L’Hospitalité Aveyronnaise à Lourdes

Deux retours vidéo du pèlerinage du diocèse de Rodez à Lourdes, du 23 au 26 août 2018 et du 25 au 28 août 2017 : environ 1300 pèlerins, dont 300 personnes âgées ou malades, 600 hospitaliers (et parmi eux 150 jeunes hospitaliers).


http://www.hospitalite12.fr

Musiques (chantées avec l’HA)
2018 :
– Actes d’apôtre (Jean-Jacques Juven)

2017 :
– Ouvre mes yeux, Seigneur
– Chantez avec moi le Seigneur (Chants de l’Emmanuel)
– Nous sommes (Hopen)
– Tu fais ta demeure en nous, Seigneur (Chants de l’Emmanuel)

Méthode de révision

Tous ceux qui étudient ont fait l’expérience suivante, à l’occasion d’un examen, d’un contrôle, d’une épreuve ou d’une situation où ils ont dû mobiliser leurs connaissances : se retrouver bloqué par un trou de mémoire apparemment irrésistible, et, après coup, après une simple indication (d’un camarade ou d’un coup d’œil sur son cours), s’exclamer en se tapant le front : « en fait, je le savais ! ».

Cette expérience banale révèle :

*  que les informations qu’on croit avoir « oubliées » sont en fait bien présentes dans notre mémoire ;

*  qu’elles étaient simplement indisponibles au moment de l’examen, comme « cachées » au fond de notre mémoire ;

*  qu’elles se confondent avec ce que nous croyons être « sorti de la mémoire » ;

*  que sauf certains cas (connaissances « par cœur », poésie, listes, morceau de musique…) le travail de remémoration s’apparente plus à un jeu de piste, à une recherche tout azimut qu’à une récitation ordonnée ; et cette recherche que fait la mémoire la conditionne à réagir avec vivacité dès qu’un « indice », même insignifiant, un mot, un titre, une image, un souvenir indirect, une anecdote lui est donné : « mais oui, c’est bien ça ! ».

*  qu’un tel « indice » peut suffire à nous rappeler des pans entiers de connaissance.

En conséquence, des trois opérations mentales que sont (a) « savoir », (b) « savoir-ce-que-l’on-sait », (c) « le-faire-savoir », ce sont surtout les deux dernières (b) et (c) qui posent problème. Ce sont elles qu’il faut donc exercer pendant les révisions. Comment faire savoir ce que je sais, c’est à dire, comment me remémorer ce qui est déjà dans ma mémoire ? Comment distinguer dans cette mémoire ce que je sais de ce que je ne sais pas/plus ?

L’opération (a) relève du travail d’apprentissage ou d’enregistrement qui est souvent bien réalisé par la simple écoute attentive en cours – voir article sur le sujet. Ne minimisons pas la capacité d’enregistrement de notre mémoire, celle-ci est meilleure que l’on croit. C’est plutôt sa capacité de restitution qui est en défaut et qu’il s’agit d’exercer par le travail de révision. Mais ce travail de révision ne consiste donc pas à réenregistrer, à réapprendre ce que l’on a déjà appris, en relisant son cours ou ses notes, en en faisant un résumé, ou en les mettant en fiches… ce que font pourtant la majorité des étudiants, qui « réapprennent » leur cours, au risque de perturber ce que leur mémoire a déjà enregistré du cours. Réviser consiste au contraire à exercer sa mémoire à la restitution de ce qui a déjà été enregistré, pour ne plus avoir à apprendre que ce qui est effectivement sorti de la mémoire – ou n’y est pas rentré. Cela permet alors un énorme gain de temps !

Oui, mais comment faire la différence entre (1) ce que l’on sait et que l’on sait qu’on le sait, (2) ce que l’on sait mais que l’on ne sait plus qu’on le sait – et que l’on croit à tort avoir oublié, et (3) ce qui a été vraiment oublié ? L’objectif étant de ne pas toucher aux connaissances de type (1), de simplement réactiver les connaissances de type (2) sans les réapprendre, et de ne prendre du temps d’apprentissage que pour les connaissances de type (3).

Voici alors pour cela la technique suivante à pratiquer chez soi, mais calquée sur le comportement d’un tricheur à l’examen qui fouille d’abord au maximum dans sa mémoire – et retrouve les connaissances (1) – avant d’ouvrir et de refermer ses notes de cours en un clin d’œil pour ne pas être remarqué : son effort de remémoration préalable, même vain, le dispose à n’avoir besoin que de quelques indices, d’un mot, pour être éclairé et retrouver les connaissances (2). Cette technique vise à identifier les limites de ce que l’on sait (et de ce que l’on ne sait pas), cela, avant toute relecture du cours, même si on ne s’y est pas replongé depuis des mois.

D’où « la » méthode :

*  me fixer un temps limité (5’) et me munir d’une petite feuille (A5) et d’un stylo noir ;

*  exploration : explorer mentalement et le plus vite possible ce que je sais, en ne notant sur la feuille que les « indices » qui m’ont permis d’avancer dans cette recherche (un titre, un mot, un détail etc…), en allant jusqu’au bout du temps fixé, même et surtout si j’ai l’impression de sécher ; le but n’est pas de tout réciter, ni de tout noter mais d’éprouver les limites de ma connaissance, de circonscrire la frontière de mon inconnaissance : aller vite sur ce que je sais que je sais (« je sais que je connais bien toute cette partie… » et peu d’indices suffisent  pour la dévoiler) pour fouiller davantage ce qui paraît flou ; fonctionner à la manière d’un développement Polaroïd, en détaillant progressivement ;

*  tilt : ensuite seulement, ouvrir rapidement son cours (on peut même ne faire que l’entrouvrir en express et le refermer aussitôt, comme si on trichait chez soi !) pour laisser un mot, une expression, un indice faire « tilt » : découvrir qu’une partie apparemment oubliée était du type « en fait, je le savais ! » ; noter les indices correspondants au stylo bleu sur la même feuille ; renouveler plusieurs fois cette expérience de « tilts » et d’indices notés.

* relecture : une fois les indices des « tilts » repérés, ouvrir son cours pour le relire en accéléré ; passer rapidement sur les parties sues (lecture en diagonale, juste pour vérifier, ce qui est gratifiant, car cela me rassure sur ma capacité d’enregistrement : « effectivement, je le sais ») ; lire à vitesse normale les parties qui « ne me disent rien », parce que je les ai vraiment oubliées : je note alors de nouveaux indices sur ces vrais oublis sur la même feuille, au stylo rouge ;

*  conserver la feuille : elle dresse la géographie de ma mémoire ; elle a désormais plus de valeur que le cours ou le poly qui mélangent indistinctement les parties, celles que je sais et que je sais retrouver, celles pour lesquelles il m’a fallu des indices pour les retrouver, celles que j’ai vraiment oubliées.

*  quelques jours avant l’examen, refaire une exploration ; inutile de reprendre mon cours car il suffit de faire un travail de révision analogue à ce qui précède, mais seulement sur cette feuille : les notes en bleu et rouge avec leurs indices, suffisent à me rappeler les oublis.

L’avantage de cette méthode est d’éveiller la curiosité pour la relecture : parce qu’on saute les parties dont on a vérifié qu’on les sait, cette relecture n’est plus un réapprentissage ennuyeux de choses déjà connues, et ennuyeux pour cette raison ; mais elle met en place des indices pour faciliter la remémoration de ce qui a été oublié. Il faut accepter de « perdre » quelques minutes avec cette « exploration » pure – sans révision préalable – mais celles-ci sont largement regagnées par la rapidité de la relecture qui suit, et la qualité de la remémoration. Evidemment cette méthode ne permet pas de faire l’économie d’une écoute attentive du cours, de s’y intéresser !

Autres méthodes de travail : cliquer ICI

Dans la maladie

Je sors de près de 2 années de confrontation avec une dissection aortique d’origine génétique, un problème cardio-vasculaire enfin résolu en octobre 2017 par la pose d’une prothèse aortique par endochirurgie au CHU de Rangueil (Pr. Hervé Rousseau) après quelques complications repérées à la clinique Pasteur (Dr Benjamin Honton) sur des bizarreries dans ma vascularisation cérébrale. Quinze jours après l’épisode aigu en février 2016, une amie infirmière m’avait demandé mes premières impressions sur l’expérience de la maladie :

« Cela m’intéresserait beaucoup de savoir comment tu as vécu de l’intérieur cette « expérience  » de la maladie. Ton regard sur les soignants, sur la fatigue, sur le fait de toucher aux limites de son corps, sur le fait d’être mis au pied du mur face aux limites de son corps. Limites qui ne restent que théoriques tant qu’elles ne sont pas réellement éprouvées dans sa chair. Je me demande souvent comment continuer à croire en Dieu quand la fatigue physique prend le dessus et peut être si importante qu’elle vient obscurcir son propre jugement, (…) quand on est habité par l’angoisse, l’incertitude quant à sa propre intégrité physique et le fait de ne rien pouvoir contrôler en matière de santé. Enfin je me demande souvent comment continuer à avoir la foi devant l’injustice, l’aberration de la maladie parfois de la mort de patient jeune dans mon travail notamment. (…) Je trouve que la maladie n’a aucun sens et qu’elle peut être parfois juste révoltante. Peut-être pourras tu m’aider à dépasser cela pour pouvoir plus vivre d’espérance et davantage porter en retour l’espérance à ceux qui souffrent ? »

 

Pas facile de répondre à tout ce que tu m’as écrit, et qui pourtant résonne avec ma récente expérience de la maladie. Avant d’esquisser une réponse, je précise qu’il est probable que je sois encore dans le déni, à voir comment je me comporte dès qu’il me semble que ça va, après une nuit de bon sommeil, à vouloir reprendre les choses comme avant, et m’apercevoir étonné que vingt pas suffisent à me fatiguer et la montée d’un étage d’escalier à m’épuiser. Je pense cependant avoir compris que le repos m’est vraiment imposé, et les réflexions, lectures, et prières que ces quinze derniers jours ont permises n’ont pas été vaines.

Ce que j’ai est grave – Le Dr Josselyn Soukaloun et les autres cardiologues m’ont bien expliqué en quoi consistait une dissection aortique, et les particularités de la mienne (descendante, commençant juste en dessous de l’artère sous-clavière gauche, et allant jusqu’à l’artère iliaque droite, avec un effet sur la vascularisation du rein gauche) – mais je ne suis pas sûr d’y croire vraiment, malgré dix jours en soins intensifs, où quelques nuits blanches m’ont fait éprouver une part de ce que tu écris : la pensée qui va dans tous les sens, une gêne ou une douleur qui obsède, des pourquois, des questions sur ce que croire en Dieu veut dire, sur mon acceptation ou non de la mort…

Je me suis retrouvé quelquefois dans la position de Ste Thérèse de Lisieux, où dans sa « nuit de la foi », le verbe « croire » ne signifiait psychologiquement pour elle que « vouloir croire », et cela non seulement suffit, mais qu’en ces circonstances – peur, non évidence de ce qui était cru naturellement avant – cela peut être plus purement la foi. Je ne me suis jamais trouvé à me révolter contre Dieu, mais au contraire, à deviner qu’il y avait là l’occasion de le rencontrer plus justement, à constater que je n’avais jamais vraiment accueilli ni le mystère de la Croix du Christ, ni la perspective d’avoir à le vivre moi-même, jusqu’à mourir un jour, et bientôt finalement.

Cette question de la mort s’est posée fortement trois fois : tout au départ, lorsque mon malaise avait les symptômes d’un infarctus – et sur le moment, après la première frayeur qui m’a fait blêmir, j’ai crânement pensé que si c’était l’heure, qu’il en soit ainsi, en redisant au Père ma confiance ; la deuxième fois, à la lecture du livre admirable de Fabrice Hadjadj « Le paradis à la porte », avec son application pratique immédiate à cultiver la joie du présent, ne serait-ce qu’en considérant tout comme un don et non un dû, en commençant par le ménage quotidien fait dans ma chambre – et mes vifs remerciements étonnaient la femme de ménage -, le fade bol de soupe aux légumes – sans sel – de chaque repas, les soins des infirmières, les visites du cardiologue comme celles des aides-soignantes pour les prises de tension… mais aussi à estimer la santé, la vie, la pleine forme comme un don et non comme un dû dont l’absence ou la diminution – jusqu’à la mort – me révolterait. Enfin, la troisième fois, lors de ma dernière nuit à l’hôpital, vendredi vers deux heures du matin, alors que le bandage de contention (phlébite de l’avant-bras suite à perfusion) m’empêchait de dormir, lorsque l’aide-soignante venue l’arranger m’a parlé de son frère de 47 ans atteint d’un cancer incurable, et de la souffrance que cela apportait aux siens, en particulier à ses enfants, je lui ai répondu en chrétien et en prêtre, que la mort peut être effectivement un scandale pour les survivants, mais pas pour le défunt, pour qui elle est le dévoilement de tout, l’accomplissement de toutes ses amours maladroites dans la rencontre avec l’Amour, le retour à Dieu.

La question de la maladie, et du mal physique, du défaut ou de la finitude de la Création est presque insoluble rationnellement. Comment Dieu bon et tout-puissant peut-il créer un monde avec tant d’imperfections (catastrophes naturelles, maladies…) ? Cela n’a pas de sens hors de la foi en un Dieu qui nous crée limités pour que nous ne prétendions pas nous suffire à nous-mêmes, en nous repliant sur nous-mêmes, mais que nous nous ouvrions à l’amour, à l’illimité de son don. Mon séjour présent à l’abbaye de Conques permet d’en discuter avec fr. Pierre-Adrien, un jeune frère prémontré qui a fait un mémoire de maîtrise de théologie sur un sujet lié. En fait, subjectivement, le mal physique me scandalise moins que le mal moral, celui de la souffrance que subissent des êtres humains du fait de la méchanceté ou de l’indifférence de leurs frères. Torture, guerres, esclavage, exploitation, injustice, ou simplement le refus de venir en aide à ceux en détresse – je pense particulièrement aux migrants et réfugiés. Aussi, je me sens extrêmement privilégié d’être à ce point pris en charge médicalement, amicalement, spirituellement, et même financièrement avec la Sécurité sociale. Non pas que je prétende me consoler en pensant à plus malheureux que moi, mais parce que je vois que la maladie et la souffrance tendent à nous centrer sur nous-mêmes, à nous faire trop nous écouter nous-mêmes, alors qu’elles peuvent à l’inverse nous ouvrir à une plus grande compassion pour autrui. Lorsque la douleur devient obsédante ou empêche de dormir, une perfusion de perfalgan ou un dafalgan sont évidemment bienvenus, et j’espère qu’il en sera ainsi dans les plus grandes douleurs. J’espère surtout que subsistera, avec la grâce de Dieu, cette ouverture de cœur à autrui et au Christ souffrant.

Diaporamas de pastorale des jeunes

Quelques diaporamas (powerpoint) réalisés à destination de la pastorale des collèges :

A propos du bonheur

Quelques lignes pour répondre au journal de la paroisse de Bozouls (12), demandant non pas un commentaire biblique sur les Béatitudes, mais un témoignage sur le bonheur de vivre…

Il m’a fallu du temps pour pouvoir me dire heureux. Non que je fusse malheureux, ce qui serait un manque de gratitude à l’égard de tous ceux qui m’ont donné de vivre, de grandir, d’étudier, de trouver ma vocation, d’avoir le choix de la manière de servir et d’aimer… comme homme, comme chrétien, comme prêtre. Mais dire et même penser ces trois mots : « Je suis heureux », semblait supposer de m’abstraire du scandale du mal, de l’injustice et de la souffrance dans lequel tant et tant sont plongés. Peut-on être heureux lorsque des hommes, des femmes, des enfants sont réduits en esclavage ou en chair à canon, défigurés par la misère et le malheur ? Une profonde insatisfaction m’habite toujours quant à la marche du monde, et elle s’étend à moi-même, de par ma complicité active ou passive à ce désordre établi. Mais cette insatisfaction n’a pas aujourd’hui la même tonalité qu’hier.

Dans les années qui ont précédé ma conversion, cette insatisfaction s’accentuait négativement d’un volontarisme, d’une quête de performance – notamment scolaire -, d’un esprit de compétition, de comparaison avec les autres, qui ôtaient aux efforts légitimes pour m’améliorer la joie de la gratuité. Alors, redevenir chrétien à l’âge de vingt ans après des années d’agnosticisme, expérimenter la miséricorde du Seigneur – avec l’évangile de Luc et le psaume 138 (139) notamment -, m’émerveiller de l’amour inconditionnel de Dieu, et partant, de la valeur et de la dignité infinie de chacun par-delà tout mérite et tout résultat, voilà ce qui a donné à mon insatisfaction de nouveaux motifs, un nouvel esprit, et d’y voir même un chemin de bonheur. Si le bonheur est moins affaire de satisfaction présente (ce qu’est le « bien-être ») que de sens, d’espoir (de « représentation de l’avenir » selon Boris Cyrulkik), et mieux, d’espérance théologale, alors je peux dire aujourd’hui que je suis profondément heureux.

Comme homme, il m’est resté d’une jeunesse très studieuse cet optimisme – certes illusoire, mais si efficace quant à la manière de voir l’avenir – de croire que toute difficulté, tout problème peut être résolu à force de temps et de travail, d’imagination créatrice et de confiance en soi.

Comme chrétien, il m’est venu de rencontrer le Christ, de méditer son mystère pascal, et par là de croire en ce que la défiance de soi, avec les manques, les échecs et le péché, loin de faire obstacle à Dieu, peuvent être pour celui qui les dépose humblement devant le Christ, l’occasion d’une conversion qui fait entrer plus avant dans son mystère. C’est là le motif d’une espérance qui traverse tout désespoir. La maladie même, dont je fais actuellement l’expérience, peut être un lieu de recentrage sur l’essentiel – nous sommes aimés de Dieu – et de décentrement de soi – pas d’inquiétude, nous pouvons aimer -, d’approfondissement d’une prière qui ne soit pas que de demande, mais de consentement à ce qui est, y compris à mourir, comme le disent le titre et le sous-titre d’un des premiers livres d’un converti, maître-ès-bonheur, mon auteur préféré, le philosophe Fabrice Hadjadj : Réussir sa mort. Anti-méthode pour vivre.

Enfin, pour suggérer de manière plus spécifique ce qui fait le bonheur d’un prêtre, je reprends ce que j’ai écrit l’an dernier après avoir énuméré ce que six ans comme curé en Ségala m’ont fait goûter et admirer d’une vie rurale dont j’ignorais presque tout : « C’est déjà un bonheur profond que de pratiquer l’admiration. Mais la vocation de prêtre n’est pas seulement d’être attentif à ce que tous apportent comme joies ou supportent comme peines. C’est aussi et surtout celle de laisser le Christ les prendre dans son offrande à Dieu lui-même, d’en faire Eucharistie. Un peu de foi catholique suffit pour faire pressentir que se joue ici l’acte de sens « plus que nécessaire » qui donne à toute joie et à toute peine d’être transfigurées par le mystère pascal. Par delà les talents et limites personnelles du prêtre, par delà sa sainteté et son péché, c’est la grandeur essentielle de sa vocation que de porter sacramentellement à son accomplissement cette noble matière faite du « fruit de la terre et du travail des hommes », de toute la vie qu’on lui porte. Puissent des chrétiens, des jeunes, être saisis par la grandeur de cette vocation… et y répondre ! » Il y a là un vrai chemin de bonheur !

p. Raphaël Bui

Sur le disciple-missionnaire…

A l’occasion de leur session de formation permanente du 30/4 au 4/5 à Lourdes, des « jeunes prêtres » i.e. ordonnés depuis moins de 5 ans, des provinces de Montpellier, Toulouse, Bordeaux et Poitiers, ont témoigné de ce que signifie pour eux être « disciple-missionnaire », selon l’expression du pape François dans son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » n°120 (2013)*

Interviews réalisés à la Cité Saint Pierre (Lourdes), le 3 mai 2017, en vue du Dimanche des Vocations (4ème dimanche de Pâques – 7 mai 2017)

*En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes « disciples » et « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciples-missionnaires ». Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41). La samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus « à cause de la parole de la femme » (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, « aussitôt se mit à prêcher Jésus » (Ac 9, 20). Et nous, qu’attendons-nous ?« 

Quelques mots sur la politique

La politique est « forme éminente de la charité », « champ de la plus vaste charité » (Pie XII) en ce qu’elle vise un ordre social juste, humain, responsable, et qu’elle est un art de gouverner et d’organiser au mieux la société. Si elle requiert de conquérir et d’exercer le pouvoir, ce dernier ne peut être recherché comme une fin, mais comme moyen de servir la société : inverser fin et moyen est le signe de ce que l’on n’est plus dans la charité, que l’on s’est dévoyé de la politique.

La politique ne peut promettre une société parfaite, du fait de cette faille au cœur de chacun – à ne pas faire le bien que l’on veut, et à faire le mal que l’on ne veut pas – et que la tradition chrétienne appelle « péché originel ». « Qui veut faire l’ange fait la bête » (Pascal) et les utopies politiques dégénèrent souvent en totalitarismes sanguinaires de par leur prétention à une perfection. La meilleure organisation de la société, si tant est qu’elle existe, ne compense pas le péché ou l’égoïsme de ses membres, et notamment de ses dirigeants. Une bonne politique peut cependant contribuer à en limiter les effets, et mieux, elle peut favoriser la mobilisation du meilleur de ce dont l’homme est capable, au service du bien commun.

La politique est affaire de compromis. La modestie en politique vient de ce que le bien qu’elle vise a plusieurs dimensions, qu’il s’évalue sur de multiples critères qui peuvent être en concurrence, conduire à des disputes. Cela interdit d’absolutiser un critère au détriment des autres, ce qui est le cas dans tout extrémisme. Plutôt que d’avoir à choisir de manière binaire entre le blanc et le noir, le vrai et le faux, le bien et le mal, le débat politique oblige à choisir entre des nuances de gris, ce qui relativise la passion avec laquelle on peut s’y disputer. Contrairement à un monde parfait, où les idéaux de justice, de vérité, de bien, de beauté, d’unité… convergent harmonieusement en Dieu – ce qu’en termes médiévaux on appelait la « convertibilité des universaux » -, ici-bas, la priorité donnée à telles ou telles dimensions du bien conduit à des projets politiques différents, qui seront meilleurs sur tel point, et moins bons sur tel autre, et inévitablement, meilleurs pour telles catégories de la société, et moins bons pour telles autres.

La politique s’appuie sur un vouloir-vivre-ensemble. Pour être mis en œuvre d’une manière non purement coercitive, un projet politique suppose chez les concitoyens un consentement minimal à faire prévaloir le bien commun sur leurs intérêts catégoriels ou particuliers. Aucun projet politique ne peut prétendre réaliser le bien de la société dans toutes ses dimensions et d’une manière qui satisfasse tous ses membres de façon égale, mais il peut promouvoir un bien commun en s’appuyant sur cette solidarité minimale fondée sur le sentiment d’appartenir à une communauté de destin. Pas de projet politique possible avec une société atomisée – ou « liquide » – où n’existerait pas ce consensus de base. C’est la tâche première du dirigeant politique de favoriser ce consensus, à l’inverse d’un processus électoral qui ferait de la relation électeurs-élus un rapport de clients à fournisseurs, où les candidats prétendraient répondre aux besoins catégoriels des électeurs, plutôt que de les motiver à s’en décentrer.

En politique, l’économie est au service d’un projet commun. A l’inverse de Saint Simon et de tout technocratisme, la politique est davantage le gouvernement des hommes que l’administration des choses. Elle n’est pas que la gestion économique d’une collectivité, mais l’art d’entraîner un collectif vers un avenir désirable. Elle doit pour cela s’incarner en des hommes qui, en leur personne, par leur histoire autant que par leur projet, donnent envie d’un avenir commun.

La politique est affaire contingente. Je peux préférer tel candidat, en étant lucide non seulement sur ses limites ou celles de son projet, mais aussi sur les miennes, sur mes œillères, sur la possibilité de me tromper : je ne me définis pas par mon vote ! La politique doit « faire avec » les limites de ceux avec et pour qui elle s’exerce. Elle doit tenir compte de l’écart entre l’élaboration du projet, et ce que permettent la relative adhésion qu’il suscite dans le peuple, et les contraintes extérieures – économiques, géo-politiques, écologiques…

Quelques convictions personnelles : en me voulant chrétien, je préfère l’altruisme social, le partage des richesses, mais ceux-ci ne valent que s’ils sont librement consentis, personnellement d’abord, puis collectivement par un choix démocratique ; ils ne peuvent être imposés par une nomenklatura à la manière du communisme ; contre l’économisme, la recherche effrénée de la compétitivité, et la financiarisation de la société, je préfère une certaine décroissance – qui commence à l’échelle personnelle en acceptant de consommer moins, plus éthique du point de vue social et environnemental, quand bien même ce serait plus cher (et moins compétitif), pour s’étendre à toute la société par contagion, imitation puis réglementation, voire protectionnisme ; la souveraineté n’est pas une affaire de taille (à moins de n’en rester qu’au plan économique : celui des « économies d’échelle », de la taille critique face à la concurrence mondiale), mais de confiance en son identité : pour la France, pour le meilleur et pour le pire, cette identité inclue une prétention historique à l’universel – comme Fille aînée de l’Église et comme Patrie des Droits de l’Homme et des idéaux de la Révolution, par l’évangélisation ou par la colonisation – et donc à la laïcité qui les distingue sans les séparer ; j’assume un conservatisme à la fois sociétal et environnemental, car « tout est lié » (pape François, Laudato Si) : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. » (Camus) Cela se traduit dans une éducation qui privilégie l’enseignement de savoirs, la transmission d’un patrimoine culturel dont l’histoire a trié le meilleur, plutôt que l’acquisition de compétences up-to-date qui relèvent de la formation ultérieure.

Enfin
…je ne crois pas qu’un homme providentiel puisse changer un pays,
…un pays ne vaut pas en fonction de ce qu’il produit, gagne ou consomme, mais de ce pour quoi il est prêt à se dévouer, des causes pour lesquelles il est prêt à s’engager,
…un bon dirigeant politique est moins un gestionnaire de talent que celui qui oriente le mieux la générosité, la capacité de don du pays vers les plus grandes causes,
…pour cela, il favorise le sentiment d’appartenance, la communauté de destin des citoyens qui leur permettent de se décentrer de leur individualisme, de viser plus haut, plus collectif,
…il ne peut le faire qu’en incarnant lui-même ce dévouement, ce décentrement, en donnant l’exemple,
…mon choix est tout récemment fait, sur les candidats à l’élection présidentielle et leur projet,
…ce choix est complètement discutable, critiquable, et je serai peut-être le premier à le contester dès après les élections,
…cet avis est d’autant plus relatif que je suis prêtre catholique, et que certains fidèles pourraient « bêtement » me donner un rôle d’éclairage des consciences que je n’ai pas sur une question contingente – le choix électoral – sur laquelle je n’ai ni plus ni moins à dire que chacun !

A quoi ça sert la foi ?

Sur facebook, un ami transmet une question de sa nièce : « Avec un groupe, on réfléchit sur la liberté et la foi. Depuis quelques séances ce qui ressort dans notre groupe, ce sont les notions de bien et de mal, du fait de choisir Dieu ou non, d’enfer et de paradis, aujourd’hui. Mais à quoi ça sert d’avoir la foi du coup ? »

Dans ce que te dit ta nièce, j’entends l’objection suivante : avoir la notion du bien et du mal et choisir librement le bien, ne requiert ni dieu(x), ni foi, ni perspective d’une sanction (enfer ou paradis) : le libre exercice de notre conscience suffirait.

On pourrait répondre qu’un peu d’expérience de la vie nous rend plus modestes. Avec Saint Paul, nous vérifions que nous ne faisons pas le bien que nous voulons, et que nous faisons le mal que nous ne voulons pas ; qu’il y a un écart entre savoir ce qui est bien, le vouloir, et pouvoir l’accomplir. En ce sens, notre liberté n’est ni native, ni absolue. Elle doit être éclairée par une éducation qui passe par sanctions et récompenses de la part de parents, société, autorités…, pour s’exercer comme capacité à choisir le bien. Et la modestie est aussi requise de la part de toute autorité humaine, qui ne peut être dupe de la relativité de ses lois, de ses principes moraux : « Vérité en deçà des Pyrénés, erreur au-delà ». (Pascal)

La pensée démocratique « fait avec » la conscience de cette relativité. Elle y voit même une digue contre l’intolérance, le fanatisme et l’absolutisme des autorités, jamais si tentées d’abuser de leurs pouvoirs que lorsqu’elles sont absolument certaines d’être dans le « camp du Bien ». Mais on ne peut se contenter de cette modestie et de ce relativisme. La proclamation de droits de l’homme qui soient « universels », c’est-à-dire valables quelles que soient les cultures et les époques, l’intuition d’une « common decency » qui fait qu’il y a des choses qui se font, et qu’il y en a d’autres qui ne se font pas… tout cela rejoint la notion aristotélicienne et thomiste de « loi naturelle », qui renvoie à un ordre objectif, non-écrit, et donc jamais-totalement-clair-pour-la-conscience, qui précède pourtant tout discernement moral. Constatant alors que les actes bons ne sont pas toujours récompensés (« trop bon, trop c… »), on ne peut que « postuler » que la moralité des actes, la cohérence entre les actes et cet ordre moral, soit ultimement récompensée (Kant).

Cependant, faire dépendre la foi en Dieu de la nécessité de fonder l’ordre moral sur une autorité supérieure, sur un juge suprême qui le garantisse, a peu de rapport avec ce que nous chrétiens nous appelons la foi. Le Christ a lui-même contesté le pharisaïsme comme vision mercantile de la foi où l’on attendrait de Dieu qu’Il récompense nos bonnes actions par le salut. Ce volontarisme qui voudrait réaliser le bien par ses propres forces, ce salut par les oeuvres, cette prétention de maîtrise ont été dénoncés par Saint Augustin puis Luther.

La foi est d’un autre ordre : relationnel, amical, amoureux… De même que la question « A quoi ça sert d’être l’ami de… ? » signe par là-même que l’on n’est plus dans le registre de l’amitié, la question du « A quoi ça sert d’avoir la foi ? » n’est pas du tout adéquate. Elle peut éventuellement être changée en « Qu’est-ce que ça change d’être croyant ? » et il faudrait pour cela écouter le témoignage de convertis, qui peuvent mieux faire la différence entre un avant (sans la foi) et un après (avec). Mais comme la foi est toujours en processus, avec ses progrès et ses reculs, toute croissance dans la foi peut aussi donner lieu à un témoignage sur ce qu’elle produit comme « fruit » – terme plus juste que « résultat » ou « effet » – car ce « fruit » n’est toujours qu’un surcroît par rapport au seul et vrai enjeu de la foi : être en relation avec Dieu, s’en découvrir aimé et l’aimer en retour, notamment dans l’amour de nos frères. C’est la définition que donne Ste Thérèse d’Avila de la prière, de l’oraison : « un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »

Cela dit, comme c’est le binôme liberté-foi qui est questionné par ta nièce, je te redonne la « formule ignatienne de l’action » qui articule parfaitement l’une et l’autre, par delà les écueils possibles, y compris en régime chrétien, comme par exemple une foi fidéiste ou quiétiste qui justifierait un abandon irresponsable à la providence ; ou une foi qui ne serait pas libre, car rendue obligatoire pour réussir sa vie, pour obtenir le salut ; ou une liberté qui se croirait souveraine et où l’homme serait donc responsable de tout…

Cette formule est la suivante :
« Aie foi en Dieu comme si le succès de ce que tu entreprends ne dépendait que de toi. Et cependant, agis en tout comme si Dieu devait tout faire, et toi rien. » (Hevenesi 1705).

Des souvenirs d’un commentaire magistral de cette sentence par le p. Gaston Fessard s.j., voilà ce que j’en retiens : la foi chrétienne est la confiance en un Dieu qui dans toute la Bible se révèle dans sa volonté de libérer l’homme, de toute forme d’esclavage, du péché, de la mort… Parce qu’Il aime l’homme d’un amour inconditionnel, Dieu le rend libre, y compris et surtout dans la manière de répondre à cet amour : il n’y a pas d’autre prédestination que celle d’être enfants de Dieu, car à la suite du Christ – le Fils unique dont Il nous a fait à l’image – le choix des moyens nous appartient pour être davantage à sa ressemblance, et l’amour de Dieu ne nous fera pas défaut parce que nous aurons fait tel choix plutôt que tel autre. La foi en ce Dieu-là nous rend capable d’un choix libre et entier, sans pusillanimité ni demi-mesure, car posé dans un climat de confiance en un Dieu qui ne nous a pas programmé pour telle ou telle vocation, mais fait siens nos choix lorsqu’ils sont posés dans ce climat de foi. Aussi, dans la phase du discernement de ce que nous pouvons entreprendre, des oeuvres dans lesquelles nous nous lançons (pour servir Dieu et nos frères), du choix d’un état de vie pour suivre le Christ, nous faisons « comme si » tout cela ne dépendait que de nous, d’où le sérieux et la paix, et donc la véritable liberté dans lesquels s’accomplissent ces choix. Pourtant, et c’est le 2ème volet de la sentence, le véritable maître de l’Histoire, c’est Dieu, qui fait tout contribuer au bien de ceux qu’il aime : tout, c’est-à-dire succès et échecs… ce qui devrait donner à l’homme d’action chrétien la décontraction, l’humour, la souplesse, le détachement pour vivre avec bonheur les aléas de l’action.

Se motiver, prendre des notes

« Ça m’intéresse… ça ne m’intéresse pas… » Est-ce aussi simple ? La motivation à suivre un cours, et donc l’attention qu’on lui porte n’est pas seulement affaire d’être attiré ou d’être séduit passivement par le sujet traité, par la manière d’enseigner, ou par l’enseignant lui-même, comme si l’on n’y pouvait rien, comme si tout ne dépendait que de l’extérieur. En fait, on y peut quelque chose, puisqu’il nous revient de décider de nous intéresser à ce qui nous est présenté. D’une certaine manière, c’est parce que « je m’intéresse au cours » que le cours finit par m’intéresser. L’attitude requise est donc celle d’aimer, ce qui est affaire de décision, de volonté, de fidélité, de persévérance, autant que d’attrait, de séduction. C’est la nuance qu’il y a entre aimer (qui est une activité) et « être » amoureux (qui est un état). En décidant d’aimer le professeur, sa matière, son cours actuel, je me mets en état de l’écouter activement, d’être éveillé. En conséquence, pendant le cours :

A–  je me motive régulièrement en réagissant intérieurement avec émerveillement à tout ce qui me paraît bon, vrai, beau dans ce qui m’est présenté : « ça c’est vrai ! », « que c’est beau ! », « c’est juste ! »… ; mais je réagis aussi à ce qui est éventuellement erroné ; j’accueille le cours en me représentant l’usage futur de ce que j’apprends, des notes de cours que je prends : révision, examen, certes ; mais aussi applications concrètes, situations réelles où ce que j’apprends apporterait du sens…

B–  j’enrichis ce que j’entends et ce que je vois par mes idées personnelles, par les échos que le cours provoque en moi (images visuelles, sonores, souvenirs personnels en lien même indirect avec le cours, rappels des cours antérieurs… autant d’indices qui me permettront de mieux le mémoriser), et je n’hésite pas à les noter ;

C–  j’anticipe autant que possible ce que va dire l’enseignant, pour être en état de désir, et non pas seulement d’enregistrement passif de ce qui vient d’être dit : si plusieurs parties sont annoncées (chapitres, paragraphes, liste d’arguments…), j’essaie d’en prévoir mentalement les suivantes, et j’en tiens compte dans ma manière de prendre des notes ; si l’enseignant annonce 4 paragraphes et n’en traite que 3, j’interviens en posant une question, etc.. (cf. E (3))

D–  je prends des notes sur mon cahier (un cahier est préférable aux feuilles volantes, car il facilite pendant le cours la consultation rapide des notes des cours passés) en m’en servant non pour faire beau (inutile de souligner les titres à la règle…), mais comme un outil de travail qui me permet d’être actif, ne serait-ce que dans l’organisation écrite des informations : schémas, plan, organigrammes, retraits, flèches…

E–  les points précédents ne sont possibles que si… je prends des notes rapidement, ce qui passe par quelques pratiques d’écriture :

(1) écrire très petit avec des interlignes réduits, avec un stylo bic noir – la couleur bleue s’oxyde à la longue – pour qu’une erreur vraiment repérée comme telle soit barrée ; car avec un effaceur d’encre, on a tendance à effacer hâtivement ce qui n’est encore qu’incertain. (2) organiser sa page A4 en double colonnage, ce qui permet de revenir à la ligne par un mouvement du poignet plutôt que de l’avant-bras, de gagner beaucoup de place et de permettre une vision synoptique du cours. (3) pratiquer également le multicolonnage (à l’intérieur de la colonne de la page !) lorsque qu’une liste d’arguments est donnée (comme c’est le cas ici pour ces points 1, 2 et 3, listés en colonnes parallèles plutôt qu’en série horizontale) ce qui permet de mieux mettre en application le point C.

Résoudre un problème

Poser correctement un problème, c’est déjà le résoudre à moitié. Or un problème bien posé est premièrement un problème où l’on a su définir d’abord les objectifs (« qu’est-ce que je veux ? ») avant de rechercher les moyens pour le résoudre. Avoir déjà en tête les moyens ou les méthodes avant d’avoir clairement défini les objectifs est non seulement inefficace – ces moyens ne sont pas forcément les bons – mais immoral – parce que l’objectif défini ensuite sert de paravent à des objectifs non dits ! [1] En conséquence, pour tout problème, veiller à :

*    définir d’abord les objectifs (« qu’est-ce que je veux ? »), sans a priori (même inconscient) sur les moyens, en étant lucide sur nos motivations cachées concernant ces moyens.

*    chercher ensuite les moyens adaptés à l’objectif visé ; les moyens sont toujours secondaires, relatifs à l’objectif, mais ils doivent aussi être bons en eux-mêmes : « la fin ne justifie jamais les moyens ».

« Réfléchis… » Ce conseil n’est pas toujours très utile si l’on ne sait pas de quel type de réflexion on a besoin au moment précis où le problème se pose. S’agit-il de faire appel à sa mémoire, de mobiliser des informations connues ? S’agit-il de faire appel à son intelligence créatrice, à inventer du neuf, à mettre en relation des éléments jusqu’à présent disjoints ? S’agit-il d’être tout simplement rigoureux dans un calcul, dans l’usage de règles de logique, de grammaire, etc.. bref, d’être concentré, persévérant et donc de faire preuve de volonté ? Pour un problème donné, les trois « puissances de l’âme » que sont la mémoire, l’intelligence et la volonté doivent souvent être employées dans l’ordre suivant :

1)     mémoire : en se rappelant et en notant ce que l’on sait qui soit en rapport avec le problème : savoirs, vocabulaire, définitions, résultats connus, expériences suggérées par l’énoncé… cela permet de démarrer la résolution d’un problème, d’éviter de « réinventer l’eau chaude » et de ne pas paniquer à ne rien faire.

2)     intelligence : créer du neuf à partir de ce qui est déjà connu, imaginer, relier à des connaissances éloignées… au delà du rappel de la mémoire, il s’agit de jongler avec les idées, de jouer, de rêver même, d’être personnel, même si c’est au prix d’un certain flou, d’un certain désordre… mais cela n’est possible que si la mémoire a déjà inventorié tout ce qui est déjà connu (cf. 1)) et si l’on sait qu’une étape ultérieure mettra de l’ordre dans tout cela (cf. 3)) ; le but est d’arriver à « l’ Idée » décisive pour la résolution du problème, ou, s’il y a plusieurs possibilités de répondre au problème, d’aboutir à une idée convaincante.

3)     volonté : mettre en forme, organiser de manière rigoureuse les données produites par les opérations de mémoire et d’intelligence, en évitant les fautes d’inattention (logique, grammaire, règles diverses, plan, présentation…).

L’ordre naturel de la résolution d’un problème est donc 1) mémoire – 2) intelligence créatrice – 3) volonté, et il faut sentir à quel moment on bascule d’un type d’opération mentale à un autre : a-t-on épuisé le rappel de ce que l’on sait déjà dans le domaine du problème ? est-on arrivé à une idée décisive ? Parfois l’étape 2) éveille la réflexion en montrant que le problème a un rapport avec des domaines de connaissance que l’on n’avait pas envisagés dans l’étape 1) : on peut alors refaire un travail de remémoration, et l’ordre de la résolution du problème est alors 1) – 2) – 1) – 2) – 3).


[1] Le syndrome du « pompier pyromane » qui allume un feu pour se donner le plaisir de l’éteindre, est plus courant qu’il y paraît dans nos manières de faire : on veut absolument se servir de telle de nos capacités, de tel moyen ou méthode qui nous sont chers, qui nous permettent de nous mettre en valeur, et cela nous aveugle pour viser correctement l’objectif, puisqu’on le définit ensuite en fonction des moyens choisis a priori. L’objectif joue alors le rôle de « fin qui justifie les moyens », ce qui est le propre de l’immoralité. Par exemple, on invoque la distribution de pompes au Sahel (une fin « noble », mais définie a posteriori), pour donner une coloration humanitaire au Paris-Dakar, alors que c’est l’usage de moyens (voitures de rallye, motos…) pour eux-mêmes qui l’a déterminé.