Bienvenue…

Une ligne dans le journal « La Croix » d’hier sur ce « blog », et les statistiques de fréquentation passent de 50 visiteurs par jour à 400. En fait, s’il se sert de l’hébergeur over-blog, il ne s’agit pas d’un journal personnel, mais plutôt d’un site de présentation de documents écrits, d’articles rédigés ou d’images confectionnées, de sites web élaborés pour les besoins pastoraux…

Voici quelques liens sur des fichiers à télécharger :

– deux  liens vers des diaporamas Powerpoint réalisés récemment à l’intention de collégiens de 6èmes : le premier (7,5 Mo) à propos des deux derniers jours de la Création (Gn 1,26-2,4) ; le second (1,3 Mo), en forme d’apologue sur le travail pour lequel Dieu veut embaucher l’homme…

– (à suivre…)

Visibilité chrétienne

La semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens a commencé. Jeudi dernier à Rodez, nous avons pu entendre le pasteur Marcel Manoël (président du Conseil National de l’Eglise Réformée de France) donner une conférence éclairante sur le thème : « Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne« .

Déjà, à l’initiative de la paroisse de l’ERF de Rodez, le pasteur Manoël était intervenu à la MJC de Rodez au printemps 2004 sur un sujet proche. Il nous a donc été donné de le réentendre prolonger sa réflexion et en particulier préciser les pistes qui lui paraissent prioritaires pour les Eglises dans un monde sécularisé.

En sa conférence de 2004, être chrétien dans une société sécularisée impliquait pour lui de répondre aux trois questions suivantes :
Qui est Dieu ?  Qu’est-ce que la vie ?  Qu’est-ce que l’avenir ?

Deux ans après, le pasteur Manoël a esquissé trois pistes de réponse à ces questions : la prédication du Dieu de Jésus-Christ, le service de la construction de soi, la célébration liturgique. Mais il a aussi signalé deux fausses pistes : le retour intégriste et le conformisme à la modernité, et ce qu’elles trouvent en nous comme connivence.

Voici donc les notes que j’ai prises jeudi dernier de cette belle réflexion chrétienne (rendant inadéquat le texte déroulant en titre de ce blog). Bien sûr, ces notes n’engagent pas le conférencier.

***

 

Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne

Comment rendre visible notre foi dans une société laïque ? C’est une question qui est commune à nos Eglises qui ont toutes à sortir de leurs murs. Le point de vue présenté est protestant, mais les fondements à partir desquels nous partons sont les mêmes.

Deux réflexions de Jésus sur la foi :

A ses disciples qui lui demandent : « Augmente en nous la foi » Jésus répond : « Si vous aviez la foi grande comme… vous diriez à cet arbre de se déraciner et il irait se planter dans la mer » Evidence de la foi qui n’a pas peur de l’extraordinaire, et en même temps expression d’un manque, d’un pas-assez : la foi devrait être extraordinaire, mais cela n’est pas le cas… L’évidence de la foi n’est pas celle d’un spot publicitaire, mais elle doit être un défi, à nos pudeurs, à nos fuites, à nos prétentions, à nos compétences affichées, nos désirs de réussite, nos manques de foi.

Jésus ressuscité face à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui sans avoir vu ont cru » La foi n’a pas besoin de visibilité pour être suscitée, pour être crue, pour être. A ceux qui lui demandent des miracles, des guérisons, des signes : « pas d’autre signe que celui de Jonas ». Pas d’autre visibilité que celle qui n’est pas immédiatement visible, mais a besoin d’une interprétation pour être reçue. La foi n’est pas conditionnée par la mesure du visible. Les sociologues peuvent mesurer des signes, des indicateurs d’identité religieuse, de pratique, de présence religieuse etc… mais fondamentalement, la foi ne peut être enfermée dans ces signes : elle les déborde, elle relève de la surprise d’une rencontre vivante (cf. Mt 25 : « Quand t’avons nous vu affamé, assoiffé… ? ») La foi comme surprise !

D’où trois questions :

– De quelle visibilité s’agit-il ?

Nos Eglises ont des pratiques grammaticales différentes pour articuler foi et Eglise. Les protestants souligneront l’importance de la foi, le lien premier du croyant avec le Seigneur, qui l’amène ensuite à se reconnaître comme membre de l’Eglise : d’où le primat d’une annonce de la foi, du témoignage de foi. Les catholiques soulignent que la foi naît et se développe au sein de l’Eglise : d’où l’insistance sur la visibilité ecclésiale, d’un clergé, des lieux d’Eglise, une visibilité qui permet de questionner et de susciter la foi. Il ne faut pas trop séparer ces points de vue.

En fait, il n’y a pas de prédication sans Eglise. Et il ne sert à rien qu’il y ait des bâtiments et un clergé, s’il n’y a pas témoignage de foi. Pour les protestants, il y a une visibilité évangélique (une vie transformée par le Seigneur), ecclésiale (unité confessée), sociale (engagement pour la paix), mais le tout remis au Seigneur lui-même qui seul peut faire au-delà de ce que nous pouvons faire nous-même. Les catholiques dans leur catéchisme insistent sur le fait que la vie de la foi est reçue de l’Eglise, mère de notre nouvelle naissance, éducatrice de notre foi. Mais Calvin le disait aussi : « l’Eglise est mère de tous ceux dont Dieu est Père. »

Il y a des situations où l’Eglise ne peut être visible, lorsqu’elle est persécutée. Mais même dans ces situations, l’Eglise a toujours de souci d’une certaine visibilité pour rayonner de sa foi.

– De quelle sorte de visibilité parlons-nous ?

S’agit-il de la médiatisation, en particulier télévisuelle ? « Vu à la télé » pour beaucoup de nos contemporains, est un critère de fiabilité, de vérité ! Les média valident des modes de vie et des idées qui s’en retrouvent revêtus d’une légitimité indiscutable. Cf. L’image de la famille dans la télé : aujourd’hui, la famille recomposée a quasiment le monopole de la représentation du bonheur. C’est une famille recomposée dans un milieu aisé. Si c’est dans un milieu plus défavorisé, il s’agit plutôt d’une famille éclatée, à qui on attribue tous les maux. La famille traditionnelle est présentée comme oppressive, ringarde. Sans caricaturer les média, parce que les média peuvent jouer un rôle positif pour ouvrir les consciences, on peut dire que les classes dominantes tendent à diffuser leurs normes et valeurs dans les média, et ces valeurs ultra modernes ne sont pas chrétiennes.

Pourquoi si peu de place aux événements ecclésiaux dans les média, ou en les cannibalisant (cf. la mort de Jean-Paul II ? Pourquoi les Eglises ne consacrent-elles pas plus de moyens dans ce média télévisuel ? Pour la télévision, les chrétiens sont perçus comme inintéressants. Nous éprouvons de la difficulté à nous couler dans le langage très fortement binaire de ces média, dans les 6 ou 7 secondes qu’on vous laisse pour donner votre avis. C’était la souffrance du cardinal Decourtray, lorsque les média avaient caricaturé et trahi sa position sur la guerre d’Irak. La réalité humaine à laquelle nous voulons être ouverts et attentifs, ne peut être soumise à ce langage binaire, qui est un langage de pouvoir, utilisant les catégories du permis/défendu. Pour l’Eglise, qui a le passif d’être considérée comme moralement oppressive, cela rend la communication encore plus difficile.

Mais la visibilité ne passe pas seulement par la télévision. D’autres média favorisent davantage la réflexion. Pour une visibilité de proximité, nos contemporains connaissent des hommes, des femmes, des lieux, chez qui une attention, un soutien peut être obtenu. Pour une visibilité de service, l’Armée du Salut, le Secours Catholique, dont les média parlent peu, mais qui ont une forte visibilité. Idem pour une visibilité associative. Il ne s’agit donc pas d’entrer dans la concurrence de la visibilité médiatique, de connaître cette pulsion idolâtre d’ « être-vu ».

– Société laïque ?

C’est moins la laïcité qui pose problème, que la forme moderne de la société sécularisée dans laquelle nous sommes entrés. Notre société est devenue sécularisée.

La société religieuse d’hier était fondée sur des valeurs transcendantes, reçues d’ailleurs, transmises par l’Eglise ou l’institution royale : le pouvoir venait d’ailleurs, pour établir l’ordre, ou exclure ceux qui y contreviennent (« une foi, une loi, un roi ») ; ceci était valable aussi bien en régime royal catholique, qu’en régime démocratico-théocratique de la Genève calviniste. Dans cette société religieuse, la question de la visibilité de l’Eglise ne se pose pas : elle est au centre de tout ; la foi imprègne toute la société (la seule confession non sociétale est en fait celle de l’athéisme, de l’hérésie). Pas besoin alors de visibilité !

Avec la société sécularisée qui ne reconnaît pas d’autres valeurs que celle qu’elle reconnaît en son sein, au lieu du « Tu ne tueras point », on a une société qui détermine par le débat démocratique quelles sont les conditions de respect de la vie. Si au départ le point de vue moral est presque le même, le fondement est différent. Ce point de vue peut évoluer, au plan moral, économique… Dans cette société, l’Eglise n’est plus nécessaire, et relève du domaine privé. L’historien-sociologue Jean Baubérot, distingue deux seuils de sécularisation : (1) le Concordat, avec une fragmentation institutionnelle, des institutions qui prennent leur autonomie par rapport à l’Eglise, mais la religion reste une institution, parce qu’elle est nécessaire pour fonder la morale ; (2) les lois laïques et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui retirent leur légitimité aux institutions religieuses, relevant du régime d’associations privées ; ce qui ne veut pas dire que l’on interdise ces institutions : la loi de 1905 est fondée sur la liberté de conscience et de culte pour tous. Les chrétiens ont le droit de dire, prêcher, pratiquer leurs convictions avec comme seule limite, celle de ne pas troubler l’ordre public. Il ne faut pas renoncer à cela ! De plus, les Eglises ont gagné de cette séparation une liberté, une indépendance, alors que le Concordat donnait à l’Etat un droit de regard sur les nominations d’évêques, sur les consistoires protestants. Dans ce régime sécularisé, la visibilité de la foi ou de l’Eglise n’a plus l’évidence d’antan, mais cette visibilité reste légitime et réelle. Sans parler de la visibilité du clergé lors de certains moments de la vie publique (11 novembre…), les Eglises ont pris une large part dans la création de nombre institutions modernes : colonies de vacances, clubs de foot, lieux d’accueil des SDF…

Les choses sont en train de changer dans notre époque post moderne ou ultra moderne, avec la prévalence des valeurs individuelles sur celles de la société : « sois toi-même ! » L’individu est enjoint de créer ses propres valeurs. Scepticisme sur l’avenir de notre société conjugué avec une confiance personnelle en son avenir individuel. Doute sur les valeurs de la société, avec les difficultés d’intégration, les phénomènes de violence et d’exclusion… mais aussi l’appréciation des possibilités fantastiques offertes à chacun (internet, bio-génétique). Plus besoin d’institutions religieuses ; « fin du social » (Alain Touraine) « production de soi par l’individu, à partir de ses choix », choix moraux, culturels, religieux, d’orientation sexuelle… Dans cette société là, ce ne sont plus seulement les Eglises qui sont contestées, mais toutes les institutions : l’Education nationale qui ne peut imposer un moule, mais se voit simplement chargée de faire advenir les potentialités de l’individu ; la Justice et le Droit – auparavant chargés d’imposer des normes communes – aujourd’hui chargés de garantir des droits, des libertés individuelles. Le Politique se retourne alors vers les religions pour produire de nouvelles valeurs sociales, ou espère qu’une restauration de valeurs communes pourrait permettre un retour à l’ordre républicain. Illusion. Parce que les mouvements de valorisation de l’individu sont beaucoup plus forts.

– Deux tentations pour les Eglises

Les Eglises sont sur ce point questionnées, en particulier par leurs propres membres. Sur la foi même (authentique), avec la possibilité de choisir soi-même son itinéraire croyant, pour avoir sa propre démarche, avec le risque du syncrétisme. Sur l’éthique, où l’intervention ecclésiale est contestée au nom du « c’est mon choix ! ». Dans cette situation, il y a deux tentations :

(a) Le retour intégriste : face au relativisme des croyances, à la grisaille insipide des valeurs d’aujourd’hui, on en revient à préférer l’affirmation forte des principes, avec le mérite de la conviction, de la sincérité, de la simplicité, de la militance… qui peuvent susciter la sympathie. Ces courants, en milieux chrétiens peuvent exciper de la radicalité du témoignage des prophètes (Amos, Isaïe…) et de la séparation biblique entre Fils de la lumière et Fils des ténèbres.

(b) Le conformisme, l’adaptation à la modernité : une religion en fait centrée sur soi, où l’on s’approvisionne là où l’on veut, via un syncrétisme entre grandes spiritualités, hygiène psychologique ou physique… De fait, le christianisme a toujours su s’adapter, récupérer des techniques et des arts et des idées pour proposer l’Evangile dans un langage nouveau. Cf. les efforts d’inculturation de la foi partout dans le monde… C’est le miracle de Pentecôte renouvelé… Pourquoi ne pourrait-il pas se réaliser à nouveau dans le monde moderne ?

Ces deux tentations peuvent être très proches d’attentes et de forces qui nous concernent en profondeur, comme pour les tentations du Christ. Mais notre vocation est d’être résolument témoin de l’Evangile dans la société sécularisée, dans ce monde actuel, des témoins engagés, critiques et actifs.

D’abord parce que cette modernité sécularisée ne nous est pas étrangère, parce qu’elle est le fruit du christianisme : l’égalité, la dignité humaine, le respect de la liberté de conscience, la laïcité, le souci des victimes sont d’origine chrétienne… cf. Jean-Claude Guillebaud : ce n’est pas une catastrophe si les chrétiens redeviennent une minorité agissante, au contraire ; la foi retrouve alors « une force de conviction qui l’éloigne de toute bondieuserie facile ». Saint Jean, pour qui le monde est ce qui a refusé le Christ, et se retrouve plongé dans les ténèbres… dit pourtant que c’est ce monde que Dieu aime. Nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons ni nous replier dans un ailleurs confortable, ni dans un conformisme au monde. C’est dans la société actuelle qu’il s’agit de proposer la foi, dans cette société sécularisée, individualiste. Nous acceptons de nous situer dans ce contexte, qui nous pousse à aller résolument à la source de notre foi, d’une manière plus radicale.

– Conséquences

Trois suggestions… pour des moyens de visibilité et d’action :

(1) La prédication : il y a urgence pour une prédication du Dieu de Jésus-Christ. Parce que dieu est omniprésent dans notre société, mais c’est trop souvent un dieu de sang, un dieu violent qui veut le sang des infidèles, qui justifie la soumission des unes ou des autres, l’injustice, l’exclusion de ses métèques, ou qui se désintéresse du monde dans une spiritualité désincarnée, de pacotille. Il est urgent de dire que ce dieu là n’est qu’une idole, derrière laquelle se cachent des pouvoirs ou des besoins de confort égoïste. Il est urgent de dire le Dieu Père, ami, frère, libérateur, que nos contemporains ne connaissent plus parce que nous l’avons enfoui derrière des considérations savantes. Notre prédication doit être renouvelée.

(2) Le service de la construction de soi : l’impératif « sois toi-même » est riche de potentialités, mais dur aussi, avec ses échecs, ses difficultés de se construire comme personnalité équilibrée, comme couple, comme famille… Cette construction est souvent le lieu de ratages, d’échecs. Nos Eglises ont leur place pour contester ce culte de l’auto-suffisance, de la construction de soi par soi, où l’autre devient une gêne, un ennemi à repousser. Boris Cyrulnik : « l’être humain est un être social, qui ne se construit que dans un champ affectif structuré par des paroles. Être seul, c’est ne pas être ! » Contre les morales du repliement sur soi qui sont monnaie courante, nos Eglises ont toute une richesse à partager pour la construction de la personne, via catéchisme, formation, accueil des personnes, surtout lorsqu’elles sont blessées par la vie, en leur offrant une relation pour se construire.

(3) La célébration liturgique : pour donner une autre dimension à la vie de nos contemporains… Le temps de nos contemporains s’est rétréci au seul horizon individuel, sans lien avec l’avant et l’après. Certes il y a des prospectives, mais celles-ci sont stériles : nos contemporains ne sont pas prêts à sacrifier leur temps présent à la construction de l’avenir. Notre espace qui s’est élargi, devient aussi l’espace anonyme, non de la rencontre, mais celui de mes déplacements. La célébration liturgique ouvre alors le temps et l’espace, introduisant dans une histoire sainte déployée autour de la croix, qui nous plante déjà dans le Royaume.

C’est ainsi que nos Eglises auront leur place et leur visibilité dans ce monde. L’œcuménisme est un impératif pour cela, pour que le message de nos Eglises gagne en pertinence et visibilité.

Mt 18,20 « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » La seule visibilité qui compte est celle du Seigneur, promise, fiable.

Débat

Dans le contexte actuel de perte de valeurs, d’individualisme centré sur un individu malade, il s’agit de retourner aux sources, dans nos Eglises, pour qu’un dialogue d’individu à individu puisse s’établir. (Serge…)

Quel impact peuvent avoir des mouvements de « nouvelle évangélisation » avec leur visibilité expansionniste, leur souci de la fête, dans le monde contemporain ? (Jean Rigal)

Ces mouvements nous interrogent. Cette visibilité corporelle et émotionnelle permettent de créer un lien personnel – c’est un phénomène qui n’est pas spécifiquement religieux (cf. les concerts rocks) – Les JMJ permettent une identification de chacun aux jeunes professant leur foi, d’échapper à l’anonymat de la foule. Mais il y a un seuil à ne pas dépasser, celui de la manipulation, du gourou, à l’égard des jeunes… Dans la formation des pasteurs, nous leur disons qu’ils ne s’adressent pas à des paroisses ou des mouvements, mais à des personnes. Les grands média évangéliques fonctionnent aussi avec cette visée, pour une relation de personne à personne, aboutissant aussi à une segmentation des communautés en fonction des pasteurs.

 

Jean-Claude Guillebaud évoque les trois domaines de l’économique, de la bioéthique et du numérique où il n’est pas simple d’être présent, et encore moins d’y exercer la prédication, la diaconie ou la célébration évoquée ci-haut. (Mgr Bellino Ghirard)

Il ne faut pas avoir peur d’entrer dans ces domaines, par les membres de nos Eglises qui y sont. Si nous n’avons pas de compétences particulières qui nous feraient détenir la vérité, nous avons la mission d’y dénoncer l’idolâtrie, celle de toute addiction à ce qui n’est en fait qu’un moyen. Face à l’impératif d’être soi-même, il s’agit de montrer que la communauté est un lieu où l’on peut le réaliser en relation avec les autres.

 

Nous chrétiens, devrions revenir au Christ, pour ce qu’il est, le Sauveur, le Roi, pour entrer en dialogue avec cette société en nous appropriant notre foi. Deux questions : Quel prosélytisme acceptable dans ce monde ? N’y a-t-il pas un complexe d’infériorité ou de supériorité entre Eglises (plus ou moins visibles) à explorer dans notre dialogue oecuménique ? (pasteur Stéphane Kouyo)

Il faut savoir aller à l’essentiel de la foi, le Christ ; retrouver les mots simples pour le dire. Il s’agit de nous éduquer davantage entre nous, à rendre compte de notre foi. Le mot prosélytisme a pris en français un sens négatif de captation, de manipulation de l’autre. Originellement, ce n’est pas ça, c’est l’envie de communiquer à l’autre ce qui nous nourrit, ce qui nous fait vivre. Et nous sommes souvent complexés ! Pouvoir dire avec des mots simples que croire au Dieu de Jésus-Christ nous soutient… que Dieu est un ami, à l’inverse du dieu terrible, tout autre… Sur le complexe de certaines Eglises, il faut bien se décomplexer, ne pas se comparer entre les Eglises qui croissent et celles qui diminuent, mais apprécier la part de chacun à l’œuvre de Dieu, les expériences de chacun. Nous ne sommes plus en situation de concurrence : en situation de chrétienté, où nous nous « piquions les paroissiens ». Aujourd’hui nous sommes en situation de mission commune : l’œcuménisme peut en être changé ; il ne s’agit plus de baliser avec méfiance les points dogmatiques de chacun, mais de collaborer à une œuvre commune, dans un débat qui ne fait plus peur, entre gens qui savent débattre et rester ensemble, en faisant le pari de la sympathie, du regard positif sur l’autre, sans prétendre adopter ses idées, mais en étant attentif aux aspects de l’autre qui peuvent m’enrichir. On peut débattre avec ce pari de la sympathie.

 

Aider l’individu personnellement, psychologiquement, mais jusqu’où ? (p.Pierre Rayssac)

Deux points qui témoignent de la psychologisation excessive de toutes choses : les cellules d’aides psychologiques omniprésentes en situations de catastrophe, alors qu’on veut parfois en exclure les Eglises ; l’affirmation médiatique de la nécessité de récupérer les corps des disparus pour faire le deuil. Ne pas psychologiser lorsque nous prêchons !

 

L’Eglise, pour être servante de la joie (Benoît XVI) en revenant à sa source, la foi, ne peut être ni intégriste, ni conformée au monde, mais prophétique en étant elle-même. (…)

Être chrétien…

Samedi dernier, nous avons célébré l’Epiphanie par une joyeuse messe animée par les jeunes, précédée par une après-midi de rencontre pour la préparation à la confirmation (des collégiens de l’Enseignement Catholique), au cours de laquelle nous nous sommes posés la question : « Qu’est-ce qu’être chrétien ? »

Nous avons redécouvert qu’être chrétien est d’abord une révélation et une grâce à accueillir, une déclaration d’amour à entendre et dont Dieu a l’initiative. Le baptême fait du chrétien un prêtre, un prophète et un roi, à l’image du Christ, non par mérite de notre part, mais parce que c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Tout vient de Dieu donc, mais de même que les mages se sont mis en route pour suivre l’étoile à la rencontre du Roi, de même est requise de notre part une certaine activité, une disponibilité active, une « pratique » pour cultiver cette amitié que Dieu nous propose et la répercuter auprès de nos frères. Aussi avec les jeunes, commencer par la pratique chrétienne constitue un point de départ concret pour aborder la question de ce qu’est un chrétien, quitte à ce que l’on réfute ensuite l’idée qu’un chrétien puisse être défini par ce qu’il fait ou ne fait pas.

 

D’où ces « points » de pratique proposés dans l’après-midi aux confirmands, pour choisir un ou deux d’entre les moins pratiqués, comme « point concret d’effort » cette année…

– j’ai découvert l’importance d’aimer et d’être aimé,
– j’ai découvert que je suis aimé de Dieu et appelé par lui à devenir saint,
– je prie personnellement et régulièrement,
– je lis la Bible avec foi et respect comme Parole que Dieu m’adresse aujourd’hui,
– je fais grandir ma foi en rencontrant d’autres chrétiens,
– j’ai découvert l’importance des sacrements comme rencontre avec le Christ,
– j’ai fait une démarche de réconciliation en vivant le sacrement du pardon,
– je me sais appelé avec les autres chrétiens à transmettre la foi de l’Eglise,
– je connais au moins une douzaine d’événements de la vie du Christ,
– je connais le Notre Père et d’autres prières comme le Je vous salue Marie,
– je connais le Credo (symbole des apôtres, de Nicée-Constantinople),
– je connais la différence entre résurrection et réincarnation,
– je peux expliquer les titres donnés à Jésus : Christ, Seigneur, Sauveur, Fils de Dieu…
– je sais quels sont les 7 sacrements,
– je sais ce que signifie le « péché », le pardon de Dieu,
– je sais ce qu’est l’Esprit Saint,
– je sais témoigner de ma foi chrétienne par ma manière de vivre,
– je partage régulièrement de mon temps ou de mon argent aux autres,
– je suis capable de pardonner,
– je sais faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal et agir en conséquence,
– je sais écouter les idées des autres qui ne pensent pas pareil que moi,
– je connais les témoins de la foi, les saints qui m’attirent le plus et pourquoi,
– je sais exprimer ce que je considère comme péché dans ma vie,
– j’ai participé à une retraite ou à une rencontre avec des moines ou des religieux.

 

Mais aussi ce tableau proposé en veillée aux confirmés

 

Parole de Dieu Prière Sacrements Solidarité Morale Mission
Prendre quelques minutes le matin pour lire et méditer l’Evangile du jour (cf. revue « Prions en Eglise » ou « Magnificat ») en gardant en mémoire un verset ou une expression pour inspirer ma journée.

Me faire conseiller un livre de formation chrétienne à lire cette année.

M’abonner à une revue chrétienne (You !, Cahiers pour Croire aujourd’hui, Le Journal Expérimental…).

Participer à un groupe biblique ou à une catéchèse pour jeunes.

Prendre quelques minutes le soir pour « relire » ma journée, en me mettant en présence du Christ, le remerciant pour l’amour donné et reçu, demandant pardon pour les occasions d’aimer ratées, lui demandant d’être avec lui demain.

Prévoir dans l’année un week-end de retraite dans un lieu de prière (monastère, abbaye…).

Trouver un accompagnateur spirituel à rencontrer mensuellement.

M’initier à une prière régulière, quotidienne.

Participer fidèlement à la messe dominicale.

Recevoir le sacrement de la réconciliation une fois par mois.

Me former pour une plus active participation à la messe dominicale (lecture, musique, chant, service de l’autel).

Une fois de temps en temps, participer à une messe en semaine.

Fixer une somme, un temps à donner chaque mois, et m’y tenir.

Me tenir informé de l’actualité, y compris politique, pour être solidaire des joies et des peines de mes frères, dans l’action, ou au moins dans la prière.

Participer à une action de solidarité avec d’autres jeunes (veillée de Noël avec SDF, quête, animation journée CCFD / enfants, collégiens).

Faire l’effort quotidien de reconnaître en chacun un enfant bien-aimé du Père, un frère ou une sœur, surtout en ceux que j’ai du mal à aimer.

Se fixer un point concret d’effort sur tel ou tel défaut ou mauvaise habitude à corriger, et en mesurer les progrès.

Face à une tentation, bénigne ou grave, dans l’hygiène de vie, l’alimentation, les dépenses, la vie affective… prendre le temps de me placer devant le Seigneur, de lui demander conseil dans une prière et d’accueillir la sainteté qu’il veut pour moi.

Participer à un mouvement ou à un service d’Eglise (caté, aumônerie…), comme animateur auprès d’enfants ou de jeunes.

Accueillir les nouveaux au collège, au lycée, dans le quartier, à la sortie de la messe.

Inviter un(e) ami(e) à participer à une messe de jeunes.

Donner, même modestement, ma participation au denier de l’Eglise.

Porter sur soi, avec humilité et fierté un signe d’appartenance au Christ.

Me former pour pouvoir rendre compte de mes raisons de croire.

 

Et enfin, ces extraits de l’épître à Diognète, avec leur traduction en verbes d’action pour aujourd’hui…

 

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence. Mais toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais ils n’appartiennent pas au monde. L’âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l’âme et lui fait la guerre, sans que celle-ci lui ai fait de tort, mais parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs ; de même que le monde déteste les chrétiens parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs, sans qu’ils lui aient fait de tort. L’âme aime cette chair qui la déteste, ainsi que ses membres, comme les chrétiens aiment ceux qui les détestent. Les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter.

Être comme des frères, parce que Dieu est notre Père.

 

 

Respecter la vie comme don de Dieu.

 

 

Participer ensemble à l’Eucharistie.

 

 

Être un familier de Dieu, par la prière.

 

 

Obéir au double commandement de l’amour, de Dieu et du prochain.

 

 

Être dans le monde, l’aimer, le servir.

 

 

Viser plus haut, désirer davantage.

 

 

Faire découvrir Dieu à travers notre manière de vivre, accepter de croire sans voir.

 

 

Vivre en enfant de Dieu et ce que ça exige : ne pas faire n’importe quoi de sa vie.

 

Accueillir comme un honneur la mission, la vocation à laquelle Dieu nous appelle.

 

Dieu est entré à l’hôpital

Annie Bras, Dieu est entré à l’hôpital, Témoignage d’une femme aumônier
Thélès 2005, 156 p. 16 €
« Dieu est entré à l’hôpital. » Y entre-t-il à travers cette originalité de notre laïcité française qu’est la présence de l’aumônerie catholique au sein de l’hôpital ? ou tout simplement à travers la présence du Christ souffrant en chaque personne souffrante ? Fierté du témoin ou humilité du serviteur ?
L’ambiguïté du titre est en fait significative de la visée ce livre-témoignage : rendre compte de l’expérience d’une transcendance qui se donne dans la relation aux malades, dans le contact avec leurs familles, dans la vie quotidienne aux côtés du personnel soignant d’un des grands hôpitaux de Toulouse, le CHU de la Grave. Expérience spirituelle profonde, où Dieu est en effet présent de part et d’autre de ce contact, au coeur de ces relations. Le livre d’Annie Bras tire sa substance du récit de ces rencontres : avec les malades atteints d’un cancer ou du Sida ou d’une affection plus bénigne, avec les familles confrontées au décès de leur enfant nouveau-né , avec des femmes – souvent seules – face à la perspective d’une interruption de grossesse, avec les personnes âgées en service gériatrique, avec ceux qui restent, et avec ceux qui repartent de ce lieu de vie, de travail, de deuil et d’espérance qu’est l’hôpital. Avec le personnel soignant également, auquel l’auteur, « femme, mère de famille, laïque… » a appartenu pendant plus de vingt-cinq ans à Rodez avant d’être nommée aumônier d’hôpital de 1998 à 2003 par Mgr Marcus.
C’est en s’effaçant derrière toutes ces personnes rencontrées à l’hôpital de la Grave, qu’Annie Bras exprime le mieux le rôle qui a été le sien à leur côté, avec une équipe de bénévoles très unis : dans ces pages, elle redonne la parole à quelques uns de ceux qu’elle a accompagnés ; elle réitère ce service qui a été l’essentiel du ministère confié par l’évêque de Toulouse, à elle et à l’équipe de l’aumônerie : écouter, et par cette écoute laisser advenir une parole humaine d’une exceptionnelle densité, dense de cette perception aiguë de la finitude de l’homme et de sa grandeur, que la souffrance et la proximité de la mort peuvent donner. Prendre le temps de l’écoute et d’une mémoire aimante de cette parole. Mais aussi oser une autre parole, adossée à cette Parole de vie qu’est l’Evangile, où l’on ne peut tricher devant celui qui est confronté aux enjeux les plus fondamentaux de son existence, où c’est le plus haut service de l’homme que de lui donner le Christ le rejoignant à l’extrême de sa finitude et de sa dignité.
C’est le cas lorsqu’il s’agit de célébrer des obsèques chrétiennes, et le livre rend compte de quelques unes des nombreuses célébrations qu’Annie Bras a présidées comme laïque à la chapelle de l’hôpital. Là se dit toute une pédagogie de la foi à travers le soin liturgique et le tact de la préparation, qui peuvent inspirer les équipe de laïcs en formation dans les diocèses pour l’accompagnement des obsèques. Le livre ne fait que survoler ce qu’un tel service suppose de travail, de fidélité, de présence, de logistique aussi. Les chapitres sur les obsèques ou celui sur « une journée à l’aumônerie » l’évoquent, mais en donnant presque une valeur monastique, comme allant de soi, à la régularité de ces visites aux malades, au vaguemestre, au Point Santé, et même au restaurant de l’institut du cancer Claudius Regaud, sans oublier l’ouverture et l’entretien de cette chapelle du Dôme sans laquelle Toulouse ne serait plus Toulouse.
Comme dans d’autres livres-récits d’accompagnement, on ressort de ce livre émerveillé par cet accroissement d’humanité que l’épreuve permet parfois, et qu’un accompagnement rend manifeste à ceux-là même qui vivent cette épreuve dans la nuit.