A propos du ou des papes…

Question sur facebook : Pourriez-vous m’expliquer pourquoi le Pape revêt une telle importance aux yeux des catholiques ? Qu’est ce qui le différencie des autres évêques? et des autres hommes ? J’ai parfois l’impression que l’on assimile l’image du Pape à celle de Dieu, ou plutôt que l’on donne à Dieu le visage du Pape, compte tenu de « l’adoration » que certains d’entre eux (je parle bien sûr des Papes en général) suscitent.

Les Evangiles présentent l’apôtre Pierre sans cacher sa faiblesse (refus de la Passion, impulsivité, reniement…) mais aussi avec l’autorité et la mission que Jésus lui donne : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Luc 22, 32) ou « Sois le berger de mes agneaux, (…) le pasteur de mes brebis, (…) le berger de mes brebis. » (Jn 21,15-17).

Ce contraste chez Pierre entre fragilité humaine et force reçue du Christ, est encore plus net chez saint Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Mt 16,18) suivi seulement 5 versets plus loin de : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,23).

Ce contraste persiste en chacun des successeurs de Pierre.

Aussi les catholiques n’idolâtrent pas le pape, mais lui reconnaissent une autorité reçue du Christ pour « affermir » la foi de ses frères. Pour les papes qui l’ont exercé de manière exemplaire, ils ont alors une reconnaissance qui s’attache aussi à l’homme, ce qui est humain, mais je dirais aussi, ce qui est chrétien, dans le prolongement de la foi en l’incarnation !

La Bible a besoin d’une autorité pour authentifier que les multiples interprétations qu’on lui donne – et qu’il faut continuer de donner – restent fidèles à la foi reçue des apôtres. C’est une des grandes différences avec l’Islam, pour qui le Coran, en tant qu’il est considéré comme parole de Dieu au sens absolu, est à lui-même sa propre règle d’interprétation. Pour nous chrétiens, la Bible est parole de Dieu, en tant que parole humaine inspirée. Pour son interprétation, elle recquiert l’inspiration du même Esprit que celui qui l’a inspiré. D’où la nécessité d’une instance régulatrice, extérieure à la Bible.

Cette instance prend trois formes : (1) communautaire – l’Eglise entière, dans son unanimité de foi, a un « sens de la foi » qui lui fait percevoir ce qui est juste ; (2) collégiale – les successeurs des apôtres que sont les évêques, ont autorité, en particulier dans leurs rassemblements en concile ; (3) personnelle – avec le pape qui par fonction reçoit du Christ un « charisme » de vérité dans l’authentification de la foi : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16,19) L’étonnant alors quand on étudie l’histoire de l’Eglise, la papauté, en particulier ses saints papes et ses papes grands pécheurs et source de scandale, c’est que dans leur mission spécifique d’authentification de la foi, de discernement dogmatique, les papes, y compris les plus scandaleux, ont tenu la route. Un gros livre pratiqué par les séminaristes le « Denzinger » qui compile toutes les prises de position officielles des papes et des conciles sur les questions de foi, en rend compte de façon très surprenante !

Les différentes confessions chrétiennes mettent plus ou moins l’accent sur les trois formes de l’autorité, communautaire, collégiale et personnelle. Les protestants insistent davantage sur (1) et (2), mais reconnaissent aussi la nécessité de (3), sans forcément la lier à la papauté. Les orthodoxes reconnaissent les 3 et (3) y compris en l’attribuant au pape, mais comprennent son autorité comme une « primauté d’honneur », et non comme une capacité d’arbitrer, de décider lorsqu’il y a conflit.

Pour approfondir le sujet sur le point de vue catholique, il vous faut lire la courageuse encyclique de Jean-Paul II « Ut unum sint » (1995) sur l’oecuménisme, i.e. sur le dialogue entre confessions chrétiennes, en particulier les n°88-96, en particulier le n°95 où le pape met en discussion avec tous « les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres ».

Terre solidaire

6’40 de souvenirs video du rassemblement toulousain des 50 ans du CCFD-Terre Solidaire le 26 mars 2011, avec un extrait du dernier chant de Gospa, « Terre Solidaire »… Quelques 200 jeunes aveyronnais en furent – dont 50 du Segala.

 

Historicité du récit des tentations…

Question sur facebook : Si Jésus était seul dans le désert, comment savons nous ce qu’il y a fait ? Est-ce que c’est lui qui a tout écrit ou l’a-t-il raconté ? ça a dû être difficile puisque c’était une expérience très intime !

La question est liée à celle du statut de l’Evangile, qui est un écrit à la fois historique et théologique. Et en christianisme, du fait que Dieu se fait homme, du fait que l’Eternel entre dans le temps, l’historique et le théologique sont liés. La question de l’historicité de la Bible a déjà été abordée sur un autre post (cliquer ICI).

Les textes sacrés des autres religions parlent de Dieu ou font parler Dieu à partir de mythes ou de fables sans prétention historique, d’autres à partir de maximes de sagesse, de préceptes moraux ou religieux, de formules ou de chants liturgiques, d’autres à partir de l’expérience religieuse ou des enseignements d’un homme en contact avec le divin… C’est le cas des évangiles apocryphes, du Coran, des écrits védiques, des textes sacrés bouddhistes …

Les Evangiles de nos Bibles ont cette particularité de nous parler de Dieu en racontant l’histoire de Jésus, et en affirmant que les paroles, les gestes, les événements vécus par Jésus de Nazareth nous disent le plus parfaitement qui est Dieu : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9). Même si les Evangiles ont plein de trous dans sa biographie, notamment avant le début de sa vie publique, les chrétiens croient que le peu que ses disciples ont recueilli de son histoire, suffit à nous donner accès à « Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1,8) parce qu’Il est le Vivant, le Ressuscité qui se laisse toujours rencontrer aujourd’hui, et dont les évangiles – et la Bible entière – ne constituent qu’un moyen d’identification, pour authentifier que c’est bien Lui que nous rencontrons : c’est Jésus qui EST la Parole de Dieu ; la Bible est une parole humaine inspirée, qui n’est « Parole de Dieu » qu’indirectement, en tant qu’elle met en contact avec Lui.

Il y a alors chez les évangélistes canoniques, Matthieu, Marc, Luc et Jean :

– une objectivité à rapporter ce qu’ils savent de Jésus, y compris des faits « gênants » de sa biographie parce qu’ils affaiblissaient la première prédication chrétienne : baptême de Jésus par Jean-Baptiste, disputes et arrivisme des apôtres, reniement de Pierre, crucifixion, premiers témoignages de la résurrection par des femmes…

– une modestie à dire les faits sans (trop) en rajouter : miracles bien en deçà de l’attente messianique ; silence complet sur ce que les évangélistes ignorent, notamment sur l’enfance et surtout, sur le coeur de la foi, sur la résurrection, sur ce qui se passe entre la mise au tombeau et la découverte du tombeau vide…

– des contradictions de détail sur un accord de fond.

Tout cela atteste qu’il s’agit de témoins, et non de faussaires ou d’affabulateurs qui se seraient concertés sur leurs récits. Il en résulte – que l’on soit croyant ou non – que l’on peut affirmer le caractère historique des récits, y compris celui des tentations de Jésus au désert. Mais cette historicité n’est pas seulement celle que spontanément nous considérons comme la seule valable : celle de l’historien ou du journaliste qui relate les faits « exactement » tels qu’ils se sont déroulés.

Le projet des Evangiles est de dire le plus profondément l’identité de Jésus à partir de ce que ses premiers disciples ont vécu avec lui. Cela débouche sur des récits historiques au sens journalistique du terme pour ce qu’ils ont vécu avec lui, mais aussi sur des récits relevant du « plus que nécessaire », de « ce-qui-ne-peut-pas-ne-pas-avoir-eu-lieu », non pas de l’ « exact » mais du « profondément vrai ».

Ainsi, les récits des tentations de Jésus au désert, relèvent de cette nécessité et de cette vérité sur la personne de Jésus, pour dire ensemble :

(1) la capacité qu’avait Jésus de réaliser des miracles, attestant de la venue du Royaume,

(2) l’humilité, la non-violence, le refus du messianisme temporel (qui consiste à faire advenir ce Royaume par ses propres forces), le choix de recevoir sans cesse sa mission de son Père.

Pour rédiger un tel récit, je ne sais si les évangélistes se sont reposés sur le témoignage direct de Jésus – j’en doute, sauf pour le récit primitif en 2 versets chez Marc (Mc 1,12-13 : « Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. »). Je crois plutôt que les évangélistes ont rédigé le détail des tentations, à partir de l’accès priant qu’a le chrétien à l’expérience même du Christ, car ce sont les mêmes tentations qu’il connaît.

Ce que je constate, c’est que la rédaction d’un tel texte pour dire ce qu’a dû vivre Jésus, aboutit à un texte d’une richesse inépuisable sur plein d’autres choses :

– La relecture de l’histoire d’Israël, et en particulier de l’Exode, atteste que les mêmes questions se sont posées pour Israël au désert : l’épisode de la manne (cf. 1ère tentation sur la nourriture), le miracle de l’eau (donnant lieu à un défi lancé à Dieu comme à la 2ème tentation en Mt, ou la 3ème en Lc), l’entrée en Canaan (par la force militaire ou en recevant la terre promise de Dieu comme à la 3ème tentation en Mt, ou la 2ème en Lc).

– Sur la Croix, Jésus a eu à entendre les mêmes 3 tentations, dans les paroles des chefs des prêtres (« Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Lc 23,35), des soldats (« Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Lc 23,37), et du mauvais larron (« N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Lc 23,39), qui reprennent dans l’ordre inverse les 3 tentations en Lc 4,1-13.

– Les 3 tentations surmontées par Jésus font de lui celui qui réalise parfaitement la triple dimension du premier commandement donné à Israël : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force. » (Dt 6,5)

– Pour d’autres interprétations s’appliquant au chrétien lui-même, lire le livre extraordinaire de Fabrice Hadjadj, « La Foi des démons ou l’athéisme dépassé », Salvador 2009 (http://tinyurl.com/lafoidesdemons), un peu difficile si on n’aime pas la philosophie (!)

C’est aussi cette multiplicité de sens qui me laisse penser que le récit des tentations n’est pas simple invention littéraire, et mais texte inspiré…

Principe et fondement

L’homme est créé pour louer,
respecter et servir Dieu notre Seigneur
et par là sauver son âme,
et les autres choses sur la face de la terre
sont créées pour l’homme,
et pour l’aider dans la poursuite de la fin
pour laquelle il est créé.

D’où il suit que l’homme doit user de ces choses
dans la mesure où elles l’aident pour sa fin
et qu’il doit s’en dégager
dans la mesure où elles sont, pour lui,
un obstacle à cette fin.

Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents
à toutes les choses créées,
en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre-arbitre
et qui ne lui est pas défendu ;
de telle manière que nous ne voulions pas,
pour notre part, davantage
la santé que la maladie,
la richesse que la pauvreté,
l’honneur que le déshonneur,
une vie longue qu’une vie courte
et ainsi de suite pour tout le reste,
mais que nous désirions et choisissions uniquement
ce qui nous conduit davantage
à la fin pour laquelle nous sommes créés.

 

1h sur ce porche d’entrée des Exercices Spirituels de Saint Ignace (conférence END 5/2/2011). Pour aller plus loin, cliquer ICI.

Question(s) de discernement…


50′ d’une conférence sur le discernement, donnée aux équipiers Notre-Dame du diocèse de Montpellier (5 février 2011), à partir des questions et de la prière suivantes :

Que faire ?
Recul pour prendre une décision, réussir vs rater, liberté (que puis-je faire ?) / simple évaluation des possibles

Qu’est-ce que je veux faire ?
Indécision, marque de la conscience (+ vs instinct) / une étape à surmonter, avec 3 écueils possibles (abstention, activisme, volontarisme)

Que dois-je faire ?
Peser le pour et le contre, + vs -, bonheur vs malheur (Dt 30), devoir (double sens : fait et droit) / solitude, subjectivisme, question indépendante de la présence d’autrui et du monde

Que dois-je faire de bien ?
Bien vs mal, devoir moral, prise en considération d’un ordre objectif / morale du devoir (kantien vs catholique), conflits de valeurs (sauf cas d’interdits moraux, impossibilité de faire reposer une décision libre sur un calcul du pour et du contre, y compris moral)

Que dois-je faire en tant que chrétien ? 
« Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Mc 10,17), conseil, effort de former ma conscience grâce à l’expérience d’autrui, de la tradition de l’Eglise, enjeu existentiel et spirituel, rapport à l’éternité / devoir, faire, avoir… je, ma (le moi au centre, non relation, non évangélique) ; réponse de Jésus a/s « bon maître » (relativité à Dieu)

Seigneur, que veux-tu que je fasse ?
Relation, confiance, foi en Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui veut avoir besoin de l’homme, qui attend quelque chose de moi, vocation / hétéronomie, prédestination absolue, volonté de Dieu différente, obscure, « âme soeur »…, idolâtrie de la bonne décision : discernement  comme recherche de lumière supérieure, Dieu au service de mon discernement, peur de se tromper, primat du faire (vs amour inconditionnel de Dieu : le bon larron… ; commandements de Dieu en forme de promesse, loi donnée à Israël, pour donner à l’homme la possibilité d’inventer une réponse d’amour au don gratuit de Dieu…

Seigneur, que ta volonté soit faite !
Abandon, confiance d’un enfant à l’égard de son Père, désencombré du souci de bien faire, mais qui suppose tout le positif de ce qui précède, sinon, lâcheté, démission, refus de la décision, de la responsabilité, de sa liberté

Prière du « Suscipe » (Saint Ignace de Loyola)
Prends, Seigneur et reçois, toute ma liberté,
ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté ;
Tout ce que j’ai et possède,
c’est Toi qui me l’as donné :
à Toi, Seigneur, je le rends.
Tout est à Toi, disposes-en
selon Ton entière volonté.
Donne-moi, ton amour et ta grâce :
c’est assez pour moi.

Justice de Dieu et responsabilité des hommes

Question d’un étudiant hier, encore sur facebook… 

Comment Dieu peut-il être à la fois juste et laisser une responsabilité aux hommes, leur laisser la liberté ? L’exemple qui m’a dérangé et qui a d’abord soulevé cette question dans ma tête, c’est celui des missionnaires. Quand un missionnaire partait sur un nouveau continent pour évangéliser :
– ou il avait quelque chose d’essentiel à apporter aux indigènes (bonheur, salut, je ne sais pas…), et on peut se demander s’il n’est pas injuste de la part de Dieu d’avoir laissé ces populations sans cette chose essentielle pendant si longtemps ;
– ou les indigènes n’avaient pas besoin de ce missionnaire pour être heureux (sauvés…) et dans ce cas, les missionnaires ne servent à rien…

 

Ta question touche à plusieurs domaines :

La révélation chrétienne : le fait que pour le christianisme, Dieu, Bien absolu et donc infiniment désirable, ait choisi de se communiquer lui-même par des moyens humains, temporels, fragiles, à travers des hommes imparfaits et pécheurs, au risque d’erreurs ou de lacunes dans la transmission de la Bonne Nouvelle (contre-témoignages des chrétiens, peuples ignorés par l’évangélisation…). C’est là le prolongement de l’Incarnation, où Dieu se fait homme pour se dire aux hommes, au risque de rencontrer leur incompréhension – un risque avéré par l’histoire même de Jésus, puis par celle de l’Eglise. Or cette fragilité dans les moyens de communication de l’Evangile… fait partie du message évangélique.

De fait, la transmission du meilleur de ce que Dieu veut donner, son Esprit Saint, sa vie, passe par l’action évangélisatrice de l’Eglise, une action conditionnée par les limites de ses membres. Les catholiques croient malgré ces limites que Dieu sait ce qu’il fait quand il choisit des pécheurs pour prolonger sa mission, quand il confie à Pierre le soin d’affermir la foi de ses frères et lui garantit une solidité de foi non liée à ses mérites personnels (« tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les puissances du mal ne pourront l’emporter sur elle… » à mettre en vis à vis avec le reniement de Pierre), quand il fait de l’Eglise son « épouse » à qui il se confie pour se communiquer aux hommes. Depuis le concile de Vatican II, cette foi en la « sainteté » de l’Eglise (le fait que malgré le péché des chrétiens, l’Eglise reçoive de Dieu la capacité de mener la mission qu’il lui confie de le donner aux hommes), va avec l’affirmation que Dieu est aussi capable de se donner au-delà des frontières de l’Eglise, même si la plénitude de la Révélation passe par l’accueil du Christ ressuscité, et l’entrée dans l’Eglise, en tant que communauté de ceux qui vivent de cet accueil.

Autre domaine lié à ta question : Le lien entre toute puissance de Dieu et liberté des hommes.

Dans toute religion – y compris dans le christianisme – se pose la question du dosage entre les deux. La plupart du temps, on imagine une sorte de jeu de tir à la corde ou de vases communiquants, où ce que l’un gagne, l’autre le perd. Plus l’un est à l’oeuvre, moins l’autre l’est.

Dans l’Islam par exemple, qui signifie étymologiquement « soumission », l’obéissance de l’homme aux commandements de Dieu, fait le bon musulman. Les commandements y sont concrets et réalistes (interdits alimentaires, prières n fois par jour, aumône, jeûne etc… tout à fait pratiquables et mesurables), pour que la volonté de Dieu puisse se réaliser complètement à travers ses fidèles, parce qu’avec le Coran, ils pensent savoir tout ce qu’on peut et doit savoir de Dieu et de sa volonté, et qu’ils ont les moyens de le satisfaire.

Dans le christianisme, Jésus pousse à l’extrême la logique des commandements donnés à Israël : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes des forces, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même », et il n’y a plus de mesure à ce commandement d’aimer. Il fustige les pharisiens qui prétendent être quitte, dans la bonne conscience d’avoir accompli extérieurement les commandements. Plus question alors de prétendre être un « bon chrétien », quelqu’un qui sait ce que Dieu veut et qui le fait exactement. La logique n’est pourtant pas celle d’un commandement impossible qui humilierait l’homme, mais plutôt l’inverse, celle de la divinisation de l’homme par Dieu : lorsque Jésus présente les rôles respectifs de Dieu et des hommes, il parle d’un maître de maison qui s’est absenté et a confié la gérance de sa maison à ses serviteurs, étant entendu qu’à son retour, il jugera la gestion de chacun ; mais plus encore qu’un jugement, c’est le fait qu’à son retour le maître se mette à servir ses serviteurs qui signe cette inversion. En sorte que ce n’est pas en termes de concurrence qu’il faut penser l’action de Dieu et celle des hommes, mais de gloire : Dieu est glorifié lorsque des hommes prennent au sérieux la promesse de divinisation qu’il fait à l’humanité. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » (Saint Irénée de Lyon)

Être chrétien, c’est accueillir la réactualisation permanente de la promesse que Dieu fait à l’homme : « tu aimeras », qui de même que tous les « commandements » du Décalogue est au temps de l’inaccompli en hébreu, que l’on traduit en français par le futur, comme une promesse, et non par un impératif comme « aime ». La foi chrétienne n’est donc pas un en-soi que l’on aurait – lorsqu’on a été évangélisé, reçu le baptême, pratiqué les commandements etc… – et que l’on n’aurait pas si on n’a pas reçu ou vécu tout ça, mais une mise en route sur un chemin de rencontre progressive avec Dieu, pour vivre toujours davantage de lui. Cet aspect dynamique me semble permettre d’échapper au dilemne que tu proposes.

Âme soeur ?

« Doit-on croire aux âmes-soeurs ? » s’interroge une lycéenne aujourd’hui sur facebook…

Il y a lieu d’être radical sur cette question et de refuser catégoriquement la notion d’âme-soeur héritée du mythe de l’androgyne chez Platon, non pas seulement parce que cette idée est fausse, mais surtout parce qu’elle est dangereuse au plan moral et spirituel.

Si l’on croit vraiment qu’il existe pour chacun un être unique pour qui l’on est fait(e) et qui lui est parfaitement complémentaire, cela justifierait alors que l’on quitte toute personne avec qui l’on se serait pourtant engagé en couple, dès lors qu’apparaîtrait la moindre frustration, signe que cette personne n’est pas son âme-soeur. Don Juan n’est pas forcément un débauché qui profite de la multiplicité de ses conquêtes, mais il est peut-être aussi comme le prince du conte qui fait essayer à toutes les filles du royaume le soulier de son unique (avec une allusion sexuelle dans ces essais…), tant qu’il n’a pas trouvé sa Cendrillon. Sans parler de l’idolâtrie qui pointe son nez, à adorer une créature finie dont on attendrait qu’elle comble absolument le désir infini inscrit dans le coeur humain, ce que seul Dieu peut faire : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. » (Saint Augustin)

Ainsi, choisir d’engager sa vie avec un(e) autre, ne consiste pas à répondre « oui » à la question que sous-tend la notion d’âme-soeur : « suis-je sûr(e) que c’est la bonne personne, l’homme de ma vie, la femme de ma vie ? », car on ne peut pas donner une telle réponse, sauf dans l’aveuglement amoureux du genre : « jamais je ne pourrais vivre sans toi, tu es toute ma vie… » (expressions qui ne devraient être adressées qu’à Dieu), un aveuglement qu’il s’agit de laisser se dissiper avant tout engagement.

Ainsi, le choix de se marier consiste non pas à répondre à cette fausse question, mais à décider ensemble de ne plus se la poser. Il s’agit alors de s’engager totalement dans un projet enthousiasmant, que l’on ne peut réussir qu’ensemble, à deux, et qui requiert que l’on ne perde pas son énergie à gamberger sur la possibilité de trouver mieux ailleurs, en gardant pour cela une soi-disant « porte de sortie ».

Il faut alors quelques conditions préalables pour construire une telle décision. La principale étant la liberté de chacun, précieusement offerte l’un à l’autre, pour qu’il ait la possibilité réelle de prendre une autre décision. C’est d’ailleurs cela qui fonde la position catholique de chasteté avant le mariage, c’est à dire d’auto-restriction dans l’usage de la séduction, et qui n’est rien d’autre que le refus de prendre à l’égard de l’autre la posture d’âme-soeur.

Livret de prière pour la semaine de l’unité des chrétiens 2011

Comme chaque année, vers les 18-25 janvier, a lieu la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’occasion de rencontres oecuméniques à partir du thème préparé pour 2011 par les communautés chrétiennes à Jérusalem : « Unis dans l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle, la fraction du pain et la prière. » (Ac 2,42-47)

Chacun peut s’associer à cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, notamment avec un feuillet de prière facile à photocopier (A4 paysage, recto-verso, plié en accordéon 5 volets) préparé par des chrétiens de différentes confessions du secteur de Rodez.

(a) Cliquer ICI pour le télécharger au format Acrobat (pdf)
C’est le format le plus pratique pour l’imprimer ; après ouverture, cliquer sur « Fichier », « Imprimer », puis cocher « Toutes les pages », choisir dans la boîte de dialogue « Mise à l’échelle » : « Aucune », cocher « Rotation et centrage auto. des pages », puis cliquer sur « Ok ».

(b) Cliquer ICI pour l’obtenir au format Word (doc)
C’est le format le plus pratique pour le modifier, mais au risque de variations dans la mise en page selon le logiciel Word que l’on a ; pour l’imprimer, cliquer sur « Fichier », « Imprimer », Ok ; cliquer sur « Oui » pour poursuivre l’impression bien que les marges de la section soient à l’extérieur de la zone d’impression ; selon l’imprimante, il se peut cependant que du texte soit « mangé » sur les bords : si c’est le cas, transformer le document Word en pdf (cf. ICI ou le télécharger selon (a)), puis l’imprimer selon (a).

 

Pour mémoire, voici l’agenda de la semaine oecuménique en Aveyron :

DECAZEVILLE
• Vendredi 21 janvier, 17h : célébration œcuménique à l’église de Viviez.

MILLAU
• Mardi 25 janvier, 19h : célébration oecuménique à l’Église Evangélique.

RODEZ
• Jeudi 20 janvier, 20h30 : célébration oecuménique au temple de l’Église Réformée Evangélique (Onet-le-Château, route de Séverac).
• Samedi 22 janvier, 20h30 : concert de louange à l’Église Réformée Evangélique (Onet-le-Château) ; repas partagé à 19h.
• Jeudi 27 janvier, 20h30 : conférence-débat à plusieurs voix (catholique, réformée évangélique, pentecôtiste) sur « Les chrétiens et les autres religions », au lycée Charles-Carnus (Bourran). Entrée libre.

SAINT-AFFRIQUE
• Mardi 18 janvier, 20h30 : célébration oecuménique chez les Réformés de France.

VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE
• Lundi 17 janvier, 20h30 : célébration oecuménique à la chapelle de la Sainte-Famille.

 

La version 2010 de ce livret de prière se trouve ICI.

Christianisme et autres religions

Question d’un lycéen hier sur facebook : La perspective de l’Eglise est-elle comme celle de la Rome Antique, une perspective où tous les cultes sont libres et semblent, comme pour les Romains, une source nouvelle et potentiellement plus juste de la foi. En définitive, quel est le point de vue de l’Eglise sur la foi des non chrétiens-catholiques ?

 

La question du statut des autres religions vis à vis du christianisme est LA question qui se pose à la théologie chrétienne du XXIème siècle. Pour y répondre en cohérence avec notre foi chrétienne, il faut tenir les 2 termes du paradoxe :

– Le Christ est l’unique médiateur, le seul intermédiaire entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre, l’éternel et le temporel, l’absolu et le relatif…

– Dieu appelle tous les hommes au salut, par delà leurs différences de confessions.

 

Deux fausses pistes de réponse :

– centrée sur l’Eglise : « hors de l’Eglise, point de salut » (Saint Cyprien de Carthage) ; dans une lecture « dure » de cette expression, on dirait que ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, ne sont pas baptisés-confirmés et ne vivent pas selon l’Evangile, ceux-là vont en enfer… En réalité, il faut lire la fin de l’Evangile de Marc (Mc 16,16) : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. » C’est seulement le refus de croire qui exclue. Et cela ne concerne donc pas ceux à qui la foi chrétienne n’a pas été proposée, ou ceux à qui elle n’a été proposée que sous le masque déformant du contre-témoignage des membres de l’Eglise. Il faudrait donc plutôt lire la citation de Saint Cyprien, non pas comme une affirmation glorifiant l’Eglise, mais comme un appel à sa sanctification, car « hors de l’Eglise, point de salut signifié ». Le Christ a choisi cette réalité imparfaite qu’est l’Eglise – et nous dedans – pour se dire aux hommes, et c’est là un motif d’étonnement et de responsabilité.

– centrée sur Dieu : on gommerait les aspérités du dialogue interreligieux en se contentant de dire que nous sommes tous enfants de Dieu ; c’est le même Dieu, mais ce n’est qu’une différence de points de vue qui fait que nous l’appelons différemment, Allah, la Trinité, Adonaï etc… Un tel relativisme n’honore pas cette exigence minimale de la raison qu’est le principe de non contradiction : deux propositions contraires ne peuvent être vraies en même temps et sous le même rapport. Soit Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme et en lui s’accomplissent les Ecritures, la quête de l’homme vers Dieu (et la quête de Dieu vers l’homme : cf. Gn 3,9) de sorte que la Révélation est complète en lui, et qu’elle doit pourtant encore se réaliser en l’homme par la foi en lui (christianisme), soit il n’est qu’un homme, envoyé de Dieu, dont les disciples auraient « falsifié » le message, de sorte qu’est nécessaire un nouvel et dernier envoyé, Mohammed, qui forme des disciples capables de transmettre parfaitement le message dicté par Dieu (Islam). Les deux propositions ne peuvent être vraies en même temps. Si l’on se place d’un point de vue extérieur à l’une et l’autre, il faut pour en juger dans un premier temps appliquer le critère que Jésus lui-même a donné : juger de l’arbre à ses fruits…