Pour l’accueil de migrants

De simples « bons sentiments » n’auraient pas eu la force, la simplicité et le caractère dérangeant tout à la fois de l’appel que le pape François a adressé le 6 septembre dernier à toutes les paroisses et communautés religieuses pour qu’elles accueillent chacune une famille de réfugiés.

 » Je lance un appel aux pa­roisses, aux com­mu­nautés religieuses, aux monastères et aux sanctuaires de toute l’Europe à ma­nifester l’aspect concret de l’Évangile et accueillir une famille de réfugiés.  » Pape François

Les réseaux sociaux et les media ont donné un écho aux débats que cet appel a suscité dans les communautés chrétiennes. Pour certains, leur réserve vis à vis de cet accueil invoque la « vraie charité » de savoir dire non, de ne pas promettre plus que ce que l’on peut donner, mais aussi la peur d’un « grand remplacement », d’une dilution de leur identité (occidentale, française, voire judéo-chrétienne, catholique…). Pour d’autres, qui cherchent à donner une traduction concrète à l’accueil de l’étranger, par-delà le souci immédiat de l’autre et l’exigence du partage de notre superflu à qui manque du nécessaire, c’est aussi la prise de conscience d’un monde qui ne peut plus fonctionner comme avant, de désordres trop longtemps négligés, d’injustices, de misères et de violences extrêmes subies par tant d’êtres humains et qui exige que nous en fassions aussi notre priorité.

« Tout est lié » écrivait le pape François dans sa dernière encyclique, nous invitant à un élargissement du regard, pour que le bien-être consumériste de nos sociétés occidentales ne se paye pas ailleurs en désastre social, écologique, économique ou géopolitique. L’explosion du nombre de réfugiés (53 millions) en est le symptôme, et le migrant qui frappe à notre porte, le révélateur ici de notre responsabilité là-bas.

 

Quelques contributions à la question de l’accueil des migrants

Le pape François (6/9/2015 & 12/9/2015), le cardinal André Vingt-Trois (4/9/2015), les évêques de France (21/6/2015 & 7/9/2015), Pierre Jovanovic (4/9/2015), Erwan Le Morhedec (3/9/2015), Madeleine Bazin de Jessey (2/9/2015), François Huguenin (29/9/2015), et un « blog » très documenté sur la situation des migrants en France.

 

Un retour d’expérience d’un an d’accueil d’une famille de migrants

Suite à la demande de la Pastorale diocésaine des Migrants, une paroisse aveyronnaise décide au printemps 2014 de restaurer sommairement d’anciennes salles de catéchisme en logement paroissial pour héberger une famille déboutée du droit d’asile : deux parents et leurs deux enfants. Avec le concours de bénévoles et des dons divers (meubles, électro-ménager…), cette famille pouvait être accueillie fin juillet 2014. A partir du bilan très positif tiré par les acteurs de cet accueil, de la paroisse et de la municipalité, voici quelques ingrédients de la réussite d’un accueil paroissial d’une famille de migrants, du côté tant des accueillants que des accueillis.

A- Accueillants

A1- Constituer une équipe

Des paroissiens bénévoles prêts à donner un peu de leur temps (et de leur cœur) pour :
– sensibiliser en amont les différentes instances susceptibles d’avoir un avis ; pour la paroisse, consulter le conseil pastoral et le conseil économique avant la décision du curé d’accueillir dans des locaux paroissiaux.
– mettre en contact avec les administrations locales (mairie, CCAS, écoles…), les associations d’aide (Restos du cœur, Secours Catholique…), les employeurs possibles, la population, pour répartir au maximum la charge de l’aide apportée (gratuité de la piscine, mise à disposition d’une parcelle de jardin collectif, bons ou colis alimentaires, aides sociales éventuelles…) en gardant un principe d’équité par rapport aux autres familles en difficulté.
– sociabiliser les accueillis : invitation à fêtes, repas ou pique-niques, ballades, manifestations locales, célébrations, mouvement de jeunes… pour créer d’un réseau de sympathisants en contact régulier avec la famille.
– accompagner dans l’apprentissage de la langue (trouver prof(s) de français bénévoles, lecture) et des codes culturels locaux (conseils sur « ici, ça se fait plutôt comme ça…, ou ça ne se fait pas comme ça… », cours de cuisine…).
– fournir une aide ponctuelle, plutôt en nature : produits du jardin ; dons de meubles, vêtements ou autres ; coup de main pour travaux ; connexion internet ; aide au covoiturage (notamment vers Rodez : préfecture, sécurité sociale…).
– répondre aux critiques de ceux qui contestent cet accueil.
– laisser les démarches administratives pour leur papiers à plus compétents (Secours Catholique, Pastorale des migrants…).

A2- Trouver un logement

– Un logement mis à disposition gratuite pour une durée indéterminée – qui pourrait être de plusieurs mois voire années… – d’un logement viable, meublé sommairement, indépendant, mais sans que toutes les finitions aient été apportées, afin que les accueillis aient leur part (au moins de main d’œuvre) dans des travaux qui valorisent ce logement.
– Les charges, financées par la paroisse ou l’équipe d’accueil, avec une participation de la famille si elle a des ressources (ATA…).

B- Accueillis

B1- S’intégrer

– apprendre le français le plus rapidement possible.
– scolariser les enfants, et les faire participer à tout ce qui est proposé à ceux du même âge (loisirs, sports, mouvements…).
– accepter les propositions de rencontres, de socialisation faites par l’équipe des accueillants, et tout ce qui permet de se familiariser avec la culture locale.
– consentir à une certaine discrétion dans l’expression de leur identité culturelle, religieuse d’origine, en s’interdisant toute forme de communautarisme (rester entre soi).

B2- Donner en retour

– prendre toute initiative pour rendre service : bénévolat, travaux d’utilité générale…
– participer à toute occasion de partage, d’entraide, de soutien… avec les bénévoles qui les accompagnent (Secours Catholique, paroisse…).
– rendre possible à moyen terme (~un an) la collecte de témoignages en leur faveur de la part du plus grand nombre, dans la perspective d’en constituer un dossier en vue de la régularisation de leurs papiers.

B3- Travailler

Pour éviter les écueils et les critiques contradictoires de l’assistanat (« ils sont payés à ne rien faire ») et du travail au noir (« ils nous prennent notre travail »)…
– Puisque la législation leur interdit un travail rémunéré, rechercher toutes formes de participation en travail, dans la ligne de l’Economie Sociale et Solidaire (Système d’Echange Local, troc, bénévolat, échange de compétences… où aucune rémunération n’est due, mais où des dons sont toujours possibles).
– Rechercher les entreprises susceptibles de les employer (possible autorisation préfectorale sur dossier…).
– Veiller autant que possible à ce que les travaux éventuels ne concurrencent pas ceux des entreprises locales (réparations refusées par celles-ci, mise en œuvre de compétences absentes localement, ménages…).
– Participer aux efforts nécessaires à leur accueil : travaux de finition pour le logement mis à leur disposition (peinture, meubles…), jardinage, embellissement des abords.

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