Bienvenue…

Une ligne dans le journal « La Croix » d’hier sur ce « blog », et les statistiques de fréquentation passent de 50 visiteurs par jour à 400. En fait, s’il se sert de l’hébergeur over-blog, il ne s’agit pas d’un journal personnel, mais plutôt d’un site de présentation de documents écrits, d’articles rédigés ou d’images confectionnées, de sites web élaborés pour les besoins pastoraux…

Voici quelques liens sur des fichiers à télécharger :

– deux  liens vers des diaporamas Powerpoint réalisés récemment à l’intention de collégiens de 6èmes : le premier (7,5 Mo) à propos des deux derniers jours de la Création (Gn 1,26-2,4) ; le second (1,3 Mo), en forme d’apologue sur le travail pour lequel Dieu veut embaucher l’homme…

– (à suivre…)

Une ordination vietnamienne à Rodez

Si une ordination sacerdotale en Aveyron est un événement trop rare, celle d’un prêtre vietnamien en la Cathédrale de Rodez, pour le diocèse de Hanoï, est exceptionnelle. Dimanche 10 juin 2007, en recevant le sacrement de l’ordre presbytéral de Mgr Bellino Ghirard notre évêque, Joseph Sy nous a donné l’occasion d’un grand moment d’Eglise, un moment de catholicité, où l’universalité de l’Eglise s’exprimait par la diversité des fidèles présents venus de Millau, Espalion, Decazeville, Rodez, de tout le diocèse même, avec la présence du chœur diocésain… mais aussi, de Midi-Pyrénées, et même du Vietnam, puisque les parents et les amis de Joseph avaient fait le déplacement exprès. Ce dimanche fut universel, par le répertoire musical proposé à nos oreilles occidentales, par le repas de fête qui a suivi au foyer saint Pierre, par la diversité des couleurs et des costumes de fête, la « lourde » chasuble de Joseph, décorée à la vietnamienne n’étant pas en reste. Catholique aussi, ce dimanche le fut par le rappel de toute cette chaîne de saints qui ont fait l’Eglise aujourd’hui, dans une longue litanie des saints récitée au moment où Joseph priait allongé de tout son long, embrassant le sol de cette terre aveyronnaise qui l’accueille le temps de sa formation et pour quelques années encore d’études et de service pastoral à la paroisse St Eloi du Bassin. Assistaient à cette ordination des enfants et des jeunes, en particulier des scouts de France, qu’accompagne Joseph. La plus grande partie du presbyterium était présente. Un prêtre âgé a pu exprimer sa joie de voir la relève.

La journée du pardon

Voici la vidéo (en version compressée) sur la Journée du Pardon organisée à la Cathédrale de Rodez par la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, le samedi 17 mars dernier. Avec d’autres réalités ecclésiales, cette initiative a été présentée dimanche matin à l’Amphithéâtre, à l’occasion de la fête diocésaine de Pentecôte que nous venons de vivre.

Centenaire du scoutisme à Rodez

Mémorable soirée que cette célébration ruthénoise du Centenaire du scoutisme, samedi 19 mai 2007 : un beau moment d’oecuménisme entre scouts et guides de France, et scouts et guides d’Europe (d’anciens scouts unitaires de France étaient aussi présents).

Les préjugés ne manquent pas de part et d’autre de ces mouvements scouts, des préjugés souvent caricaturaux par leur excès. Cependant sur une ville moyenne comme Rodez et ses environs, les occasions de se rencontrer entre jeunes issus des SGDF (Scouts et Guides de France) et de la FSE (Fédération du Scoutisme Européen) sont nombreuses : dans la même classe au collège (cf. Basile et Sérèna…), au lycée (cf. Jean-Baptiste et Marie…), en études supérieures (cf. Grégory et Hélène…), ou au même club de théâtre, en particulier celui dirigé par ce grand ancien dans le scoutisme qu’est Roger Rey (cf. François, Mathilde, Lucie, et Marie-Alix, Cécile), voire au sein d’une même famille (cf. Maryse et son fils Simon).

Au-delà de cette connaissance personnelle, qui est l’antidote aux préjugés, la rencontre d’hier a donné l’occasion aux deux mouvements de collaborer à la préparation d’un même événement. Les SGDF ont pris en charge l’essentiel de cette préparation qui a demandé pas mal de logistique (invitations, réservations, intendance, sonorisation et éclairage…), mais les FSE ont enrichi la veillée de leur animations. Mieux, au plan symbolique, la farandole improvisée tous ensemble autour du feu, tandis que l’on chantait « La légende du feu », le fait qu’ensemble nous ayons pu célébrer, chanter, prier les Complies et la prière scoutes, tout cela témoignait d’une unité et d’une fraternité possibles, non pas d’abord parce que nous l’aurions décidé de nous-mêmes, par nos propres forces, ou au motif qu’ « Ensemble, tout devient possible », mais parce que tout simplement Dieu le veut pour que nous puissions témoigner de lui. L’Evangile de ce 7ème dimanche de Pâques ne disait pas autre chose : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi. Que leur unité soit parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jn 17,21-23)

Le lieu de cette rencontre n’était pas choisi au hasard : l’église et l’ancien collège du Sacré-Coeur, ont vu naître le scoutisme ruthénois en 1928, avec Maurice Bec, Jean Escorbiac, Georges Mercadier… comme fondateurs. Nous y étions hier soir plus de 400, rassemblés le temps d’une messe – l’église était comble et les chants faisaient vibrer les murs ! – et d’un banquet-veillée. Présents, des jeunes de toutes les branches des deux mouvements, des anciens d’avant la scission, heureux de se retrouver et de retrouver à travers les chants, les témoignages et les photos projetées, des souvenirs parfois lointains mais toujours si présents.

Pour moi, ce fut la joie de voir ensemble, ces deux mouvements de scoutisme catholique, qui comptent tant pour moi y compris dans ce qui les distingue. Leurs pédagogies sont différentes, avec des avantages et des inconvénients inverses, mais avec une même visée, et des moyens pratiques proches : à visionner avec intérêt le diaporama qu’avait préparé les scouts d’Europe pour présenter leur mouvement, un chef scout de France s’étonnait de ce que les activités proposées soient les mêmes…

 

Pour une meilleure connaissance des mouvements, voici les liens vers les sites web des Scouts et Guides de France, le site national et le site ruthénois (plus ceux des jeannettes, louveteaux, guides, scouts, caravelles, pionniers, compagnons), et les sites des Scouts et Guides d’Europe, le site national le ceux à Rodez : louvettes, louveteaux, guides, scouts, guides ainées, routiers.

Ci-contre, une sélection de 450 photos de la soirée du 19 mai 2007, ainsi que des photos d’archives dans l’ordre chronologique des années (n’hésitez-pas à m’envoyer d’autres photos des années passées par mail, enregistrées au format « AAAA_description.jpg », par exemple : « 1937_camp_louveteau_coutal.jpg », si possible sans accent, 2 ou 3 photos par année) : sur cet album, ne figurent pour l’instant que des photos des années 1933-1960.

La confession

Voici le texte d’un des petits enseignements donnés à l’occasion de la belle « Journée du Pardon », proposée par la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, samedi 17 mars en la Cathédrale de Rodez. Ci-contre, devant l’orgue de la Cathédrale, l’ « Arbre de lumière » que le p. Pierre Pradalié (Villeneuve d’Aveyron) nous a prêté pour cette journée.

Le sacrement, une rencontre

Tout sacrement est une rencontre avec Dieu. La révélation biblique nous donne de croire que Dieu est le Tout Autre, au-delà de tout ce que nous pouvons comprendre ou saisir de lui, mais aussi qu’il peut manifester son amour quand il veut ; plus encore, qu’il le désire profondément, et que cela fait sa joie, parce qu’il l’a fait une fois pour toutes et pour toujours en son Fils Jésus-Christ. Tout sacrement est donc une rencontre avec le Seigneur, via le renouvellement d’un geste ou d’une parole du Christ, l’occasion de lui permettre de manifester son amour, non seulement à mon égard, mais à travers moi, à toute l’humanité. Tout sacrement engage à la fois Dieu qui donne et manifeste ainsi sa gloire, la personne qui le reçoit, l’Eglise tout entière qui le célèbre, l’humanité et le monde pour qui le sacrement a une valeur de salut. Nous célébrons toujours « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».

Sa préparation

Une rencontre avec un tel enjeu, cela se prépare. On ne vient pas sans rien. Mais alors que pour les autres sacrements, on vient avec quelque chose de noble, quelque chose qui a de la valeur : un élément de la Création ou de ce que nous en faisons (« fruit de la terre et du travail des hommes… »), une parole d’engagement total (le « oui » du mariage ou de l’ordination), ou une situation humaine de grande intensité (la naissance, l’entrée dans l’âge adulte, la maladie), au contraire, avec le sacrement de la réconciliation, on vient avec notre péché, ce poids mort, nul, inutile, fait de refus d’aimer, de non-relation, d’ingratitude, de défiguration de l’image de Dieu en nous et dont nous ne savons que faire, et qui même nous encombre. Cela, le Christ veut s’en charger pour nous, il veut le porter pour nous, parce que c’est pour cela qu’il est venu à la rencontre des hommes : « Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde » [qui tollis peccata mundi : qui portes les péchés…]. Encore faut-il vraiment lui apporter notre péché (examen de conscience), en le regrettant (attrition) et en voulant ne plus offenser davantage le Seigneur (contrition et ferme résolution de ne plus pécher).

Aussi la préparation à la confession comporte deux aspects :

– SE DISPOSER À RENCONTRER LE SEIGNEUR, à accueillir son amour. Ne pas hésiter à demander l’Esprit Saint, car c’est une affaire de désir. L’écoute de la Parole de Dieu vient réveiller ce désir, parce que cette Parole est la déclaration d’amour que Dieu fait à chacun de ses enfants, par son Fils Jésus-Christ. Une Parole faite à la fois de bienveillance sans condition, mais aussi d’exigence, car il n’y a pas d’amour sans désir que l’autre grandisse. Prendre donc le temps de prier un extrait biblique, de le recevoir comme une Parole qui m’est personnellement adressée : [par exemple : Ex 1,1-21 ; Dt 30,15-20 ; 2 S 12,1-9.13 ; Sg 5,1-16 ; Si 28,1-7 ; Is 43,1-7 ; Is 55,1-11 ; Jr 31,31-34 ; Ez 36,23-36 ; Os 2,16-25 ; Jon 3 et 4 ; Ps 25 (24), 31(30), 32(31), 51(50), 73(72), 85(84), 103(102), 119(118) ; Rm 3,22-26 ; Rm 6,16-23 ; Rm 7,14-24 ; Rm 13,8-14 ; Ga 5,16-24 ; Eph 2,1-10 ; Tt 3,3-7 ; Jc 1,22-27 ; Jc 3,1-12 ; 1 P 3,8-12 ; Ap 20,11-15 ; Ap 21,1-8 ; Mt 5,1-16 ; Mt 6 ,7-15 ; Mt 9,9-13 ; Mt 18,21-35 ; Mc 7,14-23 ; Lc 6,36-45 ; Lc 10,25-37 ; Lc 15,1-32 ; Lc 18,9-14 ; Lc 19,1-10 ; Jn 8,31-36 ; Jn 15,9-14 ; Jn 20,19-23.] On peut aussi prendre un temps d’une relecture ou d’une révision de vie, pour préparer une action de grâce, à évoquer avant la confession sous la forme d’une ou deux raisons personnelles de dire « merci » au Seigneur : on ne demande vraiment pardon qu’à celui à qui on a des raisons de dire « merci » !

– LUI PRÉSENTER MON PÉCHÉ, envisagé à la lumière de l’amour inconditionnel de Dieu pour moi. Un examen de conscience peut aider à balayer ce qui « en pensée, en parole, par action et par omission » relève du péché. Il y a divers examens de conscience : l’un partira de ma relation à Dieu, aux autres, au monde et à moi-même (car il ne peut y avoir d’amour d’autrui sans amour pour soi-même), un autre du Décalogue, un autre des Béatitudes… Le but n’est pas forcément de tout dire dans le détail, mais de souligner le ou les actes que je perçois comme le plus en rupture avec l’amour de Dieu, et pour lequel je veux demander à Dieu son aide pour qu’il me convertisse. [Remarque : un péché est toujours un acte volontaire, avec une libre adhésion au mal contraire à la volonté de Dieu, une désobéissance à Dieu : attention donc de ne pas confondre le péché avec la tentation, qui n’est que la sollicitation préalable en vue du mal, pour que j’y donne suite. Si j’y cède, il y a péché. Si j’y résiste, je grandis.] Cela dit, aucun examen de conscience ne remplace l’étape de la reconnaissance de l’amour de Dieu qui donne la lumière pour faire apparaître mes ombres : sans cette lumière, notre vrai péché nous reste caché.

La confession elle-même

Se présenter brièvement (situation familiale, professionnelle, religieuse…)

Dire : « Bénissez moi, mon Père parce que j’ai péché » (formule paradoxale, qui dit ce bien que Dieu seul peut faire à partir d’un matériau aussi déficient que mon péché) et dire à quand remonte la dernière confession.

Puis confesser ses péchés, de manière précise, sincère et complète. « Complète », oui, mais tout en sachant que ce n’est pas une scrupuleuse exhaustivité qui est visée – Dieu sait tout ce que nous avons fait – mais le type de regret que l’on en a, la délicatesse du coeur qui prend conscience de ce que par ses péchés il a infligé à son Seigneur, le ton de cette confession – et que Dieu ignore tant que l’on ne le lui a pas dit. On confesse des péchés précis, et pas seulement des tendances générales. Le prêtre peut guider, éclairer, conseiller.

Le prêtre donne l’absolution, la Parole de pardon au nom du Christ, en même temps qu’une pénitence, c’est-à-dire un acte à accomplir qui fait participer activement à l’œuvre de salut et de conversion impliquée par le sacrement.

En résumé…

Le sacrement du pardon est moins une thérapie individuelle ‘pour soi’, que le fait de se mettre à disposition du Seigneur, mais aussi de l’Eglise, pour que s’opère un acte de salut « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », comme c’est le cas dans tout sacrement. Indirectement, secondairement, on s’en retrouve personnellement bénéficiaire. Mais ce qui se passe concerne en fait plus large que soi : partant de la reconnaissance de mon péché, c’est à dire de ce qui de ma part et avec ma responsabilité a fait obstacle à une vie en communion avec Dieu, avec autrui, et avec moi-même (cette reconnaissance du péché qu’est la ‘confession’), je remets tout cela au Christ (via son corps qu’est l’Eglise, c’est à dire via un prêtre) parce que je reconnais que je ne peux plus rien en faire, que cela m’encombre, voire me culpabilise, et qu’un tiers est justement nécessaire pour cette remise des péchés. Plus profondément, en posant l’acte de foi que le Christ saura bien faire quelque chose de ces péchés, mieux, qu’il les a déjà transformés sur sa Croix en acte de salut, de réconciliation, de pardon, c’est dans la confiance que je lui remets ces péchés en les nommant, et que par là-même, je prends de la distance avec eux et permets à Dieu d’exercer sur moi sa miséricorde. Mais pas seulement sur moi : mes péchés me rendent solidaire du péché de tout homme, c’est aussi toute l’humanité qui à travers moi se retrouve bénéficiaire de ce pardon, et à qui je suis envoyé comme témoin de la miséricorde de Dieu [cf. l’Evangile du débiteur impitoyable]. On devrait s’en émerveiller !

Immigration, regards de chrétiens

Voici le texte d’un exposé à la soirée du 8 mars 2007 organisée par la commission paroissiale « Vivre l’Evangile au quotidien » sur le thème de l’immigration. Un texte largement inspiré de : L’asile en France, état d’urgence, Comité épiscopal des migrations, commission sociale de l’épiscopat, Justice et Paix, France, 2002
Pour qui se dit chrétien, le sujet « Immigration, regards de chrétiens » devrait être simple pour qui prend au sérieux son maître, le Christ, qui affirme : « J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli » (Mt 25,35) En accueillant l’étranger, l’immigré, c’est le Christ, c’est Dieu lui-même que l’on accueille. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40)

D’où les invitations constantes de l’Eglise, dans sa doctrine sociale, dans ses prises de position, à promouvoir l’accueil de l’étranger, non seulement l’assistance envers les plus pauvres, comme le sont souvent les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés, mais aussi un accueil fondé sur l’amour du Christ, étant sûrs que le bien fait au prochain nécessiteux est fait à Dieu lui-même. Il ne s’agit pas seulement d’avoir le souci de l’autre, mais de reconnaître qu’en cet autre, cet étranger, c’est Dieu lui-même qui s’invite, et de le servir comme tel.

Les résistances que nous ressentons en nous-mêmes à vivre davantage ce service de l’immigré, cet accueil de l’étranger témoigneraient donc de l’écart qu’il y a en nous entre foi et pratique, du chemin de conversion qu’il reste à parcourir.

Est-ce si simple ?

Le témoignage biblique atteste en fait que l’hostilité comme l’hospitalité, la fermeture comme l’ouverture à l’égard de l’étranger sont toutes deux présentes, aussi bien dans l’AT que dans le NT. Jésus lui-même ne dit-il pas lui même à la femme syro-phénicienne : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël » (Mt 15,24s) ?

Il vaut la peine d’y regarder de plus près.

Les migrations tiennent une place importante dans la Bible : peuples et personnages bibliques sont souvent en déplacement, dans des migrations relues comme des étapes décisives de l’histoire de la relation de Dieu avec son peuple :

 

En positif :
Abraham, dont le père avait quitté Ur, en Chaldée, entend l’appel à quitter sa terre vers une destination inconnue. Il est aussi un modèle d’hospitalité envers l’étranger : quand il accueille les trois visiteurs inconnus au chêne de Mambré (Gn 18, 1-8), son hospitalité est une source de bénédiction : Sara sa femme stérile s’entend promettre un enfant.

Les fils de Jacob s’exilent en Égypte pour des raisons économiques. L’interdiction d’opprimer l’étranger est fondée sur l’expérience d’Israël en Égypte : « Tu n’opprimeras pas l’étranger. Vous savez ce qu’éprouve l’étranger, car vous-mêmes avez été étrangers au pays d’Égypte » (Ex 23,9). Le sort réservé à leurs descendants les pousse à quitter ce pays. La sortie d’Égypte est alors un exode voulu par Dieu, d’où Israël naît comme peuple, avec l’expérience de libération qui fonde sa foi. « Je suis Yahvé ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » (Dt 5,6). Jésus fera le même chemin avec sa famille pour échapper au « massacre des Innocents » (Mt 2,13-15).

Lorsqu’il fuit après avoir tué un égyptien, Moïse se conduit comme un homme en quête d’asile. Madiân devient la terre d’accueil où il reconstruit sa vie (Ex 2,11-22) en attendant que Dieu lui confie une autre mission. Élie fuit devant Jézabel « pour sauver sa vie » (1R 19). Pour eux, ce temps d’exil est l’occasion d’une expérience spirituelle : rencontre de Dieu, envoi en mission. L’émigration économique et politique marque ainsi l’histoire de plusieurs figures fondatrices du peuple d Israël.

L’Exil, la déportation à Babylone, est présenté comme une punition de Dieu pour l’infidélité de son peuple. Mais le peuple découvre aussi que Dieu ne l’abandonne pas pour autant. Si Dieu reste avec son peuple exilé, c’est qu’il n’est pas lié à une terre. Découverte par Israël du caractère universel de sa foi au cœur de l’expérience de sa particularité.

Le livre de Ruth raconte l’« intégration » réussie d’une étrangère, qui devient source de bénédiction pour le peuple, puisqu’elle sera la grand-mère du roi David. Le livre de Jonas ouvre aussi la perspective jusqu’au salut des païens ennemis.

 

Mais aussi, en négatif :
Le retour de l’Exil est l’occasion d’une crise où l’étranger apparaît comme une menace à l’identité d’Israël, un risque de contamination par l’idolâtrie : « Nous avons trahi notre Dieu en épousant des femmes étrangères » (Esd 10,2). Et c’est ainsi que les femmes étrangères et les enfants qui en sont nés sont renvoyés : « La race d’Israël se séparera de tous les gens de souche étrangère » (Ne 9,2).

Dans le Nouveau Testament, le conflit entre Paul et Pierre à propos de l’évangélisation des non juifs (Ga 2), montre que l’ouverture envers l’étranger n’allait pas sans problème. Mais ce conflit conduit Paul à déclarer : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28).

A l’égard de l’étranger, voilà des positions en tension entre les exigences du quotidien et l’utopie de l’ouverture, entre la préoccupation du réel, la difficulté du quotidien, et l’élan, l’ouverture à l’autre étranger.

L’étranger est en Israël objet d’une législation qui à la fois le protège et l’exclue, porteur de bénédiction et menace pour Israël. Dans le Nouveau Testament, les païens apparaissent comme occasion de conflit dans l’Eglise, mais aussi de révélation de l’universalité de l’Evangile. Cette tension permanente entre hospitalité et hostilité, entre exil et terre promise, entre exode et installation, entre accueil et refus, traverse la Bible. C’est au cœur de cette tension qu’il faut lire la relation à l’étranger, l’étranger qui réside chez soi, le réfugié, le demandeur d’asile, soit politique, soit économique. Sans cette tension, un des deux pôles exclue l’autre : l’étranger ne pourrait alors être qu’exclu ou assimilé. L’accueil se joue entre les deux.

La vraie question posée dans la Bible sur l’accueil de l’immigré n’est donc pas celle de l’économie (« a-t-on les moyens d’accueillir… ? ») mais celle de l’identité (« comment être ou rester soi-même en présence de celui qui est différent ? ») :

a– L’étranger est révélateur de ce que j’ai en commun avec lui, qu’il me rappelle parce que je l’oublie : mon statut d’immigré. Dans sa profession de foi, l’israélite commence par dire qu’il est fils d’émigré : « Mon père était un Araméen errant » (Dt 26,5). « Vous savez ce qu’éprouve l’étranger, car vous-mêmes avez été étrangers au pays d’Égypte » (Ex 23,9), exilé de passage. Mais ceci n’est pas seulement une expérience passée et sur le seul plan géographique (nous venons d’ailleurs). L’expérience de foi (voire toute expérience d’ouverture à l’autre) peut être vue comme un voyage, une mise en route permanente, un pèlerinage sans fin… Parlant de ses frères chrétiens, l’auteur de la lettre à Diognète écrit : « Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. » Un statut qui relativise toute appropriation de la terre : si le droit naturel de propriété est reconnu par la Doctrine Sociale de l’Eglise, c’est en vue d’un usage qui corresponde le mieux à la destination universelle des biens. Le statut des chrétiens leur interdit de résorber le manque fondamental qui habite l’homme – le désir de Dieu – par l’installation, la satisfaction des besoins, ou le divertissement : « L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même » (Lv 19,34). Dans leur fragilité et leur insécurité, la non-maîtrise de leur destin, leur déracinement, dans leur quête vitale, les immigrés, et tout particulièrement les réfugiés, ont un rôle provocateur et prophétique à l’égard de ceux qui comme nous courent le risque de l’installation, de l’oubli de la précarité de notre « passage sur terre », illusoirement protégés de l’inquiétude de l’avenir. Que signifie alors pour nous avoir besoin du salut ? En quoi avons-nous besoin de Jésus-Christ « le Sauveur » autrement que comme moteur auxiliaire de nos projets ? L’étranger est « comme un compatriote », car la terre n’appartient pas à Israël mais à Dieu. Une égalité foncière qui doit se traduire dans la loi : « La loi sera la même pour l’homme du pays et pour l’étranger de passage au milieu de vous » (Ex 12,49).

b– L’étranger est révélateur de mon identité, de par son étrangeté, provocatrice au dialogue et à la communion dans la diversité. « « L’étranger » est le messager de Dieu qui surprend et brise la régularité et la logique de la vie quotidienne, en rendant proche celui qui est lointain. Dans les « étrangers », l’Église voit le Christ qui « plante sa tente parmi nous » (cf. Jn 1,14) et qui « frappe à notre porte » (cf. Ap 3,20). Cette rencontre – faite d’attention, d’accueil, de partage, de solidarité, de protection des droits des migrants et d’élan d’évangélisation – est le reflet de la sollicitude constante de l’Église, qui perçoit en eux des valeurs authentiques et qui les considère comme une grande richesse humaine. » Instruction romaine sur la Charité du Christ envers les migrants, 2004

c– Mais le respect de la différence peut conduire à la ségrégation ou au ghetto, à l’exclusion (« Je reconnais que tu es différent, alors, rentre chez toi, c’est là que tu seras le mieux ! ») s’il n’est dynamisé par le désir de la rencontre pour ne faire qu’une famille, qu’un peuple. Il s’agit d’être soi-même, mais pour accueillir pleinement l’autre. Le refus de l’autre procède d’ailleurs d’une insécurité, d’une incertitude sur ce qu’on est, sur la valeur universelle de ce que l’on porte, de la culture en laquelle on vit, d’un repli identitaire : « Toute intolérance procède d’un doute sur ses propres sentiments » (Jacques de Bourbon-Busset, Lettre à Laurence). Il s’agit au contraire d’accueillir de l’autre de quoi « m’unir à lui dans une vérité plus haute. » Le bonheur d’être soi est le meilleur garant d’une curiosité bienveillante à l’égard de l’autre différent. Donner le témoignage qu’il est possible de vivre ensemble en respectant nos différences, est le service d’humanité que les chrétiens, l’Église au cœur de cette humanité, veulent donner à voir. Montrer au monde qu’il est possible de vivre ensemble différents. Expérimentant pour nous-mêmes les difficultés à mettre en oeuvre ce projet, les chrétiens offrent leur expérience comme un chemin d’humanité élaboré dans la pratique, dans la peine, dans la difficulté et la joie, un chemin où la rencontre est parfois réalisée. L’Église, grâce à la diversité de ses membres, répartis sur toute la surface de la terre, grâce à sa catholicité propose un universalisme qui puise à sa vraie source : la Pentecôte (Ac 2,8-11).

Dans la Parabole du bon Samaritain, un légiste pose à Jésus la question « Qui est mon prochain ? » à la suite du rappel du commandement de l’amour « du prochain comme toi-même ». Jésus déplace la question : « qui s’est fait le prochain » de l’homme en souffrance ? Passer de la question sur les étrangers qui auraient ou non le droit de rentrer dans mon cercle et devenir mon prochain, à celle de ma sortie du cercle pour me faire le prochain de ceux qui ont besoin de moi. Non pas « que vais-je, qu’allons nous devenir si nous accueillons l’étranger ? » mais « que va-t-il devenir, si je ne l’accueille ? »

Références :
L’asile en France, état d’urgence, Comité épiscopal des migrations, commission sociale de l’épiscopat, Justice et Paix, France, Cerf 2002 (autres commentaires de ce texte : revue Esprit et Vie, présentation par les évêques)

Erga Migrantes Caritas Christi, Instruction romaine sur la Charité du Christ envers les migrants, 2004

Sur le Telethon

C’était il y a une dizaine d’année, je faisais la queue dans une pizzeria près de la place du Capitole à Toulouse. Comme la cliente devant moi lisait avec intérêt une affiche sur le Telethon à venir, j’ai engagé la conversation avec elle dans l’intention de lui faire part de quelques objections éthiques. Elle a coupé net mon élan en disant qu’elle était favorable au Telethon, mais surtout, qu’elle avait eu un fils atteint de myopathie, mort à 12 ans de cette maladie. J’ai mis mes convictions en sourdine pour l’écouter, et j’ai en fait eu la chance de découvrir dans ses propos le coeur de ce à quoi j’adhérais, et dans son expérience, la pratique de ce qui n’était pour moi que théorie. A la question : « Et si tout était à refaire ? », elle a répondu sans hésitation : « Je referai pareil. » Loin de recourir à l’avortement (IMG), à la suppression de son enfant à naître, elle revivrait ces années inoubliables d’amour, de tendresse, d’accompagnement de son enfant malade.

Dans l’amour de cette maman pour son enfant, dans sa préférence pour la vie – fût-ce diminuée par le handicap – et pour l’amour qui peut s’y déployer, se trouve le fond de la position de l’Eglise catholique sur le sujet. Oui, l’Eglise catholique est réticente à l’égard du diagnostic préimplantatoire (DPI) et de la recherche au moyen d’embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet de projet parental, deux pratiques soutenues par l’Agence Française de Myopathie (cf. site de l’AFM). Cette réticence est fondée sur la valeur infinie de la vie humaine, que personne ne peut juger indigne d’être vécue, sous aucun critère (aujourd’hui de santé ou d’intelligence, hier de race ou de classe sociale). Oui alors au Telethon, s’il peut favoriser dans notre société un regard positif sur les personnes handicapées ou malades – mais alors, pas seulement de compassion. Non, si l’on passe insidieusement de la recherche et des soins pour éliminer la maladie et ses conséquences, à l’élimination des malades via un tri embryonnaire, ou à l’utilisation d’embryons humains comme matériau de laboratoire, en s’appuyant sur le plus faible des arguments : « la loi l’autorise. »

Quelques sites relevés pour aller plus loin :
– un article du journal « Le Monde » (Jean-Yves Nau, 6/12/06) présentant la polémique.
– une réflexion de fond (Jean-Marie Le Méné, 8/12/06) sur les enjeux de cette polémique.
– le témoignage d’un des organisateurs du Telethon 2005.

 

A propos des propos de Benoît XVI

Samedi dernier, nous avons eu une rencontre interreligieuse particulièrement bienvenue, avec notamment la présence de plusieurs membres représentants de la communauté musulmane de Rodez. Près de cinq années de dialogue ont tissé entre participants musulmans et chrétiens – catholiques et protestants – des liens de fraternité et de respect. Nous avons donc pu partager posément et fraternellement sur les propos de Benoît XVI, mardi 12 septembre à Ratisbonne, et sur la polémique qui a suivi.

J’avais émis l’idée que la réaction violente de musulmans à des propos évoquant un lien possible entre Islam et violence, pouvait attester la pertinence même des propos (voire des caricatures) sur cette violence.

Un participant (non musulman, mais baha’i) avait alors répondu qu’il ne fallait pas reprocher à une bombe d’exploser, mais condamner plutôt celui qui l’a allumée, en l’occurrence le pape Benoît XVI.

Il me semble que le problème est plutôt le fait qu’il puisse y avoir une bombe : une bombe dont on doit taire l’existence de peur qu’elle n’explose ; une bombe telle qu’à son propos, penser (sous régime islamique pur), parler (en pays à majorité musulmane), dessiner ou écrire (n’importe où) revient à l’allumer.

Un autre participant (catholique) avait indiqué que l’Eglise aurait pu aussi bien rappeler que son histoire n’est pas exempte de violences commises au nom de la diffusion de sa foi.

En réalité, ce rappel a été fait : ce furent les nombreuses démarches de repentance accomplies par l’Eglise catholique avant le Jubilé de 2000 ans de christianisme. Cette reconnaissance publique de nos infidélités historiques à l’Evangile, témoigne justement que si de fait il y a eu de telles pratiques (croisades, inquisition, dragonnades…), en droit, on ne peut se réclamer du Dieu de Jésus-Christ pour commettre ces violences. Inversement, si de fait, la grande majorité des musulmans pratique sa religion dans la paix et le respect des autres religions, peut-on dire qu’en droit cette violence est contraire à la foi de l’Islam, contraire au Coran, qu’il s’agisse de violence sanglante (guerre sainte, esclavage en Afrique, razzias en Méditerranée, génocide arménien…), ou de violence plus soft liée au statut de dhimmitude des chrétiens et des juifs en terre d’Islam ? Il ne s’agit pas seulement de dire que des persécutions religieuses sont aujourd’hui davantage commises par des régimes islamistes ou des pays majoritairement musulmans (Soudan, Pakistan…), car la position de Poutine sur la Tchétchénie, ou de Bush sur la Palestine ou l’Irak pourraient être interprétées pareillement. La question de fond est en réalité celle sur ce qu’autorise ou non la foi : chrétienne (récusant à la fois Poutine et Bush comme agissant à l’inverse de l’Evangile) et musulmane (à propos du ‘Djihad’).

Voici alors quelques liens que j’ai trouvé pertinents :

– Le texte de la conférence de Benoît XVI, qu’il serait malhonnête de critiquer sans l’avoir lu, en version originale allemande, en traduction officielle anglaise ou française. La citation (de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue) qui cause la réaction violente du monde musulman se trouve au milieu du 3ème paragraphe. « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l’inhumain comme ceci, qu’il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait » Telle quelle, on peut comprendre que cette citation fasse réagir les musulmans. Mais : (1) Benoît XVI s’étonne lui-même dans sa conférence de la virulence de cette citation, et celle-ci ne peut donc être considérée comme reflétant sa position ; (2) la violence n’est pas justifiée, même pour réagir à un propos contraire à sa foi. Pour lire cette citation dans son contexte, il faudrait au minimum lire les 2ème, 3ème et 4ème paragraphes. Alors, de manière bien plus interpellante que la citation incriminée, ces paragraphes invitent à une réflexion de fond, sur le rapport entre la foi en un Dieu de pure transcendance, l’usage de la raison humaine pour l’accueillir, et celui de la violence pour la diffuser. De fait, l’interpellation est plus forte pour l’Islam. Qu’y a-t-il à redire ?

– Comme réaction raisonnable à une position contraire à sa foi, Benoît XVI donne lui-même un exemple chrétien à la fin du 1er paragraphe de sa conférence. Un bel exemple musulman de réaction raisonnable est la position de Mohand Halili, recteur de la mosquée d’Aix à Marseille, entendue samedi 17 septembre sur France-Info.

– Voici enfin un article portant sur le fond du débat, au risque peut-être de prolonger la polémique.

Sur la confiance (suite)…

PAUL     Comment trouver les ressources pour ne jamais se décourager ou faire face ?

JEAN    Je viens de lire le livre que les jésuites ont lu à l’occasion des repas des retraites ignatiennes qu’ils donnent à Rodez ; un livre de Claire Ly, « Revenue de l’enfer« . Un excellent remède contre le découragement, à partir de son expérience d’immersion dans le génocide cambodgien….

PAUL     Comment trouver du sens aux épreuves que l’on vit, sans en vouloir un peu à Dieu de ne pas être plus présent ?

JEAN    Lis donc ce livre ! Sur les prophètes de l’Ancien Testament, j’ai découvert que ce qui fait « l’homme de Dieu », ce n’est pas tant de trouver en sa foi une réponse à ses problèmes existentiels, mais de se confronter à ces problèmes avec Quelqu’un, voire de se confronter avec Quelqu’un à l’occasion de ces problèmes, quitte à l’engueuler, à lui adresser des prières mal fichues, et même inacceptables. La foi, c’est de toujours rester en relation. C’est ce dont témoigne cette Claire Ly, bouddhiste à l’époque du génocide, dans ses reproches au « dieu des occidentaux », qu’elle prend à témoin de sa tragédie, qu’elle engueule, et dont le dialogue intérieur avec lui aboutit à une révélation du Dieu vivant, créateur, sauveur…

PAUL     Ce qui est difficile en fait, c’est de tenir sans finalement voir de « différence », sans que la prière apporte quelque chose, de tenir sans se décourager, d’encaisser tout en restant « confiant ».

JEAN    Que veux-tu que la prière t’apporte ? un confort, un mieux-être, un encouragement, une paix etc… Toutes choses bonnes qu’il faut demander en préambule à ta prière, ne serait-ce que pour être sincère avec Dieu. Mais il me semble qu’il faille aller au-delà, en déposant tes besoins et attentes légitimes au pied du Seigneur en lui faisant assez confiance pour s’en charger, et les oublier un moment pour prêter davantage attention à Dieu lui-même tel que l’Evangile le révèle. Ce « détour » par Dieu est fécond, je peux en témoigner. Il décentre de soi, élargit le regard, ouvre des perspectives, et sans détourner de l’épreuve vécue, fait découvrir quelque chose de finalement plus profond que l’épreuve, et qui est de l’ordre de l’amour.

PAUL     Ce n’est pas évident de se décentrer. Dieu ne peut pas aider à se décentrer ? N’est-ce pas lui qui « t’attire vers lui »?

JEAN    Il n’y a pas mieux que Dieu pour te décentrer de toi. Soit parce qu’il te donne directement cette consolation (« La grâce serait de s’oublier… » Bernanos), soit plus laborieusement, en considérant ce que Dieu est Lui-même, infini, éternel, saint, maître de l’histoire, etc… en prenant le temps de ce qu’on appelle la « louange », l' »adoration »… l’admiration devant plus grand que tout, tu peux relativiser ta manière de voir ce que tu vis à l’aune de son regard à Lui, qui voit plus loin que toi. Pour qui partage la foi – juive et chrétienne – d’un Dieu qui veut rencontrer l’homme, qui lui promet sa propre Vie en partage, prendre au sérieux cette promesse permet aussi de regarder les aléas de notre existence comme étapes – pas toujours compréhensibles – mais étapes quand même, vers la réalisation de cette promesse. C’est d’ailleurs le sens de la fête de l’Assomption : la joie du Magnificat de Marie EST notre avenir.

PAUL     ???

JEAN     Dans la vie spirituelle, il faut s’être fourvoyé pas mal de fois – introspection stérile, culpabilité morbide, égocentrisme, attention excessive à sa réussite, activisme, négligence de la prière – , pour que les choses apparaissent progressivement plus simplement. C’est loin d’être gagné… Le Magnificat comporte bizarrement des formules au présent : « Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leur trône. ll comble de biens les affamés… » qui apparemment ne collent pas à la réalité. Mais parce que c’est cela qui est promis, et qui se réalisera, il y a une manière de porter son regard sur cette réalisation promise, qui donne non seulement le courage de supporter ce qui s’en écarte encore, mais de vivre et d’agir en fonction de cette certitude, d’anticiper sur cette réalisation par des actes, dérisoires en eux-mêmes à l’échelle de l’histoire, mais qui témoignent de l’avenir. Un peu comme ces 4 jours de service et de joie avec les jeunes de l’Hospitalité à Lourdes, au service des malades, une parenthèse « illusoire », et pourtant plus proche de la réalité pour laquelle nous sommes promis, plus proche que ce que l’on vit au jour le jour.

Sur la confiance en soi…

Si la confiance en soi se gagne dans l’amitié, les relations avec les autres, et en particulier avec les personnes de l’autre sexe, le travail… que faire lorsque l’on éprouve un manque dans ces domaines, me demande un jeune à travers quelques questions autour de la confiance en soi…

 

Je n’ai hélas – ou heureusement – pas réponse à toutes les questions que tu as posées sur ces sujets… S’il y avait une réponse, nous serions bien heureux de l’appliquer comme recette du bonheur.

Ce qui rend les choses complexes, c’est que l’on a à la fois besoin du soutien, de l’amitié, de la confiance, de l’amour des autres, des parents, d’amis, et en particulier d’amis de l’autre sexe, pour avancer, grandir en confiance en soi ; et en même temps, que notre valeur véritable ne dépend pas des autres, de leur soutien, confiance, regard, affection etc… Des parents, un(e) ami(e), un employeur, en te faisant confiance, ne font que te donner un déclic, t’aider à découvrir ta valeur qui est intrinsèque et ne vient pas d’eux. Il y a même des personnes qui ont été privés de cette confiance de la part des autres, et qui, en particulier en suivant le Christ dans sa Passion, ont pu découvrir leur dignité infinie au coeur même de l’expérience du déficit d’amour des autres.

Cette valeur de chacun vient ultimement de ce qu’il est enfant de Dieu, et qu’avec ou sans handicap, en menant une vie « intéressante » ou non à ses yeux, aux yeux des autres ou de la société, sa valeur est en réalité au-delà de toute appréciation, au-delà de la somme de ses qualités moins celle de ses défauts. Cette valeur est infinie et inaliénable. La vraie confiance en soi découle de cette découverte-là, à savoir que Dieu trouve sa joie à ce que tu existes, à ce que tu vives : il se réjouit de toi. Lorsque tu prends cela au sérieux, te voilà libre à l’égard de la tentation d’attendre des autres leur approbation, leur confiance ou leur affection. Aimé de Dieu, le chrétien ne cherche pas tant à être aimé, qu’à aimer ; ni à recevoir d’autrui, qu’à rendre à travers lui l’amour qu’il a reçu en plénitude du Seigneur. C’est la prière de Saint François d’Assise :

Seigneur, faites de moi
un instrument de votre paix !
Là où il y a de la haine,
que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense,
que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde,
que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur,
que je mette la vérité.
Là où il y a le doute,
que je mette la foi.
Là où il y a le désespoir,
que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres,
que je mette votre lumière.
Là où il y a la tristesse,
que je mette la joie.
Ô maître, que je ne cherche pas tant
à être consolé… qu’à consoler ;
à être compris… qu’à comprendre ;
à être aimé… qu’à aimer ;
Car c’est en donnant… qu’on reçoit ;
C’est en s’oubliant… qu’on trouve ;
C’est en pardonnant…
qu’on est pardonné ;
C’est en mourant…
qu’on ressuscite à la vie éternelle.

L’enjeu du travail n’est donc pas premièrement de prouver une capacité d’intégration (être apprécié d’un patron, de ses collègues), de trouver une reconnaissance sociale (être reconnu par la société) surtout manifestée par une rémunération, de se prouver sa valeur (s’aimer soi-même à travers ce que l’on réussit)… mais d’aimer, d’employer ses talents – et ses faiblesses – au service des autres, peu importe que ce soit reconnu (rémunéré) ou non. Cela vaut donc le coup de persévérer à chercher un travail où puisse se déployer ton désir d’aimer, de servir, d’être utile… tout en ne te focalisant pas à l’excès sur le fait de l’obtenir ou non, comme si de travailler ou de ne pas travailler devait décider de ta valeur. Je dirais la même chose des amitiés à cultiver de son mieux, avec ce qu’il faut de recul et de désintéressement, pour ne pas attendre d’elles ce qu’elles ne peuvent que donner imparfaitement, ou simplement comme avant-goût de ce que l’on ne reçoit en plénitude que de Dieu seul.