En faisant les recherches Google sur les expressions :
joie : https://www.google.fr/search?q=joie
servir : https://www.google.fr/search?q=servir
joie servir : https://www.google.fr/search?q=joie+servir
Voici ce que j’ai trouvé…
p. Raphaël Bui
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Voici ce que j’ai trouvé…
Inspiré de Découvrons l’amour, le livre du p. Denis Sonet, voici deux diaporamas pour l’éducation affective des collégiens, l’un sur les mots de l’amour (Eros, Philia, Agapè), l’autre sur les étapes de l’amour…
Pour une animation auprès de collégiens en 4ème-3ème, nous nous servons aussi du clip vidéo de la chanson « Savoir aimer » (Florent Pagny) avec l’animation téléchargeable ICI, mobilisant quelques personnes mariées, époux, parents… « ordinaires » comme intervenants auprès des jeunes, et l’affirmation de quelques convictions pour filles et garçons.
Enfin, voici un lien vers Amoris Laetitia, l’exhortation apostolique du pape François, le texte de référence sur « l’amour dans la famille » (où dans le chapitre sur l’éducation des enfants, les n° 280-286 ont pour titre « Oui à l’éducation sexuelle »), et l’encyclique Deus Caritas est du pape Benoît XVI, avec en 1ère partie, sa très belle méditation sur Eros et Agapè.
Pour d’autres posts sur le thème de l’amour, cliquer ICI.
Avec le printemps, fleurissent des mariages à l’Eglise. C’est l’occasion d’en repréciser le sens pour aujourd’hui.
A l’heure où s’affirme davantage la revendication d’une égale reconnaissance pour les diverses manières d’être en couple ou de constituer une famille, l’Eglise catholique persiste à penser que le meilleur écrin pour accueillir l’enfant, pour fonder un foyer, se trouve dans l’engagement entre un homme et une femme à s’aimer d’un amour libre, fidèle, indissoluble et fécond.
Certains contestent ces points – qui pour l’Eglise constituent les quatre piliers du mariage – mais peu remarquent que ces points n’ont en eux-mêmes rien de religieux ou de spécifiquement chrétien, car ils concernent tout autant le mariage civil. A ceux qui le contestent en disant que l’on peut divorcer d’un mariage civil, on peut répondre que le mariage civil implique lui aussi de l’indissolubilité, avec l’irréversibilité de droits et de devoirs réciproques qui demeurent entre les époux, y compris lorsqu’il y a séparation : même en ce cas, un couple marié civilement ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu mariage.
Face à une telle réappréciation du mariage civil de la part de l’Eglise, et qui surprend parfois ceux que nous préparons au mariage religieux, l’interrogation voire le doute, viennent alors sur ce que le mariage religieux change par rapport au mariage civil, voire à l’engagement privé entre deux personnes qui s’aiment. Voici alors quelques ébauches de réponses.
Venant après le mariage à la mairie, le mariage à l’Eglise apporterait :
– un « plus » indéfinissable de l’ordre d’une « atmosphère », d’une « ambiance » qui donnerait plus de poids symbolique à l’engagement des époux ;
– une bénédiction, au sens où Dieu « dirait du bien » du couple constitué ;
– une « grâce sacramentelle », d’un don de Dieu qui se rendrait présent, comme c’est le cas en tout sacrement, et qui ferait grandir la foi en lui.
Tout cela est juste… mais peut aussi être critiqué !*
En quoi la force de l’engagement des époux dépendrait-elle du décor (mairie ou église) ou de la présence de figurants (témoins, clergé, invités…) ? En quoi Dieu ne dirait-il pas du bien de l’amour entre deux êtres avant leur mariage ? Dans un amour selon les quatre piliers de la liberté, de la fidélité, de l’indissolubilité et de la fécondité, déclaré en privé par un homme et une femme, Dieu n’aurait-il pas déjà tout donné ? Que reste-t-il à recevoir puisque « où sont amour et charité, Dieu est présent. » (hymne grégorienne pour le Jeudi Saint) ?
C’est là la limite d’un raisonnement en terme de « ce-que-l’on-peut-recevoir-de-plus » avec le sacrement du mariage, mais aussi avec tout sacrement. Car en toute liturgie – qui étymologiquement signifie le « service public » que l’Eglise accomplit en union avec le Christ – célébrer un sacrement ce n’est pas d’abord chercher à recevoir quelque chose qui manquerait, mais plutôt « servir » et donner rien moins que soi-même, en consacrant à Dieu ce que l’on a déjà reçu de lui, à partir du constat proprement chrétien de ce que Dieu a déjà tout donné en son Fils Jésus-Christ. Mieux encore : de ce qu’en Jésus-Christ, Dieu nous donne de quoi nous donner nous-mêmes !
Logique de gratuité, le mariage chrétien part d’une double « reconnaissance » :
– au sens d’ »identification » de Dieu comme source première de l’amour entre un homme et une femme capables de s’engager – même en privé – selon les quatre piliers ci-dessus ;
– au sens de « gratitude » à l’égard de Dieu, en lui consacrant ces dons reçus de lui que sont déjà le couple, l’amour entre époux, ceux-ci acceptant en retour la responsabilité de veiller sur ces biens qui ne leur appartiennent plus, mais qui appartiennent à Dieu et dont Dieu leur confie la gérance. Promesse de sérieux et de décontraction tout à la fois…
Dans tout sacrement, à commencer par le baptême, la question n’est pas celle de savoir si on en a « besoin » pour (s’)aimer davantage, pour être plus croyant etc… une question qui reste centrée sur soi. Elle est moins encore celle d’être aimé davantage de Dieu : Dieu est amour, et son amour infini pour chacun n’est pas déterminé par le fait d’être ou non « pratiquant ». La vraie question est plutôt celle du psalmiste : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115) à laquelle il répond immédiatement en termes liturgiques : « J’élèverai la coupe du salut. J’invoquerai le Nom du Seigneur ! »
Comme à chaque Eucharistie, où l’assemblée dit pourquoi elle célèbre : « pour la gloire de Dieu et le salut du monde« , tout sacrement est une réponse à l’amour de Dieu déjà reçu (et reconnu tel moyennant la foi), une remise de soi, un décentrement, un « rendre gloire à Dieu » qui est le contraire du « pour moi ». Or ce n’est qu’avec le Christ qu’un tel décentrement vers le Père et vers les autres est possible : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) Célébrer un sacrement, c’est alors s’en remettre au Christ, lui consacrer ce que nous recevons et transformons de la Création, ce « fruit de la terre et du travail des hommes » (messe), lui consacrer cet amour que nous avons reçu de Dieu (mariage), lui consacrer cette faiblesse, cette fragilité qui nous affecte par le péché ou la maladie et que nous confions au Seigneur, certains qu’il saura bien en faire quelque chose (sacrement du pardon, sacrement des malades), lui consacrer notre énergie, notre envie de vivre, d’agir, de nous engager (confirmation), lui consacrer toute notre personne en plongeant avec lui dans cette aventure de la vie qui intègre la mort (baptême)… et recevoir en retour ce que nous avons consacré au Christ comme la plus haute des bénédictions : le fait de pouvoir « offrir notre personne et notre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu. C’est là l’adoration véritable » (Rm 12,1). La grâce de tout sacrement qui unit au Christ est qu’un tel don de soi à Dieu et au monde soit effectif. « Donne-moi seulement de t’aimer » (Saint Ignace de Loyola)
A l’occasion d’une récente rencontre commune de préparation au mariage en doyenné, un des fiancés présents a eu la sincérité de dire que s’il se mariait à l’Eglise, c’était « pour l’autre », en désignant celle avec qui lui, non croyant, allait se marier. Belle remarque finalement, car il suffit de la corriger en « pour l’Autre » et « pour les autres » pour dire la valeur sacramentelle du mariage chrétien.
* Le même genre de propos arrive lorsqu’il est question du « plus » qu’apporte le sacrement du baptême :
– la satisfaction de faire les choses comme il faut, comme la tradition le demande : la famille, l’Eglise… ;
– l’entrée dans la communauté chrétienne ;
– une bénédiction-protection contre le mal ;
– le fait de devenir enfant de Dieu.
A cela, on pourra objecter que tout être humain est enfant de Dieu dès sa conception, qu’il soit baptisé ou non, qu’il soit croyant ou non ; que le chrétien n’est pas épargné par le scandale du péché, du mal, de la souffrance et de la mort ; que les frontières de l’Eglise débordent le groupe des baptisés, ne serait-ce que parce qu’y sont admis les catéchumènes non encore baptisés ou les tout-petits « baptisés » d’un « baptême de désir » ; et enfin que toute tradition est relative à un lieu du monde et à un moment de l’histoire, et qu’à se contenter de la respecter pour la respecter, on en viendrait à n’être musulman ou bouddhiste que du seul fait d’être né au Maghreb ou en Asie, ou à l’inverse « catholique et français, toujours ».
Le baptême ne fait donc pas devenir enfant de Dieu, car c’est déjà l’identité de tous. Il rend pourtant possible de « devenir ce que nous sommes » (Saint Augustin) de vivre en cohérence avec cette identité commune, en réponse à l’amour reçu de Dieu, en reconnaissance à l’égard de cet amour. Cette vie chrétienne ne relève pas d’abord d’une supériorité morale du baptisé, mais de ce que le baptême signifie et réalise : une plongée dans le Christ, une remise de soi au Christ, qui nous partage son identité parfaite de Fils de Dieu, afin que ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ qui vive en nous. (Ga 2,20) Le baptême consacre alors au Christ l’enfant de Dieu que nous sommes déjà, pour que nous vivions en fils ou en fille de Dieu, dans le Fils unique de Dieu.
Questions sur facebook : « Que pensez-vous de l’acte sexuel et du fait d’avoir des enfants avant/après le mariage ? Ces règles ne sont-elles pas révolues depuis longtemps ? L’amour s’il est vrai a t-il vraiment besoin d’être officialisé devant Dieu, même si l’on peut le faire plus tard ? »
Pour comprendre le sens de la chasteté avant le mariage, puisque c’est de cela dont tu veux parler, ce n’est pas d’abord quelque chose de spécifiquement catholique ou de chrétien : toutes les civilisations ont inventé quelque chose d’analogue, comme si elles considéraient que l’amour entre un homme et une femme était si délicat – au sens de précieux et fragile – qu’il nécessite cette validation sociale qu’est le mariage, où le « oui » privé de deux amoureux ne semble prendre toute sa valeur que devant témoins, et pas seulement ceux de la famille et des amis qui restent des témoins encore trop « privés », mais devant toute la société. En lien avec cette institution du mariage, il y a celle des fiançailles qui instaurent une distance à la fois physique et temporelle entre les amoureux, pour différer leur oui et leur union à l’échéance d’un temps déterminé, pour qu’ils aient toute leur valeur de « oui », parce que la distance a donné à chacun la possibilité réelle de dire « non » à l’autre, voire de se quitter. Cette distance, en exerçant à vivre sans l’autre, vise à faire passer du « être amoureux » (jamais je ne pourrais vivre sans toi ; plutôt mourir que de vivre sans toi… certes passionné, mais insuffisant à fonder un engagement durable), à « aimer » (te savoir heureux même sans moi, suffit à mon bonheur) qui implique une dépossession, un désintéressement, dont l’amoureux n’est pas capable.
La distance est donc indispensable pour fonder l’engagement de l’amour. Il faut pour cela revenir au sens étymologique de la chasteté comme respect de la juste distance pour aimer, le contraire de l’ in-ceste (même racine étymologique) qui est franchissement de cette distance, proximité abusive entre membres d’une même famille. Cette juste distance peut être celle de l’abstinence de relation sexuelle tout comme celle de l’enlacement des corps. Abstinence, pour signifier à l’autre que l’amour que l’on a pour lui n’est pas encore celui du don total, librement offert à lui seul et à personne d’autre, pour la vie et pour donner la vie (or, être prêt à ce don total, c’est par définition être prêt au mariage) ; et à l’inverse, don des corps pour signifier que l’on est chacun prêt à cette offrande de soi, qui engage non seulement ce que l’on est dans l’instant, mais qui saisit tout ce que l’on est : passé, présent et avenir, pour l’offrir à l’autre. Cela correspond normalement au fait d’être prêts à l’engagement durable, mais cela peut en précéder l’officialisation qu’est le mariage.
En effet, la question n’est pas exactement celle d’avoir le droit après (et pas avant) le mariage, mais celle de gestes qui ont de fait le sens du don total, alors que l’on n’est pas prêt à la déclaration libre, sincère, réciproque de don total, quand bien même cette déclaration resterait encore privée. L’abstinence avant cette déclaration, vise aussi à ne pas abuser de la séduction que l’on pourrait exercer sur l’autre, pour vraiment recevoir de lui comme un libre don l’offrande totale de lui-même. Une fois dit cela, le reste est affaire de conscience. Il n’y a pas de péché à aimer avec tout son être, si gestes, paroles, pensées correspondent. Il y a péché si les gestes les plus engageants de l’amour contredisent ce que l’on pourrait dire à l’autre, par exemple, que l’on n’est pas prêt à s’engager avec lui, que l’on a d’autres visées…
Et je n’ai encore rien dit du sens chrétien du mariage..
« Doit-on croire aux âmes-soeurs ? » s’interroge une lycéenne aujourd’hui sur facebook…
Il y a lieu d’être radical sur cette question et de refuser catégoriquement la notion d’âme-soeur héritée du mythe de l’androgyne chez Platon, non pas seulement parce que cette idée est fausse, mais surtout parce qu’elle est dangereuse au plan moral et spirituel.
Si l’on croit vraiment qu’il existe pour chacun un être unique pour qui l’on est fait(e) et qui lui est parfaitement complémentaire, cela justifierait alors que l’on quitte toute personne avec qui l’on se serait pourtant engagé en couple, dès lors qu’apparaîtrait la moindre frustration, signe que cette personne n’est pas son âme-soeur. Don Juan n’est pas forcément un débauché qui profite de la multiplicité de ses conquêtes, mais il est peut-être aussi comme le prince du conte qui fait essayer à toutes les filles du royaume le soulier de son unique (avec une allusion sexuelle dans ces essais…), tant qu’il n’a pas trouvé sa Cendrillon. Sans parler de l’idolâtrie qui pointe son nez, à adorer une créature finie dont on attendrait qu’elle comble absolument le désir infini inscrit dans le coeur humain, ce que seul Dieu peut faire : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. » (Saint Augustin)
Ainsi, choisir d’engager sa vie avec un(e) autre, ne consiste pas à répondre « oui » à la question que sous-tend la notion d’âme-soeur : « suis-je sûr(e) que c’est la bonne personne, l’homme de ma vie, la femme de ma vie ? », car on ne peut pas donner une telle réponse, sauf dans l’aveuglement amoureux du genre : « jamais je ne pourrais vivre sans toi, tu es toute ma vie… » (expressions qui ne devraient être adressées qu’à Dieu), un aveuglement qu’il s’agit de laisser se dissiper avant tout engagement.
Ainsi, le choix de se marier consiste non pas à répondre à cette fausse question, mais à décider ensemble de ne plus se la poser. Il s’agit alors de s’engager totalement dans un projet enthousiasmant, que l’on ne peut réussir qu’ensemble, à deux, et qui requiert que l’on ne perde pas son énergie à gamberger sur la possibilité de trouver mieux ailleurs, en gardant pour cela une soi-disant « porte de sortie ».
Il faut alors quelques conditions préalables pour construire une telle décision. La principale étant la liberté de chacun, précieusement offerte l’un à l’autre, pour qu’il ait la possibilité réelle de prendre une autre décision. C’est d’ailleurs cela qui fonde la position catholique de chasteté avant le mariage, c’est à dire d’auto-restriction dans l’usage de la séduction, et qui n’est rien d’autre que le refus de prendre à l’égard de l’autre la posture d’âme-soeur.
Une vie pour les autres… L’expression semble aller de soi, surtout après vingt siècles de christianisme, après plus de trente siècles de judéo-christianisme… Une expression invitant à l’altruisme, à l’attention au prochain, à l’ouverture du cœur, à la générosité, au don de soi… Une expression qu’un humanisme même non chrétien assumerait, puisqu’il est capable d’expérimenter en dehors de la foi qu’« il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35)
Et pourtant l’expression : « une vie pour les autres » est d’une étrangeté radicale, non seulement parce que nous vérifions à quel point notre égocentrisme, notre égoïsme, la recherche de notre intérêt propre sont enracinés en nous, combien notre désintéressement est illusoire – l’amour le plus désintéressé nous intéresse – mais surtout quand on se réfère à ce que le Christ entend par amour et service du prochain. Après le geste du lavement des pieds, Jésus pose cette question à ces disciples : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » justement parce que le geste ne va pas de soi. De fait, il faut reconnaître que nous ne le comprenons pas, que cela relève de la folie de Dieu plus sage que la sagesse des hommes. Folie pour le maître de se mettre à la place de l’esclave ; pour Dieu de s’identifier aux plus-petits ; pour sa toute-puissance de s’auto-limiter à l’impuissance de ceux qui ont faim, ont soif, sont nus, malades, étrangers ou en prison ; pour Dieu de mettre en équivalence le commandement de l’amour pour lui-même, Dieu – infiniment bon, infiniment aimable – et celui pour le prochain, non pas un autrui aimable dans l’abstrait, mais le prochain réel avec ses limites qui sont les mêmes que les miennes, avec la même finitude humaine que la mienne, et pour qui il n’y a donc pas plus de raison que je donne ma vie pour lui, que lui pour moi. A moins d’être sujet à l’illusion de croire en la supériorité de la valeur de l’autre, comme ce peut l’être dans la folie amoureuse.
La première clairvoyance consiste à admettre que nous ne savons pas aimer ou servir au sens où le Christ en donne le témoignage, qu’autrui ne nous intéresse pas vraiment, ou seulement jusqu’à un certain point, et surtout que l’abaissement du Christ par amour pour l’homme, le fait que le parfait se sacrifie pour l’imparfait, cela nous répugne. L’altruisme chrétien qui va jusque là n’est non pas simplement exigeant ou difficile, mais impossible.
Pour la foi chrétienne, l’amour agapè, l’amour désintéressé pour autrui, qui l’accepte dans son originalité sans le juger – supérieur ou inférieur – sans chercher à le rapporter à soi, cette « charité » (caritas) est une vertu théologale, qui procède de la grâce de Dieu, où c’est de l’amour même de Dieu que l’on aime, où c’est de l’amour qu’il y a en Dieu que l’on aime : une participation par grâce à la vie trinitaire, à l’action de l’Esprit Saint, l’Amour personnifié. Une vie pour autrui, menée selon cet amour-là, n’est possible qu’en vertu de l’accueil préalable du don de l’Esprit Saint, d’une grâce, c’est-à-dire d’un cadeau immérité, qui donne au chrétien la joie de se reconnaître aimé inconditionnellement par Dieu, par delà mérites et péchés. La reconnaissance de ce don est première, appelant de la part de qui le reçoit l’exigence intérieure d’une libre réponse amour pour amour. Ce serait impossible (et ça l’est, parce que l’amour de Dieu pour l’homme dépasse infiniment l’amour de l’homme pour Dieu), si, se découvrant enfant bien-aimé du Père, le chrétien ne découvrait en même temps en Jésus-Christ la possibilité – invraisemblable si le Christ ne l’avait décidé ainsi –, qu’en aimant et servant son prochain, ce soit Dieu que l’on aime et serve.
Aimer à cause de Dieu, ou en vue de Dieu ne signifie pas que le prochain soit un moyen pour exercer l’amour même de Dieu, mais que c’est au niveau le plus profond de la présence de Dieu à l’intime de l’homme que s’établit la relation inter-humaine la plus vraie. Vivre pour les autres, consiste à inventer sa réponse personnelle à l’amour incompréhensible de Dieu pour moi, amour inconditionnel qui rend possible le don de moi-même. Répondre à sa vocation implique de tirer parti de ses talents et de ses limites, de la perception des manques et souffrances de ses frères, pour inventer cette réponse. Le cœur et les mains du croyant sont alors le prolongement de ceux du Christ pour exercer – et recevoir – l’amour de Dieu à l’égard des hommes.
Notes prises par RB à la conférence de Xavier Lacroix, le 9 mai 2005, à Rodez (12). Elles n’engagent pas le conférencier. Voir aussi « L’avenir, c’est l’autre« , un de ses livres.
Une conférence sur les fondements de la famille ! Nous avons tous déjà une réponse à la question. « Oui, il suffit d’aimer » comme le disait un livre chrétien. D’autres s’interrogent sur le point d’interrogation, ou sur le mot « suffire ». Jamais autant que de nos jours n’a-t-on fondé la famille sur l’amour, alors qu’en trente ans, le nombre de personnes isolées a été multiplié par 2,5, et qu’il n’y a jamais eu autant de séparations et de désaffection du mariage. Jusqu’au XVIIIème siècle, le mariage précédait souvent l’amour (« puisque nous sommes mariés, aimons-nous. ») Jusqu’au XXème siècle, cela a été « puisque nous nous aimons, marions-nous ». Aujourd’hui, c’est plutôt « puisque nous nous aimons, pourquoi se marier ? » Cette conception du mariage tout-amour, avec une barre placée très haut pour la relation, est contemporain d’une vision contractuelle du mariage, comme échange rationnel de services, de gratifications… Avec une recherche de l’autonomie. Dans les deux cas, il s’agit d’une vision conditionnelle du mariage : ce qu’une volonté a fait, une volonté peut le défaire. Un mixage est possible entre les deux conceptions. Une recherche de l’amour – héritage chrétien – cohabite avec une recherche du bonheur, de l’épanouissement personnel. Le philosophe Aupetit estime que nous avons une vision de l’amour trop haute –trop exigeante – pour la petitesse de nos esprits.
Le mariage doit en fait avoir d’autres sources que l’affectif, que les sentiments.
L’amour-sentiment n’a pas son pareil pour rapprocher deux êtres, pour les rendre perméables l’un à l’autre, à l’inverse de l’égoïsme qui enferme sur soi. Avec l’amour-sentiment, l’autre m’apparaît enfin, devient objet de vénération voire d’adoration, plus important même que mon ego, prenant la place de l’idéal du moi. La relation tend vers une relation de chair à chair, de connivence où l’on fait un avec la substance de l’autre. Ce transport suscite des attentes qui sont un bon ressort pour l’histoire du couple : appel exigeant au don de soi, à l’amélioration de soi. Alain estimait que « c’est le couple qui sauvera l’esprit. » Mais, victime de son succès, l’amour engendre des attentes excessives : tout est attendu du couple. Bonheur, égalité, repos, reconnaissance, communication… Pour réaliser un tel idéal, encore faut-il prendre des moyens, parfois coûteux, exigeants : consacrer du temps à l’autre, communiquer, demander pardon, accueillir la belle-famille, les différences d’éducation… des renoncements qui n’auront pas lieu si le seul ressort du lien est le sentiment, l’affection spontanée, le désir, en lui-même insuffisant à remédier aux pannes du désir. Car il y aura des pannes du désir. Contrairement à un discours psychologisant, le désir est déterminé, résultat de processus qui ont conduit à se rapprocher et qui peuvent conduire à se séparer. On peut même reprocher à l’autre ce qui au départ m’avait séduit. Le changement lié à l’âge, les changements d’attente qui en résultent impliquent un jeu d’équilibrisme insensé, s’il fallait s’adapter en permanence aux attentes de l’autre. Même si le désir dure, il ne peut être le seul ressort du couple. Il devra au moins se transformer. Jean-Claude Sagne distingue dans la vie du couple 4 moments : (1) la constitution (2) la réalisation : le temps de l’accueil, de la constitution du foyer, de la confrontation des différences, (3) la maturité : de l’adolescence des enfants, de la crise de la quarantaine, (4) la résolution : l’accomplissement, la démaîtrise, la gratuité. Passer de l’un à l’autre implique crise, décalage, réajustement permanent. Ce qui permet de tenir, de supporter les changements de régime ?
L’essentiel n’est pas tout. S’il est irremplaçable, il n’est pas suffisant. 3 directions de recherche :
La notion de lien est plus large que celle d’amour, qui n’est pas seul à cimenter le couple. 7 autres noms du lien :
Œuvre : on se marie pour réaliser une œuvre commune, une communauté entre nous, une mise en commun des ressources, l’invention d’une manière propre de vivre ; cela requiert un art, un savoir-faire, des moyens (cf. « nous nous aimons, mais nous sommes incapables de vivre ensemble ») : c’est tout un art que de traverser les conflits, les crises, trouver la bonne distance, accorder leur place aux amis, intégrer la dimension spirituelle, éduquer les enfants…
Fécondité : le mariage est intrinsèquement tourné vers l’avenir, à la différence du concubinage, du Pacs… le couple conjugal n’est pas à lui-même sa propre fin. Parmi les fins essentielles du couple : les enfants, à travers lesquels leur chair devient vraiment une ; la fécondité est le don du don, l’incarnation du don, de l’amour. Le bien des enfants, est au moins une source d’obligation morale pour la solidité du lien conjugal.
Mémoire : les joies comme les peines ont tissé des liens invisibles, et ont fait s’interpénétrer les histoires. Se séparer de l’autre est se séparer d’une part de soi. Le divorce est une mort.
Justice : Levinas reproche aux chrétiens de trop parler d’amour et pas assez de justice. Cf. le partage des tâches, l’exploitation de l’autre à son profit… L’art de la conjugalité exige l’exercice de vertus sociales, politiques : équité, négociation, discussion… Justice et gratuité vont ensemble.
Gratitude : le couple se dissout lorsqu’on ne pense plus qu’en termes d’équivalence, en oubliant ce que l’on doit à l’autre, alors que c’est l’endettement mutuel positif qui constitue le lien. La conscience du don reçu renforce le lien : « Je lui dois tellement ».
Loyauté : la source la plus claire et explicite de la conscience d’être lié : une parole a été donnée, mise en gage. L’autre a été témoin de cette parole donnée. Être homme, c’est être capable d’une telle parole donnée. Nous sommes tous construits, structurés, sur la base d’une telle parole donnée, qui donne cohérence et unité à notre histoire. France Quéré : « si nous tenons parole, la parole nous tiendra. »
Promesse : ce pourrait être le premier terme. Au moment où domine la seule fidélité au jour le jour, la promesse comporte quelque chose d’irremplaçable. La relation commence par le sentiment, mais le sentiment ne saurait être fondateur, car causé et non cause. Seul un acte de parole peut fonder la relation dans le temps. Le débordement sur l’avenir découle de la promesse, faite à l’autre, mais aussi à moi-même, en unifiant mon temps passé, présent et avenir, en me rendant fiable, me donnant consistance, dignité (de foi, de confiance). Par le sens de la promesse, peut-on être amené à dépasser une conception conditionnelle du lien (qu’elle soit amoureuse ou contractuelle : « je reste avec toi à condition que… », auquel cas le lien n’est plus qu’un moyen au service de l’intérêt individuel) Avec la promesse, l’intérêt présent, les gratifications présentes sont relativisées, dans le cadre fixé par la promesse, permettant de trouver les moyens de dépasser les frustrations présentes. L’avenir est ouvert par le passé, non dans le seul présent. La fidélité introduite par la promesse est inconditionnelle, parce qu’elle implique non un engagement à toutes conditions (il faut bien un minimum de réciprocité), mais au-delà des conditions, qui ne sont pas la fin ou le but de l’union ; on ne se demande pas si l’on perd ou si l’on gagne, car le désir est de donner. C’est là un choix spirituel, avec un discernement sur les moyens de mettre cette promesse en œuvre.
Une énergie spirituelle est requise, pour pardonner, pour persévérer, pour donner, faire confiance, avouer sa faiblesse. C’est au-delà du psychologique. C’est de l’ordre du spirituel, de l’élan profond de la liberté et de l’amour. La volonté est au cœur de l’amour. Saint Thomas définit l’amour d’amitié par « vouloir du bien à l’autre ». Gabriel Madinier : « aimer, c’est vouloir l’autre comme sujet ». Alain : « aimer, c’est vouloir aimer. » L’amour n’est pas seulement issu des conditionnements du passé, mais d’un choix : « je t’aime afin de pouvoir commencer de t’aimer. » Cela sans volontarisme, car la volonté est habitée par l’énergie du désir, avec en plus la décision. Mais quid lorsque le désir est en panne ? Ici intervient une vertu, en filigrane dans la fidélité : la fidélité, du latin fides (fidélité, confiance, foi). Plus décisif que « je t’aime », il y a un « je crois en toi » plus profond encore ! la foi, c’est le contraire de la peur, que l’on entend de la part des jeunes : peur de la routine, de l’ennui, de l’échec, du divorce, de souffrir, de parler… Jean-Paul II a repris le « N’ayez pas peur » dans l’Evangile, où Jésus s’approche de nuit de la barque des disciples dans la tempête, invitant Pierre à marcher sur l’eau, et qui s’enfonce du fait qu’il prend peur. « La peur réalise ce qu’elle craint » (Victor Frankl). La foi, n’est pas seulement la croyance, mais l’acte de « se fier à », la fiance. Le pas de la foi, est un pas, consistant à avancer, à se jeter en avant, à trouver un point d’appui sans le voir, car il est invisible puisque à venir ! Il y a des moments cependant où cette lancée est en panne, semble impossible. C’est alors l’heure du doute, de la fatigue, mais plus encore celle de la décision, de la refondation de l’alliance. Croire en l’autre, en la présence en lui d’une source en lui toujours renouvelée, d’une richesse inexplorée. Croire en la valeur du lien, pas seulement comme moyen au service de l’épanouissement de chacun, mais ayant une valeur en lui-même. Croire en la fides, la foi dans la foi, dans la nuit. Comme la foi en Dieu, la foi doit passer par des nuits. La vie conjugale n’est pas un long fleuve tranquille. Mais il y a une source plus profonde de cette donation réciproque.
La grâce : l’amour comme grâce. Son nom est agapè, amour de don au sens actif : « donner », et passif : « donné ». Nous recevons la force par laquelle nous donnons. Cet amour est la basse continue du couple, de la relation. C’est fondé sur lui que l’on trouvera la force de continuer, de persévérer. Certains non confessants (Jankelevitch) ont le pressentiment, voire la certitude de l’existence de cette source, de cette gratuité originelle. Les croyants nomment avec d’autres la source de cette grâce, ce qui les renvoie au Tiers, et aux tiers.
Il y a des ressources extérieures à l’amour. C’est le mariage comme ouverture au(x) tiers. Les propos actuels privilégient le duel, l’intimiste, la perception individualiste, psychologique du couple. C’est là la principale source de fragilité du couple, qui ne s’appuie que sur ses propres forces. Les tiers ont au contraire une place décisive, pour la promesse, l’institution. Que vaudrait une promesse sans témoin, qui ne se graverait dans aucune autre oreille qu’entre nous, sans l’objectivité d’un témoin, d’une mémoire vivante de la parole émise ? Le mariage est « un acte de parole solennel », devant témoin, avec référence aux tiers. Se marier, c’est ne pas compter sur ses propres forces, accepter de ne pas être les seuls sujets de notre union, aller au-delà de la seule subjectivité des époux. Le mariage unit deux sujets entre eux, mais aussi un couple à la société. « Veux-tu être mon époux ? » n’équivaut pas à « m’aimes-tu ? » Le lien sort de la seule intimité. Epoux est différent de copain, compagnon…
Le don de l’amour se réfère à une source que dans la foi chrétienne, nous désignons non seulement comme divine – terme trop général, mais comme surabondance du don qui circule entre les personnes divines, Père, Fils, Esprit. Le Père comme source du don ; le Fils comme la forme, le visage du don ; l’Esprit, comme le souffle, la respiration du don. Le oui de Dieu nous précède et vient habiter notre oui humain. Le oui à l’autre est en même temps oui à Dieu, et dans le oui à Dieu, Dieu se donne. Le sacrement du mariage : l’ouverture à un Tiers divin est indissociable à l’ouverture aux tiers humains, à l’Eglise, à une dimension communautaire, indissociable du mariage. Cette dimension élargit horizontalement l’amour conjugal, et cette ouverture ne fait qu’un avec l’ouverture verticale à Dieu. La communion avec d’autres enrichit la communion dans le couple. Le plus large est présent dans le plus intime.
Se marier, ce n’est pas seulement constituer un couple, mais fonder une famille. En ne soulignant que la dimension affective dans la famille, on oublie les dimensions objectives, sociales, politiques de la famille. Or aujourd’hui, 4 ouvrages sur 5 sur la famille sont de psychologie, n’insistant que sur la dimension inter-subjective dans la famille. Cette primauté du sentiment (« puisqu’ils s’aiment… ») fait que beaucoup pensent possible le mariage homosexuel, voire l’adoption des enfants. Alors que le mariage, le fait de donner la vie, ce n’est pas seulement aimer affectivement, mais être médiateur de la transmission de la vie, donner un cadre, une structure à la croissance de l’enfant, notamment dans la découverte de son identité sexuée, ce qui suppose de l’inscrire dans un généalogie double d’un père et d’une mère, avec des rôles symboliques et réels récapitulatifs ensemble de l’humain, par un jeu subtil d’identification et de différentiation. Transmission, interdits, autorité… Paternité et maternité ne relèvent pas que du psycho-affectif, mais réclament un ancrage charnel et symbolique. La famille est le lieu où la parole et la chair s’appellent mutuellement. Le lieu le plus charnel et le plus codifié par une parole d’appel.
Oui l’amour peut être reconnu comme valeur centrale de la famille, à condition d’être travaillé par d’autres valeurs et réalités, à l’intérieur de lui-même (recentré sur l’amour-agapè, l’accueil de la grâce) et à l’extérieur de lui-même (décentré sur d’autres fins que lui-même, parce que sa vie est d’être ordonné à l’autre…).
Les divorces sont les plus forts au bout de 4 ans, puis après le départ des enfants, exigeant une refondation du couple. Une autre forme de fécondité est à trouver, dans l’accueil gratuit de la vie comme don, au-delà de l’action, de l’efficacité. Le rôle en tant que grands-parents est aussi à mentionner.
« Le premier fruit de l’amour, c’est l’amour »(Françoise Dolto), et par delà la possible stérilité charnelle d’un couple (1 sur 20, plus qu’autrefois), d’autres fécondités sont possibles, même s’il y a un caractère irremplaçable à la fécondité charnelle : il y a l’adoption, accueil inconditionnel de l’enfant… la fécondité sociale, dans le service d’autrui, la fécondité spirituelle…
Il y a une éthique très forte de la conjugalité chez les protestants, mais le mariage n’est pas un sacrement pour eux. La sacramentalité – le don de Dieu médiatisé par un signe – est reconnue par des protestants. Pour moi, l’ouverture à Dieu et à la communauté est au cœur du sacrement.
Même si un enfant contribue à cimenter un couple, il ne saurait avoir cela pour vocation. Ce ciment est là comme un fruit, un cadeau, non comme un but, sinon l’enfant ne serait qu’un moyen : le couple est pour l’enfant, c’est lui qui donne à l’enfant ; et non pas l’enfant pour le couple, l’enfant-prothèse, l’enfant-besoin. L’enfant n’est pas objet de droit, mais sujet de droit. Le but de l’adoption est d’ « offrir une famille à un enfant », non pas d’offrir « un enfant à une famille ». Aujourd’hui on a une philosophie dominante d’inspiration anglo-saxonne : l’utilitarisme, qui nie toute gratuité, tout don ; où tout ce que nous faisons, nous le faisons par calcul d’intérêt. On y confond fruit et but.
Oui, car la grâce du sacrement n’est pas instrumentalisable. Le mariage est affaire de don, dans lequel on expérimente la présence et le don de Dieu. Il n’est pas recherche d’une assurance.
Oui, mais aussi, à la suite du moraliste protestant Olivier Abel, l’importance d’intégrer la dissension, les disputes dans le couple, parce que le couple ne repose pas que sur l’harmonie, l’accord entre les conjoints ; il y a aujourd’hui un excès d’exigence vis-à-vis du couple, une moralisation excessive du couple, une intransigeance qui demande trop au couple. Dès qu’il y a adultère, on divorce ; dès que l’on a une panne du désir, on divorce ; dès que l’on passe quelques mois sans rien avoir à se dire, on divorce. L’art conjugal, c’est aussi l’art de gérer les désaccords. « Le couple, c’est la défaite de l’idéal » (Engelmann) ou la déception surmontée. De fait, ce que je décris du couple est tout le contraire d’un idéal (inaccessible) : c’est un essentiel… le cœur du cœur, le meilleur de ce que nous vivons, la fides.
Je préfère l’amour-patience. Le même mot latin passio signifie sentir, subir, souffrir. Dans la littérature occidentale, 9 textes sur10 concernent l’amour-passion que l’on subit et dont on souffre (Tristan et Iseult, Roméo et Juliette), un amour souvent vécu à l’extérieur du mariage, et qui ne correspond pas à l’expérience courante de l’amour. L’amour dans le mariage comporte lui aussi une dimension d’accueil, de réception d’un don, de ressenti, de passivité. Mais il a un côté actif, absent de l’amour passion, considéré comme fatal, et par rapport auquel on n’est pas libre.
En fait, le senti nous dit aussi quelque chose de juste. Certes, il peut y avoir de l’illusion dans les sentiments (on s’aime soi-même en l’autre en aimant en l’autre la bonne image qu’il nous renvoie de nous-même ; on « aime aimer » (Saint Augustin)…). Et le sentiment est fragile, précaire, versatile : l’amour peut se renverser en haine. Mais le sentiment nous renseigne, il nous dit que l’on est sensible à l’autre, que l’autre a de l’importance, qu’il est beau. Le sentiment nous tourne vers l’autre. La joie, la tendresse sont des sentiments. Le sentiment est une notion composite : autrefois, on disait inclination. Je le définis comme une orientation de l’affectivité vers un autre, un mix de conscience, de sensation, de volonté. Il y a le senti (via les sens) et le ressenti (leur retentissement intérieur).
La famille n’est pas seulement une réalité affective, mais aussi des conditions objectives de croissance, un lien où l’on trouve une place, dans une généalogie, une parentèle, une lignée. Elle a pour fin principale de transmettre la vie, des biens spirituels et culturels. Elle ne peut être une fin en soi. Jean Lacroix appliquait à la famille la distinction bergsonienne du clos et de l’ouvert. Ce serait une tentation mortelle pour une famille de se clore sur elle-même, dans un égoïsme familial, clanique, totalitaire de préservation du patrimoine familial, d’un bonheur clos. Une famille chrétienne ne peut se donner elle-même comme but, mais s’ouvre à plus large qu’elle, comme membre d’un corps plus large. Les relations familiales y gagnent : je ne suis bien père qu’en lien avec d’autres pères, une constellation paternelle.
Les objets se transmettent facilement. Non les biens spirituels qui se transmettent indirectement : chacun doit aussi les découvrir lui-même. La famille est une réalité qui se vit avant de s’expliciter verbalement. Elle est à la fois plus fragile aujourd’hui, tout en restant LA valeur fondamentale de nos contemporains. La famille n’est pas à restaurer à l’ancienne, il s’agit de lui ménager un avenir. « Conservateurs de l’avenir » (card. Etchegaray), sachant que chaque génération apporte sa note, sa coloration propre.
Notes prises par RB d’une conférence de Louis Giroux, sexologue, CLER, conseil conjugal, diacre du diocèse de Montpellier, le samedi 26 février 2005, à Rodez. Ces notes n’engagent pas le conférencier.
Pourquoi est-ce difficile de parler de sexualité à des jeunes, dans le cadre de la préparation au mariage, alors que la dimension charnelle fait partie de l’amour. La foi chrétienne l’assume, dès le livre de la Genèse. Nous sommes créés à la ressemblance de Dieu. Le couple est présenté à l’image de Dieu : Dieu créa l’humanité dans son image… mâle et femelle il les créa. « Vis et écrou » dit une traduction. Adam signifie l’humanité dans le sens générique (le terrien). « Image » signifie littéralement ombre, comme la statue par rapport à son modèle. « Ressemblance » établit une similitude entre la chose représentée et son modèle. L’animalité de l’homme est donc simultanément affirmée (mâle et femelle), et son humano-divinité. Sa dimension sexuelle indique que personne n’est à lui seul l’humanité : entre vouloir être unique au monde et être tout, c’est le drame de l’humanité que redisent les psy. Nous sommes des êtres en manque. L’interdit de manger du fruit de l’arbre, dit que nous sommes construits « autour d’un vide » (Lacan), manquant. Or l’homme refuse ce manque, se voulant comme Dieu, sa propre origine. La sexualité avant le péché, c’est la nudité sans honte, dans un sain rapport. Après le péché, c’est un rapport abîmé : la nudité est voilée. Le livre de la Genèse et la psychanalyse redise la même chose. Avec le surgissement du monde et des animaux, puis de l’humanité en Gn 2-3, l’homme donne un nom à toute chose, au monde, en prend possession, mais il s’y ennuie : le monde ne constitue pas pour lui un « face à face qui le provoque ». Il faut Eve, un vrai alter ego en qui il se reconnaisse.
Le Cantique des Cantiques, au centre de la Bible, est un poème sur l’exubérance de l’eros. L’auteur porte sur l’eros un regard optimiste plein de poésie, et de bonté. Tous les sens sont sollicités : nous sommes en régime d’incarnation, en distinguant le mode féminin et masculin d’aimer charnellement. La bien aimée prend des risques pour son aimé. Certains ont interprété le Cantique comme une description réaliste de la plastique féminine. Dans le nouveau Testament, saint Paul réputé misogyne, souligne le don réciproque des corps entre mari et femme.
Parler de sexualité dans le couple ? C’est souvent trop tard qu’on en parle. Aimer le Christ paraît parfois plus facile que d’aimer son conjoint, mais le Christ invite à l’aimer en aimant son conjoint. Avec délicatesse, désintéressement, en tenant compte de l’autre, de ses attentes en matière de sexualité, si différentes entre l’homme et la femme (cf. « pour satisfaire une femme (resp. un homme) à tous les coups… »)
Jusqu’où aller, sans aller trop loin (risque de déballages). Il y a des outils pour parler de sexualité dans les préparations au mariage : photo-langage, schéma a/s attentes (les miennes, les tiennes, celles que nous parvenons à satisfaire), tiercé sur ce qui importe dans l’acte sexuel (via votes sur une quinzaine d’items), jeux, montages vidéos (PowerPoint)… L’humour est important pour parler, mais avec naturel, ce qui suppose d’être à l’aise avec soi-même et avec le sujet. Ne pas employer des mots de jeunes lorsqu’on est vieux !
L’important pour des fiancés en préparation au mariage, est de voir qu’on peut parler de sexualité, simplement, en appelant un chat un chat, et avec délicatesse. Ils ont besoin de voir que l’on croit à l’amour.
Le rôle de l’époux est important auprès de sa femme, pour son bien certes, mais aussi pour le bien des enfants ! Le père vient signifier à l’enfant qu’il n’est pas tout pour sa mère, et que sa mère n’est pas tout pour lui, mais qu’elle est d’abord l’épouse de son mari. En satisfaisant affectivement son épouse, il sépare l’enfant d’une relation fusionnelle avec sa mère – commençant dès la conception – , il le libère de la charge de faire le bonheur de sa mère, le renvoyant vers le monde extérieur, pour y trouver sa place.
Pour un homme, son absence est perçue comme échec du couple. Pour sa femme, cela n’est pas l’essentiel (« on s’aime, les enfants sont heureux… »). Il n’y a pas à sous estimer l’harmonie partagée : tendresse, plaisir et vie sont portés par l’acte sexuel. Mais il n’y a pas à la sur estimer : ce n’est pas le tout de la vie conjugale ; cela en est un signe, comme une poignée de main, signe de l’amitié, et deux manchots peuvent être amis. On ne sait pas s’il y avait harmonie charnelle il y a cinquante ans : on n’en parlait pas. Mais son absence n’était pas motif de divorce. Alors qu’aujourd’hui, c’est le cas.
Dans la pornographie, il n’y a pas de préliminaires, les femmes sont toujours consentantes, et jouissent chaque fois (cris…).
La nécessite du synchronisme des orgasmes : l’orgasme vient couronner la relation. Les hommes mettent en moyenne 3’, les femmes 8’ pour y arriver (en Suisse !). C’est moins en affaire de technique que de relation.
Le discrédit de l’orgasme clitoridien : malgré l’héritage freudien (l’orgasme clitoridien serait infantile selon lui…), les études de Masters et Johnson ont montré qu’il n’y a qu’un orgasme, quel qu’en soit l’origine. Il faut laisser les gens se dire « je t’aime » de la manière qu’ils veulent. Il n’y a pas de zones honteuses… si c’est en relation, et si l’acte sexuel reste ouvert à la vie. En stricte morale, il n’y a aucune difficulté morale qu’une femme ait un orgasme clitoridien. C’est différent pour l’homme.
Pour être normal, il faudrait pouvoir accomplir plusieurs actes sexuels par jour (sic).
L‘importance sur la taille du pénis. L’important est de savoir s’en servir… Un vagin ne fait que 7 cm, et ce n’est pas un tuyau à remplir !
L’amour physique est un péché (permis par Dieu pour avoir des enfants) : il y a toujours eu deux courants dans l’Eglise, hostile (Saint Augustin) ou favorable (Saint Bernard) au plaisir. Rien ne permet de dire que les organes génitaux soient mauvais. Dieu vit ce qu’il avait fait : cela était bon. « Les époux en jouissant acceptent ce que leur Créateur leur a destiné. » (Pie XII).
Les couples certes passent trop peu de temps ensemble. Mais plus encore, l’homme et la femme vivent un temps décalé. L’homme est plus facilement excitable, par la vue – pourquoi trop de femmes n’acceptent de relation sexuelle que de nuit, toutes lumières éteintes, sous les draps – et cela se manifeste par l’érection. Il n’en est pas maître, ce qui invalide le « tu ne penses qu’à ça, tu es un obsédé » des femmes à l’égard de leur mari. Inversement, et contrairement à ce que pensent les femmes, un homme qui n’a pas d’érection ne signifie pas qu’il est allé voir ailleurs, ou qu’il n’aime plus sa femme. Pour certains, le sentiment amoureux empêche l’érection. Rq : le Viagra permet surtout à l’érection de durer. On n’est pas dans la technique. Avec l’âge, l’érection prend plus de temps à venir, idem pour l’éjaculation, et la période réfractaire est plus longue.
Pour la femme, l’acte sexuel n’est pas un acte, mais un état ; la sexualité leur est intérieure. Le corps de la femme est plus lent à réagir que celui de l’homme. Pour la femme, il peut y avoir plusieurs orgasmes. Beaucoup de femmes n’ont pas d’orgasme, mais une jouissance en vagues.
Bien des malentendus viennent de ce décalage temporel. Les cris de l’homme énervé au retour du travail résonnent encore aux oreilles de l’épouse quelques heures après dans le lit. La femme a besoin de temps de préparation. Les « préliminaires » (sic) peuvent en fait se suffire à eux-mêmes, sans que cela aille jusqu’au coït. Cela peut valoir en particulier pour des périodes de continence. Lorsqu’on couple arrive à dire « nous avons des problèmes » (plutôt que « elle est frigide » ou « il est impuissant »), le sexologue conseille ainsi d’interrompre les relations sexuelles avec coït pour développer les caresses (massages relationnels).
L’éjaculation prématurée – qui est un problème de relation, le plus facile à corriger – vient de ce que l’homme ne sait pas distinguer la phase de remplissage de l’urètre (contrôlable) de celle d’extension déclenchant l’éjaculation (non contrôlable). Cela s’apprend.
De même la continence masculine est physiologiquement possible. L’homme n’est pas soumis à l’instinct – qui chez l’animal lui fait toujours reproduire le même acte. Il n’est pas esclave de ses pulsions.
Chez la femme, il y a dans le bas du vagin des muscles non maîtrisables, qui peuvent être contractés à l’excès (vaginisme) à cause d’une phobie qui empêche toute pénétration. Ce n’est pas un problème physiologique, mais psychologique.
Un homme pense que quand il fait, il dit. Il accorde plus d’importance aux gestes. Une femme a besoin que l’homme lui dise « je t’aime ». Une des difficultés des hommes est de ne pas exprimer leurs sentiments, en particulier amoureux. « Ne pleure pas, tu n’es pas une fille » a-t-on dit aux hommes. Laisser donc les garçons pleurer, faire leur colère.
L’homme a besoin de se sentir désiré, de ne pas être un éternel mendiant. Trop de femmes attendent que ce soit leur mari qui prenne l’initiative. Aujourd’hui, les consultations des hommes viennent moins de problème d’impuissance, mais d’absence de désir de leur femme.
Deux faces complémentaires d’une même réalité. 68% des femmes aimeraient plus de tendresse. 61% des hommes trouvent que cela leur suffit. Ce qui compte pour l’homme, c’est un corps qui vibre, vit, chante l’amour. Sa manière à lui d’aborder l’amour, c’est le charnel, mais en vue de l’amour. Biologiquement, la plus grande abondance de testostérone chez l’homme (hormone du désir) explique cela.
Pour que le langage du corps soit une vraie communication, il faut que ce soit une relation de personne à personne, où l’on recherche le bonheur de l’autre et son propre plaisir, sans jamais prendre l’autre pour objet. La particularité du plaisir sexuel, c’est qu’il se multiplie avec le plaisir de l’autre, en faisant plaisir. La masturbation, comme plaisir solitaire, est en deçà du plaisir de la relation sexuelle avec la personne aimée – pourtant physiologiquement identique. Le plaisir est lié à sa signification relationnelle. Des femmes sans orgasme sont comblées de pouvoir rendre heureux leur mari. L’échange peut s’établir s’il y a don de soi, plutôt que duel. Le vrai plaisir est un plaisir des sens doublé d’un plaisir des cœurs. Il n’est pas de plaisir sexuel dans le vide. On ne peut faire l’amour sans amour. Faire l’amour est simple : les animaux y arrivent. Mais aimer c’est autre chose. Avoir quelque chose à dire à quelqu’un, oser lui exprimer, lui confier ses désirs les plus profonds, les plus forts, ne saura jamais être remplacé par aucune technique. Oui, il faut oser dire – avec humilité – à l’autre ses désirs, mais le dire ne signifie pas que l’autre va le faire. Avoir cette simplicité de pouvoir le dire, de pouvoir essayer, ou de pouvoir ne pas essayer. Je désire, je crains, je préfère…
Tout le corps participe à cet amour. Le contact physique est d’autant plus facile qu’il y a un contrat commun (« ce soir, il n’y aura pas de coït »).
Le silence est nécessaire, pour permettre aux autres échanges de se développer, pour un plus grand épanouissement, y compris sexuel.
La continence, par exemple pour la régulation des naissances par méthodes naturelles (8 à 10 jours de période de fertilité ; en réalité 4 jours), peut être l’occasion de s’aimer autrement que par coït, de découvrir d’autres zones du corps, pied, visage : la continence n’est plus privation d’amour, mais manière d’aimer autrement. Si l’on met tout sur le coït, que se passe-t-il lorsqu’il y a maternité, ou maladie… La continence est une maîtrise de la sexualité, non par jansénisme, mais pour mieux s’aimer et mieux trouver le plaisir.
En cas de difficultés conjugales, il est opportun de s’adresser à un tiers qui ne prenne pas parti, qui renvoie au couple sa manière de fonctionner (conseiller conjugal, sexologue, médecin traitant…) et le plus tôt est le mieux, pour que des griefs, des rancœurs ne s’accumulent pas. Le tiers permet à l’un et à l’autre de découvrir la différence : « Mars » aura tendance à régler les problèmes tout seul ; « Venus » aimera la discussion à l’occasion du problème, davantage même que sa résolution.
La relation charnelle n’est pas le tout de la relation conjugale, mais elle l’enrichit considérablement. La rencontre charnelle avec son cortège de plaisir, de jeu, de fête, de reconnaissance, est un des aliments de l’amour.
Pour la régulation des naissances, le critère est celui de la croissance de l’amour dans le couple. Cela passe par le fait d’assumer en couple la méthode de régulation, sans la faire supporter par un seul.
Celse, philosophe païen du 1er siècle, désignait péjorativement les chrétiens comme « le peuple qui aime le corps ». Le plaisir est l’accomplissement de l’acte, et il est sain et bon dans la mesure où il est voulu en même temps que le but visé. (St Thomas d’Aquin) Le plaisir sexuel, oui, c’est bon à condition de ne pas faire de l’autre un objet. (Jean-Paul II)
Un interdit (de faire telle chose) est plus libérateur qu’un impératif qui oblige. Les psys indiquent la valeur positive de l’interdit. L’Eglise peut souvent aussi faire office de bouc émissaire pour des couples qui lui font porter leurs problèmes. En fait, elle ne fait que dire ce qu’au fond les couples désirent, même si elle le dit mal, parce qu’elle doit le dire au monde entier.
La fidélité (qui souhaite que l’autre le trompe ?), l’acte sexuel sans gadget (qui préfère avec plutôt que sans capote ?), le plaisir, la procréation (quel couple infertile voit cela comme un moins ?) L’Eglise indique que la fécondité sans relation sexuelle, ou l’inverse, sont des impasses, que c’est ailleurs qu’il faut chercher, vers un cap idéal, tout en comprenant les difficultés concrètes que les couples peuvent connaître.
En morale, on distingue trois dimensions, universelle, particulière, singulière :
1- La dimension universelle est l’invariant qui se trouve en toute culture, toute société : la place laissée à l’autre, le respect de l’autre (cf. l’impératif catégorique de Kant : « Agis de telle façon que la maxime de ton acte puisse être universalisée », traduit en langage populaire : « si tout le monde faisait pareil, personne ne pourrait plus vivre »). Une utopie mobilisatrice.
2- Les normes, traduisant dans le concret habituel cette dimension universelle. Habituellement, il ne faut pas mentir, il faut lutter pour la justice. Des normes élaborées après coup par des hommes, au contact des leçons de l’expérience : la mémoire de l’humanité. Sous cet aspect, la morale n’est pas éternelle. (Cf. l’acte sexuel pendant la grossesse, le prêt à intérêt…). C’est le code de la route.
3- Parce qu’il n’y a pas deux situations identiques, chacun a à choisir – non pas sa morale, mais comment il va vivre les repères moraux, que l’on ne peut pas tous respecter en même temps. Il y a conflit de devoirs, impliquant de trancher, de choisir. Et ce n’est pas à l’Eglise de le faire à notre place. Des règles doivent être transgressées pour respecter des principes plus élevés. Se salir les mains, plutôt que de ne pas avoir de main, mais sans verser dans une morale de situation. [Il y a cependant des actes intrinsèquement mauvais.]
Humanae Vitae (juin 1968) indique que les époux sont appelés à la sainteté, que l’homme est créé à l’image de Dieu, fait pour aimer, pour la communion, y compris dans sa dimension charnelle, sa fécondité (l’enfant est une surprise, non un produit de notre fabrication…), avec une « paternité responsable » : il ne s’agit pas de procréer n’importe comment… Un idéal mobilisateur.
Les repères qui permettent de dire qu’une méthode de régulation des naissances est bonne : elle doit être efficace ; satisfaire la relation conjugale, y compris au plan de l’érotisme ; être réversible ; écologique ; sans sexisme, impliquant les deux conjoints… Une méthode d’auto-observation (températures, glaires) s’approche de ces critères, mais aucune ne les satisfait toutes parfaitement. Des femmes ont des cycles très irréguliers impliquant une continence de 20, 30 jours. D’autres ne peuvent se permettre une nouvelle grossesse. Des hommes sont éloignés pendant de longues périodes (marins…). L’amour passe avant. En novembre 1968, les évêques de France invitent dans un conflit de devoir à rechercher devant Dieu, la meilleure solution, sans négliger aucun devoir en conflit, en étant attentif à toute solution susceptible de remettre en cause leur choix et leur comportement d’aujourd’hui, sachant que la contraception ne peut jamais être un bien ; elle est toujours un désordre ; mais ce désordre n’est pas toujours coupable. Les époux entendront avec reconnaissance la parole de Saint Augustin : « Paix aux couples de bonne volonté ». En 1970, Paul VI indique : prendre conscience que l’on est encore soumis à l’impulsion de ses tendances, se découvrir incapable de respecter totalement la loi naturelle ou divine, suscite un désarroi. Mais au lieu de nous abandonner au désespoir, ce désarroi peut être l’occasion de se découvrir pécheur pardonné, créature limitée, mais sauvée.
La vraie question est celle de l’identité personnelle de l’embryon. Un spermatozoïde vit 4 ou 5 jours dans le corps d’une femme. Un ovule vit 24 heures. La vie apparaît au moment de leur rencontre et donne une cellule, appelée à se développer en moyenne 77 ans pour les hommes, 84 ans pour les femmes. Il s’agit dès le départ d’un membre de l’espèce humaine – n’importe quel généticien le dira. Dire s’il s’agit d’une personne échappe à la compétence du savant. A partir de quand s’agit-il d’une personne humaine ? 40 jours pour un homme, 80 pour les femmes, disait-on au Moyen Âge. Au bout de x jours ou semaines ? Le comité consultatif d’éthique définit cela comme une « personne humaine potentielle ». Couper la cellule en deux est possible au début de la vie de cette cellule (en produisant deux vrais jumeaux), non ensuite. Quand commence l’existence personnelle de l’enfant ? Difficile à dire. Le tutiorisme exigerait que ce soit à la charge de celui qui nie l’identité personnelle de cette cellule, de le prouver.
Personne ne considère l’avortement comme désirable. Les dépressions post-avortement, ou à la ménopause, les reproches dans le couple liés à l’avortement… Invitation à s’engager au service de la vie, ou dans des mouvements comme Mère de miséricorde ou Agapè.