Laïcité et identité chrétienne

Disons-le tout de suite : pour l’Eglise catholique, l’absence de crèches de Noël dans une mairie ou dans un lieu public ne pose pas de problème. Mais leur présence non plus ! Ce qui pose question, c’est que cela soit l’objet d’une énième polémique, comme si la laïcité y était en jeu… Les recommandations décalées de certains responsables de l’Association des Maires de France – sur les crèches ou les concerts à connotation religieuse – nous font sourire, même si elles reflètent un a priori de méfiance à l’égard des religions, un refus des racines judéo-chrétiennes de l’Europe, un oubli de l’histoire de France comme si celle-ci n’avait commencé qu’en 1789, et par suite une volonté explicite de neutraliser le fait religieux selon une laïcité déviée en contre-religion laïciste.

Être chrétien implique de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, et donc d’être laïc. La laïcité est bien la séparation des pouvoirs politiques et religieux, temporels et spirituels, la neutralité de l’Etat à l’égard des religions, et non pas la séparation de la société avec la religion ou le refoulement du religieux dans la sphère privée, autant de contre-médications exacerbant les revendications communautaristes, les replis identitaires et la fragilisation du vivre ensemble, que révèlent pêle-mêle la montée du fondamentalisme musulman, la peur du migrant, le port du voile tout comme l’allergie à son égard, le vote FN comme l’allergie à son égard…

Si le judéo-christianisme a massivement laissé sa trace dans la culture européenne,* les chrétiens n’en sont pas les gardiens jaloux, comme des sortes de « salafistes chrétiens » confondant la foi avec des fruits civilisationnels passés, qu’il s’agirait de défendre contre l’indifférence de la société, l’hostilité des athées, la « concurrence » de l’Islam… Comme le répète le pape François, le risque que court l’Eglise et que courent les chrétiens ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, de l’ « entre-soi », de notre tiédeur dans le témoignage (aux autres) comme dans la prière (au Tout-Autre), de notre timidité à aller « de toutes les nations faire des disciples », à être des « disciples-missionnaires »… Ce qui nous manque en bref, c’est la parrhésia de Saint Paul, autrement dit l’humble fierté d’être chrétien, qui donne une confiance en soi, une liberté de parole, une ouverture aux autres et une dynamique missionnaire, toutes fondées sur la foi en Jésus-Christ, Dieu-fait-homme, la Parole de Dieu faite chair, se faisant conversation avec les hommes.

La fécondité dont nous voulons faire preuve est à conjuguer au présent. La foi en Jésus-Christ donne d’en être les DISCIPLES – sans cesse à son école pour recevoir l’Evangile comme une chance, comme la nouvelle bouleversante d’un Dieu qui nous aime et nous donne sa vie – et des MISSIONNAIRES – sans cesse envoyés par lui vers les autres pour leur témoigner en actes mais aussi en paroles de l’amour même dont nous nous savons aimés. En bref, d’être chercheurs de Dieu et pêcheurs d’hommes !

 

* « Chercher Dieu et se laisser trouver par lui : cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé. Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif – comme non scientifique – la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à l’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. » Benoît XVI, Discours au Collège des Bernardins, Paris (12/9/2008)

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