En lien avec la journée mondiale de prière pour les vocations, voici une conversation (fictive) rédigée à partir de (vraies) questions posées sur MSN et poursuivie dans le fil des commentaires. Pour les collégiens, voir aussi ici ; pour les lycéens et étudiants, voir aussi là.
PAUL – Mon Père, éclairez moi… J’ai une question à vous poser….
JEAN – …
PAUL – Que vais-je devenir ?
JEAN – ???
PAUL – Je ne sais pas ce que je veux faire… et il faut que je prenne une décision…
JEAN – Le choix t’appartient, et si ta décision est prise dans un climat de liberté et de confiance, ta volonté sera celle de Dieu. Deux questions peuvent alors t’éclairer pour discerner si une voie te convient, parmi les multiples qui te conviendraient aussi : (1) y seras-tu heureux ? (2) y feras-tu du bien ?
PAUL – Comment puis-je le savoir ?
JEAN – Répondre à ces deux questions passe par la connaissance que tu acquiers de toi-même à travers [a] les expériences que tu as pu faire, en particulier dans le même registre que celui de la voie que tu choisis – t’être occupé de telle personne âgée de ton entourage, s’il s’agit de discerner une voie dans le médical, avoir fait du soutien scolaire, s’il s’agit d’une voie dans l’éducatif etc… – [b] le retour que t’en donnent ceux qui t’entourent, et qui te connaissent souvent mieux que toi-même… Quel bonheur, quel bien reçus ou donnés… ?
PAUL – Est-ce qu’un voyage, une mission auprès des plus pauvres aiderait au discernement ?
JEAN – Un voyage vaut encore plus le coup s’il est sous-tendu par un projet déjà vérifié à petite échelle, plutôt que pour évaluer l’intérêt d’une voie à partir de rien. Le fait de partir, le dépaysement apporte un plus, certes, en obligeant à aller au bout de soi-même, en révélant des talents peut-être ignorés, mais il ne peut en lui-même indiquer ce qui pourrait être ta vocation et qui aura à se vivre dans la vie ordinaire. Aussi, il y a déjà un premier discernement à faire sur ce qui t’anime, à partir de ce que tu vis déjà ordinairement, et dont une mission, un voyage, une année de service exceptionnel servira à vérifier la profondeur. La vie des saints est assez éclairante à ce sujet. Des saints comme Ignace de Loyola, Charles de Foucauld ont souvent cherché leur voie dans l’héroïsme ou dans une voie extraordinaire. Et ils y ont renoncé, pour revenir à l’ordinaire et y devenir saints… Alors entre partir dans une mission lointaine auprès des plus pauvres, et rester auprès des siens, le choix n’est pas simple : il n’y a pas de réponse absolue, qui ferait dire que partir est bon – ou à l’inverse que rester est bon. C’est à toi de le vérifier, en envisageant sereinement chaque option, et en mesurant intérieurement celle qui t’apporte le plus de paix et de joie. Une précision cependant : il n’y a pas à opposer la recherche du bonheur, de ton bonheur, et la réalisation du plus grand bien, parce que les deux se confondent. Mais il arrive que l’on prenne pour un bien supérieur ce qui n’en a que l’apparence, parce qu’il se présente comme plus héroïque ou exigeant. Le bonheur, avec la paix et la joie qui l’accompagnent coïncide avec le fait d’être à sa juste place. Toujours ces deux critères : être heureux, faire le bien.
PAUL – Comment pourrais-je vérifier que mon choix est le bon ?
JEAN – Il faudrait que je retrouve quelques textes issus de la tradition ignatienne, qui donnent des indications pratiques sur la manière de discerner… Mais en gros, cela part de la première expérience spirituelle de Saint Ignace qui sur son lit de soldat en convalescence, se faisait des films dans sa tête en imaginant soit (1) ce qu’il ferait s’il gagnait tel combat, s’il séduisait telle princesse etc… soit (2) ce qu’il ferait s’il suivait la voie de tel ou tel saint. Les ‘films’ de type (1) le mettaient en joie quand il y pensait mais le laissaient dans une sorte de tristesse ou d’abattement lorsqu’il revenait à la réalité, tandis que les ‘films’ de type (2) le gardaient dans la joie pendant et après le travail de son imagination, même une fois revenu à la réalité. De là il a déduit différentes règles pratiques pour vérifier intérieurement si telle ou telle voie est ou non inspirée par le Seigneur, ou au contraire représente une tentation que l’Adversaire met sur notre route pour nous faire dévier de notre vraie vocation…. Si le fait d’envisager intérieurement telle option du choix, de l’imaginer, te laisse en paix une fois revenu au réel, et même t’aide à vivre plus heureusement et plus courageusement la réalité présente, même si elle est encore différente de ce que tu projettes de faire – c’est que tu es sur la bonne voie.
PAUL – Est-ce qu’il n’y a qu’une seule « bonne voie » ?
JEAN – Je ne pense pas qu’il y ait une seule réponse à la question de la vocation, car je ne crois pas que l’on soit prédestiné à une voie, comme si Dieu avait préécrit ce que nous devions faire, ou comme si l’on pouvait déterminer objectivement ce pour quoi quelqu’un est fait. C’est un peu comme dans l’amour : ce n’est pas quelqu’un de l’extérieur qui peut dire si deux personnes sont faites l’une pour l’autre, car c’est à elles de le dire ; mieux, c’est à elles de le décider ! Car la vocation est autant affaire de se laisser attirer par une voie (parmi plusieurs qui conviendraient aussi), que de la choisir, de la préférer aux autres voies. D’où ces quelques recommandations : garder ouverte la question de ta vocation ; te réjouir de te poser cette question – signe que tu prends la vie au sérieux, et que tu ne te contentes pas de vivre au jour le jour ; avoir assez confiance en Dieu pour croire qu’il saura bien mettre sur ton chemin les personnes et les événements pour t’aider à choisir la manière dont tu voudras aimer au maximum de toi-même ; faire une relecture chaque jour des occasions d’éprouver l’amour de Dieu et de tes décisions d’aimer en retour, qui procurent les plus grandes joies, à toi et aux autres ; ne pas y réfléchir seul, mais accepter d’en parler à un vis à vis, à un accompagnateur qui par son écoute, t’aidera à une relecture plus objective de ce qui t’anime.
PAUL – C’est alors à moi de décider, de choisir cette voie parmi d’autres bonnes voies possibles ?
JEAN – Oui. A ce titre, il n’y a pas de grandes et de petites décisions. Bien sûr, devenir prêtre, s’engager dans la vie religieuse ou se marier et fonder une famille représente une décision majeure dans une vie, et qui pourrait induire un certain stress, du fait de l’incertitude et de l’enjeu ; mais en réalité, une telle décision est prise sans inquiétude et presque naturellement, si elle est préparée par l’habitude de prendre ordinairement des décisions, grandes ou petites, qui vont dans le sens de la joie et de la paix évoquée ci-dessus… Par exemple, un jeune pour qui l’Eucharistie devient progressivement indispensable, qui choisit de lui consacrer du temps en semaine, parce qu’il a vérifié que c’était un chemin de vie… quelqu’un pour qui trouve sa joie à partager sa foi, avec ce que cela suppose de réflexion préalable sur cette foi, d’attention aux attentes des hommes, ce jeune peut envisager avec une certaine liberté intérieure une vocation sacerdotale. De même quelqu’un qui vérifierait au quotidien sa joie d’être auprès des malades pourrait envisager une vocation dans ce domaine, ou la vocation religieuse pour quelqu’un qui découvre concrètement la prière comme ouverture à l’absolu de Dieu qui seul suffit…
PAUL – Parfois j’essaie de faire le « bilan » de la journée et de le remercier pour celle-ci, mais ce n’est pas toujours évident. Comment je pourrais m’y prendre ?
JEAN – Une attention pratique aux joies quotidiennes et à leur origine peut déjà être un exercice spirituel suffisant pour le moment. On en reparle bientôt. D’accord ?