Coulisses de Noël

Voici le conte de Noël imaginé pour les enfants du KT de la paroisse Notre-Dame du Haut Ségala, et la saynète qu’une trentaine d’entre eux ont jouée à la veillée de Noël à Moyrazès (12). Voix : Anne-Marie Féral et les enfants. Musique : ‘Noël, au coeur de pauvreté’, Dominique Pons & Gilles Constans (Mediaclap, module Nathanaël « Messagers de Paix »).

 

 

Pour le voir et l’entendre au format 800×500 pixels, cliquer ICI (avi 13,1 Mo).

Sont aussi téléchargeables séparément : diaporama (4,7 Mo), son (9,5 Mo), texte (30 Ko). Télécharger d’abord le diaporama : clic gauche sur le lien… Puis télécharger le son : clic gauche sur le lien, clic droit, enregistrer sous, garder le nom du fichier proposé (Saynete_a_lecole_des_anges_-_musique.mp3) et l’enregistrer dans le même répertoire que le diaporama pour que ce dernier fonctionne avec le son.

 

Une cour de récréation, avec une maîtresse d’école en blouse blanche au milieu, attendant la sonnerie de fin de récréation. La sonnerie… sonne enfin. Des enfants, habillés avec un dessus blanc (chemise, sweat-shirt, pull ou autre… de couleur blanche) s’approchent d’elle, venant des différents coins.

 

Maîtresse :
– Les enfants, les enfants ! [appel]

Les enfants :
– Bonjour !

Enfant 1 :
– Pourquoi est-ce que vous nous avez dit de revenir aujourd’hui ?

Enfant 2 :
– On devrait être en vacances !

Enfant 3 :
– Tout le monde est en vacances en ce moment. Même les petits que je dois garder.

Maîtresse :
– Mickaël, quel jour sommes-nous aujourd’hui ?

Enfant 3 :
– Le 24 décembre.

Maîtresse :
– Eh bien, j’ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle extraordinaire. [une pause pour attirer l’attention] C’est vous qui avez été choisis ! C’est notre école qui a été choisie !

Les enfants :
– Choisis pour quoi ?

Maîtresse :
– Vous ne vous rappelez pas ?

[petit temps d’interrogation silencieuse, puis stupeur de tous les enfants]

Enfant 1 :
– Oh nooonnn ! Ce n’est pas vrai !

Enfant 2 :
– C’est nous ?

Enfant 4 :
– C’est vraiment nous ?

Enfant 3 :
– C’est nous qui avons été choisis ?

Maîtresse :
– Eh oui ! Ce n’est pas croyable, mais c’est vrai ! C’est bien nous : [Elle sort une lettre de type administratif] « J’ai l’honneur de vous informer que l’école « Notre-Dame des anges » a été choisie pour participer au grand projet « Noël en Palestine », vous voudrez bien vous mettre à disposition de Monsieur Gabriel Chérubin, coordinateur du projet…

Enfants :
– Waaaoouuuu ! On va y aller ! On va y aller !

Enfant 1 :
– Est-ce qu’ils disent pourquoi on a été choisis ?

Enfant 4 :
– Tu veux dire « sélectionnés » : c’est sûrement parce qu’on est les meilleurs !

Enfant 2 :
– On est les plus forts !

Enfant 3 :
– Les plus beaux !

Enfant 4 :
– Les plus intelligents !

Enfant 1 :
– Ou tout ça à la fois !

Maîtresse :
– Eh bien… [cherchant sur la lettre]  Il n’y a rien d’écrit là dessus… Ah si… Il semble que vous ayez été choisis pour ce grand projet, parce que vous êtes les plus… [petite pause pour lire plus attentivement la lettre]  les plus… petits ! Oui, c’est ça : les plus petits !

Enfants :
– [sur un ton déçu]  Ah bon ?

[une fille arrive en retard…]

Enfant 1 :
– [se tournant vers elle] Eh bien Angelina, d’où viens-tu ? pourquoi es-tu en retard ?

Enfant 5 :
– [avec assurance] Gaby, je ne suis jamais en retard : j’étais là-bas, tout là-bas [en montrant le lointain d’où elle vient] mais ça ne m’a pas empêché d’être ici avec vous, depuis toujours !

Maîtresse :
– Oui, Gaby, Angélina a raison. Dois-je vous rappeler que vous êtes des anges, et que vous pouvez être partout à la fois ?

Enfant 2 :
– Et alors, c’est nous, les plus petits des anges qui avons été choisis pour annoncer Noël aux hommes ?

Maîtresse :
– Vous êtes des anges encore trop jeunes pour protéger les hommes, pour les aider à se battre contre le mal, à lutter contre les tentations, contre le Tentateur. Vous n’êtes encore que des… angelots, des anges en apprentissage !

Enfant 2 :
– Alors qu’est-ce que l’on peut faire sur terre ?

Enfant 3 :
– Pourquoi est-ce que Dieu nous envoie en bas ? [geste de montrer le bas]

Enfant 4 :
– Si on ne sait pas encore bien faire, pourquoi c’est nous qu’il a choisis ?

Maîtresse :
– Eh bien, nous arrivons au cœur du sujet : asseyez-vous ! Je vais vous dire en quoi consiste votre mission !

[Les enfants s’asseyent]

Maîtresse :
– Votre mission, c’est d’apporter aux hommes la joie du ciel, la joie que nous avons ici au ciel. C’est la mission qui convient le mieux aux plus enfantins des anges.

Enfant 1 :
– C’est vrai qu’ici, avec Dieu, c’est impossible d’être triste. J’ai essayé : je n’y arrive pas, à être triste. C’est désespérant !

Maîtresse :
– Oui, pour nous la joie, c’est facile, mais il faut croire que cela n’est pas si évident que ça pour les hommes.

Enfant 2 :
– Ils en manquent tellement de la joie sur terre ?

Maîtresse :
– Regardez ! [en se penchant vers le bas et en invitant les enfants à faire pareil] Il fait nuit en ce moment sur terre, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup souffrent de l’injustice, de la violence, de la misère, de la solitude, du non sens… et ils sont nombreux à douter que Dieu les aime.

Enfant 4 :
– On ferait pareil, si on était à leur place.

Maîtresse :
– Eh bien justement, vous êtes chargés d’aller à leur rencontre dans cette nuit pour leur montrer la lumière.

Enfant 3 :
– Cette lumière, c’est Jésus-Christ !

Maîtresse :
– Chut… Ne le dis pas encore ! Il faut leur laisser le temps de le découvrir. Il n’est encore qu’un petit bébé, mais c’est lui qui relie déjà le ciel et la terre.

Enfant 4 :
– Alors, nous, on sert à quoi ?

Maîtresse :
– Nous sommes les serviteurs et les messagers de Dieu, mais parce que Dieu aime les hommes, il veut avoir besoin d’eux. Vous, vous êtes chargés d’en trouver quelques uns qui aident tous les hommes à reconnaître le Christ. Il n’y a pas besoin qu’ils soient très nombreux. [montrant l’assemblée des fidèles] Regardez en bas : Il y en a là à qui il faut l’annoncer.

Enfants :
– Mais ils sont nombreux, en fait !

Maîtresse :
– Aujourd’hui, oui ! Mais il suffit d’en trouver quelques uns qui acceptent de venir adorer notre Maître qui s’est fait petit enfant.

Enfant 1 :
– Et qu’est-ce qu’on doit leur dire ?

Maîtresse :
– « Gloria in excelsis Deo, et pax hominibus bonae voluntatis »

Enfant 2 :
– Je n’y comprends rien.

Maîtresse :
– Ce n’est pas grave. Je ne suis pas sûr qu’ils comprennent non plus.

Enfant 3 :
– Et qu’est-ce que ça veut dire ?

Maîtresse :
– Cela veut dire : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Enfant 4 :
– Euh… Je comprends les mots, mais pas la phrase…

Enfant 5 :
– Ça suffira de le leur dire ?

Maîtresse :
– Oui, cela veut dire que Dieu est là, et que tout l’univers rayonne de sa présence. Et cela veut aussi dire qu’en se faisant petit enfant parmi les hommes, il est la paix pour tous ceux qui sont prêts à l’accueillir.

Enfant 2 :
– Est-ce que je pourrai m’occuper du bébé ?

Enfant 3 :
– Non c’est moi !

Enfant 4 :
– Non, c’est moi qui l’avais demandé en premier !

Maîtresse :
– Vous n’allez pas vous disputer pour rendre visite au Prince de la Paix ! Votre mission est d’abord d’aller annoncer sa naissance aux hommes. Ensuite vous aurez le droit de vous approcher de la crèche.

Enfant 1 :
– On peut s’approcher des animaux ?

Maîtresse :
– Oui, si vous promettez de ne pas leur faire peur !

Enfant 2 :
– Comment faut-il parler à Marie ?

Maîtresse :
– Je pensais que ton oncle Gabriel te l’avait appris. Dîtes simplement : « Je vous salue, Marie, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous. »

Enfant 2 :
– Et pour Joseph ?

Maîtresse :
– Vous pourrez lui redire ce que nous lui avons déjà dit il y a plusieurs mois : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse : certes l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Pourtant, c’est toi lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Enfant 3 :
– Et quand est-ce qu’on y va ?

Maîtresse :
– Eh bien, c’est maintenant l’heure. Prenez vos tenues de lumière.

 

[Les enfants vont chercher dans des coffres les aubes de servants d’autel et les enfilent ; les plus jeunes prennent les ailes confectionnées… pendant que résonne la mélodie de « Noël au cœur de pauvreté ». Quand ils sont prêts, le son de la musique baisse, les enfant rejoignent les allées en marchant vers l’extérieur, et en chantant avec l’aide de la chorale le chant « Noël au cœur de pauvreté », avec le refrain modifié : « Jésus qui vient pour VOUS aimer… »…]

Voeux 2011

Depuis quatre mois que je suis à Baraqueville, j’entends souvent la question : « Alors, vous vous habituez ? » C’est parfois plusieurs fois par jour qu’elle revient, avec différents sens auxquels je souscris :

– la sollicitude de paroissiens à l’égard de leur nouveau prêtre, parce que l’hiver est rude en Ségala, qu’il y a de quoi faire en pastorale, et que pour un curé débutant, le risque est avéré de trop embrasser, de mal étreindre, et de verser dans l’activisme ;
– l’étonnement aussi devant l’étrangeté d’un parisien d’origine vietnamienne, à l’œuvre dans ce haut-lieu de ruralité aveyronnaise, l’un des grands foyers de la JAC ;
– l’attente enfin à l’égard de l’institution-Eglise, d’une inculturation, d’une familiarité, d’une communion croissante avec les lieux et les personnes, dans un pays où tout le monde se connaît, et où déjà au plan civil, humain, on met haut la barre de la vie communautaire.

Eh bien, malgré tout ce qui précède, je fais le vœu, qu’en 2011, ni moi, ni les paroissiens de Notre-Dame du Haut Ségala, ni vous, nous ne devenions des « habitués » !

Qu’en 2011, nous ne nous habituions pas aux appuis sur lesquels nous nous reposons « habituellement » : moyens, savoirs, talents, relations, foi… Aucun ne va de soi. Rien n’est dû. En période de changements, voire de crise, la vie prend davantage la forme d’une aventure, avec ses chutes et ses relèvements. Que cela même qui nous dérangera cette année, nous donne de découvrir LE véritable appui, autre, toujours Autre : le Christ, sans qui nous ne pouvons rien faire, ni croire, ni espérer, ni aimer.

Que nous ne nous habituions pas à ce qui devrait toujours susciter notre indignation, mais avec quoi nous composons le plus souvent : la faim et la misère dans un monde qui produit assez pour tous ; la guerre à laquelle nos appétits ou nos peurs déraisonnables ne sont pas étrangers ; le manque de liberté, d’égalité et de fraternité, d’abord là où nous sommes, où il incombe à chacun de les faire grandir, mais aussi là où des croyants, des chrétiens pour la plupart, sont persécutés pour leur foi.

Il reste cependant quelques bonnes habitudes à garder, dont celle de souhaiter à tous une joyeuse et sainte année 2011 !

Tendre la joue gauche

Question d’une lycéenne :

On devrait tendre la joue gauche quand on nous frappe sur la joue droite. Pourquoi?
– répondre par l’amour et la compréhension à la violence
– rester noble face à la violence
Mais violence, physique ou morale, tu crois pas que ça tourne vite à la persécution ou au sado masochisme ?
ça me fait penser aux femmes battues.

 

Esquisse de réponse :

Pour interpréter ce « commandement impossible », je t’invite à reprendre le passage où il se trouve dans l’évangile selon saint Luc (Lc 6,29) qu’il faut lire dans son contexte :

Jésus déclarait à la foule :
27 « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez :
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.
28 Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.
29 A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre. A celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique.
30 Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas à celui qui te vole.
31 Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.
32 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.
33 Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant.
34 Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu’on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.
35 Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour.
Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

 

Commentaires :

v.27a : Jésus est le sujet en relation avec nous, nous donnant au présent de l’indicatif, pour aujourd’hui la parole de révélation sur Dieu.

v.27b-31 : Les verbes sont à l’impératif et s’adressent à nous, en relation avec les autres, pour donner une loi de gratuité, d’amour inconditionnel.

v.32-34 : Une succession de conditionnelles (« si… ») et d’interrogations, pour dire comment nous allons mettre en oeuvre cette logique de gratuité dans les diverses situations qui se présentent.

v.35 : Il s’agit de nous en relation avec les autres et avec Dieu, avec des impératifs et des verbes au futur ; la loi n’est pas qu’impératif, elle est aussi promesse d’une relation filiale à Dieu se révèlant comme source de l’amour inconditionnel.

De manière générale, les commandements bibliques sont écrits dans l’Ancien Testament en employant le temps hébreu de l’inaccompli (souvent traduit par le futur : tu aimeras ton prochain, tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu respecteras le sabbat etc…) plutôt que par celui de l’impératif (honore ton père et ta mère). Autrement dit, ils sont autant promesse que commandement, comme si Dieu disait : « je te promets que s’accomplira le jour où tu aimeras ton prochain comme toi-même… » etc… ce qui permet au croyant d’accueillir le commandement non pas d’abord comme une exigence (plus ou moins impossible) mais comme une invitation à la foi en celui qui donne de réaliser ce qu’il ordonne. Saint Augustin avait ainsi cette prière : « Seigneur, donne ce que tu ordonnes, et ordonnes ce que tu veux ! »

Certes, dans le commandement de Lc 6,29, le masochisme est possible, mais il n’a alors rien à voir avec l’attitude qui précède : on n’y trouve ni exigence, ni promesse. On a au contraire maints exemples de mise en pratique de ce commandement et qui relèvent de la foi et sont de l’ordre de la sainteté. Cf. Maximilien Kolbe (cf.wikipedia) au camp d’Auschwitz…

La Bible, de belles histoires ?

Je voulais savoir qu’est-ce que c’était la bible, pour nous les catholiques. De belles histoires comme des contes ? La parole de Dieu et uniquement celle de Dieu, donc un condensé de sagesse ? Ou un mélange de vérité et d’inventions ? 

La question que tu poses est celle de l’historicité de la Bible, relancée par un livre comme le « Da Vinci Code », mais qui réchauffe un débat ancien, sur le rapport entre l’histoire et la foi. Un débat entre exégètes, historiens, théologiens… qui s’est conclu par l’échec des tentatives de séparer le « Jésus de l’histoire » et le « Christ de la foi ».

Certes, il y a toujours des contestataires pour penser la Bible, et en particulièrement le Nouveau Testament, comme une affabulation de croyants, pour prétendre que les chrétiens ont accolé au Jésus historique des fables, du merveilleux, des miracles, du mythe, pour lui faire porter un costume trop grand pour lui (Christ, fils de Dieu, Seigneur…). Ils invitent alors à une « démythologisation » de la Bible, pour en faire non pas une Révélation de Dieu, mais un simple message de sagesse émis par des communautés humaines, comme on le fait pour des mythes ou des fables. Dan Brown et d’autres vont encore plus loin en imaginant un complot de l’Eglise, avec l’invention d’un message qui assoie le pouvoir des chefs de l’Eglise.

Voici quelques arguments contre de telles contestations qui s’opposent à la foi chrétienne :

– La diversité des Evangiles et les incohérences de détail qu’on y trouve, manifestent leur véracité historique : on n’invente pas un message de sagesse en y laissant des contradictions, et les Evangiles sont bien l’oeuvre de témoins qui préfèrent honorer ce qu’ils ont perçu de Jésus plutôt que d’harmoniser leurs discours.

– L’absence d’information sur ce qui se passe entre la mise au tombeau et le tombeau vide, sur le coeur de la foi chrétienne qu’est la Résurrection, et qui était pourtant la première des choses à mythologiser. L’Eglise a choisi les 4 Evangiles canoniques (Mt, Mc, Lc, Jn) et refusé des évangiles dits apocryphes qui font justement du mythe. Jésus sortant victorieux et resplendissant du tombeau et faisant s’évanouir les gardes… voilà du mythe, tel qu’on le trouve dans l’évangile dit « de Pierre », qui inspire en partie l’iconographie chrétienne (cf. le haut de la mise au tombeau de la Cathédrale) mais qui n’est pas de foi, car absent des Evangiles canoniques.

– Le refus des évangélistes de prouver la Résurrection : ils s’en tiennent à des faits vérifiables, le tombeau vide, des disciples apeurés, découragés et dispersés… qui ensuite se rassemblent, témoignent avoir vu le Christ, et partent dans le monde entier se faire martyrs de cette annonce.

– La présence dans les Evangiles d’épisodes « gênants » pour l’évangélisation : le baptême de Jésus par Jean-Baptiste (il est utile de lire le récit de ce baptême dans Mt 3,13, Mc 1,9 et Lc 3,21 pour comprendre comment les évangélistes ont fait pour traiter ce fait historique, sans le trahir, mais en rognant éventuellement les angles pour se le rendre plus digeste : garder précieusement le fait et proposer une interprétation, c’est là le maximum de ce qu’ils ont fait comme « invention » de croyants) ; l’ignorance par Jésus de certaines choses (la fin des temps…) ; le fait que les premiers témoins de la Résurrection soient des femmes… Tout cela indique le contraire d’un projet de mythologisation de Jésus, mais un souci de coller aux faits, même gênants pour les premiers chrétiens.

– La place qu’occupent les premiers disciples, les apôtres et tout particulièrement Simon Pierre dans les Evangiles, qui n’est pas celle de chefs d’une Eglise qu’ils auraient inventée : avec le reniement de Pierre, l’incompréhension de tous devant le projet de Jésus, Pierre traité de Satan, leur carriérisme (être le plus grand…) etc… on ne sape pas soi-même son autorité dans des textes que l’on aurait écrits pour se faire valoir dans l’Eglise que l’on aurait créée pour en être responsable.

– Les miracles de Jésus ne suscitaient pas de contestation, y compris chez ses opposants : « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même »… On ne voit pas ce qui aurait fait que certains quittent tout pour suivre Jésus, sans des actes extraordinaires de sa part.

– Des paroles de Jésus – appelées « ipsissima verba » – ne s’expliquent ni par le milieu juif de l’époque, ni par la foi de l’Eglise primitive…

Pour en venir à l’Ancien Testament, il faut comprendre ce que le concile de Vatican II a rappelé, que la Parole de Dieu pour nous, chrétiens, n’est pas un livre, mais une personne : Jésus, le Verbe-fait-chair, la Parole-de-Dieu-incarnée. La Bible est finalement la bibliothèque des expériences de Dieu qu’a faites le peuple juif du Christ, soit sous forme d’attente ou d’annonce, avec ce cela peut avoir d’approché, soit pour l’avoir rencontré en Jésus, accomplissement des Ecritures.

Jn 1,1 et Gn 11,1-9

Une amie demande un éclairage sur « Au commencement était le Verbe » (Jn 1,1) et sur l’épisode de la tour de Babel (Gn 11,1-9). Je m’aperçois que cela a aussi un rapport avec la question de l’absolu et du relatif.

 

1) Verbe (français), traduit verbum (latin), qui traduit logos (grec), un terme philosophique d’inspiration stoïcienne, désignant l’intelligence ordonnatrice de l’univers. Le sage grec constatant que le monde est ordonné, harmonieux, « cosmos » (ce qui signifie en grec « belle parure ») – cf. la régularité des saisons, des lois de la nature etc… -, il en déduit qu’une intelligence organisatrice y est à l’oeuvre, qu’il y a de la raison dans l’ordre du monde, non pas seulement maintenant, mais toujours, et donc depuis les origines. Il nomme cela logos. La pensée chrétienne se saisira de ce concept de logos, pour affirmer paradoxalement que cette intelligence créatrice, maître d’oeuvre de la Création et participant à l’éternité divine, a choisi de s’incarner, de s’auto-limiter en entrant dans le temps, en devenant l’un de nous, pour révéler ce qu’il est principalement : amour infini, capable de don total de soi pour l’homme. Ce que le Prologue de l’Evangile selon saint Jean décrit avec le langage emprunté à la philosophie grecque (Jn 1,14), et que Saint Paul redit avec un langage plus concret dans son épître aux Philippiens (Ph 2,5-11), ce mouvement où ce n’est pas l’homme qui va vers Dieu, mais Dieu qui vient vers l’homme, dans un vertigineux mouvement de descente, pour élever l’homme à lui.

2) L’épisode de la tour de Babel au chapitre 11 de la Genèse est très intéressant, d’autant plus qu’il se prête à des mauvaises interprétations, la principale d’entre elles étant que c’est la jalousie de Dieu devant l’ingéniosité des hommes qui lui fait faire cesser la construction de cette tour. En fait, Robin, un de mes amis, ingénieur des Ponts et Chaussées, m’a indiqué qu’en relisant précisément le processus de construction, on s’aperçoit que les hommes commencent par faire des briques (11,3a), puis s’en servir comme pierres (11,3b), puis se dire qu’ils peuvent bâtir une ville et une tour (11,4a), et enfin ils posent l’objectif : se faire un nom et ne pas être dispersés (11,4b). Ce processus où l’objectif, la finalité ne sont définis qu’à la fin, où l’on se laisse entraîner dans une course en avant dans l’usage des moyens, où la fin invoquée n’est invoquée que pour justifier les moyens, cela est caractéristique du péché par excellence qu’est l’idôlatrie, qui consiste en une absolutisation de ce qui n’est en fait que moyens (objets, biens matériels, argent, connaissances ou savoirs, honneurs, activités…), en oubliant leur relativité à la fin pour laquelle toutes choses sont créées, le sacrifice d’action de grâce à Dieu. Saint Ignace de Loyola dirait « pour louer, révérer et servir Dieu son Créateur, et par là sauver son âme ». Jésus lui-même donne la bonne manière de construire une tour, en envisageant la fin, et en ordonnant les moyens à cette fin, qui n’est autre que de le suivre, lui, le Verbe incarné, dans son sacrifice d’amour et sa glorification. Cf. Evangile selon saint Luc 14,26-30.

Jugement particulier, jugement dernier…

A une paroissienne qui me posait avec insistance la question de la différence entre jugement particulier (juste après la mort) et jugement dernier (à la Résurrection finale), je lui ai répondu que vus nos âges respectifs, elle aurait certainement la réponse avant moi…

 

Cela dit, la différence entre jugement particulier et dernier ne me semble pas relever d’un revirement de la part de Dieu, mais dans la différence de statut de celui à qui s’applique le jugement : l’âme au moment de la mort (jugement particulier) ; la personne toute entière, corps et âme à la fin des temps (jugement dernier), où tous ressusciteront, « ceux qui ont fait le bien, ressuscitant pour entrer dans la vie ; ceux qui ont fait le mal, ressuscitant pour être jugés. » (Jn 5,29)

Etant des personnes, c’est à dire des êtres à l’image des Personnes divines – le Père, le Fils, le Saint Esprit qui se définissent intégralement par leur relation aux autres Personnes -, c’est selon le seul critère de l’amour que nous serons jugés (St Jean de la Croix). Ce qui n’est pas amour va au néant (qui veut sauver sa vie la perdra…), ce qui est amour nous personnalise : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime + celui qui perd sa vie à cause de moi, la garde pour la vie éternelle = salut.

Or notre corps est à la fois ce qui nous individualise – ici-bas, notre corps est le seul à occuper telles coordonnées d’espace-temps – et l’instrument par excellence de notre relation au monde et aux autres, via nos sens et les moyens de communication qu’offre le corps. L’âme seule ne constitue pas toute notre personne, n’étant que ce qui donne « forme » au corps (c’est là du langage scolastique, pas important de s’y arrêter…).

Il faut donc introduire une certaine temporalité dans les réalités de l’au-delà, et donc une distinction entre jugements particulier et dernier, pour tenir compte de ce que :

– L’amour donné par et reçu d’une personne se prolonge au-delà de sa mort à toute l’humanité et à toute la Création, qui poursuivent leur histoire. Cf. « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre… » (Ste Thérèse de Lisieux), l’intercession des saints, ce que l’on nomme dans le Credo, la communion des saints. Cet amour-là donné et reçu constitue aussi la personne dans sa figure d’éternité, tout comme les actes personnels qu’elle a posés dans son existence terrestre. De cette façon, notre solidarité d’êtres humains, implique que le jugement dernier de chacun ait un rapport avec le jugement de tous.

– La résurrection de tous les corps, non pas au sens littéral de retour à une vie terrestre de la matière de notre chair, mais au sens d’une personnalisation maximale de chacun et d’une unification de tous dans le Corps glorieux du Ressuscité, rend seule possible le plein rétablissement des relations d’amour entre les êtres.

Il faudrait demander à plus calé que moi en « eschatologie », car ce qui précède n’est pas « parole d’Evangile »… mais variations sur des données de base de la foi chrétienne.

Ci-joints deux liens vers les articles 1021 et suivants du Catéchisme de l’Eglise Catholique sur le jugement particulier  et sur le jugement dernier.

Trois questions d’une jeune catéchiste…

Une étudiante, catéchiste auprès de collégiens de 5ème, m’a posé hier sur facebook quelques questions…

La religion est-elle logique ?

– Tout est logique dans la foi chrétienne (je préfère ce terme de foi plutôt que celui de religion qui en est l’appareil intellectuel, social, cultuel, même si une foi sans religion devient subjective et invertébrée) : tout est cohérent dans la foi, au sens de non contradictoire, et cette cohérence participe à sa crédibilité ; s’il y avait une seule contradiction dans la foi chrétienne, je cesserai d’y croire.

– Mais le fait que ce soit logique ou cohérent n’est pas une preuve que ce soit vrai : les fous sont très logiques, mais s’appuient sur des prémisses fausses.

– Ce n’est donc pas simplement un raisonnement ou une déduction logique – c’est à dire un pur acte de l’intelligence – qui permet d’accéder à la vérité profonde du christianisme, mais également un acte de la volonté, le choix de prendre le risque de donner sa confiance, sa foi à Celui qui se propose sans forcer notre intelligence, avec l’humilité de l’Enfant de Noël ou du crucifié du Golgotha. Le oui de la foi suppose la crédibilité de celle-ci, mais implique un au-delà, une plongée dans le mystère que mon intelligence ne saurait épuiser. [à lire : encore un excellent livre de Fabrice Hadjadj, La foi des démons, Salvator 2009]

– Ce qui à certains pourrait apparaître comme « contradiction » (Dieu tout-puissant & Jésus impuissant dans sa Passion, Dieu maître de l’histoire & l’homme libre ; Dieu infiniment bon & laissant faire le mal ; Dieu unique & trinitaire ; Jésus vrai Dieu & vrai homme et donc mortel ; la confiance totale en la Providence & la responsabilité d’agir bien…), est en fait « paradoxe », tension féconde entre deux termes à tenir ensemble pour rendre compte de ces mystères que sont le monde, autrui, moi-même et Dieu. Les hérésies – en grec, ce mot signifie « choix » – simplifient la réalité en choisissant un seul des termes du paradoxe : ce n’est qu’en apparence plus reposant intellectuellement, mais on en voit les limites dans les fruits amers qu’elles portent (on juge l’arbre à ses fruits). Par exemple, ne choisir qu’un strict monothéisme, en refusant la Trinité, aboutit à un Dieu de pure transcendance, inconnaissable, ininterprétable sinon par une soumission totale à ses commandements (c’est le Dieu de l’Islam). L’hérésie arienne, qui ne voyait en Jésus qu’une créature intermédiaire entre Dieu et les hommes, aboutit à admettre d’autres chefs temporels « tenant-lieu » de Dieu, d’autres « lieutenants » de Dieu au pouvoir totalitaire. etc…

 

Comment Jésus fait-il tous ses miracles ?

– Eh bien, c’est tout simplement parce qu’il est Dieu !

– A qui douterait que Jésus a effectivement fait des miracles, on peut demander en vertu de quoi des hommes apparemment sains d’esprit et de corps – leurs témoignages et leurs écrits l’attestent – auraient suivi un homme qui n’aurait rien fait d’extraordinaire, et après sa mort seraient allés jusqu’aux extrémités du monde connu pour parler de lui, vivre et mourir pour lui.

– Mais la vraie question n’est pas celle-là. Elle est plutôt : « pourquoi lui qui pouvait faire tant de miracles n’en a-t-il pas fait un tout-petit, qui l’aurait sorti du guêpier final ? » C’est la remarque des chefs des prêtres : « il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même ! » qui atteste des miracles antérieurs, et du sens le plus profond de la mission du Fils unique, qui ne nous sauve pas à la manière d’un magicien, mais en épousant notre condition humaine jusque dans ses enfers.

 


Où est Dieu ?

– Je suis tenté de te rappeler la petite histoire juive suivante :

Un jour, le fils du Rav Dov Ber, le rabbin de Mezeritch, vint en pleurs se plaindre auprès de son père : « Je jouais à cache-cache avec mes amis, et je me suis tellement bien dissimulé qu’ils ont cessé de me chercher et sont partis ailleurs ! ». Le rabbin consola son fils en lui disant : « C’est sans doute ce que Dieu ressent, lorsqu’il nous dissimule l’aspect de sa divinité, à tel point que certains d’entre nous cessent de le chercher, et se mettent ainsi à vivre sans Dieu ! »

Cette histoire correspond aussi au fait que Dieu crée en se retirant, en donnant au monde son autonomie, ou au jeu amoureux de chat et de la souris que joue le fiancé du Cantique des Cantiques (Dieu) pour faire grandir le désir chez sa bien-aimée (l’humanité).

– Mais elle n’est pas totalement juste, car si Dieu est effectivement caché, ce n’est pas tant qu’il se cache, que nous, qui ne sommes pas assez présents au monde, aux autres et à nous-mêmes pour le reconnaître. Il y a un regard de la foi qui permet de « voir Dieu en toutes choses » (Saint Ignace de Loyola) et d’en rendre grâce.

– De la même façon, on ne voit pas l’électricité, et il faut d’autres instruments de mesure pour la sentir.

– Pour corriger cette impression d’un ‘Dieu-qui-se-cache’, j’aime le commentaire sur le blog de Philippe Lestang : clique ICI.

 

A propos du prix Nobel de médecine…

Sur facebook encore, un lycéen écrit : Le Vatican critique le prix Nobel de médecine, pour la découverte de l’insémination artificielle, qui a permis à plus d’un million de couples de connaître le bonheur d’avoir un enfant. Des fois, j’ai vraiment honte…

 

Je prendrai plus tard le temps de participer au débat houleux sur ce mur, qui tourne au traditionnel « pour ou contre la religion catholique » laissant chacun dans ses opinions et sa plus ou moins grande tolérance à l’opinion de l’autre, mais préfère répondre à ce qui a lancé ce débat, à savoir ton incompréhension – et celle de beaucoup, visiblement – devant la réserve de l’Académie Ponficale pour la vie sur l’octroi du prix Nobel au prof. Geoffrey Edwards, pionnier dans la fécondation in vitro (FIV).

Ce n’est pas la prouesse technique qui est critiquée, et encore moins le fait que 4 millions environ de bébés aient pu naître grâce aux techniques de FIV depuis 1978. Ce sont plutôt deux réserves, que partagent aussi des médecins pratiquant ces FIV, comme me l’a confié une amie qui était aumônier catholique d’un centre de néonatologie en pointe sur les FIV :

(1) Le développement d’une mentalité de « droit à l’enfant », « je l’ai voulu, je l’ai fait », dans la ligne du film « Bienvenue à Gattacca » que plusieurs d’entre vous ont visionné, et qui induit un rapport dévié à l’enfant, reçu non comme un don, mais comme un dû ; évidemment tous les parents recourant à une FIV ne sont pas dans cette optique, mais l’existence même de la technique peut induire ces dérives, et de fait les induit ; et comme on sait que le même raisonnement (dû / don), la même volonté de puissance s’applique pour la suppression de l’enfant à naître, c’est un « droit » symétrique de vie ou de mort sur l’enfant à naître, qu’octroient les « techniques » de FIV ou d’avortement chimique.

(2) Le rapport d’une fécondation pour 20 embryons « produits », que l’on appelle pour cela « surnuméraires », que l’on congèle, dans l’attente d’autres inséminations, parce que les chances de réussite d’une FIV sont faibles (1 sur 5). Sans parler du moraliste, et pas seulement du moraliste chrétien, le législateur lui-même peine à définir le statut de ces 280 000 embryons « produits » chaque année en France, pour que naissent 15 000 enfants par FIV. Faut-il les conserver indéfiniment ? Les détruire comme du vulgaire matériel biologique ? Pourquoi feraient-ils l’objet d’une attention infinie, en tant que « personnes potentielles » (ce sont les termes mêmes du comité national d’éthique, qui pour un catholique ne vont pas assez loin dans la reconnaissance de l’originalité, de l’unicité, du caractère personnel de l’embryon) au moment où on les prépare en vue d’une FIV, et seraient si négligeables quand on n’en a plus besoin ?

Le débat sur la FIV est plus subtil qu’il paraît et ne peut se résumer à un « méchant-Vatican-rétrograde-anti-science-qui-refuse-aux-parents-la-joie-d’avoir-un-enfant ». L’Eglise n’interdit pas les FIV. Elle n’en a ni le projet, ni le pouvoir. Elle baptise avec joie les enfants nés d’une FIV. Mais en rappelant les risques éthiques de la technique, elle est dans son rôle d’interpellation de consciences que l’on endort facilement à coup de bons sentiments.

Science et Création

Question sur facebook :

« Au fur et a mesure de notre évolution dans les études, principalement a partir de la seconde, et ce jusqu’à la terminale, on pousse des connaissances en science de la terre, que je trouve en contradiction, du moins indirecte, avec la Bible, et le début de la Bible, avec la création du monde et compagnie. La fois ou un non-croyant m’a posé la question, la première réponse qui m’est venue est : la Bible est imagée sur la Genèse. Mais je me demandais ce que vous en pensiez, et si ce conflit de croyance a aussi eu lieu pour vous. »

 

Sur cette question, les deux écueils du concordisme (vouloir que la foi et de la science se correspondent, au point que la science « prouve » ce qui relève de la Révélation, par exemple, en faisant correspondre le Big Bang avec la Création, notamment de la lumière…) et du modernisme (prétendre que les avancées de la science rendent progressivement caduques les données de la foi) proviennent d’une confusion des plans de lecture. La foi donne de lire la Bible pour discerner le « pour quoi » et le « pourquoi » des choses, à savoir que tout procède de l’Amour Créateur de Dieu et que tout y retourne. La science vise, non pas tout à fait à dire le « comment » des phénomènes, mais à fournir une représentation provisoire du réel pour mieux s’en saisir, s’en servir, le prévoir, au moyen de variables si possible en nombre le plus limité possible. Si l’on distingue bien les plans (physique et métaphysique), il n’y a pas contradiction entre science et foi, ni concordisme, tout comme il n’y a pas contradiction ni concordisme entre le discours du neurologue et celui du poète sur l’amour conjugal.

Cela ne signifie pas que la Bible soit pure poésie, symboles virtuels sans lien avec le concret de la nature et de l’histoire. Au contraire, il est nécessaire de vérifier la pertinence des images bibliques, dans ce qu’elles disent de profondément vrai sur l’homme, sur Dieu et sur leur relation, qui s’enracinent dans le monde créé et dans l’histoire. Ainsi, plutôt que de se poser la question d’un ancêtre commun que serait monsieur Adam, le 2ème chapitre de la Genèse parle de « ha adam », littéralement « le terreux », non pas d’abord un nom propre, mais le nom commun de l’humanité ; non pas premièrement le masculin, mais l’humain, en quête de vis à vis avec qui entrer dans une relation qui le constitue comme personne. Les animaux ne suffisent pas à cela. Le fait que cela soit placé « Dans un commencement » (Gn 1,1) ne signifie pas d’abord une donnée préhistorique, mais la manière juive, hébraïque pour dire le fondamental, le principiel, l’universel, ce que traduit bien le grec « èn archè » ou le latin « in principio ». Au principe, toute l’humanité a en commun avec « le terreux » d’être suscité par amour comme lieu-tenant de Dieu, gérant de la Création, à l’image de son Créateur dans la mesure où il est lui-même en relation avec l’autre ; d’être tenté de se suffire à lui-même, d’abuser de la Création, de vouloir être comme Dieu etc… C’est non pas l’histoire d’un homme primitif, qu’une chiquenaude divine aurait lancé dans l’existence, mais c’est l’histoire de tout homme dans son principe même d’être humain, et dont l’existence présente relève d’un acte créateur permanent de la part de Dieu. Et tout ce qui précède demeure valable au plan de la foi, que Darwin ait raison ou non.

Ensuite, on peut discuter au plan scientifique si Darwin a raison ou non. Aujourd’hui la théorie restreinte de l’évolution (la diversité des membres au sein d’une espèce vient des micro évolutions dues aux mutations et à la sélection naturelle) est prouvée. La théorie générale (la diversité des espèces provient d’un même mécanisme sur une très longue durée) n’est pas prouvée, et pose des problèmes aux généticiens, qui n’expliquent pas comment la galaxie des humains (jaunes, blancs, pygmées etc…) puisse être aussi éloignée de celle des singes (chimpanzé, gorilles…), sans que l’on voit de trace d’intermédiaires. A la rigueur osef…

Vivre au dessus de ses moyens…

Nommé curé dans le Ségala par Mgr Bellino Ghirard, notre évêque, je quitte la paroisse Notre-Dame de l’Assomption après dix premières années de sacerdoce comme vicaire à Rodez. La célébration dimanche dernier en la Cathédrale pour se dire au-revoir a été l’occasion de rendre grâce ensemble pour ce que le Christ a pu susciter comme échanges, partages, collaborations, enrichissements mutuels… Ce fut un plaisir de jouer le jeu de cette célébration de remerciements, d’être prétexte à une occasion de joie pour une communauté rassemblée, même si ce fut pour m’entendre prêter des qualités encore seulement désirées de loin. L’occasion d’éprouver encore le décalage entre ce qu’un prêtre connaît de son indigence et ce qui est attendu de lui, et que de fait on reçoit de lui par-delà ses limites personnelles : ce qu’un prêtre donne est au-delà de ses moyens !

En rapport avec ce constat, j’aime cette citation d’André Frossard : « La foi donne à l’intelligence de vivre au-dessus de ses moyens. »*  Mais pour paraphraser Frossard, je dirais aussi qu’être prêtre donne à la foi, à l’espérance et à la charité de vivre au-dessus de leurs moyens. Qu’être appelé à transmettre la foi et en particulier à la prêcher la fait grandir. Qu’être envoyé avec la mission d’être attentif aux personnes rend un peu plus aimant. Que l’obligation professionnelle de la prière – et en particulier des psaumes – et de la relecture des événements et pour y retrouver la présence du Seigneur qui nous accompagne, tout cela rend un peu plus espérant. Il en est de même pour tout chrétien en tant qu’il témoigne de sa foi en actes d’espérance et de charité, qu’il soit catéchiste auprès d’enfants, bénévole dans un service de solidarité, accompagnateur en pastorale des jeunes, en aumônerie ou en mouvements d’Eglise, visiteur de malades pour une présence fraternelle ou pour apporter la Présence, ou « fidèle », simplement fidèle à l’unique mission de l’Eglise d’évangéliser. La foi grandit au-delà d’elle-même en se communiquant ; l’espérance et l’amour en s’exerçant. A cette donnée d’expérience, on ne peut opposer un « je ne sais pas faire », « je n’ai pas les compétences », « je n’en suis pas digne ».

Pour ce qui est de la foi, il faut objecter que la foi se travaille, et que ne manquent pas dans le diocèse, la paroisse ou les autres lieux d’Eglise les moyens d’une plus grande intelligence de la foi en vue de la dire. « Pour rester en tenue de service, se former en Eglise » est la priorité de l’année dans le diocèse, que les ruthénois ont – avouons-le – davantage de moyens pour la mettre en pratique : cours de l’antenne de l’Institut Catholique à Saint Pierre ; conférences nombreuses et variées ; formations des mouvements souvent dispensées à Rodez ; diversité dans l’unité au sein de l’équipe des prêtres, qui donne à entendre la même Parole de Dieu sous différents angles d’approche… Il n’y a pas lieu de se plaindre : demandez plutôt le programme !

Surtout, la foi en Jésus-Christ fait de tout baptisé un porte-parole de Dieu, et que cela va au-delà de la conscience qu’il peut en avoir, à condition qu’il accepte dans la foi que ce ne soit plus lui qui vive, mais le Christ en lui (Ga 2,20), s’il consent à se laisser traverser par une réalité qui le dépasse, l’Esprit Saint qui sait passer à travers nos manques et nos obscurités.

Lors de la célébration d’au-revoir à la paroisse, ce fut pour moi un chapelet de souvenirs qui s’est égréné à toute vitesse avec les visages des fidèles de la procession de communion et les visages de ceux salués à la sortie de la Cathédrale, incarnant cette réalité du Christ présent en son Eglise : bénévoles de la paroisse ; confirmés, baptisés et catéchumènes ; collégiens et lycéens engagés à l’hospitalité aveyronnaise, en aumônerie ou dans un mouvement d’Eglise ; jeunes et chefs engagés dans les mouvements scouts ; catéchistes en primaire ou auprès de collégiens ; professeurs et chefs d’établissements d’enseignement catholique ; animatrices en aumônerie du public ; époux préparés au mariage ; membres d’équipes Notre-Dame ou en Action Catholique ; hommes ou femmes ayant célébré les obsèques d’un conjoint ou d’un enfant ; personnes accompagnées dans telle épreuve de leur vie…

Que la foi en Jésus-Christ nous donne à tous de vivre et d’aimer au-dessus de nos moyens !

Que Notre-Dame de l’Assomption nous porte à l’humilité et à la folle ambition de montrer Dieu au monde !

 

*  Il y a effectivement des vérités auxquelles ne peut accéder une raison livrée à ses seules forces, si elle n’est accompagnée, voire précédée par un acte de confiance, par un engagement, et par l’acte de volonté et de foi qu’ils impliquent. Par exemple, tout ce qui a trait à la relation à autrui demande une foi pour que l’intelligence puisse se déployer pleinement. La raison seule ne peut prouver l’amour d’un autre ou pour l’autre, ni dire le sens ultime de la vie, ni donner la certitude d’avoir trouvé sa vocation, ni mener à cet émerveillement rendu plus joyeux d’être mû par la gratitude.