer aussi en toute la vie du croyant (v.5a). L’amour pour Dieu est ici le plus désintéressé, car en C, Dieu est aimé pour lui-même, ce qui répond à la soif de Dieu, purement intérieure, décrite en B (v.2b-d).

C’ : Le mémorial (zakar : v.7) des actes de secours et de protection de Dieu à l’égard du croyant (v.7-8), et en retour la reconnaissance du croyant, auxquels – c’est une hypothèse – correspond(ra) le culte synagogal. Cet acte de mémoire caractérise la foi au Dieu d’Israël : rappel des merveilles qu’il a accomplies pour le peuple d’Israël, qu’il continue d’accomplir aujourd’hui, mais qui est aussi et surtout une manière de lui dire notre amour. Le mémorial au sens biblique du terme n’est pas d’abord anamnèse pour les croyants, acte de mémoire pour eux, mais rappel à Dieu. Certes l’amour pour Dieu répond ici à l’attente de salut vis à vis d’une persécution extérieure décrite en B’ (v.9-11), incluant un souci de soi marqué par la répétition de « mon âme » (napheshi : v.9a, 10a). Mais il s’agit aussi d’un acte de confiance renouvelé à l’égard de Dieu.

L’ordre BC suivi de C’B’ importe et a une profonde valeur spirituelle : la soif de Dieu pour lui-même (B) et son assouvissement cultuel par la louange (C), précèdent la reconnaissance à Dieu pour ses dons (C’) et la demande de délivrance (B’). Les premiers donnent même aux seconds leur sens d’acte d’amour, de gratitude et de confiance plutôt que d’instrumentalisation de Dieu au service de l’homme, de réduction de Dieu à un moyen. Lorsqu’au contraire Dieu est aimé pour lui-même, et que tout n’est que moyen au service de cet amour, nos propres manques dans l’ordre temporel peuvent tout à fait être mobilisés pour l’affirmation de cet amour sous la forme d’une prière de reconnaissance et de demande. Commencer par l’action de grâce – qui à la différence d’un remerciement, consiste à rendre grâce à Dieu pour lui-même et non pour tel ou tel de ses bienfaits – aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force (Dt 6,4) va jusqu’à cet ordonnancement. Les principes et fondements de St Ignace de Loyola au début de ses « Exercices Spirituels » ne disent pas un autre ordre. Cet ordre fondamental est aussi celui du Notre Père, dont la première partie loue Dieu parce qu’il est Dieu, avant une deuxième partie de demandes que le croyant lui adresse.

Vendredi Saint

Voici les éléments de la célébration du Vendredi Saint que nous avons vécue aujourd’hui à partir des 7 dernières paroles du Christ, avec des collégiens de l’Enseignement Catholique à Rodez.

– Collège St Joseph : texte et diaporama
– Collège du Sacré-Coeur : livret et parcours dans la Cathédrale

La version « diaporama » est facilement réutilisable ailleurs qu’à Rodez. Celle dans la Cathédrale a donné l’occasion d’un intéressant détournement du sens des (nouveaux) vitraux… On peut accompagner l’animation d’un portement de croix par des jeunes.

Textes : rédigés avec Philippe Idiartegaray (responsable de la pastorale au collège St Joseph).
Musique : Entre (Mej 2006 : pour écouter un extrait, cliquer ICI), Psaume et L’amour crucifié (Camille Devillers 2006 : pour écouter un extrait et/ou acquérir le CD – un « must » ! – cliquer ICI).
Animation : jeunes / paroles de jeune « face à… » ; animateur 1 / parole du Christ et introduction à la prière ; animateur 2 / commentaire ; animateur 3 de chant (et/ou lecteur CD) Merci à Guylaine, Françoise, Bernard, Stéphanie, Vanessa, Antony, les méjistes, les confirmés, les jeunes porteurs de la croix, les catéchistes et accompagnateurs…

 

Première Parole (Luc 23,34)

Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent (…) et Jésus disait : « Père, pardonne – leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Deuxième Parole (Luc 23,43)

Ils le crucifièrent ainsi que deux malfaiteurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche (…). L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? sauve-toi toi-même, et nous aussi ». Mais l’autre, le reprenant, déclare : « tu n’as même pas la crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes, mais lui n’a rien fait de mal ». Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume ». Et (Jésus) lui dit : « en vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ».

Troisième Parole (Jean 19,27)

Jésus, voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ». Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui.

Quatrième Parole (Matthieu 26,47)

A partir de la 6ème heure, l’obscurité se fit sur toute la terre. Et vers la 9ème heure Jésus clama en un grand cri : « Eli, Eli, lema sabachtani ? » C’est-à-dire : »mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Cinquième Parole (Jean 19,28)

… après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l’Ecriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « j’ai soif ».

Sixième Parole (Jean 19,29)

Un vase était là rempli de vinaigre ; on mit autour d’une branche d’hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : »tout est accompli », et, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Septième Parole (Luc 23,46)

C’était environ la 6ème heure, quand le soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur la terre entière, jusqu’à la 9ème heure ; et, jetant un grand cri, Jésus dit : »Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Ayant dit cela il expira.

Diaporamas et textes (plus ou moins nouveaux)

Parce que cela fait 2 mois sans nouveauté sur ce site, et qu’il faut honorer ceux qui le visitent chaque jour (en moyenne 80), voici plusieurs liens vers des documents réalisés il y a quelques jours, semaines, voire années !

– « Passer le relais » (un diaporama de 3,4 Mo pour illustrer la transmission de l’Evangile du Christ à nous, en lien avec le 1er quart d’heure du film « Un monde parfait » de Mimi Leder (2001) –  pour visionner correctement le diaporama, la police Anke Calligraphic est nécessaire)

– « Charles de Foucauld et Edith Stein » (un diaporama de 700 Ko et le texte de 400 Ko qui l’accompagne).

– « Être libre… » (un diaporama d’1 Mo pour la préparation à la confirmation : accueillir l’Esprit Saint rend libre, c’est-à-dire capable de choisir le bien)

– « A propos de l’identité du prêtre » (un texte de 6 pages à partir d’un devoir de séminaire, un peu jargonnant mais pas sans fond)

Pour télécharger ces fichiers : faire un clic droit sur le lien, puis « Enregistrer la cible sous… » (Internet Explorer) ou « Enregistrer la cible du lien sous » (Firefox)

Joyeux Noël !

Nous sommes à quelques heures de fêter la venue de l’Emmanuel, de nous émerveiller du Dieu tout puissant qui se révèle si humblement à la crèche, de laisser l’Enfant-Dieu rénover « le vieil homme » que nous sommes. Combien ce renouveau nous est nécessaire ! Aussi je vous adresse les vœux souhaités à la bénédiction finale des dimanches de l’Avent : « une foi ferme, une espérance joyeuse, une charité constante ».

Ces trois vertus nous sont promises, et il nous est déjà donné d’en goûter les fruits. Mais si elles semblent parfois ne pas aller de soi pour le monde (…et pour nous), que la célébration de la naissance de Jésus nous fasse accueillir leur étrangeté comme le signe prometteur d’un christianisme encore à ses balbutiements, pour le monde… et pour nous.

Joyeux Noël et tous mes vœux pour 2008 !

Il était une foi(s) Jésus

Un dialogue – entre Mathilde et Chryslaine – pour la célébration de l’Avent des 6èmes de l’AEP le 14/12/07 à Rodez, à partir du beau film d’animation : Il était une fois Jésus (2000) avec l’aide d’un diaporama (Powerpoint de 6 Mo : clic droit sur le lien puis, « enregistrer la cible sous… »)

Bonjour Madame, nous sommes des 6èmes de l’aumônerie de l’enseignement public, et nous faisons une petite enquête sur Noël. Est-ce que vous accepteriez de répondre à quelques questions ?
Oui, bien sûr.
Qu’est-ce que Noël représente pour vous ?
Oh là, là, c’est une question difficile que tu poses !
Ah, bon ! Vous ne savez pas ce que vous allez faire à Noël ?
Si, bien sûr, je le sais… Je sais ce que l’on fait d’habitude à Noël : le repas, le sapin, les guirlandes, les cadeaux, et même la crèche… mais ce n’est pas en disant ce que l’on fait à Noël que l’on répond à ta question sur Noël.
Et alors, qu’est-ce qu’il vous faut pour répondre à ma question ?
Eh bien, plutôt que de répondre par ce que nous, nous faisons à Noël, il faudrait se poser la question sur ce que Lui, Dieu, fait à Noël. Ce que nous faisons à Noël et même pourquoi nous le faisons, c’est à notre portée. Dire ce que Dieu fait à Noël et pourquoi il le fait, c’est énorme !
…énorme ? Noël, c’est pourtant bien la naissance de Jésus ?
Oui, mais justement, c’est grandiose ça, que Dieu se fasse petit enfant, que le Créateur de l’univers, de la terre et du ciel, le Dieu tout puissant se fasse petit bébé, qu’il naisse comme toi et moi … Je ne suis pas sûre que l’on mesure ce que Noël représente du côté de Dieu.
Je ne l’avais pas vu comme ça !
En fait, c’est étonnant que Dieu choisisse de se faire homme, qu’il se fasse l’un de nous, qu’il se plaise avec nous, et qu’en la personne de Jésus il se révèle lui-même. Au fait, tu as déjà entendu parler de Jésus ?
Oui, au catéchisme, avant le collège. Et puis nous avons vu il y a quelques semaines un film, un dessin animé, sur Jésus : ça s’appelait… « Il était une fois Jésus ».
Je connais ce dessin animé. C’est un très beau film, mais avec un drôle de titre !
Pourquoi ? A cause du « Il était une fois » ?
Oui, parce que ça ressemble au début d’un conte, alors que l’histoire de Jésus, ce n’est pas un conte ! Jésus a vraiment existé, et les Evangiles parlent bien d’un homme réel !
Oui, mais « Il était une foi », ça pourrait aussi s’écrire « une foi » – sans s – plutôt qu’avec un s !
Tu es maline ! Ok si c’est une foi sans s.
Oui, mais même avec un s : « il était une fois », ça a aussi du sens, d’après ce que vous m’avez dit.
Ah oui ?
Oui, on peut dire « une fois » parce que Dieu qui vient en Jésus, c’est quelque chose d’unique.
C’est vrai. Mais nous célébrons Noël chaque année et nous célébrons la messe chaque dimanche, pour dire que Dieu vient aussi à nous chaque année, chaque semaine, chaque jour, et même à chaque instant. C’est pour cela que l’Evangile nous parle à la fois de Jésus avec ses disciples, mais aussi de Lui avec nous aujourd’hui.
Ah oui, je me rappelle qu’avec mon équipe d’aumônerie, nous avons découvert ça.
Les paroles et les gestes de Jésus, continuent sans cesse, à travers toute parole et tout geste d’amour, de pardon et de partage. C’est Dieu qui continue d’agir à travers chacun de ses enfants. C’est pour cela que l’on fête Noël chaque année, et que l’on attend la naissance de Jésus comme si c’était nouveau chaque année !
On attend qu’il revienne parmi nous ?
Oui, Dieu attend aussi que nous le laissions naître en nous, en toi, en moi. Ainsi les paroles et les gestes d’amour, de pardon et de partage de Jésus, mais aussi sa prière, deviennent les nôtres, les tiens, les miens.
Et c’est chaque année la même chose ?
Oui, parce que Dieu ne se lasse pas de recommencer à s’inviter chez nous, chez toi, chez moi.
Il n’a pas peur qu’on ne l’attende pas, qu’on le rejette, et qu’à Noël on ne s’occupe que de nous, des cadeaux, du repas, du sapin, des guirlandes ?
C’est le risque que Dieu prend. Mais les cadeaux, le repas, le sapin, et même les guirlandes, ça peut avoir du sens, si l’on s’en sert pour accueillir de notre mieux la venue de Dieu qui se fait homme. S’il continue d’y avoir des personnes, hommes ou femmes, enfants ou adultes, malades ou bien portants, qui offrent à Dieu le temps de la prière, de l’écoute de sa Parole, de la messe ; s’il continue d’y avoir des personnes de tous âges qui se laissent inspirer par les gestes et les paroles de Jésus : eh bien, Noël continuera d’être Noël : la venue de Dieu dans ce monde.
Alors Dieu continue de s’intéresser à l’homme. Et ce que l’on pense de lui continue de l’intéresser.
Eh bien, écoute donc ce que dit l’Evangile à ce sujet…

Réactions au motu proprio du 7/7/07

Voici quelques réflexions provisoires sur le motu proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, qui suscite bien des prises de positions…

(1) Tout d’abord, il s’agit d’une affaire de posture à l’égard du Magistère de l’Eglise : même si la position du Magistère dérange, et surtout si celle-ci dérange, il s’agit de réfléchir à partir d’elle pour s’élever plus haut, mais dans la direction qu’elle indique, plutôt que contre elle. C’est affaire de « sauver la proposition de l’autre », en particulier quand cet autre s’appelle Joseph Ratzinger, théologien profond (cf. La foi chrétienne, hier et aujourd’hui) et fin liturge (cf. l’Esprit de la liturgie), mais surtout avec cette foi typiquement catholique dans l’assistance particulière de l’Esprit Saint donnée au pape chargé du gouvernement de l’Eglise. Dans un devoir de séminaire, je m’y étais exercé sur le sujet de la non communion des divorcés-remariés, un sujet de désaccord fréquent avec le Magistère, à partir justement d’un texte écrit par le cardinal Ratzinger.

(2) Il y a certes des excités intégristes qui refusent le concile de Vatican II dans ses ouvertures les plus profondes : compréhension de l’Eglise comme peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit, et non premièrement comme institution hiérarchisée ; place de l’Eglise dans le monde comme sacrement de salut plutôt que Royaume réalisé ou société parfaite ; oecuménisme, liberté religieuse et droits de l’homme ; dialogue interreligieux ; rapport entre Ecriture et tradition… Mais cela n’autorise pas à faire un procès d’intention à ceux qui, traditionnalistes, demandent la messe « dos au peuple », et qui ne partagent pas forcément les idées intégristes. Certains diront à juste titre qu’une manière de célébrer induit, ou sous-tend une manière de penser et de croire : Lex orandi, lex credendi. Eh bien, en quoi la messe de rite ancien est-elle théologiquement contraire à la foi de l’Eglise, et à l’esprit du concile de Vatican II ? Dira-t-on alors que les générations de saints qui s’en sont nourris, ont été leurré par une messe « fausse » ? Avec un peu de provocation, on pourrait même affirmer qu’en faisant abstraction de quelques points effectivement réformables (latin, distance du prêtre par rapport à l’assemblée, passivité des fidèles…), la position du prêtre dans ce rite, dite péjorativement « dos au peuple », où le prêtre est en fait tourné avec le peuple dans la même direction, est davantage conforme à l’ecclesiologie de Vatican II, où le prêtre, certes avec un rôle différentié pour signifier un des modes de présence du Christ, est d’abord là en tant que membre du peuple de Dieu. C’est d’ailleurs le cas à la basilique souterraine de Lourdes, ou dans des églises contemporaines, où l’assemblée est placée à l’extérieur d’un U ou d’un O, et l’autel au centre : tous regardent non pas le prêtre, mais plus haut que lui. Il n’est alors pas gênant, au contraire, que certains soient derrière lui, d’autres devant ou à côté… Dans la liturgie rénovée, le prêtre exclusivement en vis à vis de l’assemblée, pourrait faire figure de pur alter Christus – et cela correspond davantage à la vision du concile de Trente -, avec en plus le risque de sé-duction, de cabotinage… Ces propos sont bien sûr exagérés, car comme l’indique le motu proprio, les deux formes du rite, ancien et nouveau, « ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église » (Art.1)

(3) Il y a (eu) aussi d’autres excités, qu’on serait indulgent d’appeler des intégristes-de-Vatican-II, de par une interprétation du concile de Vatican II qui fait fi non seulement de la lettre mais de l’esprit des textes conciliaires, aboutissant à des pratiques liturgiques aplatissant le mystère de la messe. Par exemple, la participation active (en fait « actuosa« , i.e. « en acte ») demandée par Sacrosanctum concilium ne coïncide pas forcément avec le fait de faire chanter, parler, bouger, gestuer le plus de monde… Je participe aussi à cet aplatissement qui peut fait perdre le sens du mystère de l’Eucharistie, qui peut empêcher les fidèles d’y voir la présence réelle du Christ s’invitant parmi les hommes, en m’autorisant à faire de la liturgie une affaire de créativité ecclésiale, de spectacle, alors que c’est d’abord l’Eucharistie – reçue du Christ, transmise par l’Eglise – qui constitue cette dernière, et non pas premièrement l’Eglise qui fait l’Eucharistie. C’est ce que Benoît XVI rappelle dans Ecclesia de Eucharistia.

(4) A l’égard du latin, qui n’est pas de mon goût parce qu’il empêche d’accueillir le mystère eucharistique avec toute notre intelligence, je ne suis malgré tout pas convaincu par le motif invoqué que le latin doit être banni parce qu’il serait incompréhensible ou irrecevable par le monde actuel, car la compréhension d’un sacrement est d’ordre symbolique et non premièrement intellectuelle. On n’a pas à expliquer un symbole, mais à se laisser entraîner ailleurs par lui. C’est ce qui se passe par exemple à Taizé, ce lieu profondément oecuménique, le contraire d’un lieu intégriste, où une ambiance, des chants ruminés (parfois en latin) induisent une entrée en intériorité… L’argument sur l’irrecevabilité du latin méconnaît aussi le caractère profondément irrecevable de l’Eucharistie, son extériorité à notre égard, le fait qu’il nous faut une parole autre pour nous la rendre accessible : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Le concile de Vatican II n’a d’ailleurs pas invité à supprimer le latin, reconnaissant par exemple comme « chant propre de la liturgie romaine » le chant grégorien qui « toutes choses égales par ailleurs, doit occuper la première place » (SC n°116) !

(5) Comment parler d’ouverture au monde, de dialogue, de respect de la différence, d’accueil de l’autre, quand on n’est pas capable de le vivre entre catholiques, quand la position de cet autre-catholique qu’est le traditionaliste est suspectée d’intégrisme, d’idéologie dangereuse et qu’on n’est plus capable d’entendre ce qu’il a à dire, que l’on rejette a priori tout ce qui pourrait venir de lui, y compris de légitime. C’est plutôt dans cette fermeture là qu’il faut parler d’idéologie… La remarque s’applique évidemment aux « durs » de tous bords.

(6) Je ne vois donc pas pourquoi contester la position du Magistère, et refuse par principe de le faire. Je vois cependant des difficultés pratiques à mettre en oeuvre le motu proprio en France. En effet, celui-ci s’applique soit aux « messes célébrées sans peuple » (Art.2) auxquelles cependant peuvent « être admis, en observant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément » (Art.4), soit « dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure. » (Art. 5.1). Or, il n’est pas prouvé qu’il existe en Aveyron, au niveau d’une paroisse – et non pas seulement au niveau du diocèse – un tel « groupe stable » suffisamment conséquent pour qu’une messe soit célébrée spécialement avec eux. Surtout dans le contexte français, et tout particulièrement celui d’un diocèse rural, où la dispersion des fidèles conduit à les rassembler en des assemblées plus significatives – et donc à supprimer des messes dans des lieux peu fréquentés. L’application du motu proprio semble donc concerner davantage les grandes villes. En ce qui me concerne, en tout cas, je ne sais pas célébrer dans le rite ancien, et n’y ai pas de goût particulier, mais comprendrais mal qu’un prêtre qui pourrait rendre ce service à une communauté suffisamment conséquente ne le fasse pas par refus de principe à l’égard de la position du pape.

Une vie pour les autres

Une vie pour les autres… L’expression semble aller de soi, surtout après vingt siècles de christianisme, après plus de trente siècles de judéo-christianisme… Une expression invitant à l’altruisme, à l’attention au prochain, à l’ouverture du cœur, à la générosité, au don de soi… Une expression qu’un humanisme même non chrétien assumerait, puisqu’il est capable d’expérimenter en dehors de la foi qu’« il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35)

Et pourtant l’expression : « une vie pour les autres » est d’une étrangeté radicale, non seulement parce que nous vérifions à quel point notre égocentrisme, notre égoïsme, la recherche de notre intérêt propre sont enracinés en nous, combien notre désintéressement est illusoire – l’amour le plus désintéressé nous intéresse – mais surtout quand on se réfère à ce que le Christ entend par amour et service du prochain. Après le geste du lavement des pieds, Jésus pose cette question à ces disciples : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » justement parce que le geste ne va pas de soi. De fait, il faut reconnaître que nous ne le comprenons pas, que cela relève de la folie de Dieu plus sage que la sagesse des hommes. Folie pour le maître de se mettre à la place de l’esclave ; pour Dieu de s’identifier aux plus-petits ; pour sa toute-puissance de s’auto-limiter à l’impuissance de ceux qui ont faim, ont soif, sont nus, malades, étrangers ou en prison ; pour Dieu de mettre en équivalence le commandement de l’amour pour lui-même, Dieu – infiniment bon, infiniment aimable – et celui pour le prochain, non pas un autrui aimable dans l’abstrait, mais le prochain réel avec ses limites qui sont les mêmes que les miennes, avec la même finitude humaine que la mienne, et pour qui il n’y a donc pas plus de raison que je donne ma vie pour lui, que lui pour moi. A moins d’être sujet à l’illusion de croire en la supériorité de la valeur de l’autre, comme ce peut l’être dans la folie amoureuse.

La première clairvoyance consiste à admettre que nous ne savons pas aimer ou servir au sens où le Christ en donne le témoignage, qu’autrui ne nous intéresse pas vraiment, ou seulement jusqu’à un certain point, et surtout que l’abaissement du Christ par amour pour l’homme, le fait que le parfait se sacrifie pour l’imparfait, cela nous répugne. L’altruisme chrétien qui va jusque là n’est non pas simplement exigeant ou difficile, mais impossible.

Pour la foi chrétienne, l’amour agapè, l’amour désintéressé pour autrui, qui l’accepte dans son originalité sans le juger – supérieur ou inférieur – sans chercher à le rapporter à soi, cette « charité » (caritas) est une vertu théologale, qui procède de la grâce de Dieu, où c’est de l’amour même de Dieu que l’on aime, où c’est de l’amour qu’il y a en Dieu que l’on aime : une participation par grâce à la vie trinitaire, à l’action de l’Esprit Saint, l’Amour personnifié. Une vie pour autrui, menée selon cet amour-là, n’est possible qu’en vertu de l’accueil préalable du don de l’Esprit Saint, d’une grâce, c’est-à-dire d’un cadeau immérité, qui donne au chrétien la joie de se reconnaître aimé inconditionnellement par Dieu, par delà mérites et péchés. La reconnaissance de ce don est première, appelant de la part de qui le reçoit l’exigence intérieure d’une libre réponse amour pour amour. Ce serait impossible (et ça l’est, parce que l’amour de Dieu pour l’homme dépasse infiniment l’amour de l’homme pour Dieu), si, se découvrant enfant bien-aimé du Père, le chrétien ne découvrait en même temps en Jésus-Christ la possibilité – invraisemblable si le Christ ne l’avait décidé ainsi –, qu’en aimant et servant son prochain, ce soit Dieu que l’on aime et serve.

Aimer à cause de Dieu, ou en vue de Dieu ne signifie pas que le prochain soit un moyen pour exercer l’amour même de Dieu, mais que c’est au niveau le plus profond de la présence de Dieu à l’intime de l’homme que s’établit la relation inter-humaine la plus vraie. Vivre pour les autres, consiste à inventer sa réponse personnelle à l’amour incompréhensible de Dieu pour moi, amour inconditionnel qui rend possible le don de moi-même. Répondre à sa vocation implique de tirer parti de ses talents et de ses limites, de la perception des manques et souffrances de ses frères, pour inventer cette réponse. Le cœur et les mains du croyant sont alors le prolongement de ceux du Christ pour exercer – et recevoir – l’amour de Dieu à l’égard des hommes.

La confession

Voici le texte d’un des petits enseignements donnés à l’occasion de la belle « Journée du Pardon », proposée par la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, samedi 17 mars en la Cathédrale de Rodez. Ci-contre, devant l’orgue de la Cathédrale, l’ « Arbre de lumière » que le p. Pierre Pradalié (Villeneuve d’Aveyron) nous a prêté pour cette journée.

Le sacrement, une rencontre

Tout sacrement est une rencontre avec Dieu. La révélation biblique nous donne de croire que Dieu est le Tout Autre, au-delà de tout ce que nous pouvons comprendre ou saisir de lui, mais aussi qu’il peut manifester son amour quand il veut ; plus encore, qu’il le désire profondément, et que cela fait sa joie, parce qu’il l’a fait une fois pour toutes et pour toujours en son Fils Jésus-Christ. Tout sacrement est donc une rencontre avec le Seigneur, via le renouvellement d’un geste ou d’une parole du Christ, l’occasion de lui permettre de manifester son amour, non seulement à mon égard, mais à travers moi, à toute l’humanité. Tout sacrement engage à la fois Dieu qui donne et manifeste ainsi sa gloire, la personne qui le reçoit, l’Eglise tout entière qui le célèbre, l’humanité et le monde pour qui le sacrement a une valeur de salut. Nous célébrons toujours « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».

Sa préparation

Une rencontre avec un tel enjeu, cela se prépare. On ne vient pas sans rien. Mais alors que pour les autres sacrements, on vient avec quelque chose de noble, quelque chose qui a de la valeur : un élément de la Création ou de ce que nous en faisons (« fruit de la terre et du travail des hommes… »), une parole d’engagement total (le « oui » du mariage ou de l’ordination), ou une situation humaine de grande intensité (la naissance, l’entrée dans l’âge adulte, la maladie), au contraire, avec le sacrement de la réconciliation, on vient avec notre péché, ce poids mort, nul, inutile, fait de refus d’aimer, de non-relation, d’ingratitude, de défiguration de l’image de Dieu en nous et dont nous ne savons que faire, et qui même nous encombre. Cela, le Christ veut s’en charger pour nous, il veut le porter pour nous, parce que c’est pour cela qu’il est venu à la rencontre des hommes : « Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde » [qui tollis peccata mundi : qui portes les péchés…]. Encore faut-il vraiment lui apporter notre péché (examen de conscience), en le regrettant (attrition) et en voulant ne plus offenser davantage le Seigneur (contrition et ferme résolution de ne plus pécher).

Aussi la préparation à la confession comporte deux aspects :

– SE DISPOSER À RENCONTRER LE SEIGNEUR, à accueillir son amour. Ne pas hésiter à demander l’Esprit Saint, car c’est une affaire de désir. L’écoute de la Parole de Dieu vient réveiller ce désir, parce que cette Parole est la déclaration d’amour que Dieu fait à chacun de ses enfants, par son Fils Jésus-Christ. Une Parole faite à la fois de bienveillance sans condition, mais aussi d’exigence, car il n’y a pas d’amour sans désir que l’autre grandisse. Prendre donc le temps de prier un extrait biblique, de le recevoir comme une Parole qui m’est personnellement adressée : [par exemple : Ex 1,1-21 ; Dt 30,15-20 ; 2 S 12,1-9.13 ; Sg 5,1-16 ; Si 28,1-7 ; Is 43,1-7 ; Is 55,1-11 ; Jr 31,31-34 ; Ez 36,23-36 ; Os 2,16-25 ; Jon 3 et 4 ; Ps 25 (24), 31(30), 32(31), 51(50), 73(72), 85(84), 103(102), 119(118) ; Rm 3,22-26 ; Rm 6,16-23 ; Rm 7,14-24 ; Rm 13,8-14 ; Ga 5,16-24 ; Eph 2,1-10 ; Tt 3,3-7 ; Jc 1,22-27 ; Jc 3,1-12 ; 1 P 3,8-12 ; Ap 20,11-15 ; Ap 21,1-8 ; Mt 5,1-16 ; Mt 6 ,7-15 ; Mt 9,9-13 ; Mt 18,21-35 ; Mc 7,14-23 ; Lc 6,36-45 ; Lc 10,25-37 ; Lc 15,1-32 ; Lc 18,9-14 ; Lc 19,1-10 ; Jn 8,31-36 ; Jn 15,9-14 ; Jn 20,19-23.] On peut aussi prendre un temps d’une relecture ou d’une révision de vie, pour préparer une action de grâce, à évoquer avant la confession sous la forme d’une ou deux raisons personnelles de dire « merci » au Seigneur : on ne demande vraiment pardon qu’à celui à qui on a des raisons de dire « merci » !

– LUI PRÉSENTER MON PÉCHÉ, envisagé à la lumière de l’amour inconditionnel de Dieu pour moi. Un examen de conscience peut aider à balayer ce qui « en pensée, en parole, par action et par omission » relève du péché. Il y a divers examens de conscience : l’un partira de ma relation à Dieu, aux autres, au monde et à moi-même (car il ne peut y avoir d’amour d’autrui sans amour pour soi-même), un autre du Décalogue, un autre des Béatitudes… Le but n’est pas forcément de tout dire dans le détail, mais de souligner le ou les actes que je perçois comme le plus en rupture avec l’amour de Dieu, et pour lequel je veux demander à Dieu son aide pour qu’il me convertisse. [Remarque : un péché est toujours un acte volontaire, avec une libre adhésion au mal contraire à la volonté de Dieu, une désobéissance à Dieu : attention donc de ne pas confondre le péché avec la tentation, qui n’est que la sollicitation préalable en vue du mal, pour que j’y donne suite. Si j’y cède, il y a péché. Si j’y résiste, je grandis.] Cela dit, aucun examen de conscience ne remplace l’étape de la reconnaissance de l’amour de Dieu qui donne la lumière pour faire apparaître mes ombres : sans cette lumière, notre vrai péché nous reste caché.

La confession elle-même

Se présenter brièvement (situation familiale, professionnelle, religieuse…)

Dire : « Bénissez moi, mon Père parce que j’ai péché » (formule paradoxale, qui dit ce bien que Dieu seul peut faire à partir d’un matériau aussi déficient que mon péché) et dire à quand remonte la dernière confession.

Puis confesser ses péchés, de manière précise, sincère et complète. « Complète », oui, mais tout en sachant que ce n’est pas une scrupuleuse exhaustivité qui est visée – Dieu sait tout ce que nous avons fait – mais le type de regret que l’on en a, la délicatesse du coeur qui prend conscience de ce que par ses péchés il a infligé à son Seigneur, le ton de cette confession – et que Dieu ignore tant que l’on ne le lui a pas dit. On confesse des péchés précis, et pas seulement des tendances générales. Le prêtre peut guider, éclairer, conseiller.

Le prêtre donne l’absolution, la Parole de pardon au nom du Christ, en même temps qu’une pénitence, c’est-à-dire un acte à accomplir qui fait participer activement à l’œuvre de salut et de conversion impliquée par le sacrement.

En résumé…

Le sacrement du pardon est moins une thérapie individuelle ‘pour soi’, que le fait de se mettre à disposition du Seigneur, mais aussi de l’Eglise, pour que s’opère un acte de salut « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », comme c’est le cas dans tout sacrement. Indirectement, secondairement, on s’en retrouve personnellement bénéficiaire. Mais ce qui se passe concerne en fait plus large que soi : partant de la reconnaissance de mon péché, c’est à dire de ce qui de ma part et avec ma responsabilité a fait obstacle à une vie en communion avec Dieu, avec autrui, et avec moi-même (cette reconnaissance du péché qu’est la ‘confession’), je remets tout cela au Christ (via son corps qu’est l’Eglise, c’est à dire via un prêtre) parce que je reconnais que je ne peux plus rien en faire, que cela m’encombre, voire me culpabilise, et qu’un tiers est justement nécessaire pour cette remise des péchés. Plus profondément, en posant l’acte de foi que le Christ saura bien faire quelque chose de ces péchés, mieux, qu’il les a déjà transformés sur sa Croix en acte de salut, de réconciliation, de pardon, c’est dans la confiance que je lui remets ces péchés en les nommant, et que par là-même, je prends de la distance avec eux et permets à Dieu d’exercer sur moi sa miséricorde. Mais pas seulement sur moi : mes péchés me rendent solidaire du péché de tout homme, c’est aussi toute l’humanité qui à travers moi se retrouve bénéficiaire de ce pardon, et à qui je suis envoyé comme témoin de la miséricorde de Dieu [cf. l’Evangile du débiteur impitoyable]. On devrait s’en émerveiller !