Aimer Dieu (Ps 63)

2 Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

3 Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
4 Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

5 Toute ma vie je vais te bénir,
l
ever les mains en invoquant ton nom.
6 Comme par un festin je serai rassasié ;

la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

7 Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
8 Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
9 Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

10 [Mais ceux qui pourchassent mon âme,
qu’ils descendent aux profondeurs de la terre,
11 qu’on les passe au fil de l’épée,
qu’ils deviennent la pâture des loups !

12 Et le roi se réjouira de son Dieu.
Qui jure par lui en sera glorifié,
tandis que l’homme de mensonge
aura la bouche close !]

(Traduction liturgique – Copyright AELF
Paris – 1980 – Tous droits réservés)

 

L’« amour de l’homme pour Dieu » dans l’AT, s’exprime le plus souvent dans le contexte juridique d’une réciprocité à l’égard de Dieu et de son amour pour l’homme, au moyen de l’observance de ses commandements. L’AT comporte pourtant bien des pages où la relation entre l’homme et Dieu s’exprime explicitement sous la forme d’un sentiment amoureux. Ainsi en est-il du psaume 63 (62), qui dans le psautier exprime parfaitement l’intime relation d’amour que peut connaître le fidèle à l’égard de son Dieu (v.2a) : « Dieu tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube » (trad. liturgique). Les sentiments exposés dans ce psaume 63, et les mots pour le dire, ne sont pas isolés dans l’AT, mais résonnent avec d’autres passages bibliques. L’image spatiale de l’âme qui cherche Dieu (v.2a), et celle de la mémoire nocturne de l’Aimé (v.7 : « Dans la nuit, je me souviens de toi ») est la même que celle du Cantique des Cantiques (Ct 3,1 : « Sur ma couche, la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime »). De même, le terme « se presser » contre Dieu, ou s’attacher à Dieu (dabaq v.9 : « Mon âme s’attache à toi ») se retrouve dans des textes deutéronomiques pour exprimer la relation d’intimité spécifique du croyant avec Dieu (Dt 10,20 ; 11,22 etc… Js 23,8) : le psalmiste – ou le roi David errant au désert de Juda, poursuivi par ses ennemis – s’éprouve loin de Dieu et aspire à le retrouver, en particulier au sanctuaire du Temple (v.3a). Ce sentiment est exprimé sous la forme radicale d’un besoin, la soif, éprouvée par tout l’être du croyant dans son unité d’âme (v.2b) et de chair (v.2c) : « Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair ». Il s’exprime aussi sous la forme du désir d’être rassasié de Dieu (v.6) : « Comme par un festin je serai rassasié ». La formule de St Augustin sur le « cor inquietum », le cœur sans repos tant qu’il ne demeure en Dieu, la formule de St Thomas d’Aquin sur le « désir naturel de voir Dieu », ou leur réapprofondissement dans le débat sur le « surnaturel » au milieu du XXème siècle (Henri de Lubac) trouvent ainsi dans le psaume 63 une base scripturaire sûre. Besoin, désir, attachement, il importe de voir dans ce psaume ce qui caractérise l’amour du croyant pour son Dieu, ce qui le motive et la manière dont il l’exprime.

Un des moyens pour le voir est d’en analyser le plan. Certes, une proposition de plan d’un texte biblique est toujours un peu arbitraire. John S. Kselman et Michael L. Barré (New Jerome Biblical Commentary) proposent pour ce psaume le plan suivant :

v.2 :  exposition (le psalmiste loin de Dieu),
v.3-4  prière pour voir Dieu dans son Temple, (en parallèle aux v.5-6, puisque l’on retrouve les mêmes expressions « oui », « lèvres », « vie »)
v.5-6  prière du psalmiste pour qu’il revienne bénir Dieu,
v.7-9  expression d’intimité avec Dieu,
v.10-12  malédiction contre les ennemis et bénédiction des justes.

 

Un tel plan permet d’interpréter ce psaume dans le contexte cultuel d’une préparation au pèlerinage annuel à Jérusalem : le croyant redit son désir de retrouver la présence du Seigneur au lieu où par excellence elle se trouve : le Temple de Jérusalem. Amour cultuel, analogue à celui exprimé dans les psaumes « des fils de Coré », probablement des lévites au service du Temple, exprimant leur regret d’être éloignés voire chassés du Saint des Saint (Ps 42-49 ; 84-88). De fait la thématique du psaume 63 est très proche de celle des psaumes 42 et 43, avec des expressions identiques (Ps 42 v.3a : « Mon âme a soif de Dieu » ; v.5.7a : « Je me souviens de toi. »).

Pour préciser cet amour cultuel, et avec autant d’arbitraire, un plan différent peut être proposé, en chiasme ABCDC’B’A’, qui repose sur des similitudes de sens entre groupes de versets et sur le réemploi de mêmes racines hébraïques en plusieurs versets, mais qui – avouons-le – vaut surtout pour les conséquences qu’il permet de tirer :

Quelques racines vont par paire (elohim, erets) liées au chiasme, mais les réemplois indiquent surtout une direction vers ce qui apparaît comme le verset central (v.6) qui reprend les racines principales (nephesh, saphah, ranan, halal, peh) et polarise tout le psaume. Ce verset 6 permet d’identifier le cœur de l’attitude du psalmiste, consistant en un amour pour Dieu, qui culmine dans le fait de se rassasier de lui (v.6a) et en l’action de prononcer de vive voix et avec joie sa louange (v.6b) : « La joie sur les lèvres, je dirai ta louange », chantons-nous dans la traduction liturgique… Cela répond à la recherche de Dieu exprimée au début du psaume (v.2), et consacre la valeur de la parole, de l’oralité (lèvres et bouche) pour le croyant : la parole est en lui ce qui le met le plus intimement en rapport avec Dieu, parce qu’elle lui permet de rendre grâce à Dieu, et de répondre ainsi à son amour. La parole humaine est faite pour cet office, cet opus Dei de répondre à la Parole de Dieu. La traduction liturgique est allée plus loin au v.7b que celle de la Bible de Jérusalem, en dépassant une simple méditation sur Dieu par la formule : « je reste des heures à te parler. » La parole est ici destinée à faire pénétrer l’homme dans le dialogue initié par Dieu dans sa révélation, à lui faire connaître le privilège connu de Moïse seul : pouvoir parler à Dieu comme à un ami. La réciprocité d’amour de l’homme pour Dieu est certes cultuelle, mais elle peut s’exprimer en tout lieu, et en tout usage de la parole. A l’inverse, les menteurs du dernier verset (v.12c) qui n’auront pas su employer cette parole, auront la bouche fermée. Leur sanction est celle de ne plus pouvoir louer Dieu ! En paraphrasant St Augustin, le psaume 63 exprimerait la formule suivante : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre bouche, nos lèvres, notre langue sont au repos forcé, vaines, inutiles, tant qu’elles ne te louent pas. »

Une telle louange verbale s’appuie sur deux pôles cultuels complémentaires, C et C’ :

C : Le culte du Temple (v.3-5) à travers lequel se manifeste la puissance, la gloire (v.3b), et l’amour de Dieu pour le croyant, et où le croyant peut jusqu’à l’oubli de soi (v.4a) prononcer l’éloge de Dieu aimé pour lui-même (v.4b), par une vie consacrée à bénir Dieu (v.5a). Si pour les fils d’Israël, la vie est le bien suprême, nous avons en ce verset 4a la seule fois dans l’AT où un bien autre lui est préféré, et ce bien supérieur est l’amour de Dieu. Une telle affirmation contient en germe celle d’une extension de cet amour de Dieu au-delà de la mort du fidèle (Rm 8,38-39). La louange en parole est réponse à cet amour reçu au cœur même de la louange à Dieu. Elle est liée au geste sacerdotal d’élever les mains (v.5b), mais elle peut s’exprimer aussi en toute la vie du croyant (v.5a). L’amour pour Dieu est ici le plus désintéressé, car en C, Dieu est aimé pour lui-même, ce qui répond à la soif de Dieu, purement intérieure, décrite en B (v.2b-d).

C’ : Le mémorial (zakar : v.7) des actes de secours et de protection de Dieu à l’égard du croyant (v.7-8), et en retour la reconnaissance du croyant, auxquels – c’est une hypothèse – correspond(ra) le culte synagogal. Cet acte de mémoire caractérise la foi au Dieu d’Israël : rappel des merveilles qu’il a accomplies pour le peuple d’Israël, qu’il continue d’accomplir aujourd’hui, mais qui est aussi et surtout une manière de lui dire notre amour. Le mémorial au sens biblique du terme n’est pas d’abord anamnèse pour les croyants, acte de mémoire pour eux, mais rappel à Dieu. Certes l’amour pour Dieu répond ici à l’attente de salut vis à vis d’une persécution extérieure décrite en B’ (v.9-11), incluant un souci de soi marqué par la répétition de « mon âme » (napheshi : v.9a, 10a). Mais il s’agit aussi d’un acte de confiance renouvelé à l’égard de Dieu.

L’ordre BC suivi de C’B’ importe et a une profonde valeur spirituelle : la soif de Dieu pour lui-même (B) et son assouvissement cultuel par la louange (C), précèdent la reconnaissance à Dieu pour ses dons (C’) et la demande de délivrance (B’). Les premiers donnent même aux seconds leur sens d’acte d’amour, de gratitude et de confiance plutôt que d’instrumentalisation de Dieu au service de l’homme, de réduction de Dieu à un moyen. Lorsqu’au contraire Dieu est aimé pour lui-même, et que tout n’est que moyen au service de cet amour, nos propres manques dans l’ordre temporel peuvent tout à fait être mobilisés pour l’affirmation de cet amour sous la forme d’une prière de reconnaissance et de demande. Commencer par l’action de grâce – qui à la différence d’un remerciement, consiste à rendre grâce à Dieu pour lui-même et non pour tel ou tel de ses bienfaits – aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force (Dt 6,4) va jusqu’à cet ordonnancement. Les principes et fondements de St Ignace de Loyola au début de ses « Exercices Spirituels » ne disent pas un autre ordre. Cet ordre fondamental est aussi celui du Notre Père, dont la première partie loue Dieu parce qu’il est Dieu, avant une deuxième partie de demandes que le croyant lui adresse.

Vendredi Saint

Voici les éléments de la célébration du Vendredi Saint que nous avons vécue aujourd’hui à partir des 7 dernières paroles du Christ, avec des collégiens de l’Enseignement Catholique à Rodez.

– Collège St Joseph : texte et diaporama
– Collège du Sacré-Coeur : livret et parcours dans la Cathédrale

La version « diaporama » est facilement réutilisable ailleurs qu’à Rodez. Celle dans la Cathédrale a donné l’occasion d’un intéressant détournement du sens des (nouveaux) vitraux… On peut accompagner l’animation d’un portement de croix par des jeunes.

Textes : rédigés avec Philippe Idiartegaray (responsable de la pastorale au collège St Joseph).
Musique : Entre (Mej 2006 : pour écouter un extrait, cliquer ICI), Psaume et L’amour crucifié (Camille Devillers 2006 : pour écouter un extrait et/ou acquérir le CD – un « must » ! – cliquer ICI).
Animation : jeunes / paroles de jeune « face à… » ; animateur 1 / parole du Christ et introduction à la prière ; animateur 2 / commentaire ; animateur 3 de chant (et/ou lecteur CD) Merci à Guylaine, Françoise, Bernard, Stéphanie, Vanessa, Antony, les méjistes, les confirmés, les jeunes porteurs de la croix, les catéchistes et accompagnateurs…

 

Première Parole (Luc 23,34)

Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent (…) et Jésus disait : « Père, pardonne – leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Deuxième Parole (Luc 23,43)

Ils le crucifièrent ainsi que deux malfaiteurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche (…). L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? sauve-toi toi-même, et nous aussi ». Mais l’autre, le reprenant, déclare : « tu n’as même pas la crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes, mais lui n’a rien fait de mal ». Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume ». Et (Jésus) lui dit : « en vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ».

Troisième Parole (Jean 19,27)

Jésus, voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ». Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui.

Quatrième Parole (Matthieu 26,47)

A partir de la 6ème heure, l’obscurité se fit sur toute la terre. Et vers la 9ème heure Jésus clama en un grand cri : « Eli, Eli, lema sabachtani ? » C’est-à-dire : »mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Cinquième Parole (Jean 19,28)

… après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l’Ecriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « j’ai soif ».

Sixième Parole (Jean 19,29)

Un vase était là rempli de vinaigre ; on mit autour d’une branche d’hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : »tout est accompli », et, inclinant la tête, il remit l’esprit.

Septième Parole (Luc 23,46)

C’était environ la 6ème heure, quand le soleil s’éclipsant, l’obscurité se fit sur la terre entière, jusqu’à la 9ème heure ; et, jetant un grand cri, Jésus dit : »Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Ayant dit cela il expira.

La journée du pardon 2008

De nombreux fidèles ont répondu à l’invitation de la paroisse Notre Dame de l’Assomption, ce samedi 8 mars, à redécouvrir le sens biblique du pardon, et à le célébrer par le sacrement de la réconciliation.

Pendant un jour, la Cathédrale de Rodez a été transformée en lieu d’initiation au pardon, avec un splendide parcours floral guidant la méditation des visiteurs, avec des enseignements bibliques toutes les ½ heures sur la miséricorde de Dieu, des vidéos sur le pardon, des temps animés par les groupes de prière de Rodez, des célébrations adaptées à différents âges… Nombreux sont ceux qui ont reçu le sacrement de la réconciliation, donné sans discontinuer de 9h à 18h par plusieurs prêtres qui ont eu la joie d’accueillir certains n’ayant pas fait cette démarche depuis bien des années.
Comme l’an dernier, nous nous sommes réjoui de voir l’espace de la Cathédrale, habité, lumineux, chaleureux, vibrant de multiples rencontres, et trouvant là sa vocation profonde.

Si les uns goûtaient pleinement cette occasion nouvelle d’approfondir l’appel à la réconciliation avec Dieu et avec leurs frères, d’autres s’interrogeaient : « Pourquoi me confesser ? Je fais tout ce que je peux… Je ne vois vraiment rien à accuser… Je ne sais pas quoi dire… » ou « Je ne vois pas pourquoi j’irai me confesser à quelqu’un d’aussi pécheur que moi ! » ou encore « Parler simplement à quelqu’un de mes problèmes me suffit… Je ne comprends pas pourquoi ce geste du pardon par un prêtre… »   Ces questions récurrentes que se posent bien des chrétiens, nous obligent à approfondir le sens du sacrement de réconciliation. Celui-ci ne donne pas seulement l’occasion d’un examen de conscience lucide, exigeant, à la lumière de l’amour de Dieu qui révèle nos propres manques d’amour. Il donne à celui qui se confesse, de remettre cela au Christ, de se déprendre auprès de Lui de ce fardeau du péché qu’Il est venu porter pour nous. Car Lui seul est capable de faire d’un apport si déficient, la matière première d’une alliance nouvelle, d’une bénédiction. « Bénissez-moi, parce que j’ai péché. » Non pas « bien que », mais « parce que », selon la formule paradoxale qui introduit la confession ! La démarche de la confession au prêtre authentifie alors cette déprise du péché, tout comme le fait d’entendre par son entremise une parole de réconciliation et de miséricorde que l’on ne peut se donner à soi-même. Demander et recevoir le sacrement du pardon, c’est dire notre impuissance à nous convertir par nos seuls efforts ; c’est confesser notre foi en l’amour salvateur du Christ ; c’est enfin entretenir et célébrer cette relation vivante avec le Père que le Christ propose à chacun.

C’est cela que nous a fait redécouvrir cette 2ème édition de la « journée du Pardon » à Rodez.

La précédente a eu lieu le 17 mars 2007.

Un lien pour se préparer au sacrement du pardon.

Diaporamas et textes (plus ou moins nouveaux)

Parce que cela fait 2 mois sans nouveauté sur ce site, et qu’il faut honorer ceux qui le visitent chaque jour (en moyenne 80), voici plusieurs liens vers des documents réalisés il y a quelques jours, semaines, voire années !

– « Passer le relais » (un diaporama de 3,4 Mo pour illustrer la transmission de l’Evangile du Christ à nous, en lien avec le 1er quart d’heure du film « Un monde parfait » de Mimi Leder (2001) –  pour visionner correctement le diaporama, la police Anke Calligraphic est nécessaire)

– « Charles de Foucauld et Edith Stein » (un diaporama de 700 Ko et le texte de 400 Ko qui l’accompagne).

– « Être libre… » (un diaporama d’1 Mo pour la préparation à la confirmation : accueillir l’Esprit Saint rend libre, c’est-à-dire capable de choisir le bien)

– « A propos de l’identité du prêtre » (un texte de 6 pages à partir d’un devoir de séminaire, un peu jargonnant mais pas sans fond)

Pour télécharger ces fichiers : faire un clic droit sur le lien, puis « Enregistrer la cible sous… » (Internet Explorer) ou « Enregistrer la cible du lien sous » (Firefox)

A propos de Harry Potter…

En réponse à une de mes filleules me demandant si j’ai lu Harry Potter et ce que je pense de l’avis critique du pape sur le phénomène…

Eh oui, j’ai lu HP7 (moins de 2 semaines après sa parution en anglais). Et c’est l’un de mes préférés, tout particulièrement à la fin quand se dévoile – enfin – le personnage de Severus Rogue. C’est bizarre, mais j’ai toujours préféré les tomes impairs (surtout les 1, 3 et 7), plein de rebondissements, de personnages complexes, avec au contraire dans les tomes pairs une action trop lente (t.2), trop linéaire ou prévisible (t.2,4) ou à l’inverse trop obscure (t.6).

Concernant « l’avis du pape », en réalité il s’agit d’un avis qu’il a donné en 2003 alors qu’il « n’était que » cardinal Ratzinger, et qu’il n’impliquait pas toute Eglise, ou du moins pas autant que depuis qu’il est pape. Joseph Ratzinger a de fait critiqué HP à propos de l’usage de la magie ou de l’occultisme qu’on y trouve, dans une lettre de mars 2003 adressée à une allemande, Gabriele Kuby, qui lui avait envoyé le livre qu’elle avait écrit contre le phénomène HP.

Je crois que cet avis – dont l’excès est certainement dû au fait que J.Ratzinger n’a probablement pas lu HP – peut malgré tout être entendu au même titre que ce que l’on doit entendre au sujet des jeux vidéos. La grande majorité de ceux qui les pratiquent font la différence entre le virtuel et le réel. Et s’ils peuvent se passionner pour un jeu, ils n’en préfèrent pas moins revenir au monde réel. Ceci dit, il y a des déséquilibrés qui en deviennent à ce point fan qu’on les appelle – dans le jargon – des « no life », qui s’enferment dans tel ou tel jeu et se déconnectent de la réalité qui leur paraît fade en contrecoup. Pire, il y en a qui rêvent de mettre en oeuvre dans la réalité ce qui n’est en fait qu’artifice en vue d’une « distraction » (conduire des bolides, tirer sur des gens…). Pour ces déséquilibrés, une critique peut être utile.

En ce qui concerne Harry Potter, la magie n’est ici qu’un moyen littéraire, un décor, et l’immense majorité des lecteurs distingue bien cela de la réalité. Mais une critique est d’autant plus nécessaire que la pratique de la magie (noire) existe, avec des rites proches de ce que l’on trouve à la fin du tome 4, avec des intentions identiques à celle des Mangemorts : volonté de puissance, recherche du mal pour le mal, lien avec la mort, satanisme… Ce n’est pas qu’une fiction ! J’avoue que cette fin du tome 4 m’a dérangé, ainsi que la fin du tome 6 – toujours des tomes pairs !

Hormis cela, l’intrigue des HP m’a plu, mais en tant que distraction, en tant qu’énigme à résoudre avec des indices bien parsemés. La série des HP n’a cependant pas la profondeur symbolique, psychologique et spirituelle du « Seigneur des Anneaux », du « Lord of the Rings » qu’il faut lire si possible en anglais – et pas seulement voir en DVD même si ceux-ci sont particulièrement fidèles, parce que non seulement c’est un chef d’oeuvre de littérature, mais surtout parce que cela fait grandir ses lecteurs. On y admire l’héroïsme, la grandeur, la beauté, la bonté possibles, au coeur de vies ordinaires, celles d’hommes, de hobbits… sans autres pouvoirs que celui de donner leur vie. A ceux-là, nous pouvons nous identifier. Le Seigneur des Anneaux était l’un des livres de chevet du plus grand intellectuel catholique du XXème siècle, le théologien suisse allemand Hans Urs von Balthasar.

Il faut bien que cette vie humaine, cette vie ordinaire de « sang-de-bourbe » ait bien de la valeur pour que Dieu ait choisi de la vivre, en choisissant de n’être connu pendant 30 ans que comme le fils de Joseph le charpentier. Que l’Enfant de la Crèche te garde dans l’émerveillement devant la vraie magie de cette vie-là : il nous est possible d’y devenir enfants de Dieu !

Joyeux Noël !

Nous sommes à quelques heures de fêter la venue de l’Emmanuel, de nous émerveiller du Dieu tout puissant qui se révèle si humblement à la crèche, de laisser l’Enfant-Dieu rénover « le vieil homme » que nous sommes. Combien ce renouveau nous est nécessaire ! Aussi je vous adresse les vœux souhaités à la bénédiction finale des dimanches de l’Avent : « une foi ferme, une espérance joyeuse, une charité constante ».

Ces trois vertus nous sont promises, et il nous est déjà donné d’en goûter les fruits. Mais si elles semblent parfois ne pas aller de soi pour le monde (…et pour nous), que la célébration de la naissance de Jésus nous fasse accueillir leur étrangeté comme le signe prometteur d’un christianisme encore à ses balbutiements, pour le monde… et pour nous.

Joyeux Noël et tous mes vœux pour 2008 !

Il était une foi(s) Jésus

Un dialogue – entre Mathilde et Chryslaine – pour la célébration de l’Avent des 6èmes de l’AEP le 14/12/07 à Rodez, à partir du beau film d’animation : Il était une fois Jésus (2000) avec l’aide d’un diaporama (Powerpoint de 6 Mo : clic droit sur le lien puis, « enregistrer la cible sous… »)

Bonjour Madame, nous sommes des 6èmes de l’aumônerie de l’enseignement public, et nous faisons une petite enquête sur Noël. Est-ce que vous accepteriez de répondre à quelques questions ?
Oui, bien sûr.
Qu’est-ce que Noël représente pour vous ?
Oh là, là, c’est une question difficile que tu poses !
Ah, bon ! Vous ne savez pas ce que vous allez faire à Noël ?
Si, bien sûr, je le sais… Je sais ce que l’on fait d’habitude à Noël : le repas, le sapin, les guirlandes, les cadeaux, et même la crèche… mais ce n’est pas en disant ce que l’on fait à Noël que l’on répond à ta question sur Noël.
Et alors, qu’est-ce qu’il vous faut pour répondre à ma question ?
Eh bien, plutôt que de répondre par ce que nous, nous faisons à Noël, il faudrait se poser la question sur ce que Lui, Dieu, fait à Noël. Ce que nous faisons à Noël et même pourquoi nous le faisons, c’est à notre portée. Dire ce que Dieu fait à Noël et pourquoi il le fait, c’est énorme !
…énorme ? Noël, c’est pourtant bien la naissance de Jésus ?
Oui, mais justement, c’est grandiose ça, que Dieu se fasse petit enfant, que le Créateur de l’univers, de la terre et du ciel, le Dieu tout puissant se fasse petit bébé, qu’il naisse comme toi et moi … Je ne suis pas sûre que l’on mesure ce que Noël représente du côté de Dieu.
Je ne l’avais pas vu comme ça !
En fait, c’est étonnant que Dieu choisisse de se faire homme, qu’il se fasse l’un de nous, qu’il se plaise avec nous, et qu’en la personne de Jésus il se révèle lui-même. Au fait, tu as déjà entendu parler de Jésus ?
Oui, au catéchisme, avant le collège. Et puis nous avons vu il y a quelques semaines un film, un dessin animé, sur Jésus : ça s’appelait… « Il était une fois Jésus ».
Je connais ce dessin animé. C’est un très beau film, mais avec un drôle de titre !
Pourquoi ? A cause du « Il était une fois » ?
Oui, parce que ça ressemble au début d’un conte, alors que l’histoire de Jésus, ce n’est pas un conte ! Jésus a vraiment existé, et les Evangiles parlent bien d’un homme réel !
Oui, mais « Il était une foi », ça pourrait aussi s’écrire « une foi » – sans s – plutôt qu’avec un s !
Tu es maline ! Ok si c’est une foi sans s.
Oui, mais même avec un s : « il était une fois », ça a aussi du sens, d’après ce que vous m’avez dit.
Ah oui ?
Oui, on peut dire « une fois » parce que Dieu qui vient en Jésus, c’est quelque chose d’unique.
C’est vrai. Mais nous célébrons Noël chaque année et nous célébrons la messe chaque dimanche, pour dire que Dieu vient aussi à nous chaque année, chaque semaine, chaque jour, et même à chaque instant. C’est pour cela que l’Evangile nous parle à la fois de Jésus avec ses disciples, mais aussi de Lui avec nous aujourd’hui.
Ah oui, je me rappelle qu’avec mon équipe d’aumônerie, nous avons découvert ça.
Les paroles et les gestes de Jésus, continuent sans cesse, à travers toute parole et tout geste d’amour, de pardon et de partage. C’est Dieu qui continue d’agir à travers chacun de ses enfants. C’est pour cela que l’on fête Noël chaque année, et que l’on attend la naissance de Jésus comme si c’était nouveau chaque année !
On attend qu’il revienne parmi nous ?
Oui, Dieu attend aussi que nous le laissions naître en nous, en toi, en moi. Ainsi les paroles et les gestes d’amour, de pardon et de partage de Jésus, mais aussi sa prière, deviennent les nôtres, les tiens, les miens.
Et c’est chaque année la même chose ?
Oui, parce que Dieu ne se lasse pas de recommencer à s’inviter chez nous, chez toi, chez moi.
Il n’a pas peur qu’on ne l’attende pas, qu’on le rejette, et qu’à Noël on ne s’occupe que de nous, des cadeaux, du repas, du sapin, des guirlandes ?
C’est le risque que Dieu prend. Mais les cadeaux, le repas, le sapin, et même les guirlandes, ça peut avoir du sens, si l’on s’en sert pour accueillir de notre mieux la venue de Dieu qui se fait homme. S’il continue d’y avoir des personnes, hommes ou femmes, enfants ou adultes, malades ou bien portants, qui offrent à Dieu le temps de la prière, de l’écoute de sa Parole, de la messe ; s’il continue d’y avoir des personnes de tous âges qui se laissent inspirer par les gestes et les paroles de Jésus : eh bien, Noël continuera d’être Noël : la venue de Dieu dans ce monde.
Alors Dieu continue de s’intéresser à l’homme. Et ce que l’on pense de lui continue de l’intéresser.
Eh bien, écoute donc ce que dit l’Evangile à ce sujet…

Orientations de la catéchèse

Vous trouverez quelques extraits des notes prises à la journée organisée par le Centre Diocésain de la Catéchèse et du Catéchuménat, aujourd’hui à Rodez, avec la présentation par le p. Jean-Claude Reichert du Texte National pour l’Orientation de la Catéchèse en France (2006). Ces notes n’engagent pas le conférencier.

Deux grandes lignes :

1ère intuition : Il ne peut y avoir de catéchèse sans une communauté vivant de la foi, se nourrissant de la Parole de Dieu et des sacrements, se souciant de la place des petits, participant à la vie de la cité, vivant de l’amour de Dieu, du pardon… Cette communauté forme « un milieu nourricier où s’enracine l’expérience de la foi » (p.31). Quand cela est présent… une expérience est possible. Il ne s’agit pas seulement de dire que toute l’Eglise doit être impliquée dans la catéchèse. Il s’agit de dire que la catéchèse implique la mise en contact avec un terreau, et non pas seulement une activité spécialisée confiée à quelques uns… La raison en vient de loin : l’Eglise existe pour évangéliser, pour porter l’Evangile. (Paul VI) Et non, l’Eglise doit développer des actions d’évangélisation. En fait, si elle n’évangélise pas, elle n’existe plus. Toute personne dans l’Eglise, tout lieu, toute mission n’existe que par la vocation de l’Eglise : porter l’Evangile. L’Eglise, par toute sa vie porte l’Evangile, et pas seulement dans les activités dites d’ « annonce de la foi ». En célébrant les sacrements… en vivant évangéliquement… en portant son attention aux petits… Quand on voit l’Eglise faire attention aux petits, on voit l’Eglise porter l’Evangile. Le texte d’orientation ne fait que dire la vocation de toute l’Eglise, chacun ayant sa manière à porter l’Evangile. En liturgie, on n’explique pas, on ne fait pas de leçon, on se laisse porter ailleurs… En catéchèse, on explique, on parle.

Dans la suite d’« Aller au cœur de la foi », il s’agit d’un encouragement non pas à organiser l’entreprise catéchèse, mais à sensibiliser progressivement les communautés chrétiennes à leur vie profonde.

2ème intuition : Pour caractériser maintenant le travail de la catéchèse, nous faisons le choix de la pédagogie d’initiation. Kézako ? Il y a autant de définitions du mot initiation ! Dans la « pédagogie d’initiation » en catéchèse, celui qui initie, c’est le Christ, ce n’est pas nous. Notre tâche est de réunir toutes les conditions pour que cela soit possible, à l’instar de ce qui se passe en catéchuménat. Pour aujourd’hui, nous devons reprendre conscience que le 1er sujet actif, c’est le Christ lui-même au cœur des hommes.

Nous venons d’une période où nous pensions la catéchèse à partir de l’institution : que faut-il que je leur apprenne ? que dois-je leur dire ? On commençait à se fixer à nous-mêmes un objectif pédagogique, partant de nous, puis on se donnait les moyens pour que cela soit reçu. Le travail consistant à trouver les moyens pour que le message soit reçu. Ce modèle ne fonctionne plus. Un professeur des écoles ne peut plus fonctionner comme cela.

La catéchèse vise à la rencontre avec le Christ qui lui-même travaille au cœur des hommes, en imaginant des itinéraires au fil desquels ils pourront rencontrer cette initiative du Christ. Avoir constamment le souci que chez eux, là-bas, il se passe quelque chose, une aventure spirituelle, un cheminement dont nous ne pouvons être propriétaires. Cela ne signifie pas pour autant « laisser faire ». Mais proposer des itinéraires…

 

Quatre composantes de l’offre catéchétique :

Ces deux intuitions, les évêques souhaitent les faire vivre dans 4 types d’offres, qui doivent donc s’enraciner dans le milieu nourricier d’une communauté chrétienne, en mettant en œuvre une pédagogie d’initiation :

(1) Des itinéraires de type catéchuménal qui conduisent aux sacrements.
(2) Des temps intergénérationnels ou communautaires dans le cadre du rassemblement dominical au fil de l’année liturgique.
(3) Un appel à développer une 1ère annonce dans les lieux et regroupements de vie comme la famille, l’enseignement catholique, les mouvements et aumôneries.
(4) Une organisation qui permet aux personnes d’entrer dans une proposition de catéchèse ordonnée à toute étape de la vie.

 

 

 

Réactions au motu proprio du 7/7/07

Voici quelques réflexions provisoires sur le motu proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, qui suscite bien des prises de positions…

(1) Tout d’abord, il s’agit d’une affaire de posture à l’égard du Magistère de l’Eglise : même si la position du Magistère dérange, et surtout si celle-ci dérange, il s’agit de réfléchir à partir d’elle pour s’élever plus haut, mais dans la direction qu’elle indique, plutôt que contre elle. C’est affaire de « sauver la proposition de l’autre », en particulier quand cet autre s’appelle Joseph Ratzinger, théologien profond (cf. La foi chrétienne, hier et aujourd’hui) et fin liturge (cf. l’Esprit de la liturgie), mais surtout avec cette foi typiquement catholique dans l’assistance particulière de l’Esprit Saint donnée au pape chargé du gouvernement de l’Eglise. Dans un devoir de séminaire, je m’y étais exercé sur le sujet de la non communion des divorcés-remariés, un sujet de désaccord fréquent avec le Magistère, à partir justement d’un texte écrit par le cardinal Ratzinger.

(2) Il y a certes des excités intégristes qui refusent le concile de Vatican II dans ses ouvertures les plus profondes : compréhension de l’Eglise comme peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l’Esprit, et non premièrement comme institution hiérarchisée ; place de l’Eglise dans le monde comme sacrement de salut plutôt que Royaume réalisé ou société parfaite ; œcuménisme, liberté religieuse et droits de l’homme ; dialogue interreligieux ; rapport entre Ecriture et tradition… Mais cela n’autorise pas à faire un procès d’intention à ceux qui, traditionnalistes, demandent la messe « orientée », et qui ne partagent pas forcément les idées intégristes. Certains diront à juste titre qu’une manière de célébrer induit, ou sous-tend une manière de penser et de croire : Lex orandi, lex credendi. Eh bien, en quoi la messe de rite ancien est-elle théologiquement contraire à la foi de l’Eglise, et à l’esprit du concile de Vatican II ? Dira-t-on alors que les générations de saints qui s’en sont nourris, ont été leurré par une messe « fausse » ? Avec un peu de provocation, on pourrait même affirmer qu’en faisant abstraction de quelques points effectivement réformables (latin, distance du prêtre par rapport à l’assemblée, passivité des fidèles…), la position du prêtre dans ce rite, dite péjorativement « dos au peuple », où le prêtre est en fait tourné avec le peuple dans la même direction, est davantage conforme à l’ecclésiologie de Vatican II, où le prêtre, certes avec un rôle différentié pour signifier un des modes de présence du Christ, est d’abord là en tant que membre du peuple de Dieu. C’est d’ailleurs le cas à la basilique souterraine de Lourdes, ou dans des églises contemporaines, où l’assemblée est placée à l’extérieur d’un U ou d’un O, et l’autel au centre : tous regardent non pas le prêtre, mais plus haut que lui. Il n’est alors pas gênant, au contraire, que certains soient derrière lui, d’autres devant ou à côté… Dans la liturgie rénovée, le prêtre exclusivement en vis à vis de l’assemblée, pourrait faire figure de pur alter Christus – et cela correspond davantage à la vision du concile de Trente -, avec en plus le risque de sé-duction, de cabotinage… Ces propos sont bien sûr exagérés, car comme l’indique le motu proprio, les deux formes du rite, ancien et nouveau, « ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église » (Art.1)

(3) Il y a (eu) aussi d’autres excités, qu’on serait indulgent d’appeler des intégristes-de-Vatican-II, de par une interprétation du concile de Vatican II qui fait fi non seulement de la lettre mais de l’esprit des textes conciliaires, aboutissant à des pratiques liturgiques aplatissant le mystère de la messe. Par exemple, la participation active (en fait « actuosa« , i.e. « en acte ») demandée par Sacrosanctum concilium ne coïncide pas forcément avec le fait de faire chanter, parler, bouger, gestuer le plus de monde… Je participe aussi à cet aplatissement qui peut fait perdre le sens du mystère de l’Eucharistie, qui peut empêcher les fidèles d’y voir la présence réelle du Christ s’invitant parmi les hommes, en m’autorisant à faire de la liturgie une affaire de créativité ecclésiale, de spectacle, alors que c’est d’abord l’Eucharistie – reçue du Christ, transmise par l’Eglise – qui constitue cette dernière, et non pas premièrement l’Eglise qui fait l’Eucharistie. C’est ce que Benoît XVI rappelle dans Ecclesia de Eucharistia.

(4) A l’égard du latin, qui n’est pas de mon goût parce qu’il empêche d’accueillir le mystère eucharistique avec toute notre intelligence, je ne suis malgré tout pas convaincu par le motif invoqué que le latin doit être banni parce qu’il serait incompréhensible ou irrecevable par le monde actuel, car la compréhension d’un sacrement est d’ordre symbolique et non premièrement intellectuelle. On n’a pas à expliquer un symbole, mais à se laisser entraîner ailleurs par lui. C’est ce qui se passe par exemple à Taizé, ce lieu profondément œcuménique, le contraire d’un lieu intégriste, où une ambiance, des chants ruminés (parfois en latin) induisent une entrée en intériorité… L’argument sur l’irrecevabilité du latin méconnaît aussi le caractère profondément irrecevable de l’Eucharistie, son extériorité à notre égard, le fait qu’il nous faut une parole autre pour nous la rendre accessible : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Le concile de Vatican II n’a d’ailleurs pas invité à supprimer le latin, reconnaissant par exemple comme « chant propre de la liturgie romaine » le chant grégorien qui « toutes choses égales par ailleurs, doit occuper la première place » (SC n°116) !

(5) Comment parler d’ouverture au monde, de dialogue, de respect de la différence, d’accueil de l’autre, quand on n’est pas capable de le vivre entre catholiques, quand la position de cet autre-catholique qu’est le traditionaliste est suspectée d’intégrisme, d’idéologie dangereuse et qu’on n’est plus capable d’entendre ce qu’il a à dire, que l’on rejette a priori tout ce qui pourrait venir de lui, y compris de légitime. C’est plutôt dans cette fermeture là qu’il faut parler d’idéologie… La remarque s’applique évidemment aux « durs » de tous bords.

(6) Je ne vois donc pas pourquoi contester la position du Magistère, et refuse par principe de le faire. Je vois cependant des difficultés pratiques à mettre en œuvre le motu proprio en France. En effet, celui-ci s’applique soit aux « messes célébrées sans peuple » (Art.2) auxquelles cependant peuvent « être admis, en observant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément » (Art.4), soit « dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure. » (Art. 5.1). Or, il n’est pas prouvé qu’il existe en Aveyron, au niveau d’une paroisse – et non pas seulement au niveau du diocèse – un tel « groupe stable » suffisamment conséquent pour qu’une messe soit célébrée spécialement avec eux. Surtout dans le contexte français, et tout particulièrement celui d’un diocèse rural, où la dispersion des fidèles conduit à les rassembler en des assemblées plus significatives – et donc à supprimer des messes dans des lieux peu fréquentés. L’application du motu proprio semble donc concerner davantage les grandes villes. En ce qui me concerne, en tout cas, je ne sais pas célébrer dans le rite ancien, et n’y ai pas de goût particulier, mais comprendrais mal qu’un prêtre qui pourrait rendre ce service à une communauté suffisamment conséquente ne le fasse pas par refus de principe à l’égard de la position du pape.

Une vie pour les autres

Une vie pour les autres… L’expression semble aller de soi, surtout après vingt siècles de christianisme, après plus de trente siècles de judéo-christianisme… Une expression invitant à l’altruisme, à l’attention au prochain, à l’ouverture du cœur, à la générosité, au don de soi… Une expression qu’un humanisme même non chrétien assumerait, puisqu’il est capable d’expérimenter en dehors de la foi qu’« il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35)

Et pourtant l’expression : « une vie pour les autres » est d’une étrangeté radicale, non seulement parce que nous vérifions à quel point notre égocentrisme, notre égoïsme, la recherche de notre intérêt propre sont enracinés en nous, combien notre désintéressement est illusoire – l’amour le plus désintéressé nous intéresse – mais surtout quand on se réfère à ce que le Christ entend par amour et service du prochain. Après le geste du lavement des pieds, Jésus pose cette question à ces disciples : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » justement parce que le geste ne va pas de soi. De fait, il faut reconnaître que nous ne le comprenons pas, que cela relève de la folie de Dieu plus sage que la sagesse des hommes. Folie pour le maître de se mettre à la place de l’esclave ; pour Dieu de s’identifier aux plus-petits ; pour sa toute-puissance de s’auto-limiter à l’impuissance de ceux qui ont faim, ont soif, sont nus, malades, étrangers ou en prison ; pour Dieu de mettre en équivalence le commandement de l’amour pour lui-même, Dieu – infiniment bon, infiniment aimable – et celui pour le prochain, non pas un autrui aimable dans l’abstrait, mais le prochain réel avec ses limites qui sont les mêmes que les miennes, avec la même finitude humaine que la mienne, et pour qui il n’y a donc pas plus de raison que je donne ma vie pour lui, que lui pour moi. A moins d’être sujet à l’illusion de croire en la supériorité de la valeur de l’autre, comme ce peut l’être dans la folie amoureuse.

La première clairvoyance consiste à admettre que nous ne savons pas aimer ou servir au sens où le Christ en donne le témoignage, qu’autrui ne nous intéresse pas vraiment, ou seulement jusqu’à un certain point, et surtout que l’abaissement du Christ par amour pour l’homme, le fait que le parfait se sacrifie pour l’imparfait, cela nous répugne. L’altruisme chrétien qui va jusque là n’est non pas simplement exigeant ou difficile, mais impossible.

Pour la foi chrétienne, l’amour agapè, l’amour désintéressé pour autrui, qui l’accepte dans son originalité sans le juger – supérieur ou inférieur – sans chercher à le rapporter à soi, cette « charité » (caritas) est une vertu théologale, qui procède de la grâce de Dieu, où c’est de l’amour même de Dieu que l’on aime, où c’est de l’amour qu’il y a en Dieu que l’on aime : une participation par grâce à la vie trinitaire, à l’action de l’Esprit Saint, l’Amour personnifié. Une vie pour autrui, menée selon cet amour-là, n’est possible qu’en vertu de l’accueil préalable du don de l’Esprit Saint, d’une grâce, c’est-à-dire d’un cadeau immérité, qui donne au chrétien la joie de se reconnaître aimé inconditionnellement par Dieu, par delà mérites et péchés. La reconnaissance de ce don est première, appelant de la part de qui le reçoit l’exigence intérieure d’une libre réponse amour pour amour. Ce serait impossible (et ça l’est, parce que l’amour de Dieu pour l’homme dépasse infiniment l’amour de l’homme pour Dieu), si, se découvrant enfant bien-aimé du Père, le chrétien ne découvrait en même temps en Jésus-Christ la possibilité – invraisemblable si le Christ ne l’avait décidé ainsi –, qu’en aimant et servant son prochain, ce soit Dieu que l’on aime et serve.

Aimer à cause de Dieu, ou en vue de Dieu ne signifie pas que le prochain soit un moyen pour exercer l’amour même de Dieu, mais que c’est au niveau le plus profond de la présence de Dieu à l’intime de l’homme que s’établit la relation inter-humaine la plus vraie. Vivre pour les autres, consiste à inventer sa réponse personnelle à l’amour incompréhensible de Dieu pour moi, amour inconditionnel qui rend possible le don de moi-même. Répondre à sa vocation implique de tirer parti de ses talents et de ses limites, de la perception des manques et souffrances de ses frères, pour inventer cette réponse. Le cœur et les mains du croyant sont alors le prolongement de ceux du Christ pour exercer – et recevoir – l’amour de Dieu à l’égard des hommes.