« Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18,38) L’interrogation de Pilate au procès de Jésus, a pris la forme affirmative du nihilisme que Nietzsche a diagnostiqué dès la fin du XIXème siècle, et qui contamine désormais nos mentalités : tout est relatif (même le temps et l’espace, avec Einstein)… à chacun sa vérité… rien (nihil en latin) n’a de valeur objective, universelle… le projet chrétien, occidental, français d’apporter la Vérité, la foi ou les « Lumières », le progrès ou la civilisation aux « indigènes » est aujourd’hui perçu négativement, et même avec repentance.
Si ce processus est en soi un progrès en humilité, en écoute, en dialogue avec les autres cultures et civilisations, si le rapport que nous avons avec « la » vérité est maintenant plus modeste, il n’en reste pas moins que l’erreur ou le mensonge dans l’ordre intellectuel, la faute ou le mal dans l’ordre moral, peuvent et doivent être dénoncés avec netteté. Si un enseignant ne peut déduire d’une copie juste le rapport réel que l’élève entretient avec la vérité, il sait cependant avec certitude qu’une faute qu’il corrige est vraiment fausse. Condamner le mensonge, dénoncer le mal, lutter contre tout ce qui abîme l’homme ou le monde, tout cela reste d’actualité, y compris en temps nihiliste. Et la barbarie qui s’exprime sans retenue au Moyen Orient, le drame que vivent les opprimés de tous continents et de toutes confessions (rohingyas de Birmanie, yézidis de Syrie, chrétiens de Corée du Nord, du sous-continent indien) peuvent et doivent susciter une réaction à la hauteur de cette vérité universelle qu’est la dignité de la personne humaine.