Le plus grand péché

Un texte que j’ai retrouvé dans un vieux poly d’écrits du p. P.Monier s.j., évoqué à l’occasion d’obsèques récentes… RB

Un curé de l’Est m’a joué un tour, alors que je passais dans sa paroisse. Il m’a emmené sans me prévenir vers un groupe de religieuses à qui il avait annoncé ma visite, pour que je leur parle, naturellement. Dans la salle, en avant se trouvait une vieille sœur qui avait l’air malheureuse, tendue, tendue.

« Vous savez, mes Sœurs, je ne savais pas que je voulais vous parler. Je n’ai pas pu demander au Bon Dieu de me donner le courage de vous parler, tellement ce m’est pénible »

Elles me regardent, étonnées
« parce que j’ai l’impression que vous êtes à peu près toutes en état de péché mortel »

La bonne vieille, déjà tendue, se disait : « Qu’est-ce qu’il va nous dire ? »

« en état de péché mortel le plus dégoûtant qu’on puisse imaginer »

Elles se demandaient un peu si j’étais fou !
« celui qui m’énerve le plus et me dégoûte le plus »

Les jeunes se disaient : « Attendons toujours » et se mettaient à rire derrière les bonnes anciennes qui ne riaient pas.

« Ah ! le voici, le péché dégoûtant : (je regarde la vieille) Vous avez travaillé peut-être quarante, soixante ans au service de Jésus-Christ, autant que je puisse deviner, en allant soigner les malades à domicile, en faisant l’école, etc. Vous ne vous êtes pas fait payer, juste de quoi vous nourrir et vous habiller. Ce n’était pas très intéressant. Dès qu’on voyait que ça vous plaisait, on vous mettait ailleurs. Savez-vous comment cela s’appelle : c’est la charité pure, aussi pure que possible. Quand on a travaillé au service du Christ en travaillant au service des autres, et quand on se pose encore la question de savoir si le patron ne va pas vous damner pendant toute l’éternité, après tout le travail qu’on a fait à son service, avouez que c’est dégoûtant ! A sa place, je vous regarderais et vous dirais : « Vous me faites honte, qu’ayant été à mon service pendant toute votre vie, vous pensez que je puisse encore vous menacer de vous torturer pendant toute l’éternité ? » Avouez que c’est un grand péché ! »

Quand j’ai vu que cela commençait à émotionner la vieille sœur, j’ai parlé pour les autres :

« La question de notre éternité ne se pose pas quand nous nous sommes occupés des gens, des malheureux. Jésus-Christ a dit : « Si vous vous aimez les uns les autres, ne vous inquiétez pas » « Père, là où je serai, je ne veux pas être sans eux ; s’ils ne sont pas là, je ne veux pas y être. » Saint Paul dira plus tard : « Ne voyez-vous pas que nous sommes déjà assis avec le Christ à la droite du Père ? » C’est pour cela que, dans votre vie, prenez bien tout ce qui vous met au service des autres, vous n’avez plus à vous occuper de vous, laissez-lui ce souci-là »

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