Semaine de l’unité des chrétiens 2013

Chaque année, du 18 au 25 janvier, les chrétiens des différentes confessions se rassemblent pour des temps de réflexion et de prière pour leur unité. Cette semaine de prière pour l’unité chrétienne est préparée chaque année par une commission internationale et interconfessionnelle qui émane à la fois du Conseil œcuménique des Églises et du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Les prières de la semaine 2013 ont été préparées par les Églises présentes en Inde sur le thème : « Ce que le Seigneur nous demande. »

 

Un dépliant de prière préparé par les communautés chrétiennes présentes à Rodez, est disponible ICI (A4 paysage recto-verso, reliure sur bord court, plié en 5 en accordéon).

 

Pour plus d’informations : http://tinyurl.com/unite2013

 

Voici la traduction de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens en Aveyron :

 

Millau :

• Mardi 22 janvier, 19h : repas-rencontre à la maison paroissiale de l’Eglise Réformée de France (37 boulevard Richard).

 

Rignac :

• Mardi 22 janvier, 11h : messe œcuménique à l’église de Rignac.

 

Rodez :

• Vendredi 18 janvier 2013, 20h30 : conférence-débat à plusieurs voix (catholique, protestante réformée, évangélique, pentecôtiste) sur « Qu’entend-on par mariage ? », à la maison des sœurs de Saint Joseph, 9 rue Jean XXIII. Entrée libre.

• Mercredi 23 janvier, 20h30 : célébration œcuménique, au temple de l’Église Réformée Evangélique (Route de Séverac).

 

Saint Affrique :

• Vendredi 25 janvier, 19h : repas-rencontre à la salle de l’Eglise Réformée de France, rue Lamartine.

 

Villefranche de Rouergue :

• Lundi 21 janvier, 20h à l’église de la Sainte Famille : célébration œcuménique.

 

Viviez :

• Vendredi 25 janvier, 17h30 : célébration œcuménique à l’église de Viviez.

Semaine de l’unité des chrétiens 2012

Chaque fin janvier a lieu la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’occasion de rencontres oecuméniques à partir du thème préparé cette année 2012 par les communautés chrétiennes de Pologne sur le thème :

« Tous, nous serons transformés par la victoire de notre Seigneur Jésus-Christ » (1Co 15,51-58)

cliquer sur le lien pour accéder au document de préparation.

Voici l’agenda de cette semaine de l’unité en Aveyron :

DECAZEVILLE

• Lundi 23 janvier, 17h30 : célébration œcuménique à l’église de Viviez.

MILLAU

• Mardi 24 janvier :

– 18h : célébration œcuménique, église Saint François ;
– 19h15 pique-nique ;
– 20h30 : partage autour du Notre Père (groupe des Dombes), à la salle du Barry.

RODEZ

• Vendredi 20 janvier, 20h30 : conférence-débat à plusieurs voix (catholique, réformée, évangélique, pentecôtiste) sur « Les Eglises chrétiennes et l’argent», à la Maison Saint Pierre (Bourran). Compte-rendu : ICI.

• Mercredi 25 janvier, 20h30 : célébration oecuménique au temple de l’Église Réformée de France (1 av. Louis Lacombe).

• Jeudi 2 février, 20h30 : groupe biblique œcuménique sur les Actes des apôtres au temple de l’Église Réformée Evangélique (Onet, 32 route de Séverac).

SAINT-AFFRIQUE

• Jeudi 19 janvier, 20h30 : célébration œcuménique à l’église de Saint Affrique.

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE

• Mercredi 18 janvier, 20h : veillée de prière œcuménique à la chapelle de la Sainte-Famille.

Chacun peut s’associer à cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, notamment avec un feuillet de prière préparé par des chrétiens aveyronnais de différentes confessions. Il est téléchargeable ICI (ou sur sur http://tinyurl.com/unite2012)

Comme les années précédentes, il s’agit d’une feuille A4 paysage, à photocopier recto-verso, et à plier en accordéon en 5 plis. Elle comporte l’agenda de la semaine de l’unité des chrétiens en Aveyron (ci-dessus).

Comme indiqué dans le journal paroissial du diocèse catholique de Rodez de janvier (« Chez Nous »), le programme de la semaine de l’unité des chrétiens 2012 est aussi accessible sur : http://tinyurl.com/unite-chretien-2012a qui renvoie à cette page.

Christianisme et autres religions

Question d’un lycéen hier sur facebook : La perspective de l’Eglise est-elle comme celle de la Rome Antique, une perspective où tous les cultes sont libres et semblent, comme pour les Romains, une source nouvelle et potentiellement plus juste de la foi. En définitive, quel est le point de vue de l’Eglise sur la foi des non chrétiens-catholiques ?

 

La question du statut des autres religions vis à vis du christianisme est LA question qui se pose à la théologie chrétienne du XXIème siècle. Pour y répondre en cohérence avec notre foi chrétienne, il faut tenir les 2 termes du paradoxe :

– Le Christ est l’unique médiateur, le seul intermédiaire entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre, l’éternel et le temporel, l’absolu et le relatif…

– Dieu appelle tous les hommes au salut, par delà leurs différences de confessions.

 

Deux fausses pistes de réponse :

– centrée sur l’Eglise : « hors de l’Eglise, point de salut » (Saint Cyprien de Carthage) ; dans une lecture « dure » de cette expression, on dirait que ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, ne sont pas baptisés-confirmés et ne vivent pas selon l’Evangile, ceux-là vont en enfer… En réalité, il faut lire la fin de l’Evangile de Marc (Mc 16,16) : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. » C’est seulement le refus de croire qui exclue. Et cela ne concerne donc pas ceux à qui la foi chrétienne n’a pas été proposée, ou ceux à qui elle n’a été proposée que sous le masque déformant du contre-témoignage des membres de l’Eglise. Il faudrait donc plutôt lire la citation de Saint Cyprien, non pas comme une affirmation glorifiant l’Eglise, mais comme un appel à sa sanctification, car « hors de l’Eglise, point de salut signifié ». Le Christ a choisi cette réalité imparfaite qu’est l’Eglise – et nous dedans – pour se dire aux hommes, et c’est là un motif d’étonnement et de responsabilité.

– centrée sur Dieu : on gommerait les aspérités du dialogue interreligieux en se contentant de dire que nous sommes tous enfants de Dieu ; c’est le même Dieu, mais ce n’est qu’une différence de points de vue qui fait que nous l’appelons différemment, Allah, la Trinité, Adonaï etc… Un tel relativisme n’honore pas cette exigence minimale de la raison qu’est le principe de non contradiction : deux propositions contraires ne peuvent être vraies en même temps et sous le même rapport. Soit Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme et en lui s’accomplissent les Ecritures, la quête de l’homme vers Dieu (et la quête de Dieu vers l’homme : cf. Gn 3,9) de sorte que la Révélation est complète en lui, et qu’elle doit pourtant encore se réaliser en l’homme par la foi en lui (christianisme), soit il n’est qu’un homme, envoyé de Dieu, dont les disciples auraient « falsifié » le message, de sorte qu’est nécessaire un nouvel et dernier envoyé, Mohammed, qui forme des disciples capables de transmettre parfaitement le message dicté par Dieu (Islam). Les deux propositions ne peuvent être vraies en même temps. Si l’on se place d’un point de vue extérieur à l’une et l’autre, il faut pour en juger dans un premier temps appliquer le critère que Jésus lui-même a donné : juger de l’arbre à ses fruits…

Face au mal

Voilà ci-dessous le compte-rendu d’une belle rencontre oecuménique (27/1/2010) à Rodez, avec une conférence à trois voix : celle de Luc Goillot, pasteur des Assemblées de Dieu, de Stéphane Kouyo, pasteur de l’Eglise Réformée Evangélique, et de Jean-Luc Barrié, curé de la paroisse catholique de Rodez.

Tous ensemble face au scandale du mal.

Le texte de ce compte-rendu au format pdf est téléchargeable ICI.

 

Le diable ? Parlons-en !

Luc Goillot, pasteur des assemblées de Dieu

Peut-on parler du diable aujourd’hui, à l’aube de ce nouveau siècle, le 21e siècle de l’ère Chrétienne… ? Cette conférence lance le débat : « Parlons-en ! » Si vous êtes là, c’est que vous acceptez d’en parler !

Jn 10/9-11 « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour dérober, égorger et détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles soient dans l’abondance. Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis »

De qui Jésus parle-t-il quand il parle du voleur ?

On note l’opposition entre deux volontés :

Celle de Dieu : au travers de Jésus il apporte la vie.

Celle du voleur : il vient pour dérober, égorger et détruire.

En fait, Jésus nous parle d’enjeux spirituels qui nous dépassent.

Il y a vraiment dans le monde spirituel deux armées qui se livrent un combat sans merci.

Une qui veut le bien de l’homme : à sa tête Jésus-Christ. Et l’autre qui veut sa perte : à sa tête le voleur, le diable.

On retrouve cette lutte dans toute la parole de Dieu (Guerres, Job, Moïse, Venue de Jésus…)

Jésus a parfaitement conscience de ce combat :

– Mt 6/13, trad. Chouraqui, BDJ, Crampon, Segond : « ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin »

– Lc 23/31-32 : « Le Seigneur dit : Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point »

L’errance spirituelle dans laquelle se trouve notre 21e siècle n’empêche pas, et je crois même, favorise la curiosité pour tous les messages concernant le monde spirituel…

– Musiques, Films, voyance, astrologie, ésotérisme, sciences occultes, satanisme

Allons-nous laisser nos générations livrées à une découverte hasardeuse et inconsciente du monde spirituel ou allons-nous prendre notre place en tant qu’église pour expliquer que derrière ses choses, quelqu’un a juré la perte de l’homme ? Si Jésus en a parlé et nous met en garde, ne devons-nous pas en parler et mettre en garde nos générations ?

Baudelaire : « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas »

Il y a deux leurres qu’il faut à tout prix éviter :

– Croire que le diable n’existe pas.

– Croire qu’on n’est pas concernés, que le diable n’agit que sur les gens possédés ou dans d’autres pays ou époque que les nôtres.

Ep 6/11-12 « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. »

1 Pi 5/8 « Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera »

Personnellement, je pense que la raison pour laquelle l’homme échoue en face du mal, c’est qu’il essaie de s’attaquer au mal lui-même, au lieu de lutter contre celui qui répand le mal.

Derrière la violence, les pulsions autodestructrices, les haines, les guerres, l’amour de l’argent, l’égoïsme, le mépris, la chute des valeurs morales, ce sont les puissances mauvaises gouvernées par le diable qui s’organisent pour détruire l’humanité et contrecarrer le plan de salut de Dieu…

Dès lors il est intéressant de se poser la question :

Que fait concrètement le diable aujourd’hui ?

Le diable ne peut s’attaquer directement à Dieu car il lui est inférieur et donc il a choisi de s’attaquer à ses créatures… (Exemple de Job…)

Ces différents noms trouver dans la parole de Dieu nous permettent de le démasquer dans ses intentions :

1 Diable = le diviseur : guerres, racisme, discriminations, insoumission, éclatement des familles. Il arrive même à diviser les Chrétiens !

2 Adversaire = s’oppose à Dieu

– Avant l’homme (Ange qui s’est opposé à Dieu, Es 14 et Ez 28)

– Cela est encore à l’origine de l’humanité : Le serpent a détourné l’homme et la femme du plan de Dieu… (Ge 3/1)

3 Malin = il ne se présente pas avec sa fourche et ses cornes !

2 Co 11/14 « Il se déguise en ange de lumière »

De 18/9-12 « Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel »

4 Menteur = détourne la parole de Dieu ou se fait passer pour Dieu.

Ge 3 « Dieu a-t-il réellement dit » ! (2 Co 11/3-4, Lc 8/12 parabole du semeur)

2 Th 2/3-4 « Que personne ne vous séduise d’aucune manière ; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu »

V9 « L’apparition de cet impie se fera, par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers »

Le danger guette tous les mouvements religieux : Erreurs de l’histoire…

5. Satan = accusateur des frères : Ap 12/10 Il nous écrase sous la CULPABILITE alors que Jésus est venu nous en libérer !

6. Voleur = le but est de nous voler le destin que Dieu a mis en place pour nous (Ep 2/10)

(Signification du mot péché)

 

Faut-il être fataliste ?

Non, nous avons le pouvoir de lui résister :

1. Etre conscient de son existence et de ses objectifs (2Co 2/11 et Ac 26/18)

2. Se soumettre à Dieu (Ja 4/7). Nous sommes vainqueurs sur lui en Jésus-Christ.

 

Jésus face au scandale du mal

Stéphane Kouyo, pasteur de l’Eglise Réformée Evangélique

(notes écrites par Stéphane Kouyo, plus complètes que son exposé oral)

Tous les jours sur terre, des millions de personnes sont aux prises avec le mal et la souffrance. Si Dieu nous aime, que fait-il face à toute cette souffrance, face à tout ce mal ? Comment concilier l’existence d’un Dieu bon et tout-puissant avec la présence du mal et de la souffrance dans le monde et dans l’histoire ? Le mal n’est-il pas le déni de l’existence d’un Dieu d’amour ?

Lactance, un philosophe du troisième siècle après Jésus-Christ formule bien la problématique : Si Dieu veut supprimer le mal et ne peut le faire, c’est qu’il n’est pas tout-puissant, ce qui est contradictoire. S’il le peut et ne le veut pas, c’est qu’il ne nous aime pas, ce qui est également contradictoire. S’il ne le peut ni ne le veut, c’est qu’il n’a ni puissance ni amour et qu’il n’est donc pas Dieu.

Pourquoi le mal est un scandale ?

Sous ces deux formes – la souffrance et la faute – le mal est un scandale parce qu’il constitue ce qui ne peut ni être compris ni être aimé. Il est éprouvé comme ce qui détruit, il va contre tout ce qui est bien, beau, vrai juste et sain (saint ? !). Ainsi il est un véritable objet de scandale, pour l’esprit et pour le cœur, pour la raison et pour l’affectivité, pour le corps et pour l’âme.

Il faut faire une petite distinction entre le mal et la souffrance ou la douleur. Si le mal est une espèce de déchirure de l’être, c’est donc une injustice et une violence. La souffrance est elle, la réaction au mal qui affecte l’être. Ainsi la souffrance est une fonction de la vie – elle ne s’identifie pas au mal, mais elle lui est liée. Nous cherchons à ne pas souffrir, ni physiquement, ni moralement, ni spirituellement.

Des tentatives pour réduire ce scandale :

1) La raison : expliquer le mal

Le mal dans la nature s’explique et se justifie dans la mesure où il est le corrélat d’un bien meilleur. Pour exemple prenons le darwinisme qui explique que la vie progresse grâce au processus évolutif et que la condition de cette progression est la loi de l’évolution selon laquelle il y a survie du plus apte. C’est pour le bien de l’espèce que les animaux malades ou âgés disparaissent. C’est pour le bien de l’ensemble des vivants que telle ou telle espèce disparaît. C’est pour le bien de l’ensemble de la vie que les groupes zoologiques doivent s’adapter – certaines espèces survivre et se développer tandis que d’autres disparaissent. Le processus est au bénéfice de la vie elle-même.

2) La morale : prôner le détachement

Le mal n’est pas seulement une déchirure pour la raison, il est aussi une déchirure pour l’affectivité. Là, il est source d’une douleur qui n’est pas facile à vivre. Aussi les traditions de sagesse ont élaboré une manière de l’esquiver ou de la contenir. Une des stratégies face au mal est d’éluder cette blessure. Cette attitude invite à une mise à distance que les sages appellent le détachement. Il ne faut pas s’attacher pour ne pas être blessé par la douleur de la perte en quoi consiste le mal.

3) L’attitude religieuse

Le mal et le bien sont deux principes antagonistes. Ce sont deux forces divines qui agissent dans le monde.

Ces trois attitudes et bien d’autres ne sont pas satisfaisantes. Elles éludent la vraie difficulté.
La vision chrétienne :

Elle propose une voie plus exigeante. Elle écarte les faiblesses du dualisme religieux en confessant strictement un Dieu unique. Elle récuse la mise à distance du tranchant de la douleur comme si le mal pouvait être oublié. Elle refuse enfin une explication rationnelle qui efface le scandale du mal et le justifie d’une manière ou d’une autre.

Jésus-Christ est la réponse de Dieu à la question du mal. Sans donner d’explication à la présence du mal le Seigneur propose une solution. Dans la personne et l’œuvre du Christ Dieu se rend victorieux du mal. Dans la mort et la résurrection de Jésus il triomphe du mal et de la personne du diable. Cet adversaire est ainsi désarmé, vaincu, maîtrisé.

 

Comment cette victoire s’est-elle orchestrée ?

La victoire prédite : la première prédiction a été faite dans le jardin d’Eden et constituait un aspect du jugement porter contre le serpent : ‘’je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre sa descendance et sa descendance : celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon’’ (Gn : 3,15). Nous identifions, avec raison, la descendance de la femme au Messie qui établira le règne de justice de Dieu et mettra fin à la domination du mal.

La victoire amorcée : l’action de Jésus et son message sont le signe visible de la victoire avenir malgré les oppositions qu’il connaîtra.

La victoire remportée : c’est à la croix que cette victoire est remportée. C’est par sa mort que le Christ devait « écraser celui qui détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable », et délivrer tous les captifs (He 2 :14-15).

Le passage qui souligne avec le plus de force la victoire de Christ est peut-être celui de Col 2 :13-15 : « … en nous faisant grâce pour toutes nos toutes nos offenses ; il a effacé l’acte rédigé contre nous et dont les dispositions nous étaient contraires ; il l’a supprimé en le clouant à la croix ; il a dépouillé les principautés et les pouvoirs, et les a publiquement livrés en spectacle, en triomphant d’eux par la croix. »

La victoire confirmée et proclamée : si la croix est la victoire remportée, la résurrection est la victoire reconnue, annoncée et démontrée. « Il n’était pas possible qu’il soit retenu par la mort » Actes 2 :24. Les principautés et les puissances mauvaises qui, à la croix, ont été dépouillées de leurs armes et de leur dignité, sont désormais placées sous ses pieds et lui sont soumises (Eph 1 :20-23 ; 1Pi 3 :22).

La victoire qui s’étend : plus l’Evangile progresse, plus s’étend l’œuvre rédemptrice de Dieu. Toute conversion chrétienne implique une confrontation de puissance dans laquelle le diable est contraint de renoncer à ses droits sur quelqu’un ; ce duel qui tourne à l’avantage du Christ démontre combien sa puissance est supérieure à celle du diable.

La victoire consommée : Au retour de Christ, le diable sera définitivement placé hors d’état de nuire. Il n’y aura plus de larmes mais nous connaîtrons la félicité éternelle.

En attendant ce jour béni, nous sommes appeler à vivre dans ce monde avec cette foi inébranlable dans la victoire du Christ, dans notre propre vie et dans le monde. C’est la victoire du Christ est celle de son peuple. Elle est aussi rendu possible dans le concret de la vie.

Le mal n’est et ne doit pas être une fatalité et notre foi nous pousse à lutter contre le mal dans toutes ces expressions. C’est de cette manière que nous nous approprions la victoire du Christ.

Nous devons donc développer notre capacité de révolte contre le mal, pour le refuser, le combattre dans nos vies et dans le monde. Dans ce combat, nous ne sommes pas seuls. Nous avons reçu le Saint Esprit, notre force.

 

L’Eglise face au mal et à la souffrance

Jean-Luc Barrié, curé de la paroisse catholique Notre-Dame de l’Assomption

Un peu d’histoire

– Dès ses débuts, l’Eglise a combattu le mal et la souffrance par la solidarité, le partage :

Act 6,1-3 : des diacres pour s’occuper des veuves

Act 3,1 : Le boiteux de la belle porte guéri par Pierre et Jean

– Tout au long de l’histoire, elle a mis en place tout un arsenal de structures pour combattre la souffrance : hôpitaux (sœurs du Saint Cœur), orphelinats, écoles (Ste Famille à Villefranche de Rouergue), aide aux femmes en détresse (Ste Famille, congrégations diverses… je donne là des exemples aveyronnais, mais il y en a partout dans le monde). La plupart de nos congrégations religieuses sont nées pour soulager une souffrance à une époque… (pensons à Mère Térésa de Calcutta, à Sœur Emmanuelle au Caire, à l’Abbé Pierre en France…)

– Certaines de ces structures ont été prises en charge par l’Etat et d’autres institutions laïques, et nous nous en sommes alors séparés pour nous investir dans des lieux où des besoins nouveaux se faisaient sentir. Je pense à l’accompagnement des premiers malades du Sida où l’on a vu beaucoup de religieuses : une docteur d’un grand hôpital de Paris m’a dit à l’époque « heureusement qu’elles étaient là, on ne trouvait personne pour les accompagner… »

– Aujourd’hui sur la Paroisse Notre Dame de l’Assomption, sont présents par exemple :

– Secours Catholique et St Vincent de Paul : pour combattre la pauvreté chez nous. Des associations qui travaillent avec les services sociaux ou directement pour un secours d’urgence et un accompagnement des personnes en grandes difficultés sociales. Je peux dire pour y avoir participé que remplir le frigo d’une maman de deux enfants qui n’a plus rien à leur donner, c’est important.

– CCFD : pour une solidarité avec les pays du Tiers Monde. Une ONG, je crois la plus importante, de solidarité mais surtout d’aide au développement dans les pays pauvres. Pas seulement apporter un sac de riz, même s’il faut le faire pour que les gens ne meurent pas de faim, mais également soutenir les initiatives locales pour un développement, une autonomie alimentaire de ces pays.

– Aumôneries des hôpitaux, le Service Evangélique des Malades par rapport à la maladie…

– Aumôneries des prisons : souffrance psychologique et sociale. Des laïcs et un prêtre qui visitent les prisonniers.

– Mère de Miséricorde : femmes en détresse (grossesse non désirée)

– Accompagnement des familles en deuil : des équipes de laïcs qui accompagnent, se rendent présents auprès des familles pour préparer la sépulture mais aussi pour signifier notre soutien, notre solidarité dans ces moments dramatiques et douloureux.

Quelle attitude de l’Eglise face à la souffrance ?

D’abord la prière : car cela ne sert à rien de bâtir sans Dieu.

Souffrance sociale : Le Partage et solidarité, donner le nécessaire, le vital, ne pas laisser les personnes mourir de faim, un enfants sans vêtement, mais aussi sans jouets à Noël… Aider à payer la facture du fuel pour ne pas vivre l’hiver dans le gel… Permettre de se redresser, de retrouver sa dignité, de se prendre en main. Les aider à ne plus se sentir rabaissés, exclus, mis à part, montrés du doigt, ou au contraire invisible (SDF)

Dénoncer les injustices, lutter contre elles, combattre les causes de ces injustices. Cf. Rapport annuel du Secours Catholique, chrétiens engagés dans diverses organisations syndicales et associatives, Action Catholique…

Interventions des évêques de France à Lourdes cette année sur les sans papiers :

Non seulement elles doivent bénéficier de moyens de subsistance dignes d’une personne humaine (nourriture, hygiène, soins médicaux, etc.) mais encore elles doivent pouvoir accéder normalement aux informations nécessaires à leur défense. Le fait d’être en situation irrégulière ne fait pas perdre ses droits élémentaires à quelque personne que ce soit. Quel que soit le bien-fondé des décisions judiciaires ou administratives, leur application doit respecter ceux qui sont concernés, en particulier les enfants et les jeunes pour lesquels les liens familiaux doivent êtres privilégiés.

Encyclique du Pape Benoît XVI : « L’amour dans la vérité »

ACAT : lutte contre la torture (œcuménique)

Maladie : Présence silencieuse et gratuite, accompagnement, compassion, prière avec et pour les malades. Etre là, simplement, par pur amour, dans une attitude de compassion. Pas pour dire, mais pour accueillir ; pas pour récupérer, mais pour offrir une aide ; pas pour enseigner, mais pour écouter… Une présence qui manifeste la présence et la tendresse de Dieu.

Réponse sacramentelle : le sacrement des malades qui signifie, rappelle, manifeste, la présence de Dieu, de la force de son Esprit, dans la maladie, la souffrance ou la fin d’une vie.

L’attitude de l’Eglise catholique face au mal, ce sont les prises de paroles de sa hiérarchie, mais c’est avant tout et surtout l’engagement de baptisés dans les différents combats pour la justice et la paix, contre tout ce qui opprime l’homme. J’aurais pu donner de multiples exemples, peut-être des catholiques présents se disent, il n’a pas parlé de ceci ou de cela, mais on ne peut pas faire ici un inventaire exhaustif, simplement voir les grandes lignes de cette attitude qui prend des visages multiples.

Des mots clefs : SOLIDARITE- PARTAGE – LUTTE CONTRE L’INJUSTICE – DENONCIATION – PRESENCE – COMMUNION – COMPASSION
La source de ces attitudes

Jésus n’a pas donné de justification à la souffrance, ni d’explication.

Lc 13,1 : Les victimes de la tour de Siloé pas plus pécheurs que les autres.

Jn 9,2 Aveugle de naissance : « lui ou ses parents qui ont péchés ? » Réponse de Jésus : la guérison de l’aveugle.

Jésus a combattu les causes de la souffrance :

Il a dénoncé tous ceux qui à son époque étaient responsables d’injustice et de souffrance :

Mc 12,40 Les scribes qui dévorent les biens des veuves. Et tout le chapitre 23 de Matthieu sur l’hypocrisie des scribes et pharisiens qui exploitent le peuple en abusant de leur pouvoir…

Jésus, chaque fois qu’il a pu, a soulagé la souffrance : toutes ses guérisons…qui rendent aussi aux personnes leur dignité et leur place dans la société.

Jésus a habité notre souffrance :

Il a fait sienne toute souffrance au jardin des Oliviers, lors de son jugement et sur la croix. Entre le jardin des Oliviers, l’arrestation, le jugement, les fausses accusations, les injures, les crachats, les quolibets et moqueries, l’abandon de ses disciples, la souffrance de femmes qui l’entourent, les coups, les tortures, la crucifixion, la mort sur la croix… Je pense qu’il n’est pas une souffrance qu’il n’ait touchée, fait sienne, habité de sa présence, de son amour, de son don de lui-même. Mais il l’a fait sienne toute au long de sa vie :

Jean 11,33 : Jésus pleure son ami Lazare…

Lorsqu’il les vit se lamenter, elle et les Juifs qui l’accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla. 34 Il dit : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils répondirent : « Seigneur, viens voir. » 35 Alors Jésus pleura ; 36 et les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »

Cf. Livre de Jacques Ellul « Si tu es le Fils de Dieu… Souffrances et tentations de Jésus » :

Dans le credo nous disons couramment : « Il a souffert sous Ponce Pilate » (donc il n’a souffert que sous Ponce Pilate !), puis « Il a été crucifié ». Alors que le texte véritable (et conforme à la construction grammaticale latine) est : « Il a souffert ; sous Ponce Pilate il a été crucifié. »

Jésus, par sa mort et sa résurrection, à fait de la souffrance un instrument de Salut :

C’est par le don de sa vie sur la croix qu’il nous a donné part à sa vie divine et gloire, de joie et de paix éternelle. La souffrance, le mal suprême, la mort, qui l’échec absolu, devient en lui et par lui un chemin de vie, de salut, de gloire et de joie infinie. Ce qui est le mal suprême nous ouvre au bien suprême.

Marie au pied de la croix, silencieuse, qui souffre de la souffrance de son Fils (Jn 19,26-27)

…comme le lui avait annoncé Siméon (Lc 2,3)

La souffrance peut…

– La souffrance n’a pas de sens en elle-même, mais elle peut être vécue en communion avec Jésus en croix et permet de participer à son œuvre de rédemption.

Elle peut être aussi un lieu de purification, de conversion.

Elle peut être un lieu d’expérience du mystère Pascal.

Cela est expérimenté par beaucoup de croyants, mais ce n’est pas quelque chose que l’on peut assener à quelqu’un qui est en souffrance. Ce n’est que petit à petit, dans un accompagnement de proximité et dans le temps que les choses peuvent se découvrir avec l’aide de l’Esprit Saint. Et l’expérience d’une personne ne peut être donnée en modèle ou en exemple, elle peut simplement ouvrir une brèche, permettre un pas vers la paix.

J’ai vécu cela dans de nombreux accompagnements de malades ou de familles fortement touchées par un deuil.

 

Questions-débat

Peut-on considérer que la mort fait partie du mal, alors qu’elle est intrinsèque à la vie ? Pourquoi dit-on que Jésus est venu vaincre la mort ?

JL – La mort est l’échec absolu, humainement parlant. Il y a une brisure de la relation, de la présence de la mort. Là où Jésus vainc la mort, c’est qu’il en fait le lieu d’une vie nouvelle, dans une relation, une communion des saints, qui fait que celui qui naît en Jésus à cette vie nouvelle est présent. Jésus a fait de l’échec absolu, le don absolu de la vie divine.

S – A côté de l’expérience existentielle de la mort, dès l’origine, il est question de la mort. Si vous mangez du fruit de l’arbre interdit… il y a d’abord mort spirituelle. La mort est rupture de lien avec notre Créateur, notre Père céleste.

Comment envisager le mal en dehors de la religion, en dehors du Christ, pour accompagner la souffrance de quelqu’un qui n’a pas la foi…

L – On a en tant que chrétien un devoir d’écoute, d’accompagnement et de partage. La question me déstabilise, car je ne vois pas comment envisager autrement qu’en chrétien… On va témoigner, sans pour autant imposer notre foi à ceux qui la refusent. L’écoute est ce dont on a le plus besoin quand on souffre.

R.Salles – L’expérience de plusieurs années de soins palliatifs nous a montré que la demande religieuse est rare en fin de vie, et que le mourant est rasséréné lorsqu’il s’est mis en relation satisfaisante avec lui-même, parce qu’il a résolu un problème d’inimitié le plus souvent familiale. On a mult exemples d’attente du mourant de celui avec qui il veut se réconcilier.

M.Salles – C’est l’écoute du malade qui importe en premier. On est là pour être avec lui, rétablir la relation.

L – S’il est vrai que malheureusement il y a peu de demande religieuse, je vois des signes d’une relation avec Dieu, d’un face à face avec Dieu qui peut se faire sans mot, sans nous, un Dieu bon qui amène l’homme à une réconciliation avec soi et les autres certes, mais aussi avec lui.

Il y a aussi de la méchanceté, du cynisme, des gens qui torturent, des méchants. Comment expliquer cela ?

S – Le mal implique la souffrance pour celui qui le subit, et la faute pour celui qui le commet. Il a été question de lutte plus que d’explication, lutte à différents niveaux : social, politique y compris… Quelquefois, les méchants triomphent en ce monde (cf. Psaumes), mais dans un regard de foi, il ne faut pas s’en tenir au seul temps ici bas, mais voir à l’échelle de l’éternité et du Jugement final. La foi au Christ vient dire la victoire sur le mal et la méchanceté des méchants. Un jour, il y aura rétablissement de la justice par Dieu, et chacun aura à rendre compte de ce qu’il a fait.

JL – Dieu nous a créé à son image et donc libre, à la différence des animaux qui obéissent à leur instinct. Libres jusqu’à pouvoir dire non à Dieu. Une liberté qui rend capable de faire des choses magnifiques, mais aussi de pécher. On est impliqué dans ce péché. Notre liberté nous fait nous aussi mener ce combat spirituel : qu’est-ce que je fais de ma liberté ?

L – Paul dit dans Rm qu’il n’y a aucun homme qui soit juste. Nous sommes tous pécheurs. Je fais le mal que je ne veux pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais faire. Nous ne sommes pas au dessus de Paul. Veillons nous-mêmes à ne pas faire de mal, avant de condamner le mal en autrui, alors qu’il est en nous. Que l’Esprit soumette mon esprit au sien ! Cf. Ga 5 qui nous parle de la lutte de la chair et de l’Esprit. Il y a du bon en l’homme, mais l’homme sans Dieu est souvent perdu… Cf. Les génocides… Derrière tout cela, il y a le diable.

Que répondre à Camus au sujet de la mort de l’enfant ?

JL – Cette question de la mort de l’enfant innocent, pose la question du « comment Dieu a-t-il pu créer un monde où un enfant innocent puisse mourir ? » Gn 1 nous dit que Dieu vit que le monde qu’il avait fait était bon, voire très bon, mais non parfait. Un monde non fini, en croissance, en création, avec des imperfections, des accidents… Cela n’enlève rien au scandale. Cela est la même chose pour le tremblement de terre d’Haïti. C’est un mystère, au double sens de ce que mon esprit ne peut l’atteindre, et de ce que Dieu y est présent.

L – On ne peut pas avancer sur cette question. On n’est pas Dieu. Ce qui me touche plus que le départ d’un enfant, car je crois qu’il y a quelque chose au-delà de la mort, c’est la souffrance de l’enfant. Cela nous dépasse totalement. Il n’y a pas d’explication.

JL – Je me rappelle un jeune couple dont le premier enfant meurt d’une maladie orpheline dans des souffrances impossibles, et qui m’accueille comme prêtre pour préparer la célébration des obsèques, et qui mystérieusement avaient une paix infinie dans leur cœur. Là, j’ai vu la grâce divine : Dieu était présent. Ils ne m’ont jamais posé la question du pourquoi.

Est-ce que Dieu permet la souffrance pour que l’homme se tourne vers lui ?

S – Dieu peut se servir dans sa souveraineté pour attirer les gens à lui. Et heureusement qu’il s’en sert, qu’il est capable d’utiliser du meilleur et du pire.

JL – Un papa ou une maman ne supportera jamais de voir souffrir un enfant sans rien faire. Dieu souffre de notre souffrance. Il ne peut « permettre » en vue de… mais il est capable de faire de la souffrance un lieu de l’expérience pascale.

L – Je crois plutôt en un Dieu totalement souverain, et qui permet que je souffre. Pourquoi, comment ? Je n’en sais rien… mais je crois que le premier objectif de Dieu est de nous amener au salut, et que notre passage ici-bas est une préparation de notre éternité. Je n’en déduis pas une règle en disant que toutes les souffrances sont voulues par Dieu, encore moins qu’il y prend plaisir, mais je mesure que pour moi, c’est dans les moments difficiles que Dieu m’a rejoint.

S – On parle souvent du scandale du mal pour le reprocher à Dieu, mais ce peut être aussi une occasion de glorifier Dieu, dans sa capacité de faire d’un mal un bien. Du pire, le Seigneur est capable de faire le meilleur. Il n’est pas limité par l’outrance des hommes, pour nous dire combien il nous aime. Si Dieu le permet, s’il est souverain sur toutes les choses…

Celui qui est forcé de commettre le mal, comment situer ce mal ?

S – Je dois obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Réponse simple, mais je ne sais pas si je serai capable de résister. En tous cas, c’est ce que nous devons faire. Il y a des martyrs qui le font.

En catéchèse, faut-il parler du diable ?

L – Oui, dans nos églises (assemblées de Dieu), car on n’élude pas cette question. Mais il faut voir à quel âge le dire. Eviter aux tout-petits. On peut aussi en parler mal, ou lui donner trop d’importance. Cela dit, des jeunes fréquentent le monde occulte, et il faut les mettre en garde.

J.Sylvain (ERF) – J’ai été catéchiste pendant une dizaine d’années. Nous préférons parler du Mal que du diable.

S – La catéchèse concerne enfants et adultes. Même des chants pour enfants en parlent. Maintenant, ce n’est pas forcément bien fait. Au niveau pédagogique, c’est parfois léger. Aujourd’hui, il importe que nous ayons moins peur d’en parler, car les jeunes en parlent facilement, et pratiquent des choses, des expériences occultes.

JL – Dans l’Eglise Catholique, on parle peu du diable, mais du mal, en veillant à ce que l’on puisse l’identifier, dans les luttes, et le combat spirituel. On en parle peu, car il y a une imagerie, et le danger qu’il pourrait y avoir deux dieux qui se combattent. L’idée d’une trop grande personnalisation du mal peut amener à un dualisme.

 

Quelques liens…

Pour la Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens, les communautés chrétiennes de Rodez ont préparé ensemble un dépliant à partir du chapitre 24 de l’Evangile selon Saint Luc : pour le télécharger, cliquer ICI

Une lecture d’image à partir de l’Evangéliaire diocésain : ICI

Un photo-langage d’une cinquantaine d’images sur le baptême : cliquer ICI (puis décocher la croix X en haut à droite de la page, cliquer sur « Télécharger », attendre quelques secondes, puis cliquer sur « Cliquez ici pour télécharger ce fichier »)

Prier pour l’unité des Chrétiens

Entre le 18 (anciennement fête de la chaire de Saint Pierre, aujourd’hui reportée au 22 février) et le 25 janvier (fête de la conversion de Saint Paul), a lieu chaque année la semaine de prière pour l’unité des chrétiens.

C’est souvent l’occasion d’ « échanger les chaires » – d’entendre la prédication d’un pasteur dans une église catholique, et réciproquement d’un prêtre dans un temple -, de rassembler les communautés ecclésiales autour d’une célébration commune, d’associer les paroissiens de chaque communauté à la prière pour l’Unité de tous.

Le Conseil Oecuménique des Eglises propose chaque année au niveau mondial des pistes de célébration et de prière. Cliquer ICI pour obtenir une proposition d’intention de prière pour chaque jour de la semaine, ou ICI pour obtenir tout le livret, avec une célébration et un commentaire d’Ez 37,17 qui donne son thème à l’année 2009 : « Ils seront unis dans ta main« .

Cette année est  aussi pour les catholiques une année dédiée à Saint Paul. Les églises catholique, réformée de France (ERF), réformée évangélique indépendante (EREI) et assemblées de Dieu, présentes sur Rodez ont donc préparé ensemble un dépliant pour prier chaque jour de cette semaine à partir de textes de saint Paul.

Ce dépliant est disponible au format pdf (308 kb) en cliquant sur la barque ou ICI.

OecuménismeImprimer les 2 pages au format A4 ; les photocopier recto-verso ; enfin plier en accordéon (en 5). Il faut une bonne imprimante et un bon photocopieur pour l’éditer, car les marges sont étroites.

A propos des propos de Benoît XVI

Samedi dernier, nous avons eu une rencontre interreligieuse particulièrement bienvenue, avec notamment la présence de plusieurs membres représentants de la communauté musulmane de Rodez. Près de cinq années de dialogue ont tissé entre participants musulmans et chrétiens – catholiques et protestants – des liens de fraternité et de respect. Nous avons donc pu partager posément et fraternellement sur les propos de Benoît XVI, mardi 12 septembre à Ratisbonne, et sur la polémique qui a suivi.

J’avais émis l’idée que la réaction violente de musulmans à des propos évoquant un lien possible entre Islam et violence, pouvait attester la pertinence même des propos (voire des caricatures) sur cette violence.

Un participant (non musulman, mais baha’i) avait alors répondu qu’il ne fallait pas reprocher à une bombe d’exploser, mais condamner plutôt celui qui l’a allumée, en l’occurrence le pape Benoît XVI.

Il me semble que le problème est plutôt le fait qu’il puisse y avoir une bombe : une bombe dont on doit taire l’existence de peur qu’elle n’explose ; une bombe telle qu’à son propos, penser (sous régime islamique pur), parler (en pays à majorité musulmane), dessiner ou écrire (n’importe où) revient à l’allumer.

Un autre participant (catholique) avait indiqué que l’Eglise aurait pu aussi bien rappeler que son histoire n’est pas exempte de violences commises au nom de la diffusion de sa foi.

En réalité, ce rappel a été fait : ce furent les nombreuses démarches de repentance accomplies par l’Eglise catholique avant le Jubilé de 2000 ans de christianisme. Cette reconnaissance publique de nos infidélités historiques à l’Evangile, témoigne justement que si de fait il y a eu de telles pratiques (croisades, inquisition, dragonnades…), en droit, on ne peut se réclamer du Dieu de Jésus-Christ pour commettre ces violences. Inversement, si de fait, la grande majorité des musulmans pratique sa religion dans la paix et le respect des autres religions, peut-on dire qu’en droit cette violence est contraire à la foi de l’Islam, contraire au Coran, qu’il s’agisse de violence sanglante (guerre sainte, esclavage en Afrique, razzias en Méditerranée, génocide arménien…), ou de violence plus soft liée au statut de dhimmitude des chrétiens et des juifs en terre d’Islam ? Il ne s’agit pas seulement de dire que des persécutions religieuses sont aujourd’hui davantage commises par des régimes islamistes ou des pays majoritairement musulmans (Soudan, Pakistan…), car la position de Poutine sur la Tchétchénie, ou de Bush sur la Palestine ou l’Irak pourraient être interprétées pareillement. La question de fond est en réalité celle sur ce qu’autorise ou non la foi : chrétienne (récusant à la fois Poutine et Bush comme agissant à l’inverse de l’Evangile) et musulmane (à propos du ‘Djihad’).

Voici alors quelques liens que j’ai trouvé pertinents :

– Le texte de la conférence de Benoît XVI, qu’il serait malhonnête de critiquer sans l’avoir lu, en version originale allemande, en traduction officielle anglaise ou française. La citation (de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue) qui cause la réaction violente du monde musulman se trouve au milieu du 3ème paragraphe. « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l’inhumain comme ceci, qu’il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait » Telle quelle, on peut comprendre que cette citation fasse réagir les musulmans. Mais : (1) Benoît XVI s’étonne lui-même dans sa conférence de la virulence de cette citation, et celle-ci ne peut donc être considérée comme reflétant sa position ; (2) la violence n’est pas justifiée, même pour réagir à un propos contraire à sa foi. Pour lire cette citation dans son contexte, il faudrait au minimum lire les 2ème, 3ème et 4ème paragraphes. Alors, de manière bien plus interpellante que la citation incriminée, ces paragraphes invitent à une réflexion de fond, sur le rapport entre la foi en un Dieu de pure transcendance, l’usage de la raison humaine pour l’accueillir, et celui de la violence pour la diffuser. De fait, l’interpellation est plus forte pour l’Islam. Qu’y a-t-il à redire ?

– Comme réaction raisonnable à une position contraire à sa foi, Benoît XVI donne lui-même un exemple chrétien à la fin du 1er paragraphe de sa conférence. Un bel exemple musulman de réaction raisonnable est la position de Mohand Halili, recteur de la mosquée d’Aix à Marseille, entendue samedi 17 septembre sur France-Info.

– Voici enfin un article portant sur le fond du débat, au risque peut-être de prolonger la polémique.

Dialoguer au sujet des caricatures

Voici le compte-rendu qu’a rédigé Edith Guillemet sur la dernière des rencontres « Des religions pour la paix », entre chrétiens (catholiques, protestants) et musulmans, sur un thème d’actualité : l’affaire des caricatures. Cette rencontre s’est tenue à Rodez, vendredi 17 février, avec la présence de plusieurs des responsables de la communauté musulmane de Rodez (Moustapha Benmokhtar, délégué départemental du conseil du culte musulman, Abdelkader Dkhissi, président de la mosquée de Rodez, Boumediene Khomsi), du pasteur Etienne Vion de l’ERF, du p.Louis Delmas et de laïcs engagés à différents titres dans l’oecuménisme et le dialogue interreligieux, via le CCFD, l’ACAT, la Pastorale des migrants, le service diocésain de la communication… Un échange riche et cordial, s’autorisant désaccords et convergences de points de vue !

Mieux comprendre et parler ensemble de ce qui fâche…

Un groupe d’une vingtaine de croyants, musulmans, chrétiens protestants et catholiques, pasteur, prêtres ou laïcs, se retrouvent à Rodez depuis plus de cinq ans pour apprendre à se connaître, échanger sur leur foi et leur façon différente de la vivre dans une société laïque. Vendredi dernier, c’est « l’affaire des caricatures » qui a fait débat. Chacun a pu exprimer son point de vue sur la production des caricatures et les réactions qui ont suivi. En particulier Moustapha Benmokhtar, délégué départemental du conseil du culte musulman, et le pasteur Etienne Vion, dont la presse avait publié les positions différentes sur ce sujet.

Si plusieurs s’accordent à reconnaître la pratique de la caricature comme l’un des fondements de la démocratie et de la liberté d’expression, d’autres revendiquent des limites à cette liberté, liées à l’indispensable respect de la dignité de la personne humaine et de la foi du croyant, et tout simplement de la vérité. Encore faut-il s’entendre sur la lecture des caricatures. Celle de Mahomet s’adressait-elle à Mahomet et à la foi de l’Islam, ou était-elle plutôt un moyen de dénoncer ceux qui se servent du prophète à des fins guerrières ? Alors que l’amalgame entre le terrorisme et le modèle qu’est Mahomet pour les musulmans blesse profondément ces derniers dont la majorité dénonce la violence, comment comprendre les réactions violentes qui ont suivi la caricature ? Ceux qui regrettaient l’absence de manifestations des musulmans pacifiques, comprenaient cependant que la colère qui s’est exprimée vient de loin et dépasse largement le cadre d’un dessin…

Utilisation politique des religions, risque d’« intégrisme » athée, interrogations sur la responsabilité des médias et la régulation de leur pouvoir, autant de questions qui ont fait l’objet d’échanges attentifs et cordiaux. De fait, la question commune pour les croyants est bien de rechercher ensemble les moyens dont ils disposent pour vivre librement leur foi dans une société laïque et l’exprimer de façon juste et vraie. Les tabous et le sacré d’une religion ne s’imposent pas à ceux qui ne partagent pas cette religion. Il ne s’agit plus là d’une seule affaire de communication, mais de vie, sachant que la vérité se défend toute seule, avec douceur… Que pouvions nous conclure ? Que par nos rencontres, dans la confrontation choisie et le respect de chacun, nous sommes en train de construire humblement un lieu de dialogue et de paix.

Edith Guillemet

En complément :
– La position du Vatican sur les caricatures.
– Un
argumentaire technique du fr. Edouard Divry, o.p. sur libertepolitique.com
– Le très beau
site de l’exposition à la Bibliothèque Nationale sur la Torah, la Bible et le Coran, avec une partie sur la représentation dans le judaïsme, le christianisme et l’Islam (s’y déplacer avec les flèches en bas de page).

Visibilité chrétienne

La semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens a commencé. Jeudi dernier à Rodez, nous avons pu entendre le pasteur Marcel Manoël (président du Conseil National de l’Eglise Réformée de France) donner une conférence éclairante sur le thème : « Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne« .

Déjà, à l’initiative de la paroisse de l’ERF de Rodez, le pasteur Manoël était intervenu à la MJC de Rodez au printemps 2004 sur un sujet proche. Il nous a donc été donné de le réentendre prolonger sa réflexion et en particulier préciser les pistes qui lui paraissent prioritaires pour les Eglises dans un monde sécularisé.

En sa conférence de 2004, être chrétien dans une société sécularisée impliquait pour lui de répondre aux trois questions suivantes :
Qui est Dieu ?  Qu’est-ce que la vie ?  Qu’est-ce que l’avenir ?

Deux ans après, le pasteur Manoël a esquissé trois pistes de réponse à ces questions : la prédication du Dieu de Jésus-Christ, le service de la construction de soi, la célébration liturgique. Mais il a aussi signalé deux fausses pistes : le retour intégriste et le conformisme à la modernité, et ce qu’elles trouvent en nous comme connivence.

Voici donc les notes que j’ai prises jeudi dernier de cette belle réflexion chrétienne (rendant inadéquat le texte déroulant en titre de ce blog). Bien sûr, ces notes n’engagent pas le conférencier.

***

 

Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne

Comment rendre visible notre foi dans une société laïque ? C’est une question qui est commune à nos Eglises qui ont toutes à sortir de leurs murs. Le point de vue présenté est protestant, mais les fondements à partir desquels nous partons sont les mêmes.

Deux réflexions de Jésus sur la foi :

A ses disciples qui lui demandent : « Augmente en nous la foi » Jésus répond : « Si vous aviez la foi grande comme… vous diriez à cet arbre de se déraciner et il irait se planter dans la mer » Evidence de la foi qui n’a pas peur de l’extraordinaire, et en même temps expression d’un manque, d’un pas-assez : la foi devrait être extraordinaire, mais cela n’est pas le cas… L’évidence de la foi n’est pas celle d’un spot publicitaire, mais elle doit être un défi, à nos pudeurs, à nos fuites, à nos prétentions, à nos compétences affichées, nos désirs de réussite, nos manques de foi.

Jésus ressuscité face à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui sans avoir vu ont cru » La foi n’a pas besoin de visibilité pour être suscitée, pour être crue, pour être. A ceux qui lui demandent des miracles, des guérisons, des signes : « pas d’autre signe que celui de Jonas ». Pas d’autre visibilité que celle qui n’est pas immédiatement visible, mais a besoin d’une interprétation pour être reçue. La foi n’est pas conditionnée par la mesure du visible. Les sociologues peuvent mesurer des signes, des indicateurs d’identité religieuse, de pratique, de présence religieuse etc… mais fondamentalement, la foi ne peut être enfermée dans ces signes : elle les déborde, elle relève de la surprise d’une rencontre vivante (cf. Mt 25 : « Quand t’avons nous vu affamé, assoiffé… ? ») La foi comme surprise !

D’où trois questions :

– De quelle visibilité s’agit-il ?

Nos Eglises ont des pratiques grammaticales différentes pour articuler foi et Eglise. Les protestants souligneront l’importance de la foi, le lien premier du croyant avec le Seigneur, qui l’amène ensuite à se reconnaître comme membre de l’Eglise : d’où le primat d’une annonce de la foi, du témoignage de foi. Les catholiques soulignent que la foi naît et se développe au sein de l’Eglise : d’où l’insistance sur la visibilité ecclésiale, d’un clergé, des lieux d’Eglise, une visibilité qui permet de questionner et de susciter la foi. Il ne faut pas trop séparer ces points de vue.

En fait, il n’y a pas de prédication sans Eglise. Et il ne sert à rien qu’il y ait des bâtiments et un clergé, s’il n’y a pas témoignage de foi. Pour les protestants, il y a une visibilité évangélique (une vie transformée par le Seigneur), ecclésiale (unité confessée), sociale (engagement pour la paix), mais le tout remis au Seigneur lui-même qui seul peut faire au-delà de ce que nous pouvons faire nous-même. Les catholiques dans leur catéchisme insistent sur le fait que la vie de la foi est reçue de l’Eglise, mère de notre nouvelle naissance, éducatrice de notre foi. Mais Calvin le disait aussi : « l’Eglise est mère de tous ceux dont Dieu est Père. »

Il y a des situations où l’Eglise ne peut être visible, lorsqu’elle est persécutée. Mais même dans ces situations, l’Eglise a toujours de souci d’une certaine visibilité pour rayonner de sa foi.

– De quelle sorte de visibilité parlons-nous ?

S’agit-il de la médiatisation, en particulier télévisuelle ? « Vu à la télé » pour beaucoup de nos contemporains, est un critère de fiabilité, de vérité ! Les média valident des modes de vie et des idées qui s’en retrouvent revêtus d’une légitimité indiscutable. Cf. L’image de la famille dans la télé : aujourd’hui, la famille recomposée a quasiment le monopole de la représentation du bonheur. C’est une famille recomposée dans un milieu aisé. Si c’est dans un milieu plus défavorisé, il s’agit plutôt d’une famille éclatée, à qui on attribue tous les maux. La famille traditionnelle est présentée comme oppressive, ringarde. Sans caricaturer les média, parce que les média peuvent jouer un rôle positif pour ouvrir les consciences, on peut dire que les classes dominantes tendent à diffuser leurs normes et valeurs dans les média, et ces valeurs ultra modernes ne sont pas chrétiennes.

Pourquoi si peu de place aux événements ecclésiaux dans les média, ou en les cannibalisant (cf. la mort de Jean-Paul II ? Pourquoi les Eglises ne consacrent-elles pas plus de moyens dans ce média télévisuel ? Pour la télévision, les chrétiens sont perçus comme inintéressants. Nous éprouvons de la difficulté à nous couler dans le langage très fortement binaire de ces média, dans les 6 ou 7 secondes qu’on vous laisse pour donner votre avis. C’était la souffrance du cardinal Decourtray, lorsque les média avaient caricaturé et trahi sa position sur la guerre d’Irak. La réalité humaine à laquelle nous voulons être ouverts et attentifs, ne peut être soumise à ce langage binaire, qui est un langage de pouvoir, utilisant les catégories du permis/défendu. Pour l’Eglise, qui a le passif d’être considérée comme moralement oppressive, cela rend la communication encore plus difficile.

Mais la visibilité ne passe pas seulement par la télévision. D’autres média favorisent davantage la réflexion. Pour une visibilité de proximité, nos contemporains connaissent des hommes, des femmes, des lieux, chez qui une attention, un soutien peut être obtenu. Pour une visibilité de service, l’Armée du Salut, le Secours Catholique, dont les média parlent peu, mais qui ont une forte visibilité. Idem pour une visibilité associative. Il ne s’agit donc pas d’entrer dans la concurrence de la visibilité médiatique, de connaître cette pulsion idolâtre d’ « être-vu ».

– Société laïque ?

C’est moins la laïcité qui pose problème, que la forme moderne de la société sécularisée dans laquelle nous sommes entrés. Notre société est devenue sécularisée.

La société religieuse d’hier était fondée sur des valeurs transcendantes, reçues d’ailleurs, transmises par l’Eglise ou l’institution royale : le pouvoir venait d’ailleurs, pour établir l’ordre, ou exclure ceux qui y contreviennent (« une foi, une loi, un roi ») ; ceci était valable aussi bien en régime royal catholique, qu’en régime démocratico-théocratique de la Genève calviniste. Dans cette société religieuse, la question de la visibilité de l’Eglise ne se pose pas : elle est au centre de tout ; la foi imprègne toute la société (la seule confession non sociétale est en fait celle de l’athéisme, de l’hérésie). Pas besoin alors de visibilité !

Avec la société sécularisée qui ne reconnaît pas d’autres valeurs que celle qu’elle reconnaît en son sein, au lieu du « Tu ne tueras point », on a une société qui détermine par le débat démocratique quelles sont les conditions de respect de la vie. Si au départ le point de vue moral est presque le même, le fondement est différent. Ce point de vue peut évoluer, au plan moral, économique… Dans cette société, l’Eglise n’est plus nécessaire, et relève du domaine privé. L’historien-sociologue Jean Baubérot, distingue deux seuils de sécularisation : (1) le Concordat, avec une fragmentation institutionnelle, des institutions qui prennent leur autonomie par rapport à l’Eglise, mais la religion reste une institution, parce qu’elle est nécessaire pour fonder la morale ; (2) les lois laïques et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui retirent leur légitimité aux institutions religieuses, relevant du régime d’associations privées ; ce qui ne veut pas dire que l’on interdise ces institutions : la loi de 1905 est fondée sur la liberté de conscience et de culte pour tous. Les chrétiens ont le droit de dire, prêcher, pratiquer leurs convictions avec comme seule limite, celle de ne pas troubler l’ordre public. Il ne faut pas renoncer à cela ! De plus, les Eglises ont gagné de cette séparation une liberté, une indépendance, alors que le Concordat donnait à l’Etat un droit de regard sur les nominations d’évêques, sur les consistoires protestants. Dans ce régime sécularisé, la visibilité de la foi ou de l’Eglise n’a plus l’évidence d’antan, mais cette visibilité reste légitime et réelle. Sans parler de la visibilité du clergé lors de certains moments de la vie publique (11 novembre…), les Eglises ont pris une large part dans la création de nombre institutions modernes : colonies de vacances, clubs de foot, lieux d’accueil des SDF…

Les choses sont en train de changer dans notre époque post moderne ou ultra moderne, avec la prévalence des valeurs individuelles sur celles de la société : « sois toi-même ! » L’individu est enjoint de créer ses propres valeurs. Scepticisme sur l’avenir de notre société conjugué avec une confiance personnelle en son avenir individuel. Doute sur les valeurs de la société, avec les difficultés d’intégration, les phénomènes de violence et d’exclusion… mais aussi l’appréciation des possibilités fantastiques offertes à chacun (internet, bio-génétique). Plus besoin d’institutions religieuses ; « fin du social » (Alain Touraine) « production de soi par l’individu, à partir de ses choix », choix moraux, culturels, religieux, d’orientation sexuelle… Dans cette société là, ce ne sont plus seulement les Eglises qui sont contestées, mais toutes les institutions : l’Education nationale qui ne peut imposer un moule, mais se voit simplement chargée de faire advenir les potentialités de l’individu ; la Justice et le Droit – auparavant chargés d’imposer des normes communes – aujourd’hui chargés de garantir des droits, des libertés individuelles. Le Politique se retourne alors vers les religions pour produire de nouvelles valeurs sociales, ou espère qu’une restauration de valeurs communes pourrait permettre un retour à l’ordre républicain. Illusion. Parce que les mouvements de valorisation de l’individu sont beaucoup plus forts.

– Deux tentations pour les Eglises

Les Eglises sont sur ce point questionnées, en particulier par leurs propres membres. Sur la foi même (authentique), avec la possibilité de choisir soi-même son itinéraire croyant, pour avoir sa propre démarche, avec le risque du syncrétisme. Sur l’éthique, où l’intervention ecclésiale est contestée au nom du « c’est mon choix ! ». Dans cette situation, il y a deux tentations :

(a) Le retour intégriste : face au relativisme des croyances, à la grisaille insipide des valeurs d’aujourd’hui, on en revient à préférer l’affirmation forte des principes, avec le mérite de la conviction, de la sincérité, de la simplicité, de la militance… qui peuvent susciter la sympathie. Ces courants, en milieux chrétiens peuvent exciper de la radicalité du témoignage des prophètes (Amos, Isaïe…) et de la séparation biblique entre Fils de la lumière et Fils des ténèbres.

(b) Le conformisme, l’adaptation à la modernité : une religion en fait centrée sur soi, où l’on s’approvisionne là où l’on veut, via un syncrétisme entre grandes spiritualités, hygiène psychologique ou physique… De fait, le christianisme a toujours su s’adapter, récupérer des techniques et des arts et des idées pour proposer l’Evangile dans un langage nouveau. Cf. les efforts d’inculturation de la foi partout dans le monde… C’est le miracle de Pentecôte renouvelé… Pourquoi ne pourrait-il pas se réaliser à nouveau dans le monde moderne ?

Ces deux tentations peuvent être très proches d’attentes et de forces qui nous concernent en profondeur, comme pour les tentations du Christ. Mais notre vocation est d’être résolument témoin de l’Evangile dans la société sécularisée, dans ce monde actuel, des témoins engagés, critiques et actifs.

D’abord parce que cette modernité sécularisée ne nous est pas étrangère, parce qu’elle est le fruit du christianisme : l’égalité, la dignité humaine, le respect de la liberté de conscience, la laïcité, le souci des victimes sont d’origine chrétienne… cf. Jean-Claude Guillebaud : ce n’est pas une catastrophe si les chrétiens redeviennent une minorité agissante, au contraire ; la foi retrouve alors « une force de conviction qui l’éloigne de toute bondieuserie facile ». Saint Jean, pour qui le monde est ce qui a refusé le Christ, et se retrouve plongé dans les ténèbres… dit pourtant que c’est ce monde que Dieu aime. Nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons ni nous replier dans un ailleurs confortable, ni dans un conformisme au monde. C’est dans la société actuelle qu’il s’agit de proposer la foi, dans cette société sécularisée, individualiste. Nous acceptons de nous situer dans ce contexte, qui nous pousse à aller résolument à la source de notre foi, d’une manière plus radicale.

– Conséquences

Trois suggestions… pour des moyens de visibilité et d’action :

(1) La prédication : il y a urgence pour une prédication du Dieu de Jésus-Christ. Parce que dieu est omniprésent dans notre société, mais c’est trop souvent un dieu de sang, un dieu violent qui veut le sang des infidèles, qui justifie la soumission des unes ou des autres, l’injustice, l’exclusion de ses métèques, ou qui se désintéresse du monde dans une spiritualité désincarnée, de pacotille. Il est urgent de dire que ce dieu là n’est qu’une idole, derrière laquelle se cachent des pouvoirs ou des besoins de confort égoïste. Il est urgent de dire le Dieu Père, ami, frère, libérateur, que nos contemporains ne connaissent plus parce que nous l’avons enfoui derrière des considérations savantes. Notre prédication doit être renouvelée.

(2) Le service de la construction de soi : l’impératif « sois toi-même » est riche de potentialités, mais dur aussi, avec ses échecs, ses difficultés de se construire comme personnalité équilibrée, comme couple, comme famille… Cette construction est souvent le lieu de ratages, d’échecs. Nos Eglises ont leur place pour contester ce culte de l’auto-suffisance, de la construction de soi par soi, où l’autre devient une gêne, un ennemi à repousser. Boris Cyrulnik : « l’être humain est un être social, qui ne se construit que dans un champ affectif structuré par des paroles. Être seul, c’est ne pas être ! » Contre les morales du repliement sur soi qui sont monnaie courante, nos Eglises ont toute une richesse à partager pour la construction de la personne, via catéchisme, formation, accueil des personnes, surtout lorsqu’elles sont blessées par la vie, en leur offrant une relation pour se construire.

(3) La célébration liturgique : pour donner une autre dimension à la vie de nos contemporains… Le temps de nos contemporains s’est rétréci au seul horizon individuel, sans lien avec l’avant et l’après. Certes il y a des prospectives, mais celles-ci sont stériles : nos contemporains ne sont pas prêts à sacrifier leur temps présent à la construction de l’avenir. Notre espace qui s’est élargi, devient aussi l’espace anonyme, non de la rencontre, mais celui de mes déplacements. La célébration liturgique ouvre alors le temps et l’espace, introduisant dans une histoire sainte déployée autour de la croix, qui nous plante déjà dans le Royaume.

C’est ainsi que nos Eglises auront leur place et leur visibilité dans ce monde. L’œcuménisme est un impératif pour cela, pour que le message de nos Eglises gagne en pertinence et visibilité.

Mt 18,20 « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » La seule visibilité qui compte est celle du Seigneur, promise, fiable.

Débat

Dans le contexte actuel de perte de valeurs, d’individualisme centré sur un individu malade, il s’agit de retourner aux sources, dans nos Eglises, pour qu’un dialogue d’individu à individu puisse s’établir. (Serge…)

Quel impact peuvent avoir des mouvements de « nouvelle évangélisation » avec leur visibilité expansionniste, leur souci de la fête, dans le monde contemporain ? (Jean Rigal)

Ces mouvements nous interrogent. Cette visibilité corporelle et émotionnelle permettent de créer un lien personnel – c’est un phénomène qui n’est pas spécifiquement religieux (cf. les concerts rocks) – Les JMJ permettent une identification de chacun aux jeunes professant leur foi, d’échapper à l’anonymat de la foule. Mais il y a un seuil à ne pas dépasser, celui de la manipulation, du gourou, à l’égard des jeunes… Dans la formation des pasteurs, nous leur disons qu’ils ne s’adressent pas à des paroisses ou des mouvements, mais à des personnes. Les grands média évangéliques fonctionnent aussi avec cette visée, pour une relation de personne à personne, aboutissant aussi à une segmentation des communautés en fonction des pasteurs.

 

Jean-Claude Guillebaud évoque les trois domaines de l’économique, de la bioéthique et du numérique où il n’est pas simple d’être présent, et encore moins d’y exercer la prédication, la diaconie ou la célébration évoquée ci-haut. (Mgr Bellino Ghirard)

Il ne faut pas avoir peur d’entrer dans ces domaines, par les membres de nos Eglises qui y sont. Si nous n’avons pas de compétences particulières qui nous feraient détenir la vérité, nous avons la mission d’y dénoncer l’idolâtrie, celle de toute addiction à ce qui n’est en fait qu’un moyen. Face à l’impératif d’être soi-même, il s’agit de montrer que la communauté est un lieu où l’on peut le réaliser en relation avec les autres.

 

Nous chrétiens, devrions revenir au Christ, pour ce qu’il est, le Sauveur, le Roi, pour entrer en dialogue avec cette société en nous appropriant notre foi. Deux questions : Quel prosélytisme acceptable dans ce monde ? N’y a-t-il pas un complexe d’infériorité ou de supériorité entre Eglises (plus ou moins visibles) à explorer dans notre dialogue oecuménique ? (pasteur Stéphane Kouyo)

Il faut savoir aller à l’essentiel de la foi, le Christ ; retrouver les mots simples pour le dire. Il s’agit de nous éduquer davantage entre nous, à rendre compte de notre foi. Le mot prosélytisme a pris en français un sens négatif de captation, de manipulation de l’autre. Originellement, ce n’est pas ça, c’est l’envie de communiquer à l’autre ce qui nous nourrit, ce qui nous fait vivre. Et nous sommes souvent complexés ! Pouvoir dire avec des mots simples que croire au Dieu de Jésus-Christ nous soutient… que Dieu est un ami, à l’inverse du dieu terrible, tout autre… Sur le complexe de certaines Eglises, il faut bien se décomplexer, ne pas se comparer entre les Eglises qui croissent et celles qui diminuent, mais apprécier la part de chacun à l’œuvre de Dieu, les expériences de chacun. Nous ne sommes plus en situation de concurrence : en situation de chrétienté, où nous nous « piquions les paroissiens ». Aujourd’hui nous sommes en situation de mission commune : l’œcuménisme peut en être changé ; il ne s’agit plus de baliser avec méfiance les points dogmatiques de chacun, mais de collaborer à une œuvre commune, dans un débat qui ne fait plus peur, entre gens qui savent débattre et rester ensemble, en faisant le pari de la sympathie, du regard positif sur l’autre, sans prétendre adopter ses idées, mais en étant attentif aux aspects de l’autre qui peuvent m’enrichir. On peut débattre avec ce pari de la sympathie.

 

Aider l’individu personnellement, psychologiquement, mais jusqu’où ? (p.Pierre Rayssac)

Deux points qui témoignent de la psychologisation excessive de toutes choses : les cellules d’aides psychologiques omniprésentes en situations de catastrophe, alors qu’on veut parfois en exclure les Eglises ; l’affirmation médiatique de la nécessité de récupérer les corps des disparus pour faire le deuil. Ne pas psychologiser lorsque nous prêchons !

 

L’Eglise, pour être servante de la joie (Benoît XVI) en revenant à sa source, la foi, ne peut être ni intégriste, ni conformée au monde, mais prophétique en étant elle-même. (…)

La paix selon l’Evangile

Homélie écrite à l’occasion de célébration oecuménique sur le thème de la Paix, à l’occasion de la semaine de l’unité des chrétiens 2004. RB

Lettre aux Éphésiens (Ep 2,13-18)

Maintenant, en Jésus Christ, vous qui étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean (Jn 14,23-31)

Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le prince du monde va venir. Certes, il n’y a rien en moi qui puisse lui donner prise, mais il faut que le monde sache que j’aime mon Père, et que je fais tout ce que mon Père m’a commandé.

Homélie

S’il est délicat de prendre la parole, ce n’est pas parce que c’est la première fois que j’en ai l’occasion ici parmi vous, au Temple, ni qu’en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, il faille faire preuve de davantage d’humilité et de tact, à l’égard de ce qui nous rapproche, mais aussi de ce qui nous distingue. En réalité, ce dont il est difficile de parler, c’est du thème même de la paix.

D’une part, il y a l’inévitable écart entre l’idéal visé et la réalité vécue… entre ce que nous professons et ce que nous vivons. Nous ne sommes pas forcément crédibles, à l’égard d’autrui, ou entre nous chrétiens, catholiques, protestants, anglicans, orthodoxes… lorsque nous disons le message chrétien de la paix, l’histoire nous le montre hélas. Ceci dit, en paraphrasant Bernadette de Lourdes, ce message de paix, nous sommes d’une certaine manière chargés de le dire, pas de le faire croire. Ou en suivant Saint Paul, ce message, nous le portons comme un trésor dans un vase d’argile.

D’autre part, ce thème de la paix pose difficulté, parce qu’il illustre tout particulièrement le décalage, l’abîme entre la sagesse des hommes, celle qui relève du bien vivre ensemble entre nous, la compréhension élémentaire que nous pouvons avoir de la paix, dont on peut parler, et dont il faut parler, et la sagesse du Christ, qui suppose d’abord la contemplation silencieuse du mystère de la Croix. Entendre que c’est Lui, le Christ, qui est notre paix, par sa chair crucifiée ; que notre réconciliation entre nous et avec Dieu passe par la Croix, ne peut pas ne pas nous déranger, et introduire une étrangeté radicale par rapport à tout ce que nous pourrions dire de nous-mêmes sur la paix. Cette paix, ce n’est pas à la manière du monde que le Christ nous la donne.

A cause de cela, la paix du Christ n’est pas que l’absence de conflit, ce qui pourrait n’être qu’un prétexte à l’abstention, au refus de voir la réalité avec ce qu’elle comporte d’injustices à combattre, de luttes légitimes à mener. La paix du Christ n’est pas que l’art de vivre les conflits sans violence, ou le respect de la différence de l’autre, ou la reconnaissance de la dignité de l’autre, fût-il mon adversaire. La paix du Christ n’est pas que l’amour de l’ennemi, en tant qu’il est mon frère, commandement que l’on peut certes voir comme spécifiquement chrétien (« vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien, moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,43-44)), mais un commandement qui une fois énoncé, fait d’une certaine façon partie du domaine public. Toutes ces approches de la paix qui sonnent juste et qui restent à vivre, tant il est vrai que l’unité de l’humanité reste une tâche inachevée, toute cette sagesse de la paix, pourrait ne relever que d’une sagesse humaine, parce que pour s’énoncer, elle apparaît ne pas avoir besoin du Christ et encore moins de la Croix.

Eh bien, la Parole de Dieu nous provoque à une autre paix.

Juste avant d’entrer dans sa Passion, au terme de laquelle c’est un corps défait, crucifié qu’il va laisser entre les mains de ses disciples, de Marie, de Jean, Nicodème, Joseph d’Arimathie, Jésus leur dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » En d’autres termes, la Bonne Nouvelle de la paix coïncide avec le corps crucifié du Christ. La réconciliation des hommes entre eux et avec Dieu, le rapprochement de ceux qui sont loin, l’unité de tous, juifs, païens, et ajoutons-le : chrétiens – avec les figures de Judas et de Pierre, tous unis dans le même refus du fils de l’homme, cette communion qui avant d’être celle des saints est celle des pécheurs, tout cela passe par la Croix. Le rassemblement des uns et des autres en faisant la paix, c’est en la personne du Christ, et par la Croix que tout cela se trouve. « Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix, en sa personne il a tué la haine. »

Il n’y a pas d’explication, qui rende compte de cela. Juste seulement l’indication qui s’en déduit, que notre tâche présente est d’être d’autant plus des artisans de paix que cette tâche, en nous rapprochant des hommes, nous rapproche du Christ, qu’elle est imitation du Fils unique : la 7ème Béatitude, celle des artisans de paix correspond à cela, être appelés fils de Dieu.

Plus encore, notre tâche est de prendre au sérieux cette invitation, spécifiquement chrétienne, d’accueillir le désir du Christ de nous unir à lui, de venir chez nous, d’être avec le Père auprès de nous. Parce que cette participation au mystère pascal, n’est pas diversion de nos tâches temporelles. Au contraire elle atteint le plus exactement la cause de toute division, de toute haine, à savoir le péché en nos cœurs. Avec le Christ, cette victoire du croyant sur le péché est un germe de paix plus fécond qu’aucune de nos œuvres, ou du moins cette conversion doit leur être préalable. Un François d’Assise, un Martin Luther King, un Dietrich Bonhoeffer, ou un Christian de Chergé nous le montrent.

A nous qui serions tentés de voir le plus exigeant, le plus difficile, dans la mission qu’il nous reste de mettre en œuvre ce commandement de la paix, l’Evangile de ce jour nous provoque d’abord au plus exigeant, au plus urgent, celui d’accueillir le don de la paix en Jésus-Christ crucifié, celui de l’aimer, celui d’entrer dans sa joie. « Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie, puisque je vais vers le Père. »

Enfin, à nous qui nous laisserions décourager par la modestie de nos efforts de paix face au déchaînement de la violence, celle qui s’exerce sur des peuples en conflits, sur les enfants que l’on y enrôle à la guerre, sur les femmes que l’on asservit, sur ceux que l’injustice réduit à la misère, ou ces fragiles d’entre les fragiles à qui l’on refuse le droit le plus élémentaire, celui de vivre, Jésus nous dit : « Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. » La victoire du Christ sur la mort nous est déjà acquise ; la paix qu’il nous laisse, englobe jusque la mort, lorsque celle-ci est vécue dans l’amour du frère, en particulier de l’ennemi ; le moindre acte de charité est d’un ordre infiniment supérieur à tout ce qui subsiste de violence, de haine dans le monde : il rend présent la victoire du ressuscité. La paix du Christ, comme don de Dieu déjà fait, comme fruit de l’Esprit, cette paix reste à accueillir, avant que d’être mise en œuvre. A cette condition nos gestes de paix, et le travail œcuménique en est un, seront vraiment sacrements de la victoire du Prince de la Paix.