Âme soeur ?

« Doit-on croire aux âmes-soeurs ? » s’interroge une lycéenne aujourd’hui sur facebook…

Il y a lieu d’être radical sur cette question et de refuser catégoriquement la notion d’âme-soeur héritée du mythe de l’androgyne chez Platon, non pas seulement parce que cette idée est fausse, mais surtout parce qu’elle est dangereuse au plan moral et spirituel.

Si l’on croit vraiment qu’il existe pour chacun un être unique pour qui l’on est fait(e) et qui lui est parfaitement complémentaire, cela justifierait alors que l’on quitte toute personne avec qui l’on se serait pourtant engagé en couple, dès lors qu’apparaîtrait la moindre frustration, signe que cette personne n’est pas son âme-soeur. Don Juan n’est pas forcément un débauché qui profite de la multiplicité de ses conquêtes, mais il est peut-être aussi comme le prince du conte qui fait essayer à toutes les filles du royaume le soulier de son unique (avec une allusion sexuelle dans ces essais…), tant qu’il n’a pas trouvé sa Cendrillon. Sans parler de l’idolâtrie qui pointe son nez, à adorer une créature finie dont on attendrait qu’elle comble absolument le désir infini inscrit dans le coeur humain, ce que seul Dieu peut faire : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. » (Saint Augustin)

Ainsi, choisir d’engager sa vie avec un(e) autre, ne consiste pas à répondre « oui » à la question que sous-tend la notion d’âme-soeur : « suis-je sûr(e) que c’est la bonne personne, l’homme de ma vie, la femme de ma vie ? », car on ne peut pas donner une telle réponse, sauf dans l’aveuglement amoureux du genre : « jamais je ne pourrais vivre sans toi, tu es toute ma vie… » (expressions qui ne devraient être adressées qu’à Dieu), un aveuglement qu’il s’agit de laisser se dissiper avant tout engagement.

Ainsi, le choix de se marier consiste non pas à répondre à cette fausse question, mais à décider ensemble de ne plus se la poser. Il s’agit alors de s’engager totalement dans un projet enthousiasmant, que l’on ne peut réussir qu’ensemble, à deux, et qui requiert que l’on ne perde pas son énergie à gamberger sur la possibilité de trouver mieux ailleurs, en gardant pour cela une soi-disant « porte de sortie ».

Il faut alors quelques conditions préalables pour construire une telle décision. La principale étant la liberté de chacun, précieusement offerte l’un à l’autre, pour qu’il ait la possibilité réelle de prendre une autre décision. C’est d’ailleurs cela qui fonde la position catholique de chasteté avant le mariage, c’est à dire d’auto-restriction dans l’usage de la séduction, et qui n’est rien d’autre que le refus de prendre à l’égard de l’autre la posture d’âme-soeur.

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