A propos d’un sondage de 2007 – où seulement une personne se disant catholique sur 2 croit en Dieu – une étudiante m’écrit :
J’avais entendu parler de ce sondage à la radio et trouvant cela ridicule de se dire catholique sans croire en Dieu, j’en avais fait part à mes amis. Certains ne sont pas baptisés et n’ont pas eu d’éducation catholique, ils n’étaient pas très intéressés par ce sujet de discussion.
D’autres sont baptisées, sont allées au catéchisme forcées ou n’y sont pas allées et m’ont dit « et alors ? moi je suis baptisée donc je suis catholique ! » et quand je leur ai demandé : « tu crois en Dieu ? » la réponse était claire : « non ».
Elles affirment que dès qu’on est baptisé on entre dans l’Eglise catholique et par conséquent on est catholique tout le reste de sa vie. Je suis d’accord avec elles. Cependant lorsqu’on baptise un enfant de quelques mois et qu’on ne lui donne ensuite aucune éducation catholique et qu’il ne croit pas en Dieu, peut-on dire que cet enfant est catholique ?
J’ai l’impression qu’on baptise de plus en plus les enfants pour la tradition, pour faire plaisir aux grands parents, à la famille,…
J’ai l’impression qu’il en est de même avec le mariage. Une de mes amies s’est mariée récemment et cela a occasionné des discussions sur le mariage. Toutes mes amies veulent se marier à l’église pour avoir une belle cérémonie ! Il y en a une qui n’est pas baptisée et les autres lui ont dit « pas de chance, nous on est baptisées, on pourra se marier à l’église. » Cela me révolte un peu que des couples veulent se marier à l’église juste pour la cérémonie. Le principe ce n’est pas de se marier devant Dieu ? Y-a-t-il un intérêt à se marier devant Dieu alors qu’on ne croit pas en lui ? Et à ce niveau là, est-il nécessaire d’être baptisé pour se marier à l’église ?
Mon interrogation la plus profonde reste quand même comment peut-on être catholique sans croire en Dieu ? Le baptême fait-il forcément de nous des catholiques ?
Le plus drôle dans cette histoire, c’est que je ne peux pas (ou presque pas) parler de religion avec mes amies « catholiques » (les rares sujets qu’elles savent aborder sont principalement les sujets sur la contraception et le pape)… Alors qu’avec un ami qui est agnostique je peux en parler comme je veux, il m’écoutera toujours ! Je sais que si j’ouvre la Bible sur un quelconque passage, il sera prêt à en discuter avec moi…
Merci pour ces belles questions qui ne sont pas que de la sociologie…
Souvent les extrêmes se rejoignent : un chrétien qui vit profondément sa foi, et un « faux » chrétien qui se contente de dire qu’il est catholique parce qu’il est baptisé sans forcément que cela l’engage à croire, tous deux ont en fait en commun la valorisation du baptême !
Le chrétien qui vit sa foi reconnaît que celle-ci est une chance imméritée, un don gratuit, et qu’elle est bien une « vertu théologale », c’est à dire ayant Dieu comme source. Son engagement chrétien, sa foi, il les vit non pas comme une démarche qui partirait de lui, mais comme une réponse à l’initiative de Dieu de venir à lui, de se communiquer à lui par Jésus-Christ. Alors, il « rend grâce » à Dieu, ce qui signifie que le premier don, la première gratuité vient de Dieu. Aussi, il voit dans son baptême le moment où tout s’est joué, où incompréhensiblement, le Christ l’a choisi pour être membre de son Corps, témoin de sa vie de ressuscité… Il considérera que sa confirmation est moins le moment où lui-même confirme qu’il est bien chrétien ou valide le choix de ses parents de l’avoir fait baptiser, mais plutôt le moment où il laisse Dieu le confirmer comme son fils ou sa fille à la manière du Fils unique. De la sorte, il pourra dire lui aussi qu’il est chrétien parce qu’il est baptisé, confirmé, eucharistié, parce qu’il a reçu la grâce des sacrements de l’initiation qui font de lui un chrétien, c’est-à-dire un « saint » en puissance (il faut lire comment saint Paul s’adresse aux Ephésiens en Ep 1 !) d’une sainteté qui ne relève pas de sa générosité personnelle, mais du fait que Dieu le voit comme tel. Saint Augustin pouvait alors dire : « Devenez ce que vous êtes. » C’est à dire : des saints, parce que le baptême a fait de vous des membres du Christ, des vivants ressuscités avec lui, morts à eux-mêmes pour vivre dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de leurs jours (Lc 1,75).
Le fait que les baptêmes des petits enfants se soient généralisés à partir du 5ème siècle relève de ce qui précède : l’initiative de Dieu prime sur la réponse de foi du baptisé. La grâce du baptême rend possible – mais pas de manière automatique – cette adhésion de foi. Mais elle ne la remplace pas ! Le cardinal Lustiger disait à ses jeunes prêtres que le baptême qu’ils donneraient aujourd’hui à tel ou tel enfant pourrait ne montrer sa fécondité en terme de foi que dans… 80 ans.
Cela dit, les sacrements ne sont que les moyens « ordinaires » par lesquels Dieu donne sa grâce. Cela n’exclue pas qu’hors d’eux, hors de l’Eglise, des personnes puissent être touchés par la grâce et ouvrent leur coeur au Christ. Il n’en reste pas moins qu’une telle conversion doit se prolonger sacramentellement, pour signifier de la part du nouveau croyant que c’est bien d’un don de Dieu, avec la médiation du Christ, et de l’Eglise que le Christ a choisie pour être son épouse, que procède sa conversion.
Si donc les extrêmes se rejoignent, les deux attitudes du chrétien de coeur, et de l’autre – que l’on ne devrait pas appeler chrétien -, diffèrent malgré tout dans le rapport qu’ils ont aux sacrements, vus pour le premier comme l’occasion de laisser le Christ faire son oeuvre en lui et en son Eglise « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », et pour l’autre, au mieux comme quelque chose d’inutile, au pire comme un droit à revendiquer du fait d’avoir été baptisé : « j’ai le droit de me marier à l’Eglise, d’avoir un prêtre à mon enterrement etc… » Pour le premier, il s’agit de rester greffé sur le cep, branché sur la source, uni au Christ qui donne de devenir ce que l’on a reçu, un autre Christ (alter Christus). Pour l’autre, ce n’est qu’un rite ou un décor dont on a perdu le sens, au risque de le profaner.
Si ces questions t’intéressent, je t’invite à un forum que j’ai lancé sur facebook (« Forum Philo-Théo tala »), avec de la philosophie et de la théologie d’inspiration chrétienne, auquel participent des lycéens et des étudiants.
ah ça m’interesse, car j’ai entendu quelqu’un dire « je suis catholique mais pas chrétien ». et j’ai un peu de mal à expliquer cette phrase.
Je tombe un peu par hasard sur cette page et, étant issu d’une famille de tradition catholique, le sujet m’interpelle.
Je dis bien tradition car, jusqu’à la génération de mes parents, on vivait la religion qu’on nous avait enseignée. Ma génération a eu le choix. J’ai été baptisé, j’ai fait les communions et confirmation. Mais, rapidement, j’ai cessé de croire, résultat de l’enseignement que j’ai reçu et de mon propre cheminement. J’ai cependant des amis catholiques, dont certains sont réellement engagés au sein de leur église. C’est également un choix pour eux, bien plus que la perpétuation d’une tradition. Par conséquent, leur ralliement à l’église étant un choix, mon athéisme en étant un également, il serait assez irrespectueux de ma part de me poser en catholique.
Le nœud du questionnement me semble donc dans le remplacement, au XXe siècle, de l’adhésion traditionnelle par le choix philosophique individuel.
Cependant, on parle ici de catholiques. Car il semble aujourd’hui concevable d’être chrétien athée, c’est à dire adhérer au message de la bible et aux valeurs induites sans prêter d’importance à la dimension surnaturelle. Il s’agit de conceptualiser les principes, comme on peut conceptualiser un cercle en mathématiques : une perfection dont on ne tracera qu’une ébauche tout en essayant de l’approcher.
Si être catholique est obligatoirement croire en Dieu alors peu le sont. Mais si être catholique c’est etre baptisé sans obligatoirement croire en Dieu mais en se comportant dans la vie comme un catholique devrait le faire … alors la il y a plus de catholique.
Qu’est ce qui le plus important : « la croyance » ou le « comportement « ?