Sur facebook encore, un lycéen écrit : Le Vatican critique le prix Nobel de médecine, pour la découverte de l’insémination artificielle, qui a permis à plus d’un million de couples de connaître le bonheur d’avoir un enfant. Des fois, j’ai vraiment honte…
Je prendrai plus tard le temps de participer au débat houleux sur ce mur, qui tourne au traditionnel « pour ou contre la religion catholique » laissant chacun dans ses opinions et sa plus ou moins grande tolérance à l’opinion de l’autre, mais préfère répondre à ce qui a lancé ce débat, à savoir ton incompréhension – et celle de beaucoup, visiblement – devant la réserve de l’Académie Ponficale pour la vie sur l’octroi du prix Nobel au prof. Geoffrey Edwards, pionnier dans la fécondation in vitro (FIV).
Ce n’est pas la prouesse technique qui est critiquée, et encore moins le fait que 4 millions environ de bébés aient pu naître grâce aux techniques de FIV depuis 1978. Ce sont plutôt deux réserves, que partagent aussi des médecins pratiquant ces FIV, comme me l’a confié une amie qui était aumônier catholique d’un centre de néonatologie en pointe sur les FIV :
(1) Le développement d’une mentalité de « droit à l’enfant », « je l’ai voulu, je l’ai fait », dans la ligne du film « Bienvenue à Gattacca » que plusieurs d’entre vous ont visionné, et qui induit un rapport dévié à l’enfant, reçu non comme un don, mais comme un dû ; évidemment tous les parents recourant à une FIV ne sont pas dans cette optique, mais l’existence même de la technique peut induire ces dérives, et de fait les induit ; et comme on sait que le même raisonnement (dû / don), la même volonté de puissance s’applique pour la suppression de l’enfant à naître, c’est un « droit » symétrique de vie ou de mort sur l’enfant à naître, qu’octroient les « techniques » de FIV ou d’avortement chimique.
(2) Le rapport d’une fécondation pour 20 embryons « produits », que l’on appelle pour cela « surnuméraires », que l’on congèle, dans l’attente d’autres inséminations, parce que les chances de réussite d’une FIV sont faibles (1 sur 5). Sans parler du moraliste, et pas seulement du moraliste chrétien, le législateur lui-même peine à définir le statut de ces 280 000 embryons « produits » chaque année en France, pour que naissent 15 000 enfants par FIV. Faut-il les conserver indéfiniment ? Les détruire comme du vulgaire matériel biologique ? Pourquoi feraient-ils l’objet d’une attention infinie, en tant que « personnes potentielles » (ce sont les termes mêmes du comité national d’éthique, qui pour un catholique ne vont pas assez loin dans la reconnaissance de l’originalité, de l’unicité, du caractère personnel de l’embryon) au moment où on les prépare en vue d’une FIV, et seraient si négligeables quand on n’en a plus besoin ?
Le débat sur la FIV est plus subtil qu’il paraît et ne peut se résumer à un « méchant-Vatican-rétrograde-anti-science-qui-refuse-aux-parents-la-joie-d’avoir-un-enfant ». L’Eglise n’interdit pas les FIV. Elle n’en a ni le projet, ni le pouvoir. Elle baptise avec joie les enfants nés d’une FIV. Mais en rappelant les risques éthiques de la technique, elle est dans son rôle d’interpellation de consciences que l’on endort facilement à coup de bons sentiments.