Droit des enfants

Alors qu’en France, des milliers de couples mixtes sont en attente de pouvoir adopter, 262 députés et sénateurs ont signé un Manifeste « pour la défense du droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère ». Ce qui est en jeu ici n’est pas la situation des couples homosexuels – en majorité lesbiens – élevant de fait les enfants d’un des membres du couple, situation qu’un arrêt récent de la Cour de Cassation améliore en admettant le partage de l’autorité parentale. Il s’agit ici plutôt de l’ouverture ou non d’un droit à l’adoption pour des couples homosexuels.

Voici donc le texte d’un email que j’ai rédigé hier à l’adresse de mon député. Libre à vous, non de le copier tel quel, mais de signaler d’une manière ou d’une autre ce que nous attendons de nos représentants, et à le faire savoir plus largement. Pour plus d’infos, notamment pour trouver l’email de vos parlementaires, cliquer ICI :

Pour l’Aveyron, voici les emails de nos parlementaires non signataires (jgodfrain@assemblee-nationale.fr et b.seillier@senat.fr  ont déjà signé ce Manifeste) :

ycensi@assemblee-nationale.fr
sroques@assemblee-nationale.fr
j.puech@senat.fr

Pour mémoire, voici un extrait de la conférence de Xavier Lacroix sur le sujet : ICI

Monsieur le député / sénateur,
Je vous écrit pour vous dire mon soutien au cas où vous choisiriez de rejoindre les 262 parlementaires déjà signataires du Manifeste « pour la défense du droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère ». J’espère que face à l’auto-censure imposée par le lobby gay, vous trouverez assez de soutiens pour vous encourager à prendre une position de bon sens partagée à l’évidence par la majorité de nos concitoyens.

 

Dialoguer au sujet des caricatures

Voici le compte-rendu qu’a rédigé Edith Guillemet sur la dernière des rencontres « Des religions pour la paix », entre chrétiens (catholiques, protestants) et musulmans, sur un thème d’actualité : l’affaire des caricatures. Cette rencontre s’est tenue à Rodez, vendredi 17 février, avec la présence de plusieurs des responsables de la communauté musulmane de Rodez (Moustapha Benmokhtar, délégué départemental du conseil du culte musulman, Abdelkader Dkhissi, président de la mosquée de Rodez, Boumediene Khomsi), du pasteur Etienne Vion de l’ERF, du p.Louis Delmas et de laïcs engagés à différents titres dans l’oecuménisme et le dialogue interreligieux, via le CCFD, l’ACAT, la Pastorale des migrants, le service diocésain de la communication… Un échange riche et cordial, s’autorisant désaccords et convergences de points de vue !

Mieux comprendre et parler ensemble de ce qui fâche…

Un groupe d’une vingtaine de croyants, musulmans, chrétiens protestants et catholiques, pasteur, prêtres ou laïcs, se retrouvent à Rodez depuis plus de cinq ans pour apprendre à se connaître, échanger sur leur foi et leur façon différente de la vivre dans une société laïque. Vendredi dernier, c’est « l’affaire des caricatures » qui a fait débat. Chacun a pu exprimer son point de vue sur la production des caricatures et les réactions qui ont suivi. En particulier Moustapha Benmokhtar, délégué départemental du conseil du culte musulman, et le pasteur Etienne Vion, dont la presse avait publié les positions différentes sur ce sujet.

Si plusieurs s’accordent à reconnaître la pratique de la caricature comme l’un des fondements de la démocratie et de la liberté d’expression, d’autres revendiquent des limites à cette liberté, liées à l’indispensable respect de la dignité de la personne humaine et de la foi du croyant, et tout simplement de la vérité. Encore faut-il s’entendre sur la lecture des caricatures. Celle de Mahomet s’adressait-elle à Mahomet et à la foi de l’Islam, ou était-elle plutôt un moyen de dénoncer ceux qui se servent du prophète à des fins guerrières ? Alors que l’amalgame entre le terrorisme et le modèle qu’est Mahomet pour les musulmans blesse profondément ces derniers dont la majorité dénonce la violence, comment comprendre les réactions violentes qui ont suivi la caricature ? Ceux qui regrettaient l’absence de manifestations des musulmans pacifiques, comprenaient cependant que la colère qui s’est exprimée vient de loin et dépasse largement le cadre d’un dessin…

Utilisation politique des religions, risque d’« intégrisme » athée, interrogations sur la responsabilité des médias et la régulation de leur pouvoir, autant de questions qui ont fait l’objet d’échanges attentifs et cordiaux. De fait, la question commune pour les croyants est bien de rechercher ensemble les moyens dont ils disposent pour vivre librement leur foi dans une société laïque et l’exprimer de façon juste et vraie. Les tabous et le sacré d’une religion ne s’imposent pas à ceux qui ne partagent pas cette religion. Il ne s’agit plus là d’une seule affaire de communication, mais de vie, sachant que la vérité se défend toute seule, avec douceur… Que pouvions nous conclure ? Que par nos rencontres, dans la confrontation choisie et le respect de chacun, nous sommes en train de construire humblement un lieu de dialogue et de paix.

Edith Guillemet

En complément :
– La position du Vatican sur les caricatures.
– Un
argumentaire technique du fr. Edouard Divry, o.p. sur libertepolitique.com
– Le très beau
site de l’exposition à la Bibliothèque Nationale sur la Torah, la Bible et le Coran, avec une partie sur la représentation dans le judaïsme, le christianisme et l’Islam (s’y déplacer avec les flèches en bas de page).

Visibilité chrétienne

La semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens a commencé. Jeudi dernier à Rodez, nous avons pu entendre le pasteur Marcel Manoël (président du Conseil National de l’Eglise Réformée de France) donner une conférence éclairante sur le thème : « Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne« .

Déjà, à l’initiative de la paroisse de l’ERF de Rodez, le pasteur Manoël était intervenu à la MJC de Rodez au printemps 2004 sur un sujet proche. Il nous a donc été donné de le réentendre prolonger sa réflexion et en particulier préciser les pistes qui lui paraissent prioritaires pour les Eglises dans un monde sécularisé.

En sa conférence de 2004, être chrétien dans une société sécularisée impliquait pour lui de répondre aux trois questions suivantes :
Qui est Dieu ?  Qu’est-ce que la vie ?  Qu’est-ce que l’avenir ?

Deux ans après, le pasteur Manoël a esquissé trois pistes de réponse à ces questions : la prédication du Dieu de Jésus-Christ, le service de la construction de soi, la célébration liturgique. Mais il a aussi signalé deux fausses pistes : le retour intégriste et le conformisme à la modernité, et ce qu’elles trouvent en nous comme connivence.

Voici donc les notes que j’ai prises jeudi dernier de cette belle réflexion chrétienne (rendant inadéquat le texte déroulant en titre de ce blog). Bien sûr, ces notes n’engagent pas le conférencier.

***

 

Dans une société laïque, rendre visible la foi chrétienne

Comment rendre visible notre foi dans une société laïque ? C’est une question qui est commune à nos Eglises qui ont toutes à sortir de leurs murs. Le point de vue présenté est protestant, mais les fondements à partir desquels nous partons sont les mêmes.

Deux réflexions de Jésus sur la foi :

A ses disciples qui lui demandent : « Augmente en nous la foi » Jésus répond : « Si vous aviez la foi grande comme… vous diriez à cet arbre de se déraciner et il irait se planter dans la mer » Evidence de la foi qui n’a pas peur de l’extraordinaire, et en même temps expression d’un manque, d’un pas-assez : la foi devrait être extraordinaire, mais cela n’est pas le cas… L’évidence de la foi n’est pas celle d’un spot publicitaire, mais elle doit être un défi, à nos pudeurs, à nos fuites, à nos prétentions, à nos compétences affichées, nos désirs de réussite, nos manques de foi.

Jésus ressuscité face à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui sans avoir vu ont cru » La foi n’a pas besoin de visibilité pour être suscitée, pour être crue, pour être. A ceux qui lui demandent des miracles, des guérisons, des signes : « pas d’autre signe que celui de Jonas ». Pas d’autre visibilité que celle qui n’est pas immédiatement visible, mais a besoin d’une interprétation pour être reçue. La foi n’est pas conditionnée par la mesure du visible. Les sociologues peuvent mesurer des signes, des indicateurs d’identité religieuse, de pratique, de présence religieuse etc… mais fondamentalement, la foi ne peut être enfermée dans ces signes : elle les déborde, elle relève de la surprise d’une rencontre vivante (cf. Mt 25 : « Quand t’avons nous vu affamé, assoiffé… ? ») La foi comme surprise !

D’où trois questions :

– De quelle visibilité s’agit-il ?

Nos Eglises ont des pratiques grammaticales différentes pour articuler foi et Eglise. Les protestants souligneront l’importance de la foi, le lien premier du croyant avec le Seigneur, qui l’amène ensuite à se reconnaître comme membre de l’Eglise : d’où le primat d’une annonce de la foi, du témoignage de foi. Les catholiques soulignent que la foi naît et se développe au sein de l’Eglise : d’où l’insistance sur la visibilité ecclésiale, d’un clergé, des lieux d’Eglise, une visibilité qui permet de questionner et de susciter la foi. Il ne faut pas trop séparer ces points de vue.

En fait, il n’y a pas de prédication sans Eglise. Et il ne sert à rien qu’il y ait des bâtiments et un clergé, s’il n’y a pas témoignage de foi. Pour les protestants, il y a une visibilité évangélique (une vie transformée par le Seigneur), ecclésiale (unité confessée), sociale (engagement pour la paix), mais le tout remis au Seigneur lui-même qui seul peut faire au-delà de ce que nous pouvons faire nous-même. Les catholiques dans leur catéchisme insistent sur le fait que la vie de la foi est reçue de l’Eglise, mère de notre nouvelle naissance, éducatrice de notre foi. Mais Calvin le disait aussi : « l’Eglise est mère de tous ceux dont Dieu est Père. »

Il y a des situations où l’Eglise ne peut être visible, lorsqu’elle est persécutée. Mais même dans ces situations, l’Eglise a toujours de souci d’une certaine visibilité pour rayonner de sa foi.

– De quelle sorte de visibilité parlons-nous ?

S’agit-il de la médiatisation, en particulier télévisuelle ? « Vu à la télé » pour beaucoup de nos contemporains, est un critère de fiabilité, de vérité ! Les média valident des modes de vie et des idées qui s’en retrouvent revêtus d’une légitimité indiscutable. Cf. L’image de la famille dans la télé : aujourd’hui, la famille recomposée a quasiment le monopole de la représentation du bonheur. C’est une famille recomposée dans un milieu aisé. Si c’est dans un milieu plus défavorisé, il s’agit plutôt d’une famille éclatée, à qui on attribue tous les maux. La famille traditionnelle est présentée comme oppressive, ringarde. Sans caricaturer les média, parce que les média peuvent jouer un rôle positif pour ouvrir les consciences, on peut dire que les classes dominantes tendent à diffuser leurs normes et valeurs dans les média, et ces valeurs ultra modernes ne sont pas chrétiennes.

Pourquoi si peu de place aux événements ecclésiaux dans les média, ou en les cannibalisant (cf. la mort de Jean-Paul II ? Pourquoi les Eglises ne consacrent-elles pas plus de moyens dans ce média télévisuel ? Pour la télévision, les chrétiens sont perçus comme inintéressants. Nous éprouvons de la difficulté à nous couler dans le langage très fortement binaire de ces média, dans les 6 ou 7 secondes qu’on vous laisse pour donner votre avis. C’était la souffrance du cardinal Decourtray, lorsque les média avaient caricaturé et trahi sa position sur la guerre d’Irak. La réalité humaine à laquelle nous voulons être ouverts et attentifs, ne peut être soumise à ce langage binaire, qui est un langage de pouvoir, utilisant les catégories du permis/défendu. Pour l’Eglise, qui a le passif d’être considérée comme moralement oppressive, cela rend la communication encore plus difficile.

Mais la visibilité ne passe pas seulement par la télévision. D’autres média favorisent davantage la réflexion. Pour une visibilité de proximité, nos contemporains connaissent des hommes, des femmes, des lieux, chez qui une attention, un soutien peut être obtenu. Pour une visibilité de service, l’Armée du Salut, le Secours Catholique, dont les média parlent peu, mais qui ont une forte visibilité. Idem pour une visibilité associative. Il ne s’agit donc pas d’entrer dans la concurrence de la visibilité médiatique, de connaître cette pulsion idolâtre d’ « être-vu ».

– Société laïque ?

C’est moins la laïcité qui pose problème, que la forme moderne de la société sécularisée dans laquelle nous sommes entrés. Notre société est devenue sécularisée.

La société religieuse d’hier était fondée sur des valeurs transcendantes, reçues d’ailleurs, transmises par l’Eglise ou l’institution royale : le pouvoir venait d’ailleurs, pour établir l’ordre, ou exclure ceux qui y contreviennent (« une foi, une loi, un roi ») ; ceci était valable aussi bien en régime royal catholique, qu’en régime démocratico-théocratique de la Genève calviniste. Dans cette société religieuse, la question de la visibilité de l’Eglise ne se pose pas : elle est au centre de tout ; la foi imprègne toute la société (la seule confession non sociétale est en fait celle de l’athéisme, de l’hérésie). Pas besoin alors de visibilité !

Avec la société sécularisée qui ne reconnaît pas d’autres valeurs que celle qu’elle reconnaît en son sein, au lieu du « Tu ne tueras point », on a une société qui détermine par le débat démocratique quelles sont les conditions de respect de la vie. Si au départ le point de vue moral est presque le même, le fondement est différent. Ce point de vue peut évoluer, au plan moral, économique… Dans cette société, l’Eglise n’est plus nécessaire, et relève du domaine privé. L’historien-sociologue Jean Baubérot, distingue deux seuils de sécularisation : (1) le Concordat, avec une fragmentation institutionnelle, des institutions qui prennent leur autonomie par rapport à l’Eglise, mais la religion reste une institution, parce qu’elle est nécessaire pour fonder la morale ; (2) les lois laïques et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui retirent leur légitimité aux institutions religieuses, relevant du régime d’associations privées ; ce qui ne veut pas dire que l’on interdise ces institutions : la loi de 1905 est fondée sur la liberté de conscience et de culte pour tous. Les chrétiens ont le droit de dire, prêcher, pratiquer leurs convictions avec comme seule limite, celle de ne pas troubler l’ordre public. Il ne faut pas renoncer à cela ! De plus, les Eglises ont gagné de cette séparation une liberté, une indépendance, alors que le Concordat donnait à l’Etat un droit de regard sur les nominations d’évêques, sur les consistoires protestants. Dans ce régime sécularisé, la visibilité de la foi ou de l’Eglise n’a plus l’évidence d’antan, mais cette visibilité reste légitime et réelle. Sans parler de la visibilité du clergé lors de certains moments de la vie publique (11 novembre…), les Eglises ont pris une large part dans la création de nombre institutions modernes : colonies de vacances, clubs de foot, lieux d’accueil des SDF…

Les choses sont en train de changer dans notre époque post moderne ou ultra moderne, avec la prévalence des valeurs individuelles sur celles de la société : « sois toi-même ! » L’individu est enjoint de créer ses propres valeurs. Scepticisme sur l’avenir de notre société conjugué avec une confiance personnelle en son avenir individuel. Doute sur les valeurs de la société, avec les difficultés d’intégration, les phénomènes de violence et d’exclusion… mais aussi l’appréciation des possibilités fantastiques offertes à chacun (internet, bio-génétique). Plus besoin d’institutions religieuses ; « fin du social » (Alain Touraine) « production de soi par l’individu, à partir de ses choix », choix moraux, culturels, religieux, d’orientation sexuelle… Dans cette société là, ce ne sont plus seulement les Eglises qui sont contestées, mais toutes les institutions : l’Education nationale qui ne peut imposer un moule, mais se voit simplement chargée de faire advenir les potentialités de l’individu ; la Justice et le Droit – auparavant chargés d’imposer des normes communes – aujourd’hui chargés de garantir des droits, des libertés individuelles. Le Politique se retourne alors vers les religions pour produire de nouvelles valeurs sociales, ou espère qu’une restauration de valeurs communes pourrait permettre un retour à l’ordre républicain. Illusion. Parce que les mouvements de valorisation de l’individu sont beaucoup plus forts.

– Deux tentations pour les Eglises

Les Eglises sont sur ce point questionnées, en particulier par leurs propres membres. Sur la foi même (authentique), avec la possibilité de choisir soi-même son itinéraire croyant, pour avoir sa propre démarche, avec le risque du syncrétisme. Sur l’éthique, où l’intervention ecclésiale est contestée au nom du « c’est mon choix ! ». Dans cette situation, il y a deux tentations :

(a) Le retour intégriste : face au relativisme des croyances, à la grisaille insipide des valeurs d’aujourd’hui, on en revient à préférer l’affirmation forte des principes, avec le mérite de la conviction, de la sincérité, de la simplicité, de la militance… qui peuvent susciter la sympathie. Ces courants, en milieux chrétiens peuvent exciper de la radicalité du témoignage des prophètes (Amos, Isaïe…) et de la séparation biblique entre Fils de la lumière et Fils des ténèbres.

(b) Le conformisme, l’adaptation à la modernité : une religion en fait centrée sur soi, où l’on s’approvisionne là où l’on veut, via un syncrétisme entre grandes spiritualités, hygiène psychologique ou physique… De fait, le christianisme a toujours su s’adapter, récupérer des techniques et des arts et des idées pour proposer l’Evangile dans un langage nouveau. Cf. les efforts d’inculturation de la foi partout dans le monde… C’est le miracle de Pentecôte renouvelé… Pourquoi ne pourrait-il pas se réaliser à nouveau dans le monde moderne ?

Ces deux tentations peuvent être très proches d’attentes et de forces qui nous concernent en profondeur, comme pour les tentations du Christ. Mais notre vocation est d’être résolument témoin de l’Evangile dans la société sécularisée, dans ce monde actuel, des témoins engagés, critiques et actifs.

D’abord parce que cette modernité sécularisée ne nous est pas étrangère, parce qu’elle est le fruit du christianisme : l’égalité, la dignité humaine, le respect de la liberté de conscience, la laïcité, le souci des victimes sont d’origine chrétienne… cf. Jean-Claude Guillebaud : ce n’est pas une catastrophe si les chrétiens redeviennent une minorité agissante, au contraire ; la foi retrouve alors « une force de conviction qui l’éloigne de toute bondieuserie facile ». Saint Jean, pour qui le monde est ce qui a refusé le Christ, et se retrouve plongé dans les ténèbres… dit pourtant que c’est ce monde que Dieu aime. Nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons ni nous replier dans un ailleurs confortable, ni dans un conformisme au monde. C’est dans la société actuelle qu’il s’agit de proposer la foi, dans cette société sécularisée, individualiste. Nous acceptons de nous situer dans ce contexte, qui nous pousse à aller résolument à la source de notre foi, d’une manière plus radicale.

– Conséquences

Trois suggestions… pour des moyens de visibilité et d’action :

(1) La prédication : il y a urgence pour une prédication du Dieu de Jésus-Christ. Parce que dieu est omniprésent dans notre société, mais c’est trop souvent un dieu de sang, un dieu violent qui veut le sang des infidèles, qui justifie la soumission des unes ou des autres, l’injustice, l’exclusion de ses métèques, ou qui se désintéresse du monde dans une spiritualité désincarnée, de pacotille. Il est urgent de dire que ce dieu là n’est qu’une idole, derrière laquelle se cachent des pouvoirs ou des besoins de confort égoïste. Il est urgent de dire le Dieu Père, ami, frère, libérateur, que nos contemporains ne connaissent plus parce que nous l’avons enfoui derrière des considérations savantes. Notre prédication doit être renouvelée.

(2) Le service de la construction de soi : l’impératif « sois toi-même » est riche de potentialités, mais dur aussi, avec ses échecs, ses difficultés de se construire comme personnalité équilibrée, comme couple, comme famille… Cette construction est souvent le lieu de ratages, d’échecs. Nos Eglises ont leur place pour contester ce culte de l’auto-suffisance, de la construction de soi par soi, où l’autre devient une gêne, un ennemi à repousser. Boris Cyrulnik : « l’être humain est un être social, qui ne se construit que dans un champ affectif structuré par des paroles. Être seul, c’est ne pas être ! » Contre les morales du repliement sur soi qui sont monnaie courante, nos Eglises ont toute une richesse à partager pour la construction de la personne, via catéchisme, formation, accueil des personnes, surtout lorsqu’elles sont blessées par la vie, en leur offrant une relation pour se construire.

(3) La célébration liturgique : pour donner une autre dimension à la vie de nos contemporains… Le temps de nos contemporains s’est rétréci au seul horizon individuel, sans lien avec l’avant et l’après. Certes il y a des prospectives, mais celles-ci sont stériles : nos contemporains ne sont pas prêts à sacrifier leur temps présent à la construction de l’avenir. Notre espace qui s’est élargi, devient aussi l’espace anonyme, non de la rencontre, mais celui de mes déplacements. La célébration liturgique ouvre alors le temps et l’espace, introduisant dans une histoire sainte déployée autour de la croix, qui nous plante déjà dans le Royaume.

C’est ainsi que nos Eglises auront leur place et leur visibilité dans ce monde. L’œcuménisme est un impératif pour cela, pour que le message de nos Eglises gagne en pertinence et visibilité.

Mt 18,20 « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » La seule visibilité qui compte est celle du Seigneur, promise, fiable.

Débat

Dans le contexte actuel de perte de valeurs, d’individualisme centré sur un individu malade, il s’agit de retourner aux sources, dans nos Eglises, pour qu’un dialogue d’individu à individu puisse s’établir. (Serge…)

Quel impact peuvent avoir des mouvements de « nouvelle évangélisation » avec leur visibilité expansionniste, leur souci de la fête, dans le monde contemporain ? (Jean Rigal)

Ces mouvements nous interrogent. Cette visibilité corporelle et émotionnelle permettent de créer un lien personnel – c’est un phénomène qui n’est pas spécifiquement religieux (cf. les concerts rocks) – Les JMJ permettent une identification de chacun aux jeunes professant leur foi, d’échapper à l’anonymat de la foule. Mais il y a un seuil à ne pas dépasser, celui de la manipulation, du gourou, à l’égard des jeunes… Dans la formation des pasteurs, nous leur disons qu’ils ne s’adressent pas à des paroisses ou des mouvements, mais à des personnes. Les grands média évangéliques fonctionnent aussi avec cette visée, pour une relation de personne à personne, aboutissant aussi à une segmentation des communautés en fonction des pasteurs.

 

Jean-Claude Guillebaud évoque les trois domaines de l’économique, de la bioéthique et du numérique où il n’est pas simple d’être présent, et encore moins d’y exercer la prédication, la diaconie ou la célébration évoquée ci-haut. (Mgr Bellino Ghirard)

Il ne faut pas avoir peur d’entrer dans ces domaines, par les membres de nos Eglises qui y sont. Si nous n’avons pas de compétences particulières qui nous feraient détenir la vérité, nous avons la mission d’y dénoncer l’idolâtrie, celle de toute addiction à ce qui n’est en fait qu’un moyen. Face à l’impératif d’être soi-même, il s’agit de montrer que la communauté est un lieu où l’on peut le réaliser en relation avec les autres.

 

Nous chrétiens, devrions revenir au Christ, pour ce qu’il est, le Sauveur, le Roi, pour entrer en dialogue avec cette société en nous appropriant notre foi. Deux questions : Quel prosélytisme acceptable dans ce monde ? N’y a-t-il pas un complexe d’infériorité ou de supériorité entre Eglises (plus ou moins visibles) à explorer dans notre dialogue oecuménique ? (pasteur Stéphane Kouyo)

Il faut savoir aller à l’essentiel de la foi, le Christ ; retrouver les mots simples pour le dire. Il s’agit de nous éduquer davantage entre nous, à rendre compte de notre foi. Le mot prosélytisme a pris en français un sens négatif de captation, de manipulation de l’autre. Originellement, ce n’est pas ça, c’est l’envie de communiquer à l’autre ce qui nous nourrit, ce qui nous fait vivre. Et nous sommes souvent complexés ! Pouvoir dire avec des mots simples que croire au Dieu de Jésus-Christ nous soutient… que Dieu est un ami, à l’inverse du dieu terrible, tout autre… Sur le complexe de certaines Eglises, il faut bien se décomplexer, ne pas se comparer entre les Eglises qui croissent et celles qui diminuent, mais apprécier la part de chacun à l’œuvre de Dieu, les expériences de chacun. Nous ne sommes plus en situation de concurrence : en situation de chrétienté, où nous nous « piquions les paroissiens ». Aujourd’hui nous sommes en situation de mission commune : l’œcuménisme peut en être changé ; il ne s’agit plus de baliser avec méfiance les points dogmatiques de chacun, mais de collaborer à une œuvre commune, dans un débat qui ne fait plus peur, entre gens qui savent débattre et rester ensemble, en faisant le pari de la sympathie, du regard positif sur l’autre, sans prétendre adopter ses idées, mais en étant attentif aux aspects de l’autre qui peuvent m’enrichir. On peut débattre avec ce pari de la sympathie.

 

Aider l’individu personnellement, psychologiquement, mais jusqu’où ? (p.Pierre Rayssac)

Deux points qui témoignent de la psychologisation excessive de toutes choses : les cellules d’aides psychologiques omniprésentes en situations de catastrophe, alors qu’on veut parfois en exclure les Eglises ; l’affirmation médiatique de la nécessité de récupérer les corps des disparus pour faire le deuil. Ne pas psychologiser lorsque nous prêchons !

 

L’Eglise, pour être servante de la joie (Benoît XVI) en revenant à sa source, la foi, ne peut être ni intégriste, ni conformée au monde, mais prophétique en étant elle-même. (…)

Doctrine Sociale de l’Eglise

Ce petit mémento de D.S.E. est un copier-coller à partir des « en bref » du Catéchisme de l’Eglise Catholique (1998). Il a servi samedi à une présentation à des lycéens et étudiants de l’ « année Samuel ».

C’est l’occasion ici de rappeler :

– la sortie toute récente du Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, en deux versions françaises au choix : Edition vaticane ou Bayard-Cerf-Fleurus ;

– les Assises Chrétiennes de la Mondialisation qui se sont tenues ce week-end, et qui témoignent fortement de la réflexion (cf. le Livre Blanc) et de l’action des chrétiens en vue d’une mondialisation au service de l’homme.

 

 ***

a–   Il existe une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines, le Père, le Fils et le Saint Esprit, et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux.

b–   Le respect de la personne humaine considère autrui comme un « autre soi-même ». Il suppose le respect des droits fondamentaux qui découlent de la dignité intrinsèque de la personne.
Les différences entre les personnes appartiennent au dessein de Dieu qui veut que nous ayons besoin les uns des autres. Elles doivent encourager la charité.
c–   « La personne humaine est, et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales. » (GS 25) L’homme est lui-même l’auteur, le centre et le but de toute la vie économique et sociale. Pour se développer en conformité avec sa nature, la personne humaine a besoin de la vie sociale. Certaines sociétés, comme la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme.
Le développement véritable est celui de l’homme tout entier. Il s’agit de faire croître la capacité de chaque personne de répondre à sa vocation, donc à l’appel de Dieu (cf. CA 29).
d–   La solidarité est une vertu éminemment chrétienne. Elle pratique le partage des biens spirituels plus encore que matériels. Le devoir des citoyens est de travailler avec les pouvoirs civils à l’édification de la société dans un esprit de vérité, de justice, de solidarité et de liberté.
« Tu ne voleras pas » (Dt 5,19). « Ni voleurs, ni cupides … ni rapaces n’hériteront du Royaume de Dieu » (1Co 6,10). Le septième commandement prescrit la pratique de la justice et de la charité dans la gestion des biens terrestres et des fruits du travail des hommes.
L’égale dignité des personnes humaines demande l’effort pour réduire les inégalités sociales et économiques excessives. Elle pousse à la disparition des inégalités iniques.
La loi morale proscrit les actes qui, à des fins mercantiles ou totalitaires, conduisent à asservir des êtres humains, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des marchandises.
e–   Le bien commun comprend « l’ensemble des conditions sociales qui permettent aux groupes et aux personnes d’atteindre leur perfection, de manière plus totale et plus aisée » (GS 26) Le bien commun comporte trois éléments essentiels : le respect et la promotion des droits fondamentaux de la personne ; la prospérité ou le développement des biens spirituels et temporels de la société ; la paix et la sécurité du groupe et de ses membres.
f–   Toute communauté humaine a besoin d’une autorité pour se maintenir et se développer. La communauté politique et l’autorité publique trouvent leur fondement dans la nature humaine et relèvent par là d’un ordre fixé par Dieu (GS 74) « Il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui » (Rm 13,1).
L’autorité s’exerce d’une manière légitime si elle s’attache à la poursuite du bien communde la société. Pour l’atteindre, elle doit employer des moyens moralement recevables.
L’autorité politique doit se déployer dans les limites de l’ordre moral et garantir les conditions d’exercice de la liberté. La société doit favoriser l’exercice des vertus, non y faire obstacle. Une juste hiérarchie des valeurs doit l’inspirer. Le citoyen est obligé en conscience de ne pas suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes sont contraires aux exigences de l’ordre moral. « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29).
Chacun doit se préoccuper de susciter et de soutenir des institutions qui améliorent les conditions de la vie humaine. Il faut encourager une large participation à des associations et des institutions d’élection. Il revient à l’Etat de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile. Le bien commun de la famille humaine tout entière appelle une organisation de la société internationale.
g–   L’autorité publique est tenue de respecter les droits fondamentaux de la personne humaine et les conditions d’exercice de sa liberté. Selon le principe de subsidiarité, ni l’Etat ni aucune société plus vaste ne doivent se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes et des corps intermédiaires.
h–   Les biens de la création sont destinés au genre humain tout entier. Le droit à la propriété privée n’abolit pas la destination universelle des biens : Les biens créés par Dieu pour tous doivent arriver en fait à tous, suivant la justice et avec l’aide de la charité.
i–   La domination accordée par le Créateur sur les ressources minérales, végétales et animales de l’univers ne peut être séparé du respect des obligations morales, y compris envers les générations à venir. Les animaux sont confiés à la gérance de l’homme qui leur doit bienveillance. Ils peuvent servir à la juste satisfaction des besoins de l’homme.
j–   La valeur primordiale du travail tient à l’homme même, qui en est l’auteur et le destinataire. Moyennant son travail, l’homme participe à l’œuvre de la création. Uni au Christ le travail peut être rédempteur.
k–   L’aumône faite aux pauvres est un témoignage de charité fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plait à Dieu. L’amour des pauvres est incompatible avec l’amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste. Dans la multitude d’êtres humains sans pain, sans toit, sans lieu, comment ne pas reconnaître Lazare, mendiant affamé de la parabole (Lc 17,19-31) ? Comment ne pas entendre Jésus : « A moi non plus vous ne l’avez pas fait » (Mt 25,45) ?
l–   Là où le péché pervertit le climat social, il faut faire appel à la conversion des cœurs et à la grâce de Dieu. La charité pousse à de justes réformes. Il n’y a pas de solution à la question sociale en dehors de l’Evangile (cf. CA 3). Toute société réfère ses jugements et sa conduite à une vision de l’homme et de sa destinée. Hors des lumières de l’Evangile sur Dieu et sur l’homme, les sociétés deviennent aisément totalitaires.

 

Être chrétien…

Samedi dernier, nous avons célébré l’Epiphanie par une joyeuse messe animée par les jeunes, précédée par une après-midi de rencontre pour la préparation à la confirmation (des collégiens de l’Enseignement Catholique), au cours de laquelle nous nous sommes posés la question : « Qu’est-ce qu’être chrétien ? »

Nous avons redécouvert qu’être chrétien est d’abord une révélation et une grâce à accueillir, une déclaration d’amour à entendre et dont Dieu a l’initiative. Le baptême fait du chrétien un prêtre, un prophète et un roi, à l’image du Christ, non par mérite de notre part, mais parce que c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Tout vient de Dieu donc, mais de même que les mages se sont mis en route pour suivre l’étoile à la rencontre du Roi, de même est requise de notre part une certaine activité, une disponibilité active, une « pratique » pour cultiver cette amitié que Dieu nous propose et la répercuter auprès de nos frères. Aussi avec les jeunes, commencer par la pratique chrétienne constitue un point de départ concret pour aborder la question de ce qu’est un chrétien, quitte à ce que l’on réfute ensuite l’idée qu’un chrétien puisse être défini par ce qu’il fait ou ne fait pas.

D’où ces « points » de pratique proposés dans l’après-midi aux confirmands, pour choisir un ou deux d’entre les moins pratiqués, comme « point concret d’effort » cette année…

– j’ai découvert l’importance d’aimer et d’être aimé,
– j’ai découvert que je suis aimé de Dieu et appelé par lui à devenir saint,
– je prie personnellement et régulièrement,
– je lis la Bible avec foi et respect comme Parole que Dieu m’adresse aujourd’hui,
– je fais grandir ma foi en rencontrant d’autres chrétiens,
– j’ai découvert l’importance des sacrements comme rencontre avec le Christ,
– j’ai fait une démarche de réconciliation en vivant le sacrement du pardon,
– je me sais appelé avec les autres chrétiens à transmettre la foi de l’Eglise,
– je connais au moins une douzaine d’événements de la vie du Christ,
– je connais le Notre Père et d’autres prières comme le Je vous salue Marie,
– je connais le Credo (symbole des apôtres, de Nicée-Constantinople),
– je connais la différence entre résurrection et réincarnation,
– je peux expliquer les titres donnés à Jésus : Christ, Seigneur, Sauveur, Fils de Dieu…
– je sais quels sont les 7 sacrements,
– je sais ce que signifie le « péché », le pardon de Dieu,
– je sais ce qu’est l’Esprit Saint,
– je sais témoigner de ma foi chrétienne par ma manière de vivre,
– je partage régulièrement de mon temps ou de mon argent aux autres,
– je suis capable de pardonner,
– je sais faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal et agir en conséquence,
– je sais écouter les idées des autres qui ne pensent pas pareil que moi,
– je connais les témoins de la foi, les saints qui m’attirent le plus et pourquoi,
– je sais exprimer ce que je considère comme péché dans ma vie,
– j’ai participé à une retraite ou à une rencontre avec des moines ou des religieux.

Mais aussi ce tableau proposé en veillée aux confirmés

Parole de Dieu Prière Sacrements Solidarité Morale Mission
Prendre quelques minutes le matin pour lire et méditer l’Evangile du jour (cf. revue « Prions en Eglise » ou « Magnificat ») en gardant en mémoire un verset ou une expression pour inspirer ma journée.

Me faire conseiller un livre de formation chrétienne à lire cette année.

M’abonner à une revue chrétienne (You !, Cahiers pour Croire aujourd’hui, Le Journal Expérimental…).

Participer à un groupe biblique ou à une catéchèse pour jeunes.

Prendre quelques minutes le soir pour « relire » ma journée, en me mettant en présence du Christ, le remerciant pour l’amour donné et reçu, demandant pardon pour les occasions d’aimer ratées, lui demandant d’être avec lui demain.

Prévoir dans l’année un week-end de retraite dans un lieu de prière (monastère, abbaye…).

Trouver un accompagnateur spirituel à rencontrer mensuellement.

M’initier à une prière régulière, quotidienne.

Participer fidèlement à la messe dominicale.

Recevoir le sacrement de la réconciliation une fois par mois.

Me former pour une plus active participation à la messe dominicale (lecture, musique, chant, service de l’autel).

Une fois de temps en temps, participer à une messe en semaine.

Fixer une somme, un temps à donner chaque mois, et m’y tenir.

Me tenir informé de l’actualité, y compris politique, pour être solidaire des joies et des peines de mes frères, dans l’action, ou au moins dans la prière.

Participer à une action de solidarité avec d’autres jeunes (veillée de Noël avec SDF, quête, animation journée CCFD / enfants, collégiens).

Faire l’effort quotidien de reconnaître en chacun un enfant bien-aimé du Père, un frère ou une sœur, surtout en ceux que j’ai du mal à aimer.

Se fixer un point concret d’effort sur tel ou tel défaut ou mauvaise habitude à corriger, et en mesurer les progrès.

Face à une tentation, bénigne ou grave, dans l’hygiène de vie, l’alimentation, les dépenses, la vie affective… prendre le temps de me placer devant le Seigneur, de lui demander conseil dans une prière et d’accueillir la sainteté qu’il veut pour moi.

Participer à un mouvement ou à un service d’Eglise (caté, aumônerie…), comme animateur auprès d’enfants ou de jeunes.

Accueillir les nouveaux au collège, au lycée, dans le quartier, à la sortie de la messe.

Inviter un(e) ami(e) à participer à une messe de jeunes.

Donner, même modestement, ma participation au denier de l’Eglise.

Porter sur soi, avec humilité et fierté un signe d’appartenance au Christ.

Me former pour pouvoir rendre compte de mes raisons de croire.

Et enfin, ces extraits de l’épître à Diognète, avec leur traduction en verbes d’action pour aujourd’hui…

 

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence. Mais toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n’est pas une table ordinaire. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais ils n’appartiennent pas au monde. L’âme invisible est retenue prisonnière dans le corps visible; ainsi les chrétiens : on les voit vivre dans le monde, mais le culte qu’ils rendent à Dieu demeure invisible. La chair déteste l’âme et lui fait la guerre, sans que celle-ci lui ai fait de tort, mais parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs ; de même que le monde déteste les chrétiens parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs, sans qu’ils lui aient fait de tort. L’âme aime cette chair qui la déteste, ainsi que ses membres, comme les chrétiens aiment ceux qui les détestent. Les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. Le poste que Dieu leur a fixé est si beau qu’il ne leur est pas permis de le déserter.

Être comme des frères, parce que Dieu est notre Père.

Respecter la vie comme don de Dieu.

Participer ensemble à l’Eucharistie.

Être un familier de Dieu, par la prière.

Obéir au double commandement de l’amour, de Dieu et du prochain.

Être dans le monde, l’aimer, le servir.

Viser plus haut, désirer davantage.

Faire découvrir Dieu à travers notre manière de vivre, accepter de croire sans voir.

Vivre en enfant de Dieu et ce que ça exige : ne pas faire n’importe quoi de sa vie.

Accueillir comme un honneur la mission, la vocation à laquelle Dieu nous appelle.

Joyeux Noël et meilleurs voeux !

Au moment d’entendre cette déclaration d’amour inouïe que Dieu nous adresse par la naissance de son Fils, par l’Incarnation de son Verbe, je vous adresse tous mes voeux pour cette nouvelle année 2006.
Que vous souhaiter ?
ce que je souhaite pour moi-même :
plus de joie, plus de foi (les deux vont ensemble) ;
plus d’amour, plus de vérité, plus de courage et d’humilité à la chercher et à la servir, en actes et en paroles ;
plus de compétence, de liberté, d’invention pour vivre notre vocation, pour le service auquel Dieu ou l’Eglise nous appellent (je crois en l’Esprit Saint, par qui ces deux appels se confondent) ;
plus d’attention à autrui, proche ou lointain…
Et puisqu’à Rodez l’année liturgique commencée est rythmée par les trois verbes avec un v minuscule : accueillir, servir et aller vers, je me sers d’eux pour vous dire ce qu’a été cette année 2005 pour moi…
Accueillir :
– un accompagnateur spirituel (ouf, cela devenait plus que nécessaire).
– un nouvel ordinateur, d’occasion certes mais quand même… 1,15 GHz, 768 Mo Ram, 160 Go DD, écran plat 19″, et la Freebox (idem !)
– dix jours de retraite ignatienne en juillet (idem !!)
– plusieurs enfants de CP de l’éveil à la foi, pour une préparation au baptême, joyeuse mais exigeante.
Harry Potter VI, mais aussi Trouver Dieu en toutes choses (Pierre Van Breemen, Cerf 1997), Foi, Vérité, Tolérance (Joseph Ratzinger, Parole et Silence 2005), Pourquoi donc être chrétien ? (Timothy Radcliffe, Cerf 2005).
– en DVD, Bienvenue à Gattaca (1998), de la science fiction pour un excellent contrepoint à l’eugénisme grandissant, et une nième fois parce que je ne m’en lasse pas, Le festin de Babette (1986).
– plein de cadeaux : une Clio 1,2l, 16V (de mes parents), un camescope numérique DVD (de mon frère), un talent naissant pour les lancers francs (de Ségolène et de ses soeurs l’an dernier, et d’une équipe de confirmands du Sacré-Coeur cette année).
Servir :
– Dieu, dans la liturgie. C’est une tautologie : le mot liturgie signifie « service public ». En premier lieu, la messe, en particulier celle du dimanche de la Miséricorde, le 3 avril, au lendemain du retour de Jean-Paul II vers le Père ; celles animées par les jeunes ; les célébrations pénitentielles et le sacrement de la réconciliation ; les baptêmes et mariages, en particulier ceux concernant ces chers anciens dont j’ai été CT il y a 10 ans chez les scouts d’Europe : Jean-Marc, Gabriel, mais aussi Guillaume et Philippe même si c’est à distance, par la prière, que j’étais avec vous ; les veillées d’adoration et de prière ; la confirmation de 55 collégiens le 20 novembre en la Cathédrale, particulièrement belle.
– des familles éprouvées par un deuil – toujours via la liturgie, car au-delà du tact ou de l’écoute prodigués, le bien et la consolation qui s’y donnent et s’y reçoivent, viennent de plus haut.
– des jeunes d’ici : les 6èmes de l’aumônerie de l’enseignement du public, pour qui nous avons refait un parcours de profession de foi, les 4èmes-3èmes de l’enseignement catholique, via un nouveau pélerinage de 3 jours sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, des temps forts et la préparation à la confirmation.
– trois nouveaux filleuls, d’ailleurs, en particulier aux Philippines, via Enfants du Mékong et le BICE.
– la communication diocésaine, via le journal des paroisses et une prospection en cours sur les radios chrétiennes.
– l’Europe, via l’organisation d’un débat paroissial sur le projet de traité constitutionnel européen, avec des chrétiens des deux bords. Surtout ne dîtes à personne que j’ai voté n…
Aller vers :
– ou plutôt « sur » un cheval, grâce à Olivier, plus de 15 ans après une première, brève et (jusqu’à cette année) unique expérience sur le dos d’un tel animal : cette fois-ci, j’en suis descendu tout seul.
– à nouveau des collégiens et lycéens d’ici, via msn (et le très utile plugin msnplus) et via leurs blogs.
– n’importe quel internaute surfant au hasard, via mon blog (ici même).
– 80% de mes filleuls, mais il me reste encore quelques jours pour tenter de voir la seule que je n’ai pas vue, Claire à Montpellier… Question subsidiaire pour les plus jeunes : combien ai-je de filleuls ?
– mes origines vietnamiennes, en participant à Paris à la joyeuse, émouvante et gastronomique fête des 70 ans de présence de la congrégation Notre Dame au Vietnam, où elles ont tant apporté, en particulier à ma mère à Dalat.
– mes 50 ans, puisque le cap des 40 vient d’être franchi !
A tous,
Meilleurs voeux pour l’année 2006 !

Compléments :

– L’image-typo des 3 verbes est la couverture des journaux paroissiaux et diocésain de janvier 2006, composée grâce à typogenerator.net [gratuit, un lien à mettre dans vos favoris]…
– La veillée de Noël 2005 à Gourgan (Rodez) était un parcours « de Pâques à Noël » (fichier Word à télécharger : 0,3 Mo), avec diaporama (cf. typogenerator), et bande-son mp3 (cf. freeware audacity) téléchargeable uniquement si vous avez l’adsl : (1) Cléophas 1,3 Mo, (2) Une lumière à resplendi 0,7 Mo, (3) Pierre 1,5 Mo, (4) Les arbres dansent de joie 0,6 Mo, (5) Marie-Madeleine 0,8 Mo, (6) Faire le bien 0,1 Mo. [cliquer droit sur ces liens, puis ‘enregistrer la cible sous…’ sur votre disque dur]

A propos de pédagogie

En 2003, en tant que non professionnel, voire en béotien des questions d’enseignement, j’ai eu la chance de participer à un des débats sur l’Education Nationale dans le cadre du collège du Sacré-Coeur à Rodez. Ces débats avaient accouché au niveau national du rapport Thélot, source d’inspiration plus ou moins lointaine de la loi Fillon.

En dehors de ce que m’apprennent des conversations de table avec des professeurs de collège – surtout de l’Enseignement Catholique – et le contact avec des collégiens que j’accompagne pour leur profession de foi (6èmes du public) ou leur confirmation (4èmes-3èmes du privé), j’avoue ne pas connaître grand chose aux questions de pédagogie. Mais mon admiration grandit pour le travail de ces professeurs de collège, à mesure que je constate avec eux la difficulté de transmettre des valeurs autant que des connaissances, de valoriser l’attention, l’effort ou la persévérance dans un contexte médiatique et technique qui promeut le contraire, d’obtenir une cohérence éducative entre adultes – enseignants et parents – à l’égard des jeunes, de réformer « le Mammouth » et de corriger les dégâts de la pensée de mai 68 dans l’éducation.

Un constat semble évident : la chute spectaculaire du niveau de français et plus particulièrement en orthographe, pour les jeunes d’aujourd’hui par rapport à ceux d’il y a 20 ans ; la baisse du niveau de mathématiques, y compris dans les filières scientifiques, où ce qui faisait l’objet de démonstration à comprendre et à savoir retrouver, peut désormais être admis sans démonstration, et où des notions apprises au lycée sont reportées à l’université.

Pour aller plus loin, voici l’adresse du site web et d’un document PDF* publiés par Laurent Lafforgue, l’un des grands mathématiciens français actuels**, qui s’est penché récemment sur ces questions de pédagogie et d’enseignement. Ce qu’il y a découvert l’a amené à critiquer fortement ce qui depuis les années 70 a conduit à une dégradation de notre système scolaire… et à démissionner du Haut Conseil de l’Education (HCE) mis en place récemment dans le cadre de la loi Fillon.

A méditer !

* Les signataires de ce document sont des physiciens et mathématiciens français de renom. J’en ai eu certains comme profs à l’école Polytechnique.

** Laurent Lafforgue a reçu en 2002 la médaille Fields de mathématiques, i.e. l’équivalent du prix Nobel dans cette discipline des mathématiques qui n’en comporte pas.

Fête du Christ-Roi et Confirmation

Homélie de Mgr Bellino Ghirard (extraits)

pour la Fête du Christ-Roi et la Confirmation de 55 jeunes des collèges de l’Enseignement Catholique de Rodez, Cathédrale de Rodez, Dimanche 20 novembre 2005

Trois grands signes nous sont donnés aujourd’hui :
· la fête de Jésus, Roi de l’univers ;
· votre confirmation qui est la venue de l’Esprit Saint sur vous, jeunes ;
· et la journée du Secours Catholique.

L’Eglise met sur notre route ces signes comme les pierres du Petit Poucet pour nous faire trouver le chemin vers Dieu, et le chemin vers les autres. Et nous recevons une lumière forte par l’Evangile de ce jour qui résume bien notre vie chrétienne : il n’y a pas d’amour de Dieu sans amour du prochain. Nous nous répétons cette phrase de Jésus dans l’Evangile : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mais il y a aussi son contraire : « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait, à moi non plus, vous ne l’avez pas fait. »

L’Esprit Saint va nous aider à faire ce discernement sur notre comportement, et l’appel à la générosité que nous lance le Secours Catholique s’enracine aussi dans ces paroles de Jésus : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger. J’avais soif, et vous m’avez donné à boire. J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli. J’étais malade et en prison, et vous êtes venus me visiter. »

Dimanche dernier a été béatifié un français qui est cher à nos cœurs, le père Charles de Foucauld, qui disait quand il était au milieu des musulmans à Tamanrasset : « Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. En me voyant, on doit se dire : « Puisque cet homme est si bon, sa religion doit être bonne. » Je voudrais être assez bon pour qu’on dise : « Si tel est le serviteur, comment donc est le Maître ? » »

Pour Charles de Foucauld, ce Maître, c’est Jésus, qui aujourd’hui est célébré en ce dernier dimanche de l’année liturgique : Jésus-Christ, Roi de l’univers, à qui appartient toute la Création et toute l’humanité. Charles de Foucauld nous permet par sa réflexion de comprendre le sens de la fête du Christ-Roi. Si tel est le serviteur, comment doit être ce Maître qu’est Jésus ? Un Roi de la bonté, de la générosité, de l’amour. Il l’a tellement prouvé en venant habiter chez nous comme le rappelle la fête de Noël, mais aussi par sa mort sur la Croix pour nous sauver – la Croix qui est un curieux trône, qui nous apporte la vie éternelle – mais aussi tous ses gestes vis à vis des malades, des lépreux, toutes les guérisons des corps et des cœurs. Jésus veut être plus que le roi de l’univers, il veut surtout être le roi de nos cœurs.

Dans vos lettres, il me semble que vous avez compris qu’il y a une première nécessité : celle de mieux connaître Jésus dans tout ce qu’il a fait de beau, de bien, de généreux… et qu’ensuite, il nous sera plus facile de l’imiter. Je cite quelques passages, mais auparavant, je voudrais relever ce bel étonnement de l’un d’entre vous :

Quand j’étais petit, j’aimais voir mon papi prier devant le tableau de Sainte Marie et de Jésus. J’aimerais donc recevoir la confirmation pour renforcer ma foi en Dieu.

J’ai compris que certains temps forts à Lourdes, à Malet, à Conques ou la participation à tel ou tel mouvement vous ont beaucoup, beaucoup aidés à progresser dans la foi :

Le pèlerinage à Lourdes organisé par le collège m’a fait prendre conscience à quel point la foi était importante pour moi.

Le week-end du 14 au 16 octobre avec quelques élèves de mon collège, nous sommes allés à Lourdes. C’était la première fois que j’y allais. Nous avons eu des témoignages extraordinaires : comme cette jeune femme qui devient religieuse, comme ces alcooliques qui s’en sont sortis avec l’aide de la Vierge Marie.

Les camps du MEJ m’ont également apporté sur le plan spirituel. J’ai appris à prier, et à confier mes activités quotidiennes au Seigneur.

Ma foi, je voudrais l’agrandir pour laisser plus de place à Dieu.
J’espère que ma confirmation va me faire avancer à grands pas dans le chemin de la foi.

Je désire être confirmée, car c’est une occasion pour moi de continuer à cheminer sur la route de Jésus.

C’est une route qui continue jusqu’à la fin de sa vie, mais sur laquelle nous sommes précisément accompagnés par l’Esprit Saint :

J’ai déjà fait un bout de chemin avec Dieu, et j’aimerais le continuer. Je crois en Dieu et j’espère y croire toute ma vie, car je sais qu’il sera toujours là dans mes moments de tristesse, de joie, de malheur et de bonheur.

Comme vous avez raison de dire tout cela – et je me permets donc d’insister sur cette première conviction : un chrétien, c’est donc quelqu’un qui prie, qui se nourrit de la Parole de Dieu et de l’Evangile… L’archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, a fait distribuer 500.000 Nouveaux Testaments dans son diocèse. Je redis encore certaines de vos expressions :

J’ai pris la décision de faire la confirmation car je sais que dans la vie, on peut toujours compter sur Dieu et donc j’ai voulu me rapprocher de lui pour essayer de mieux le connaître.

J’aimerais être confirmée pour avoir la chance de mieux connaître Dieu, de consolider ma foi et continuer ma démarche vers la vie chrétienne.

Il est parfois difficile d’assumer ma vie chrétienne, surtout face aux jeunes de mon âge où je me sens incomprises. C’est pourquoi le soutien de l’Esprit Saint est indispensable. Je veux donc continuer ma route vers la foi chrétienne.

Pendant la préparation à la confirmation, j’ai appris qu’il fallait répandre sur les gens l’Amour que Dieu nous donne. Oser dire que l’on croit en Dieu, à ne pas cacher mais plutôt en être fier.
Et je termine ce point en vous transmettant une phrase méditée au MEJ et qui a profondément marqué l’un de vous :

Ce que nous sommes est le Don de Dieu. Ce que nous devenons est notre Don à Dieu.
Mais il faut prendre conscience que l’autre grand Don que Dieu nous fait est l’Eucharistie. Car c’est là que Jésus nous a montré un amour sans mesure, un amour qui va jusqu’au bout.

Dans vos lettres, quelques uns soulignent cette difficulté d’être fidèles à la messe du dimanche. D’autres commencent à en découvrir la nécessité personnelle mais aussi le besoin d’aller rencontrer les autres pour ne pas être seuls dans la foi :

Pour moi, la confirmation, c’est une façon d’affirmer ma croyance, d’entrer dans la communauté catholique vivante, de devenir un acteur de la foi.
Cela me permettra de me rapprocher de la communauté chrétienne que des fois, j’ai tendance à négliger.

Nous vivons dans un environnement où le dimanche s’est effacé devant le week-end, et où la participation à la messe reste fort tributaire du rythme de vie, de l’envie ou du besoin qu’on en a. Il est important de redécouvrir l’importance de l’Eucharistie dominicale. Dans son homélie, lors de la messe de clôture des XXèmes Journées Mondiales de la Jeunesse, le 21 août dernier, le pape Benoît XVI s’adressait ainsi aux jeunes : « Chers amis ! Quelquefois, dans un premier temps, il peut s’avérer plutôt mal commode de prévoir aussi la messe dans le programme du dimanche. Mais si vous en prenez l’engagement, vous constaterez aussi que c’est précisément ce qui donne le juste centre au temps libre. Ne vous laissez pas dissuader de participer à l’Eucharistie dominicale, et aidez aussi les autres à la découvrir. Parce que la joie dont nous avons besoin se dégage d’elle, nous devons assurément apprendre à en comprendre toujours plus la profondeur, nous devons apprendre à l’aimer. Engageons-nous en ce sens – cela en vaut la peine ! Découvrons la profonde richesse de la liturgie de l’Eglise et sa vraie grandeur : nous ne faisons pas la fête pour nous, mais c’est au contraire le Dieu vivant lui-même qui prépare une fête pour nous. »

L’Eucharistie est vitale pour le baptisé. Elle est pour lui une rencontre avec le Christ ressuscité qui vient vers lui, et lui offre sa vie : « Je suis le pain vivant qui descend du ciel, dit Jésus, celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. » (Jn 6,51)

Elle est nécessaire aussi pour le Christ qui, dans la célébration de l’Eucharistie, rassemble son peuple et en fait son Corps dans le monde. En étant unis au sacrifice du Christ, nous devenons les membres de son Corps et ses témoins dans notre vie quotidienne. « Que personne ne diminue l’Eglise en n’allant pas à l’assemblée, et ne prive d’un membre le corps du Christ. » (Didascalie des Apôtres 59,1)

L’Eucharistie est nécessaire enfin pour l’Eglise. Car c’est l’Eucharistie qui la fait Eglise, c’est à dire Corps du Christ, communauté fraternelle qui se reçoit sans cesse de Dieu et qui est appelée à témoigner de son amour dans le monde. Et vous venez d’entendre notre pape dire que c’est Dieu qui prépare cette fête pour nous.

Cette nécessité du rassemblement eucharistique était une conviction forte des chrétiens des premiers siècles. En 304, à l’époque du martyre de Sainte Foy, l’empereur Dioclétien interdit aux chrétiens de se réunir le dimanche pour célébrer l’Eucharistie. Arrêtés à Abitène, petite localité de la Tunisie actuelle, et conduits à Carthage, des chrétiens répondirent au proconsul qui les interrogeait et qui devait les condamner à mort : « Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre. » Il nous faut méditer cette réponse, vivre intensément cette foi eucharistique et la partager avec conviction. Rassemblement dominical et foi dans la présence du Ressuscité sont profondément liés. Oui, au cœur de l’Evangélisation aujourd’hui doit retentir cette invitation que nous lançons dans chacune de nos célébrations eucharistiques : « Heureux les invités au repas du Seigneur ! »

Ce matin, c’est l’Esprit Saint qui vous répète ces paroles. Il s’agit rien moins que d’être fidèles à un commandement de Dieu.

En bonus, un diaporama de 3,7 Mo sous PowerPoint sur « Grandir en sagesse »

Culture de la non-violence

La culture de la non-violence est-elle d’actualité ?

Voici les notes que j’ai prises à la conférence-débat de Jean-Marie Muller, le 18 novembre 2005, à St Eloi, Rodez (12), dans le cadre des journées de la Paix. A l’appel des prix Nobel de la Paix, l’ONU a décrété 2001-2010 décennie de la Paix, pour promouvoir la culture de la paix. Dans ce cadre, 5 associations, Conflits sans violence, Palestine 12, Vie Nouvelle, le CCFD, et l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) ont organisé à Rodez 3 conférences, 1 film-débat, des interventions dans 5 établissements scolaires (600 élèves) en octobre-novembre 2005. Dans ce quartier de Saint Eloi, des associations dont ‘Delta jeunes’, des travailleurs sociaux travaillent et mettent en œuvre le bien-vivre ensemble.

Jean-Marie MULLER philosophe de formation, écrivain, directeur de recherche à l’institut de recherche sur la résolution des conflits sans violence, est porte parole du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente). Il a écrit plusieurs livres, et il est connu pour sa présence depuis plusieurs années sur le Larzac.

[Ces notes n’engagent pas l’auteur de la conférence]

Introduction
Il y a un défi de vouloir suggérer que la culture de la non-violence est d’actualité, alors que la violence est la matière première de l’actualité, des media, la plus photogénique : il a fallu des voitures qui brûlent à Paris pour qu’une actualité française apparaisse à la une des journaux brésiliens… Cette violence n’est pas à nier, mais à comprendre et à surmonter. Au-delà des faits, c’est toute notre culture qui est dominée par l’idéologie de la violence légitime, nécessaire, honorable, inévitable, incontournable, comme s’il y avait une fatalité de la violence. Notre langue, expression d’une culture, traduit cette culture de la violence, et nous n’avons pas appris les mots pour dire la non-violence. Notre langue maternelle est la langue de la violence, et elle influence notre pensée qui pense avec ces mots de la violence. Il faut inventer une langue de la non-violence, construire les mots de la non-violence, en reprenant les mots de notre langue, mais en leur donnant l’éclairage de la philosophie de la non-violence. De multiples malentendus, confusions, équivoques grèvent ce travail. Nous suspectons la non-violence de ne pas être réaliste, responsable devant l’événement… Scepticisme devant la non-violence. Quelques clarifications conceptuelles sont nécessaires. La non-violence a certes une tradition : Gandhi, son nom et son message, mais aussi les 90 volumes de son œuvre que peu ont lus ! Marx aussi était prolifique. Si les intellectuels français s’étaient donnés autant de mal à lire Gandhi que Marx, notre culture serait différente !

Questions de vocabulaire…
CONFLIT : au commencement est le conflit, parce que l’être humain est un être de relation ; il construit sa personnalité en relation avec l’autre, et cette relation est d’abord conflictuelle, quand l’autre est différent, pénètre dans mon territoire, vient me déranger, contrarie mes projets. Cet autre dont les droits, désirs et la liberté contrarient mes droits, désirs, liberté. René Girard évoque le conflit qui naît du désir mimétique d’un même objet, même en présence d’autres objets aussi désirables. Tentative de s’approprier ce que l’autre a choisi en entrant dans une relation de rivalité pure, quitte à casser l’objet pour que l’autre ne puisse plus en jouir… Bien des situations, et pas seulement enfantines correspondent à cela. Il faudra accepter de vivre le conflit avec l’autre, parce que j’ai des droits, désirs et besoins légitimes. Au lieu d’avoir peur du conflit – la peur n’est pas honteuse, elle n’est pas à refouler mais ne devrait pas dominer sur nous : elle est mauvaise conseillère, de soumission, domination ou violence – il faudra que je fasse preuve d’agressivité.

AGRESSIVITE : elle n’est pas la violence ! l’étymologie vient du verbe ad-gradi, marcher en avant, avancer vers l’autre, progresser ! Tant que l’esclave est soumis au maître, il n’y a pas de conflit. Il n’y a de conflit que lorsque l’esclave a le courage de s’avancer vers le maître, de dépasser l’ordre établi, la paix sociale, pour susciter le conflit. Jusqu’à Martin Luther King, les noirs s’accommodaient des humiliations et du racisme des blancs. Rosa Park la première, refuse d’obéir au blanc, de laisser sa place de bus réservée aux blancs, elle résiste au chauffeur du bus, aux policiers, et c’est ce qui déclenche la résistance des noirs qui boycottent le réseau de bus de Montgomery (Alabama). Martin Luther King sollicité pour défendre la communauté noire, découvre avec dépit que le dialogue, la concertation ne viennent pas… C’est la pression économique qui oblige les blancs à céder. Il a fallu une agressivité, non une ‘résistance passive’ (c’est encore une marque de l’idéologie violente que de considérer que la résistance ne peut être que violente, et que pour être non-violente, elle devrait être passive, c’est à dire, ne plus être résistance), mais bien active, de la part de Rosa Park. La passivité eut été de céder sa place. La lutte n’est pas à stigmatiser. A l’inverse des recommandations pastorales d’évêques du début du XXème siècle, exclusivement centrées sur le dialogue, prônant « la charité des riches, la résignation des pauvres, le bonheur pour tous » (card. Pie) Dans cette lutte contre le désordre établi, contre l’injustice, il faut créer un nouvel équilibre des forces, construire un contre pouvoir. La non-violence s’inscrit dans ce rapport de force. Elle ne se résume pas au dialogue. Car l’injustice est caractérisée par un dialogue impossible (cf. le constat de Martin Luther King sur le non-dialogue avec les blancs, qui le conduit à entrer dans la dynamique du ‘Black Power’) : il faut être deux pour dialoguer. Le conflit pourra en cas d’injustice fournir les conditions d’un dialogue. César Chavez, leader de la lutte des travailleurs agricoles aux Etats-Unis, inscrivant son action dans la lignée de Gandhi, avait organisé une grève qui n’a pas marché (les propriétaires avaient recruté des briseurs de grèves au Mexique). Inversement, il a réussi le boycott des produits venant de propriétaires n’ayant pas négocié avec lui, parce qu’il a touché leur cœur, situé au niveau du portefeuille. Mais dans cette action, ce conflit, la non-violence implique de ne pas rechercher l’élimination ou l’exclusion de l’adversaire.

VIOLENCE : Toute violence est un viol. Il n’y a pas de bonne violence. La violence est la perversion de l’humanité de l’homme, car « l’humanité est une dignité » (Kant). Elle est une contradiction par rapport à la vocation de l’homme, elle n’est jamais légitimable. Or, l’idéologie de la violence invente des justifications à la violence. La violence est le propre de l’homme – le chat qui mange la souris n’est pas méchant, et n’agit pas en raison ; la pierre qui se détache du rocher peut tuer, mais elle ne le veut pas, n’en est pas responsable ; elle peut être mortelle, pas meurtrière. L’homme seul, capable de raison et de liberté peut être violent. C’est aussi un animal juridique qui cherche à justifier sa violence. Il commence par invoquer le fait qu’il se défende : c’est l’autre qui a commencé. C’est vrai des enfants comme des Etats (on a des ministères de la Défense, après avoir eu des ministères de la Guerre, ou des Armées). Si tous les Etats se défendent, d’où provient l’offense ? (Tolstoï) Bien sûr que la défense est légitime. Mais l’on parle souvent de légitime défense ou de guerre juste, pour couvrir une « légitime violence », contre un adversaire déclaré « injuste ». Des théories de la guerre juste s’appuient sur des arguments non applicables : parler d’une cause juste ne fonctionne que pour sa propre cause ! La violence est en fait toujours un mal, une injustice pour celui qui subit la violence. Elle porte atteinte à l’humanité de ce dernier, mais aussi de celui qui l’exerce. « Le froid de l’acier est aussi mortel à la poignée qu’à la pointe » (Simone Weil) Tout homme qui a contact avec la violence perd sa qualité d’être humain, de sujet. Les soldats américains en Irak sont les premières victimes de la guerre qu’on leur fait mener : dépression, troubles psychiatriques, suicides, parce que leur expérience n’est pas celle de héros, mais de criminels. La violence n’est pas un droit de l’homme. Elle brise la relation et atteint l’humanité.

Le non de la non-violence s’oppose non au conflit, ni à l’agressivité, ni à l’action, mais à la violence, dont elle veut prendre toute la mesure, pour ne pas la justifier, ni la légitimer. Si la violence est légitimée, elle est alors exercée sans limite, et devient mécanisme aveugle, sans frein. Peut-être que je pourrais me retrouver dans une situation où l’on ne peut pas faire autrement que d’employer la violence comme un moindre mal, mais il faudra alors plus que jamais prendre conscience que la violence est une contradiction. Nécessité ne vaut pas légitimité. Platon le disait déjà. Dire que la violence peut être nécessaire, indique bien qu’elle n’est pas humaine, car l’humanité se caractérise justement par le dépassement de l’ordre de nécessité. Freud en 1915 a deux enfants dans l’armée allemande, et il se dit que le jour de la victoire, le peuple fera fête en oubliant tous les morts de la guerre. Il oppose cela aux récits d’anthropologues en Afrique racontant des cérémonies de deuil accomplis par les guerriers victorieux, à l’égard même de ceux qu’ils avaient tués. Si l’on ne peut pas neutraliser un individu dangereux autrement qu’en le tuant, ce serait faire preuve de civilisation que de célébrer son deuil, et non la victoire !

L’homme à la fois est incliné à la méchanceté et à la bonté. Il a à exercer sa liberté, en cultivant la bonne part de lui-même : choix personnel, mais aussi choix de civilisation. Nous sommes dans une civilisation qui a davantage cultivé la part de violence : en voyant la part de budget consacrée à des armes de guerre, à quoi sert d’ « améliorer » notre armement nucléaire ? contre quel ennemi ? Et en même temps quelle part de budget consacrons-nous à la résolution non-violente des conflits ? Nous sommes dans une culture des armes : l’arme signifie la noblesse, via l’adoubement, via la remise d’une épée (cf. académiciens…) : ce qui est grave, c’est que le symbole de la perfection du savoir soit l’épée !

Toutes les religions ont été et sont encore des vecteurs de violence. Il y a là une contradiction essentielle : les religions devraient exprimer la part essentielle, la plus spirituelle de l’homme. Le philosophe n’est pas théologien, et ne peut parler de Dieu, mais il peut dénoncer les faux dieux, ceux qui légitiment la violence. C’est une question d’orthographe : comment écrivons nous le ‘Dieu des Armées’, ou le ‘Dieu désarmé’ ? A chacun, dans sa propre tradition de découvrir le Dieu désarmé.

NON-VIOLENCE : mot inventé par Gandhi en traduisant un mot sanscrit (aïmza) signifiant la prise de conscience du désir de violence en chacun de nous, pour le maîtriser, le dominer. « L’absence totale de malveillance à l’égard de tout ce qui vit ; sous sa forme active, la non-violence est volonté de bienveillance à l’égard de tout ce qui vit » (Gandhi). Double définition qui est d’abord négative, partant de ce qui est premier, la malveillance possible en l’homme. Pour passer de l’hostilité à l’hospitalité. Mais aussi respect de la vie, non pas seulement des hommes, mais aussi de tout être vivant. Ce n’est pas qu’une affaire liée à l’hindouisme ou du jaïnisme : l’animal, s’il n’est pas capable de raison, est capable d’émotion et de souffrance. Les conditions de l’élevage industriel dans nos sociétés sont scandaleuses. Ne pas faire l’impasse sur cette question. Par sa négativité, la définition indique la visée de délégitimation de la violence. Nos cultures qui concilient amour et violence, ignorent jusqu’au mot de non-violence. Intégrer ce mot, c’est déjà déconstruire l’idéologie de la violence qui mine notre société.

La non-violence est à distinguer en tant que philosophie, sagesse, et en tant que méthode d’action politique efficace. Un principe fondamental, c’est la cohérence de la fin et des moyens. Nos justifications de la violence invoquent une « fin qui justifie les moyens ». L’expérience montre exactement le contraire : des moyens injustes rendent injuste la cause qu’ils servent. La révolution communiste était une cause juste, mais menée avec des moyens théorisés de l’usage de la violence, considérée comme transitoire : on promettait des lendemains qui chantent pour faire accepter de souffrir au présent. Le violent fait de même, promettant toujours la paix pour demain. En réalité, « la vraie générosité à l’égard de l’avenir est de tout donner au présent » (Camus) On construit une société juste, fraternelle avec des moyens justes et fraternels. Affaire de réalisme, pour ne pas contredire les bons sentiments qui animent notre lutte. « La fin est dans les moyens comme l’arbre dans la semence » (Gandhi) Sa stratégie repose sur le constat suivant : si quelques milliers d’anglais peuvent imposer leur volonté à quelques millions d’indiens, cela n’est possible que par la coopération des indiens, leur résignation, leur obéissance aux lois de l’Empire Britannique. Gandhi va donc organiser la résistance. En 1989, la chute du mur de Berlin a été obtenue par la méthode la plus efficace : la non-violence. Démenti aux avis de l’époque qui opposaient les communistes plus difficiles à gérer, aux anglais (gentlemen) et aux américains (démocrates) alors que c’était Gandhi qui était le vrai gentleman, et Martin Luther King le vrai démocrate ! La non-violence a obtenu la chute du mur de Berlin parce qu’il était politiquement inconcevable de penser la victoire au bout du fusil lorsque c’est l’adversaire qui détenait tous les fusils.

Les enseignants sont très demandeurs de moyens pour résoudre les conflits sans violence. Il importe que la non-violence s’institutionnalise, sorte des ghettos des militants convaincus. Comme on a institutionnalisé la charité par l’hôpital…

La non-violence devrait nous permettre de relever le défi de l’universel, de transcender nos particularismes non par la domination – conception totalitaire de l’universel – mais par la rencontre de l’autre. C’est la violence qui rompt l’universel. Eric Weil, l’un des plus grands philosophes contemporains, disait : « l’autre de la vérité n’est pas l’erreur, mais la violence. » Car la non-violence est une exigence radicale de la vérité. En tuant au nom de la vérité, on tue la vérité. Nous sommes tous confrontés à ce défi de la violence, quelle que soit notre culture, notre tradition, invités à un double discernement (1) de tout ce qui dans notre culture justifie la violence (dans notre culture, pas celle de l’autre !) et (2) de tout ce qui dans notre culture invite au respect, à la bonté envers l’autre. Rupture et fidélité à faire chacun chez soi, pour nous rencontrer et inventer ensemble une culture de la non-violence. Il ne s’agit pas d’être ni optimiste – « un imbécile heureux » – ni pessimiste – « un imbécile malheureux. » (Bernanos). La violence n’est pas une fatalité, car toute entière construite de nos mains d’homme. Entre l’illusion de l’optimiste, et le désespoir du pessimiste, il y a place pour une espérance tragique, douloureuse, qui permette d’envisager un avenir pour nos enfants. « En entrant ensemble dans les vrais questions, nous finirons bien par entrer dans les vrais réponses » (Rilke)

Débat :
Le respect des êtres ne s’étend-il pas aux choses, qui sont « œuvres » de l’homme ou d’ « ailleurs » ?
La non-violence comme méthode inclue la possibilité de neutraliser les instruments de l’adversaire, non nécessairement par sabotage destructif, mais comme dé-construction. Cf. La Résistance en France contre les allemands, en particulier chez les cheminots (mise en panne de matériel, et parfois destructions ciblées de ponts).

Critères de « nécessité » de la violence ?
La non-violence absolue n’est pas possible pensait Gandhi, d’où la questions des limites, que Gandhi laissait au choix de la conscience personnelle : à chacun de prendre ses risques. Entre la lâcheté et la violence, Gandhi préférait le plus grand courage, celui de la violence, pour résister par le conflit à l’oppression britannique. Mais l’idéologie de la violence emprisonne dans le choix bipolaire entre violence et lâcheté. Nous ne sommes pas otages entre ces deux choix. Il n’y a pas de critères purement objectifs, même s’il y a des injustices caractérisées qui peuvent nécessiter la violence. Le meilleur moyen de reculer les limites, c’est de préparer les moyens de la non-violence. « S’efforcer de devenir tel qu’on puisse être non-violent. » (Simone Weil) Alors que nos sociétés surinvestissent en temps, intelligence, argent, les moyens de la violence. Si la non-violence est possible, elle est préférable. Si elle est préférable, à nous de la rendre possible. Il s’agit nous donner les moyens de mettre en œuvre la non-violence.

Un enfant, naturellement a-t-il tendance à entrer en conflit ? Que dire de la violence en famille et de ses conséquences sur les enfants ?
Dans l’histoire de nos sociétés, la violence physique a été considérée comme un moyen éducatif nécessaire. « Une bonne fessée n’a jamais fait de mal. » La violence domestique est considérable dans nos sociétés, et l’on peut difficilement intervenir parce que l’on ne sait pas toujours… Une médiation est nécessaire. La société, les institutions de police et de justice doivent pouvoir l’opérer, mais de manière non violente. Des sanctions sont nécessaires, mais mettre en prison des parents, ou des enfants, ne constitue pas une sanction qui réhabilite, qui resocialise : la prison est au contraire une école de délinquance, de récidive… Les conditions carcérales sont en France inacceptables ; un citoyen incarcéré devrait garder tous ses droits, et la société tous ses devoirs. Le « méchant » (étymologiquement, ‘mal tombé’, en parlant des osselets ou des dés) est le mal-chanceux, le mal-heureux ; il suffit de venir écouter ce qui se dit dans les tribunaux. En même temps, on ne peut laisser en liberté des délinquants sexuels susceptibles de nuire…

Comment situer où se situe la violence ou la non-violence, entre une grève des services publics qui fait violence aux usagers, des fauchages d’OGM perçus comme violents…?
Cela dépend de l’enjeu du danger ou non des OGM, avis relevant de scientifiques compétents… Le principe de précaution impliquerait de suspendre les expérimentations. Si la fonction de la loi est de garantir la justice, on peut désobéir à une loi injuste. Mais il y a des moyens non-violents pour cela : boycotter un magasin plutôt que de le saccager ; des grèves peuvent être violentes, ne serait-ce que par les slogans, les paroles qui s’expriment… La non-violence garde toute sa radicalité critique contre l’injustice, mais dans le respect des personnes, par exemple en se gardant de l’injure. Respect des personnes, irrespect de l’injustice. Convaincre l’opinion publique passe par une parole pacifique, une parole d’humour aussi (« Debré ou de force, nous aurons le Larzac », « Faite labour, pas la guerre »). Dans une méthode violente, on peut ajouter de la non-violence qui ajoute à son efficacité. Dans une méthode non-violente, aucune violence ne peut être admise. La première intifada était non pas une méthode non violente avec 5% de violence, mais une méthode violente avec 95% de non violence.

Pour se préparer au sacrement du pardon

Le sacrement du pardon est moins une thérapie individuelle ‘pour soi’, que le fait de se mettre à disposition du Seigneur, mais aussi de l’Eglise, pour que s’opère un acte de salut « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », comme c’est le cas dans tout sacrement. Indirectement, secondairement, on s’en retrouve personnellement bénéficiaire, mais ce qui se passe concerne en fait plus large que soi : partant de la reconnaissance de mon péché, c’est à dire de ce qui de ma part et avec ma responsabilité a fait obstacle à une vie en communion avec Dieu, avec autrui, et avec moi-même (cette reconnaissance du péché s’appelle la ‘confession’), je remets tout cela au Christ (via son corps qu’est l’Eglise, c’est à dire via un prêtre) parce que je reconnais que je ne peux plus rien en faire, que cela m’encombre, voire me culpabilise, et qu’un tiers est justement nécessaire pour cette remise des péchés. Plus profondément, en posant l’acte de foi que le Christ saura bien faire quelque chose de ces péchés, mieux, qu’il les a déjà transformés sur sa Croix en acte de salut, de réconciliation, de pardon, c’est dans la confiance que je lui remets ces péchés en les nommant, et que par là-même, je prends de la distance avec eux et permets à Dieu d’exercer sur moi sa miséricorde. Mais pas seulement sur moi : mes péchés me rendent solidaire du péché de tout homme, c’est aussi toute l’humanité qui à travers moi se retrouve bénéficiaire de ce pardon.

Pour s’y préparer, voici ce qui a été proposé aux paroissiens de Rodez avant la Toussaint [fichiers Word 2000 de la célébration pénitentielle : Déroulement & Feuille d’assemblée au format A5 paysage recto-verso]

De l’Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc (Lc 14,16-24)

Jésus disait cette parabole : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. A l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : ‘Venez, maintenant le repas est prêt.’ Mais tous se mirent à s’excuser de la même façon. Le premier lui dit : ‘J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.’ Un autre dit : ‘J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.’ Un troisième dit : ‘Je viens de me marier, et, pour cette raison, je ne peux pas venir.’ A son retour, le serviteur rapporta ces paroles à son maître. Plein de colère, le maître de maison dit à son serviteur : ‘Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux.’ Le serviteur revint lui dire : ‘Maître, ce que tu as ordonné est fait, et il reste de la place.’ Le maître dit alors au serviteur : ‘Va sur les routes et dans les sentiers, et insiste pour faire entrer les gens, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne profitera de mon dîner.’ »

Examen de conscience

Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde.

Un grand dîner, une fête, c’est l’image traditionnelle du salut, de la communion des saints, une image que Jésus emploie pour dire à quoi Dieu invite les hommes : une vie pleine, en communion les uns avec les autres, en communion avec Dieu. Une invitation qui passe par la voix des prophètes et des saints, par la révélation biblique d’un Dieu qui veut l’homme vivant, mais une invitation qui passe aussi en tout homme, par la voix de sa conscience éclairée.

Quels moyens prenons-nous pour entendre cette invitation à vivre selon l’Evangile, à entrer dans l’alliance avec Dieu, à être et à agir en communion avec nos frères ?
– avec la Parole de Dieu…
– par la prière personnelle…
– par l’accueil de l’Esprit Saint dans les sacrements, en particulier l’Eucharistie…
– par la fidélité à écouter et à suivre sa conscience…
– par l’éclairage de cette conscience via conseils, lectures, formation, révision de vie…

Tous les invités se mirent à s’excuser de la même façon. Le premier lui dit : ‘J’ai acheté un champ…’ Un autre dit : ‘J’ai acheté cinq paires de bœufs…’ Un troisième dit : ‘Je viens de me marier…’

Le péché ne consiste pas seulement à refuser l’invitation de Dieu, à rompre l’alliance qu’il propose entre nous et avec lui. Il consiste aussi à s’en excuser, en usant de ces choses bonnes que sont l’avoir (le champ), le travail (les bœufs), la famille (se marier), pour justifier la distance prise avec Dieu et avec nos frères. Ces choses ont pourtant leur vraie valeur lorsqu’elles nous rapprochent de Dieu et de nos frères.

Comment ordonnons-nous les différents aspects de notre vie selon l’Evangile, au service de Dieu et de nos frères ? ou au contraire pour nous « justifier », pour nous donner de la valeur ?
– l’avoir et tout ce que nous possédons en argent, propriétés, mais aussi compétences, savoirs, pouvoirs…
– le travail, toutes nos activités et nos engagements…
– la famille et toutes nos relations…

Amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux.

Pauvres, estropiés, aveugles, boiteux… une liste qui pourrait s’allonger pour embrasser toute misère, physique, morale, spirituelle… Non seulement cette misère ne laisse pas le Seigneur indifférent, mais elle l’attire, elle suscite sa préférence. D’où pour les pécheurs que nous sommes, cette grâce possible de se découvrir attendu, espéré par le Seigneur. Et en retour, cette invitation à donner nous-mêmes la même préférence aux pauvres.

Quel est notre rapport à la faiblesse, à la souffrance ?
– la nôtre, physique, morale, spirituelle… : découragement, révolte, résignation, ou union au Christ et à nos frères souffrants, confiance renouvelée en Dieu…
– celle de mes frères… : ignorance, indifférence, mépris, ou compassion, solidarité, service…

Quel est notre rapport au péché ?
– le nôtre, pour recevoir du Seigneur et de ceux que j’ai blessés, pardon et relèvement…
– celui de mes frères, pour pardonner…