Tous ceux qui étudient ont fait l’expérience suivante, à l’occasion d’un examen, d’un contrôle, d’une épreuve ou d’une situation où ils ont dû mobiliser leurs connaissances : se retrouver bloqué par un trou de mémoire apparemment irrésistible, et, après coup, après une simple indication (d’un camarade ou d’un coup d’œil sur son cours), s’exclamer en se tapant le front : « en fait, je le savais ! ».
Cette expérience banale révèle :
* que les informations qu’on croit avoir « oubliées » sont en fait bien présentes dans notre mémoire ;
* qu’elles étaient simplement indisponibles au moment de l’examen, comme « cachées » au fond de notre mémoire ;
* qu’elles se confondent avec ce que nous croyons être « sorti de la mémoire » ;
* que sauf certains cas (connaissances « par cœur », poésie, listes, morceau de musique…) le travail de remémoration s’apparente plus à un jeu de piste, à une recherche tout azimut qu’à une récitation ordonnée ; et cette recherche que fait la mémoire la conditionne à réagir avec vivacité dès qu’un « indice », même insignifiant, un mot, un titre, une image, un souvenir indirect, une anecdote lui est donné : « mais oui, c’est bien ça ! ».
* qu’un tel « indice » peut suffire à nous rappeler des pans entiers de connaissance.
En conséquence, des trois opérations mentales que sont (a) « savoir », (b) « savoir-ce-que-l’on-sait », (c) « le-faire-savoir », ce sont surtout les deux dernières (b) et (c) qui posent problème. Ce sont elles qu’il faut donc exercer pendant les révisions. Comment faire savoir ce que je sais, c’est à dire, comment me remémorer ce qui est déjà dans ma mémoire ? Comment distinguer dans cette mémoire ce que je sais de ce que je ne sais pas/plus ?
L’opération (a) relève du travail d’apprentissage ou d’enregistrement qui est souvent bien réalisé par la simple écoute attentive en cours – voir article sur le sujet. Ne minimisons pas la capacité d’enregistrement de notre mémoire, celle-ci est meilleure que l’on croit. C’est plutôt sa capacité de restitution qui est en défaut et qu’il s’agit d’exercer par le travail de révision. Mais ce travail de révision ne consiste donc pas à réenregistrer, à réapprendre ce que l’on a déjà appris, en relisant son cours ou ses notes, en en faisant un résumé, ou en les mettant en fiches… ce que font pourtant la majorité des étudiants, qui « réapprennent » leur cours, au risque de perturber ce que leur mémoire a déjà enregistré du cours. Réviser consiste au contraire à exercer sa mémoire à la restitution de ce qui a déjà été enregistré, pour ne plus avoir à apprendre que ce qui est effectivement sorti de la mémoire – ou n’y est pas rentré. Cela permet alors un énorme gain de temps !
Oui, mais comment faire la différence entre (1) ce que l’on sait et que l’on sait qu’on le sait, (2) ce que l’on sait mais que l’on ne sait plus qu’on le sait – et que l’on croit à tort avoir oublié, et (3) ce qui a été vraiment oublié ? L’objectif étant de ne pas toucher aux connaissances de type (1), de simplement réactiver les connaissances de type (2) sans les réapprendre, et de ne prendre du temps d’apprentissage que pour les connaissances de type (3).
Voici alors pour cela la technique suivante à pratiquer chez soi, mais calquée sur le comportement d’un tricheur à l’examen qui fouille d’abord au maximum dans sa mémoire – et retrouve les connaissances (1) – avant d’ouvrir et de refermer ses notes de cours en un clin d’œil pour ne pas être remarqué : son effort de remémoration préalable, même vain, le dispose à n’avoir besoin que de quelques indices, d’un mot, pour être éclairé et retrouver les connaissances (2). Cette technique vise à identifier les limites de ce que l’on sait (et de ce que l’on ne sait pas), cela, avant toute relecture du cours, même si on ne s’y est pas replongé depuis des mois.
D’où « la » méthode :
* me fixer un temps limité (5’) et me munir d’une petite feuille (A5) et d’un stylo noir ;
* exploration : explorer mentalement et le plus vite possible ce que je sais, en ne notant sur la feuille que les « indices » qui m’ont permis d’avancer dans cette recherche (un titre, un mot, un détail etc…), en allant jusqu’au bout du temps fixé, même et surtout si j’ai l’impression de sécher ; le but n’est pas de tout réciter, ni de tout noter mais d’éprouver les limites de ma connaissance, de circonscrire la frontière de mon inconnaissance : aller vite sur ce que je sais que je sais (« je sais que je connais bien toute cette partie… » et peu d’indices suffisent pour la dévoiler) pour fouiller davantage ce qui paraît flou ; fonctionner à la manière d’un développement Polaroïd, en détaillant progressivement ;
* tilt : ensuite seulement, ouvrir rapidement son cours (on peut même ne faire que l’entrouvrir en express et le refermer aussitôt, comme si on trichait chez soi !) pour laisser un mot, une expression, un indice faire « tilt » : découvrir qu’une partie apparemment oubliée était du type « en fait, je le savais ! » ; noter les indices correspondants au stylo bleu sur la même feuille ; renouveler plusieurs fois cette expérience de « tilts » et d’indices notés.
* relecture : une fois les indices des « tilts » repérés, ouvrir son cours pour le relire en accéléré ; passer rapidement sur les parties sues (lecture en diagonale, juste pour vérifier, ce qui est gratifiant, car cela me rassure sur ma capacité d’enregistrement : « effectivement, je le sais ») ; lire à vitesse normale les parties qui « ne me disent rien », parce que je les ai vraiment oubliées : je note alors de nouveaux indices sur ces vrais oublis sur la même feuille, au stylo rouge ;
* conserver la feuille : elle dresse la géographie de ma mémoire ; elle a désormais plus de valeur que le cours ou le poly qui mélangent indistinctement les parties, celles que je sais et que je sais retrouver, celles pour lesquelles il m’a fallu des indices pour les retrouver, celles que j’ai vraiment oubliées.
* quelques jours avant l’examen, refaire une exploration ; inutile de reprendre mon cours car il suffit de faire un travail de révision analogue à ce qui précède, mais seulement sur cette feuille : les notes en bleu et rouge avec leurs indices, suffisent à me rappeler les oublis.
L’avantage de cette méthode est d’éveiller la curiosité pour la relecture : parce qu’on saute les parties dont on a vérifié qu’on les sait, cette relecture n’est plus un réapprentissage ennuyeux de choses déjà connues, et ennuyeux pour cette raison ; mais elle met en place des indices pour faciliter la remémoration de ce qui a été oublié. Il faut accepter de « perdre » quelques minutes avec cette « exploration » pure – sans révision préalable – mais celles-ci sont largement regagnées par la rapidité de la relecture qui suit, et la qualité de la remémoration. Evidemment cette méthode ne permet pas de faire l’économie d’une écoute attentive du cours, de s’y intéresser !
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