Voilà ci-dessous le compte-rendu d’une belle rencontre oecuménique (27/1/2010) à Rodez, avec une conférence à trois voix : celle de Luc Goillot, pasteur des Assemblées de Dieu, de Stéphane Kouyo, pasteur de l’Eglise Réformée Evangélique, et de Jean-Luc Barrié, curé de la paroisse catholique de Rodez.
Tous ensemble face au scandale du mal.
Le texte de ce compte-rendu au format pdf est téléchargeable ICI.
Le diable ? Parlons-en !
Luc Goillot, pasteur des assemblées de Dieu
Peut-on parler du diable aujourd’hui, à l’aube de ce nouveau siècle, le 21e siècle de l’ère Chrétienne… ? Cette conférence lance le débat : « Parlons-en ! » Si vous êtes là, c’est que vous acceptez d’en parler !
Jn 10/9-11 « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour dérober, égorger et détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles soient dans l’abondance. Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis »
De qui Jésus parle-t-il quand il parle du voleur ?
On note l’opposition entre deux volontés :
Celle de Dieu : au travers de Jésus il apporte la vie.
Celle du voleur : il vient pour dérober, égorger et détruire.
En fait, Jésus nous parle d’enjeux spirituels qui nous dépassent.
Il y a vraiment dans le monde spirituel deux armées qui se livrent un combat sans merci.
Une qui veut le bien de l’homme : à sa tête Jésus-Christ. Et l’autre qui veut sa perte : à sa tête le voleur, le diable.
On retrouve cette lutte dans toute la parole de Dieu (Guerres, Job, Moïse, Venue de Jésus…)
Jésus a parfaitement conscience de ce combat :
– Mt 6/13, trad. Chouraqui, BDJ, Crampon, Segond : « ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin »
– Lc 23/31-32 : « Le Seigneur dit : Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point »
L’errance spirituelle dans laquelle se trouve notre 21e siècle n’empêche pas, et je crois même, favorise la curiosité pour tous les messages concernant le monde spirituel…
– Musiques, Films, voyance, astrologie, ésotérisme, sciences occultes, satanisme
Allons-nous laisser nos générations livrées à une découverte hasardeuse et inconsciente du monde spirituel ou allons-nous prendre notre place en tant qu’église pour expliquer que derrière ses choses, quelqu’un a juré la perte de l’homme ? Si Jésus en a parlé et nous met en garde, ne devons-nous pas en parler et mettre en garde nos générations ?
Baudelaire : « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas »
Il y a deux leurres qu’il faut à tout prix éviter :
– Croire que le diable n’existe pas.
– Croire qu’on n’est pas concernés, que le diable n’agit que sur les gens possédés ou dans d’autres pays ou époque que les nôtres.
Ep 6/11-12 « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. »
1 Pi 5/8 « Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera »
Personnellement, je pense que la raison pour laquelle l’homme échoue en face du mal, c’est qu’il essaie de s’attaquer au mal lui-même, au lieu de lutter contre celui qui répand le mal.
Derrière la violence, les pulsions autodestructrices, les haines, les guerres, l’amour de l’argent, l’égoïsme, le mépris, la chute des valeurs morales, ce sont les puissances mauvaises gouvernées par le diable qui s’organisent pour détruire l’humanité et contrecarrer le plan de salut de Dieu…
Dès lors il est intéressant de se poser la question :
Que fait concrètement le diable aujourd’hui ?
Le diable ne peut s’attaquer directement à Dieu car il lui est inférieur et donc il a choisi de s’attaquer à ses créatures… (Exemple de Job…)
Ces différents noms trouver dans la parole de Dieu nous permettent de le démasquer dans ses intentions :
1 Diable = le diviseur : guerres, racisme, discriminations, insoumission, éclatement des familles. Il arrive même à diviser les Chrétiens !
2 Adversaire = s’oppose à Dieu
– Avant l’homme (Ange qui s’est opposé à Dieu, Es 14 et Ez 28)
– Cela est encore à l’origine de l’humanité : Le serpent a détourné l’homme et la femme du plan de Dieu… (Ge 3/1)
3 Malin = il ne se présente pas avec sa fourche et ses cornes !
2 Co 11/14 « Il se déguise en ange de lumière »
De 18/9-12 « Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel »
4 Menteur = détourne la parole de Dieu ou se fait passer pour Dieu.
Ge 3 « Dieu a-t-il réellement dit » ! (2 Co 11/3-4, Lc 8/12 parabole du semeur)
2 Th 2/3-4 « Que personne ne vous séduise d’aucune manière ; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu »
V9 « L’apparition de cet impie se fera, par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers »
Le danger guette tous les mouvements religieux : Erreurs de l’histoire…
5. Satan = accusateur des frères : Ap 12/10 Il nous écrase sous la CULPABILITE alors que Jésus est venu nous en libérer !
6. Voleur = le but est de nous voler le destin que Dieu a mis en place pour nous (Ep 2/10)
(Signification du mot péché)
Faut-il être fataliste ?
Non, nous avons le pouvoir de lui résister :
1. Etre conscient de son existence et de ses objectifs (2Co 2/11 et Ac 26/18)
2. Se soumettre à Dieu (Ja 4/7). Nous sommes vainqueurs sur lui en Jésus-Christ.
Jésus face au scandale du mal
Stéphane Kouyo, pasteur de l’Eglise Réformée Evangélique
(notes écrites par Stéphane Kouyo, plus complètes que son exposé oral)
Tous les jours sur terre, des millions de personnes sont aux prises avec le mal et la souffrance. Si Dieu nous aime, que fait-il face à toute cette souffrance, face à tout ce mal ? Comment concilier l’existence d’un Dieu bon et tout-puissant avec la présence du mal et de la souffrance dans le monde et dans l’histoire ? Le mal n’est-il pas le déni de l’existence d’un Dieu d’amour ?
Lactance, un philosophe du troisième siècle après Jésus-Christ formule bien la problématique : Si Dieu veut supprimer le mal et ne peut le faire, c’est qu’il n’est pas tout-puissant, ce qui est contradictoire. S’il le peut et ne le veut pas, c’est qu’il ne nous aime pas, ce qui est également contradictoire. S’il ne le peut ni ne le veut, c’est qu’il n’a ni puissance ni amour et qu’il n’est donc pas Dieu.
Pourquoi le mal est un scandale ?
Sous ces deux formes – la souffrance et la faute – le mal est un scandale parce qu’il constitue ce qui ne peut ni être compris ni être aimé. Il est éprouvé comme ce qui détruit, il va contre tout ce qui est bien, beau, vrai juste et sain (saint ? !). Ainsi il est un véritable objet de scandale, pour l’esprit et pour le cœur, pour la raison et pour l’affectivité, pour le corps et pour l’âme.
Il faut faire une petite distinction entre le mal et la souffrance ou la douleur. Si le mal est une espèce de déchirure de l’être, c’est donc une injustice et une violence. La souffrance est elle, la réaction au mal qui affecte l’être. Ainsi la souffrance est une fonction de la vie – elle ne s’identifie pas au mal, mais elle lui est liée. Nous cherchons à ne pas souffrir, ni physiquement, ni moralement, ni spirituellement.
Des tentatives pour réduire ce scandale :
1) La raison : expliquer le mal
Le mal dans la nature s’explique et se justifie dans la mesure où il est le corrélat d’un bien meilleur. Pour exemple prenons le darwinisme qui explique que la vie progresse grâce au processus évolutif et que la condition de cette progression est la loi de l’évolution selon laquelle il y a survie du plus apte. C’est pour le bien de l’espèce que les animaux malades ou âgés disparaissent. C’est pour le bien de l’ensemble des vivants que telle ou telle espèce disparaît. C’est pour le bien de l’ensemble de la vie que les groupes zoologiques doivent s’adapter – certaines espèces survivre et se développer tandis que d’autres disparaissent. Le processus est au bénéfice de la vie elle-même.
2) La morale : prôner le détachement
Le mal n’est pas seulement une déchirure pour la raison, il est aussi une déchirure pour l’affectivité. Là, il est source d’une douleur qui n’est pas facile à vivre. Aussi les traditions de sagesse ont élaboré une manière de l’esquiver ou de la contenir. Une des stratégies face au mal est d’éluder cette blessure. Cette attitude invite à une mise à distance que les sages appellent le détachement. Il ne faut pas s’attacher pour ne pas être blessé par la douleur de la perte en quoi consiste le mal.
3) L’attitude religieuse
Le mal et le bien sont deux principes antagonistes. Ce sont deux forces divines qui agissent dans le monde.
Ces trois attitudes et bien d’autres ne sont pas satisfaisantes. Elles éludent la vraie difficulté.
La vision chrétienne :
Elle propose une voie plus exigeante. Elle écarte les faiblesses du dualisme religieux en confessant strictement un Dieu unique. Elle récuse la mise à distance du tranchant de la douleur comme si le mal pouvait être oublié. Elle refuse enfin une explication rationnelle qui efface le scandale du mal et le justifie d’une manière ou d’une autre.
Jésus-Christ est la réponse de Dieu à la question du mal. Sans donner d’explication à la présence du mal le Seigneur propose une solution. Dans la personne et l’œuvre du Christ Dieu se rend victorieux du mal. Dans la mort et la résurrection de Jésus il triomphe du mal et de la personne du diable. Cet adversaire est ainsi désarmé, vaincu, maîtrisé.
Comment cette victoire s’est-elle orchestrée ?
La victoire prédite : la première prédiction a été faite dans le jardin d’Eden et constituait un aspect du jugement porter contre le serpent : ‘’je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre sa descendance et sa descendance : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon’’ (Gn : 3,15). Nous identifions, avec raison, la descendance de la femme au Messie qui établira le règne de justice de Dieu et mettra fin à la domination du mal.
La victoire amorcée : l’action de Jésus et son message sont le signe visible de la victoire avenir malgré les oppositions qu’il connaîtra.
La victoire remportée : c’est à la croix que cette victoire est remportée. C’est par sa mort que le Christ devait « écraser celui qui détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable », et délivrer tous les captifs (He 2 :14-15).
Le passage qui souligne avec le plus de force la victoire de Christ est peut-être celui de Col 2 :13-15 : « … en nous faisant grâce pour toutes nos toutes nos offenses ; il a effacé l’acte rédigé contre nous et dont les dispositions nous étaient contraires ; il l’a supprimé en le clouant à la croix ; il a dépouillé les principautés et les pouvoirs, et les a publiquement livrés en spectacle, en triomphant d’eux par la croix. »
La victoire confirmée et proclamée : si la croix est la victoire remportée, la résurrection est la victoire reconnue, annoncée et démontrée. « Il n’était pas possible qu’il soit retenu par la mort » Actes 2 :24. Les principautés et les puissances mauvaises qui, à la croix, ont été dépouillées de leurs armes et de leur dignité, sont désormais placées sous ses pieds et lui sont soumises (Eph 1 :20-23 ; 1Pi 3 :22).
La victoire qui s’étend : plus l’Evangile progresse, plus s’étend l’œuvre rédemptrice de Dieu. Toute conversion chrétienne implique une confrontation de puissance dans laquelle le diable est contraint de renoncer à ses droits sur quelqu’un ; ce duel qui tourne à l’avantage du Christ démontre combien sa puissance est supérieure à celle du diable.
La victoire consommée : Au retour de Christ, le diable sera définitivement placé hors d’état de nuire. Il n’y aura plus de larmes mais nous connaîtrons la félicité éternelle.
En attendant ce jour béni, nous sommes appeler à vivre dans ce monde avec cette foi inébranlable dans la victoire du Christ, dans notre propre vie et dans le monde. C’est la victoire du Christ est celle de son peuple. Elle est aussi rendu possible dans le concret de la vie.
Le mal n’est et ne doit pas être une fatalité et notre foi nous pousse à lutter contre le mal dans toutes ces expressions. C’est de cette manière que nous nous approprions la victoire du Christ.
Nous devons donc développer notre capacité de révolte contre le mal, pour le refuser, le combattre dans nos vies et dans le monde. Dans ce combat, nous ne sommes pas seuls. Nous avons reçu le Saint Esprit, notre force.
L’Eglise face au mal et à la souffrance
Jean-Luc Barrié, curé de la paroisse catholique Notre-Dame de l’Assomption
Un peu d’histoire
– Dès ses débuts, l’Eglise a combattu le mal et la souffrance par la solidarité, le partage :
Act 6,1-3 : des diacres pour s’occuper des veuves
Act 3,1 : Le boiteux de la belle porte guéri par Pierre et Jean
– Tout au long de l’histoire, elle a mis en place tout un arsenal de structures pour combattre la souffrance : hôpitaux (sœurs du Saint Cœur), orphelinats, écoles (Ste Famille à Villefranche de Rouergue), aide aux femmes en détresse (Ste Famille, congrégations diverses… je donne là des exemples aveyronnais, mais il y en a partout dans le monde). La plupart de nos congrégations religieuses sont nées pour soulager une souffrance à une époque… (pensons à Mère Térésa de Calcutta, à Sœur Emmanuelle au Caire, à l’Abbé Pierre en France…)
– Certaines de ces structures ont été prises en charge par l’Etat et d’autres institutions laïques, et nous nous en sommes alors séparés pour nous investir dans des lieux où des besoins nouveaux se faisaient sentir. Je pense à l’accompagnement des premiers malades du Sida où l’on a vu beaucoup de religieuses : une docteur d’un grand hôpital de Paris m’a dit à l’époque « heureusement qu’elles étaient là, on ne trouvait personne pour les accompagner… »
– Aujourd’hui sur la Paroisse Notre Dame de l’Assomption, sont présents par exemple :
– Secours Catholique et St Vincent de Paul : pour combattre la pauvreté chez nous. Des associations qui travaillent avec les services sociaux ou directement pour un secours d’urgence et un accompagnement des personnes en grandes difficultés sociales. Je peux dire pour y avoir participé que remplir le frigo d’une maman de deux enfants qui n’a plus rien à leur donner, c’est important.
– CCFD : pour une solidarité avec les pays du Tiers Monde. Une ONG, je crois la plus importante, de solidarité mais surtout d’aide au développement dans les pays pauvres. Pas seulement apporter un sac de riz, même s’il faut le faire pour que les gens ne meurent pas de faim, mais également soutenir les initiatives locales pour un développement, une autonomie alimentaire de ces pays.
– Aumôneries des hôpitaux, le Service Evangélique des Malades par rapport à la maladie…
– Aumôneries des prisons : souffrance psychologique et sociale. Des laïcs et un prêtre qui visitent les prisonniers.
– Mère de Miséricorde : femmes en détresse (grossesse non désirée)
– Accompagnement des familles en deuil : des équipes de laïcs qui accompagnent, se rendent présents auprès des familles pour préparer la sépulture mais aussi pour signifier notre soutien, notre solidarité dans ces moments dramatiques et douloureux.
Quelle attitude de l’Eglise face à la souffrance ?
D’abord la prière : car cela ne sert à rien de bâtir sans Dieu.
Souffrance sociale : Le Partage et solidarité, donner le nécessaire, le vital, ne pas laisser les personnes mourir de faim, un enfants sans vêtement, mais aussi sans jouets à Noël… Aider à payer la facture du fuel pour ne pas vivre l’hiver dans le gel… Permettre de se redresser, de retrouver sa dignité, de se prendre en main. Les aider à ne plus se sentir rabaissés, exclus, mis à part, montrés du doigt, ou au contraire invisible (SDF)
Dénoncer les injustices, lutter contre elles, combattre les causes de ces injustices. Cf. Rapport annuel du Secours Catholique, chrétiens engagés dans diverses organisations syndicales et associatives, Action Catholique…
Interventions des évêques de France à Lourdes cette année sur les sans papiers :
Non seulement elles doivent bénéficier de moyens de subsistance dignes d’une personne humaine (nourriture, hygiène, soins médicaux, etc.) mais encore elles doivent pouvoir accéder normalement aux informations nécessaires à leur défense. Le fait d’être en situation irrégulière ne fait pas perdre ses droits élémentaires à quelque personne que ce soit. Quel que soit le bien-fondé des décisions judiciaires ou administratives, leur application doit respecter ceux qui sont concernés, en particulier les enfants et les jeunes pour lesquels les liens familiaux doivent êtres privilégiés.
Encyclique du Pape Benoît XVI : « L’amour dans la vérité »
ACAT : lutte contre la torture (œcuménique)
Maladie : Présence silencieuse et gratuite, accompagnement, compassion, prière avec et pour les malades. Etre là, simplement, par pur amour, dans une attitude de compassion. Pas pour dire, mais pour accueillir ; pas pour récupérer, mais pour offrir une aide ; pas pour enseigner, mais pour écouter… Une présence qui manifeste la présence et la tendresse de Dieu.
Réponse sacramentelle : le sacrement des malades qui signifie, rappelle, manifeste, la présence de Dieu, de la force de son Esprit, dans la maladie, la souffrance ou la fin d’une vie.
L’attitude de l’Eglise catholique face au mal, ce sont les prises de paroles de sa hiérarchie, mais c’est avant tout et surtout l’engagement de baptisés dans les différents combats pour la justice et la paix, contre tout ce qui opprime l’homme. J’aurais pu donner de multiples exemples, peut-être des catholiques présents se disent, il n’a pas parlé de ceci ou de cela, mais on ne peut pas faire ici un inventaire exhaustif, simplement voir les grandes lignes de cette attitude qui prend des visages multiples.
Des mots clefs : SOLIDARITE- PARTAGE – LUTTE CONTRE L’INJUSTICE – DENONCIATION – PRESENCE – COMMUNION – COMPASSION
La source de ces attitudes
Jésus n’a pas donné de justification à la souffrance, ni d’explication.
Lc 13,1 : Les victimes de la tour de Siloé pas plus pécheurs que les autres.
Jn 9,2 Aveugle de naissance : « lui ou ses parents qui ont péchés ? » Réponse de Jésus : la guérison de l’aveugle.
Jésus a combattu les causes de la souffrance :
Il a dénoncé tous ceux qui à son époque étaient responsables d’injustice et de souffrance :
Mc 12,40 Les scribes qui dévorent les biens des veuves. Et tout le chapitre 23 de Matthieu sur l’hypocrisie des scribes et pharisiens qui exploitent le peuple en abusant de leur pouvoir…
Jésus, chaque fois qu’il a pu, a soulagé la souffrance : toutes ses guérisons…qui rendent aussi aux personnes leur dignité et leur place dans la société.
Jésus a habité notre souffrance :
Il a fait sienne toute souffrance au jardin des Oliviers, lors de son jugement et sur la croix. Entre le jardin des Oliviers, l’arrestation, le jugement, les fausses accusations, les injures, les crachats, les quolibets et moqueries, l’abandon de ses disciples, la souffrance de femmes qui l’entourent, les coups, les tortures, la crucifixion, la mort sur la croix… Je pense qu’il n’est pas une souffrance qu’il n’ait touchée, fait sienne, habité de sa présence, de son amour, de son don de lui-même. Mais il l’a fait sienne toute au long de sa vie :
Jean 11,33 : Jésus pleure son ami Lazare…
Lorsqu’il les vit se lamenter, elle et les Juifs qui l’accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla. 34 Il dit : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils répondirent : « Seigneur, viens voir. » 35 Alors Jésus pleura ; 36 et les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »
Cf. Livre de Jacques Ellul « Si tu es le Fils de Dieu… Souffrances et tentations de Jésus » :
Dans le credo nous disons couramment : « Il a souffert sous Ponce Pilate » (donc il n’a souffert que sous Ponce Pilate !), puis « Il a été crucifié ». Alors que le texte véritable (et conforme à la construction grammaticale latine) est : « Il a souffert ; sous Ponce Pilate il a été crucifié. »
Jésus, par sa mort et sa résurrection, à fait de la souffrance un instrument de Salut :
C’est par le don de sa vie sur la croix qu’il nous a donné part à sa vie divine et gloire, de joie et de paix éternelle. La souffrance, le mal suprême, la mort, qui l’échec absolu, devient en lui et par lui un chemin de vie, de salut, de gloire et de joie infinie. Ce qui est le mal suprême nous ouvre au bien suprême.
Marie au pied de la croix, silencieuse, qui souffre de la souffrance de son Fils (Jn 19,26-27)
…comme le lui avait annoncé Siméon (Lc 2,3)
La souffrance peut…
– La souffrance n’a pas de sens en elle-même, mais elle peut être vécue en communion avec Jésus en croix et permet de participer à son œuvre de rédemption.
Elle peut être aussi un lieu de purification, de conversion.
Elle peut être un lieu d’expérience du mystère Pascal.
Cela est expérimenté par beaucoup de croyants, mais ce n’est pas quelque chose que l’on peut assener à quelqu’un qui est en souffrance. Ce n’est que petit à petit, dans un accompagnement de proximité et dans le temps que les choses peuvent se découvrir avec l’aide de l’Esprit Saint. Et l’expérience d’une personne ne peut être donnée en modèle ou en exemple, elle peut simplement ouvrir une brèche, permettre un pas vers la paix.
J’ai vécu cela dans de nombreux accompagnements de malades ou de familles fortement touchées par un deuil.
Questions-débat
Peut-on considérer que la mort fait partie du mal, alors qu’elle est intrinsèque à la vie ? Pourquoi dit-on que Jésus est venu vaincre la mort ?
JL – La mort est l’échec absolu, humainement parlant. Il y a une brisure de la relation, de la présence de la mort. Là où Jésus vainc la mort, c’est qu’il en fait le lieu d’une vie nouvelle, dans une relation, une communion des saints, qui fait que celui qui naît en Jésus à cette vie nouvelle est présent. Jésus a fait de l’échec absolu, le don absolu de la vie divine.
S – A côté de l’expérience existentielle de la mort, dès l’origine, il est question de la mort. Si vous mangez du fruit de l’arbre interdit… il y a d’abord mort spirituelle. La mort est rupture de lien avec notre Créateur, notre Père céleste.
Comment envisager le mal en dehors de la religion, en dehors du Christ, pour accompagner la souffrance de quelqu’un qui n’a pas la foi…
L – On a en tant que chrétien un devoir d’écoute, d’accompagnement et de partage. La question me déstabilise, car je ne vois pas comment envisager autrement qu’en chrétien… On va témoigner, sans pour autant imposer notre foi à ceux qui la refusent. L’écoute est ce dont on a le plus besoin quand on souffre.
R.Salles – L’expérience de plusieurs années de soins palliatifs nous a montré que la demande religieuse est rare en fin de vie, et que le mourant est rasséréné lorsqu’il s’est mis en relation satisfaisante avec lui-même, parce qu’il a résolu un problème d’inimitié le plus souvent familiale. On a mult exemples d’attente du mourant de celui avec qui il veut se réconcilier.
M.Salles – C’est l’écoute du malade qui importe en premier. On est là pour être avec lui, rétablir la relation.
L – S’il est vrai que malheureusement il y a peu de demande religieuse, je vois des signes d’une relation avec Dieu, d’un face à face avec Dieu qui peut se faire sans mot, sans nous, un Dieu bon qui amène l’homme à une réconciliation avec soi et les autres certes, mais aussi avec lui.
Il y a aussi de la méchanceté, du cynisme, des gens qui torturent, des méchants. Comment expliquer cela ?
S – Le mal implique la souffrance pour celui qui le subit, et la faute pour celui qui le commet. Il a été question de lutte plus que d’explication, lutte à différents niveaux : social, politique y compris… Quelquefois, les méchants triomphent en ce monde (cf. Psaumes), mais dans un regard de foi, il ne faut pas s’en tenir au seul temps ici bas, mais voir à l’échelle de l’éternité et du Jugement final. La foi au Christ vient dire la victoire sur le mal et la méchanceté des méchants. Un jour, il y aura rétablissement de la justice par Dieu, et chacun aura à rendre compte de ce qu’il a fait.
JL – Dieu nous a créé à son image et donc libre, à la différence des animaux qui obéissent à leur instinct. Libres jusqu’à pouvoir dire non à Dieu. Une liberté qui rend capable de faire des choses magnifiques, mais aussi de pécher. On est impliqué dans ce péché. Notre liberté nous fait nous aussi mener ce combat spirituel : qu’est-ce que je fais de ma liberté ?
L – Paul dit dans Rm qu’il n’y a aucun homme qui soit juste. Nous sommes tous pécheurs. Je fais le mal que je ne veux pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais faire. Nous ne sommes pas au dessus de Paul. Veillons nous-mêmes à ne pas faire de mal, avant de condamner le mal en autrui, alors qu’il est en nous. Que l’Esprit soumette mon esprit au sien ! Cf. Ga 5 qui nous parle de la lutte de la chair et de l’Esprit. Il y a du bon en l’homme, mais l’homme sans Dieu est souvent perdu… Cf. Les génocides… Derrière tout cela, il y a le diable.
Que répondre à Camus au sujet de la mort de l’enfant ?
JL – Cette question de la mort de l’enfant innocent, pose la question du « comment Dieu a-t-il pu créer un monde où un enfant innocent puisse mourir ? » Gn 1 nous dit que Dieu vit que le monde qu’il avait fait était bon, voire très bon, mais non parfait. Un monde non fini, en croissance, en création, avec des imperfections, des accidents… Cela n’enlève rien au scandale. Cela est la même chose pour le tremblement de terre d’Haïti. C’est un mystère, au double sens de ce que mon esprit ne peut l’atteindre, et de ce que Dieu y est présent.
L – On ne peut pas avancer sur cette question. On n’est pas Dieu. Ce qui me touche plus que le départ d’un enfant, car je crois qu’il y a quelque chose au-delà de la mort, c’est la souffrance de l’enfant. Cela nous dépasse totalement. Il n’y a pas d’explication.
JL – Je me rappelle un jeune couple dont le premier enfant meurt d’une maladie orpheline dans des souffrances impossibles, et qui m’accueille comme prêtre pour préparer la célébration des obsèques, et qui mystérieusement avaient une paix infinie dans leur cœur. Là, j’ai vu la grâce divine : Dieu était présent. Ils ne m’ont jamais posé la question du pourquoi.
Est-ce que Dieu permet la souffrance pour que l’homme se tourne vers lui ?
S – Dieu peut se servir dans sa souveraineté pour attirer les gens à lui. Et heureusement qu’il s’en sert, qu’il est capable d’utiliser du meilleur et du pire.
JL – Un papa ou une maman ne supportera jamais de voir souffrir un enfant sans rien faire. Dieu souffre de notre souffrance. Il ne peut « permettre » en vue de… mais il est capable de faire de la souffrance un lieu de l’expérience pascale.
L – Je crois plutôt en un Dieu totalement souverain, et qui permet que je souffre. Pourquoi, comment ? Je n’en sais rien… mais je crois que le premier objectif de Dieu est de nous amener au salut, et que notre passage ici-bas est une préparation de notre éternité. Je n’en déduis pas une règle en disant que toutes les souffrances sont voulues par Dieu, encore moins qu’il y prend plaisir, mais je mesure que pour moi, c’est dans les moments difficiles que Dieu m’a rejoint.
S – On parle souvent du scandale du mal pour le reprocher à Dieu, mais ce peut être aussi une occasion de glorifier Dieu, dans sa capacité de faire d’un mal un bien. Du pire, le Seigneur est capable de faire le meilleur. Il n’est pas limité par l’outrance des hommes, pour nous dire combien il nous aime. Si Dieu le permet, s’il est souverain sur toutes les choses…
Celui qui est forcé de commettre le mal, comment situer ce mal ?
S – Je dois obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Réponse simple, mais je ne sais pas si je serai capable de résister. En tous cas, c’est ce que nous devons faire. Il y a des martyrs qui le font.
En catéchèse, faut-il parler du diable ?
L – Oui, dans nos églises (assemblées de Dieu), car on n’élude pas cette question. Mais il faut voir à quel âge le dire. Eviter aux tout-petits. On peut aussi en parler mal, ou lui donner trop d’importance. Cela dit, des jeunes fréquentent le monde occulte, et il faut les mettre en garde.
J.Sylvain (ERF) – J’ai été catéchiste pendant une dizaine d’années. Nous préférons parler du Mal que du diable.
S – La catéchèse concerne enfants et adultes. Même des chants pour enfants en parlent. Maintenant, ce n’est pas forcément bien fait. Au niveau pédagogique, c’est parfois léger. Aujourd’hui, il importe que nous ayons moins peur d’en parler, car les jeunes en parlent facilement, et pratiquent des choses, des expériences occultes.
JL – Dans l’Eglise Catholique, on parle peu du diable, mais du mal, en veillant à ce que l’on puisse l’identifier, dans les luttes, et le combat spirituel. On en parle peu, car il y a une imagerie, et le danger qu’il pourrait y avoir deux dieux qui se combattent. L’idée d’une trop grande personnalisation du mal peut amener à un dualisme.