En réponse à un message reçu sur facebook :
Je ne crois pas en dieu mais pourtant quand je pense à mon père, je prie dieu pour qu’il le fasse revenir. Je ne sais plus où j’en suis. Est-ce que l’au-delà existe ? Comment puis-je savoir si mon père est heureux là où il est ?
Je peux d’abord proposer une réponse humaine, avant d’être une réponse croyante, et même chrétienne :
Dès qu’il y a de l’humain, il y a l’intuition inaltérable que ce qui a été vécu ici-bas, les relations, les liens affectifs, les projets, les engagements… doivent bien avoir un prolongement, ou un accomplissement, ou une sanction (positive ou négative) au-delà de la mort. C’est là une exigence de justice inscrite dans le coeur de l’homme, et l’on ne trouve pas cette intuition chez les animaux. Cette intuition est à l’origine des marques de respect que seuls les humains donnent à ce qui reste de ceux qui sont morts, c’est-à-dire aux corps des défunts : les rites funéraires (enterrement, crémation, etc…) sont le signe de ce respect, et sont propres à l’homme, y compris préhistorique. Pourquoi respecter ce qui n’est plus qu’un corps destiné à se dissoudre, s’il n’y a pas l’intuition d’un au-delà de la mort ?
Mais si c’est là une attente inscrite dans le coeur de l’homme, on a le choix entre deux attitudes :
– Refuser cette attente, et la considérer comme une illusion ; croire que la réalité est en fait contraire à notre attente, qu’il n’y a en fait rien à espérer au-delà de la mort, que cette vie mène à une tombe, au néant, au rien, et disparaît progressivement du souvenir de ceux qui restent, que cette vie est donc à proprement parler insensée, absurde. La sagesse serait alors d’en prendre acte, sans se bercer d’illusions « opium du peuple ».
Des penseurs passés et présents (André Comte-Sponville fait partie de ceux-là) ont pris ce parti du désespoir, en affirmant que le sens de l’existence ne peut se trouver qu’à l’intérieur de cette courte parenthèse entre notre naissance et notre mort, et pas au-delà. On pourrait leur objecter que c’est là une optique de « nantis », de gens qui ont la possibilité de diriger leur vie ici-bas, d’en faire quelque chose… Que dire alors à ceux qui ont vécu toute leur existence prisonniers de la misère ou du dénuement, victimes innocentes de l’injustice et de la guerre ? Quel sens trouver à cette vie si tout se joue uniquement ici-bas ? Que dire aussi à ceux qui doivent se résigner à la disparition totale de ceux qu’ils ont aimés ?
– Croire que cette attente humaine correspond à une réalité existante, bonne, désirable, et que le scandale du mal, de l’injustice, de la souffrance et de la mort vient paradoxalement confirmer : car si ce que ces maux contrarient n’existait pas, de quoi ces maux nous priveraient-ils ? pourquoi nous feraient-ils tant souffrir ? C’est justement parce que nous sommes faits pour cette vie pleine, éternelle, juste, affranchie de la mort, que l’expérience de la mort physique et du mal fait scandale. Même si nous n’en pouvons avoir qu’une intuition, même si elle reste un mystère, cette réalité désirée que les philosophies évoquent seulement en termes d’ « immortalité de l’âme », les croyants – et tout particulièrement les chrétiens – osent l’affirmer à partir d’une autre expérience que celle de l’attente du coeur humain : l’événement de la Résurrection du Christ, fêté chaque année à Pâques comme le centre de l’histoire, ce qui lui donne son sens.