PREMIERES ATTESTATIONS CHRETIENNES
Les premières attestations chrétiennes sont celles que l’on discerne dans le NT sous la forme d’hymnes ou de formules de confession de foi rapportées telles quelles dans les épîtres et antérieures à la rédaction de ces dernières, ou sous la forme de catéchèses pré-lucaniennes dans les Actes.
Les plus anciennes (1Co 15,3-7 ; Ac 2,24.31-32…) suivent la formule « Christ est ressuscité » qui applique à un individu de l’histoire, Jésus, le langage juif de la fin des temps pour les justes : l’événement eschatologique est arrivé ; Jésus est le Christ, le Messie, car Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. L’événement pascal confirme la prétention de Jésus d’être « la figure eschatologique par laquelle triomphe le salut final de Dieu » ([4] p.99) et il autorise la première communauté à l’attester à travers diverses titulatures au sens de plus en plus riche. Par exemple, le titre de « fils de Dieu », qui avait un sens métaphorique et collectif dans le judaïsme apocalyptique, est relu par la communauté judéo-chrétienne dans le sens plus élevé du messianisme judaïque (cf. 2S 7,12-14 et Rm 1,3b-4a) ; enfin, le titre de « fils » avec saint Paul (Rm 8,3.29.32 ; 1Th 1,9-10 ; 1Co 1,9…) est accueilli comme titre de révélation (Ga 1,16) de la filiation divine du Christ ([5] p.163-179). Fidèle au schéma juif d’une histoire orientée, on affirme qu’avec Jésus, avec la venue du Messie, la fin des temps est arrivée, d’où l’attente fiévreuse de la parousie du Christ, de son retour imminent et de la résurrection des morts (1Th 4-5). On en a quelques brefs témoins dans le NT (Ac 3,19-21 ; 1Co 16,22 ; Ap 22,20). « Cette brièveté est théologique. Le christianisme est une religion d’espérance, et ce qu’il reste encore à faire à Dieu, dans et par Jésus, demeure un aspect important de sa vision théologique. Néanmoins l’essentiel du message chrétien annoncé au monde réside dans ce que Dieu a fait en Jésus (…) l’importance de ce que Dieu a fait pèse plus lourd que l’importance de ce qu’il fera. » ([4] p.158) Rapidement, l’attente de la parousie du Christ sera convertie vers une parousie retardée (2Th 2,25) tout en conservant la nécessité de la vigilance*.
L’autre formule, « Jésus est Seigneur », exalté dans la gloire (Ph 2,6-11 ; 1Tm 3,16 ; Ep 4,7-10 ; Rm 10,5-8 ; 1P 3,18-22…) rend mieux compte de ce que toute la suite de l’histoire après l’événement pascal constitue les temps nouveaux. La seigneurie de Jésus signifie sa présence et son règne universel : la parousie est réalisée ; la résurrection n’est plus seulement un à-venir mais un déjà-là ; en Jésus-Christ, par la vie sacramentelle, nous sommes déjà ressuscités (Rm 6,4s ; Col 2,12). La vision de l’histoire correspondante est celle-ci :
La perspective juive y est accomplie (Jésus est le Messie qui récapitule tout l’AT) ; elle est élargie en une fin des temps qui a déjà commencé mais qui est dilatée pour « durer » jusqu’au jour où le règne de Dieu sera total (1Co 15,24s). Selon la formule de W. Pannenberg, « il y a un aplatissement de l’eschatologique au niveau de l’histoire universelle ».
Ceci dit, on peut trouver dans ce schéma des inconvénients analogues à ceux évoqués dans la perspective vétéro-testamentaire : l’événement pascal lui-même pourrait s’y retrouver relativisé, comme événement de salut, certes, mais comme événement passé ; le retour du Christ peut alors lui prendre la place d’unique pôle d’attention du croyant, au risque même de négliger le déjà-là de sa présence. La vie historique de Jésus et la Pâque du Seigneur pourraient ne plus être considérées comme ce qui est donné à contempler par le croyant, comme le lieu absolu de la révélation du Père en son Fils, mais comme la condition de possibilité de ce qui suit et de ce qui seul importerait, la vie dans l’Esprit. On risque alors de ne comprendre le message de Paul « si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est sans objet et votre foi est sans objet » (1Co 15,14) que sur le seul plan intellectuel ou logique, au lieu de le recevoir au plan du fondement et du contenu, de l’ « objet » même de la foi. A plus forte raison, les événements de l’AT peuvent apparaître comme inutiles désormais, en tant que préparatifs provisoires et dépassés du véritable événement pascal et du règne de Dieu qui le suit. Enfin, ce schéma pose le problème de l’historicité de l’événement pascal. Les deux formules de la « résurrection » ou de l’ « exaltation » de Jésus entraînent chacune un rapport différent du Christ post-pascal au Jésus pré-pascal. La résurrection accentue la continuité en marquant l’identité entre le crucifié et le ressuscité, au point qu’on soit tenté de relater l’événement pascal sur le seul plan historique ; ainsi d’un évangile apocryphe comme celui de Pierre, qui prétend raconter la résurrection… Inversement, l’exaltation accentue la discontinuité, l’entrée dans l’éternité, le retour au Père de celui qui s’est abaissé dans le monde et dans l’histoire ; ce sont alors les apparitions historiques de Jésus après Pâques que l’on a peine à comprendre.
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* « Paul a dû mettre les Thessaloniciens en garde contre tout calcul précis de la date fatidique. C’est peu à peu, sous la pression de l’expérience, que l’on a pris conscience de l’allongement des « derniers temps ». Mais l’imminence du retour est restée une composante essentielle dans la psychologie de l’espérance. » – VTB, article « Temps », p. 1284.
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