La sainteté, kézako ?

Question étudiante aujourd’hui sur facebook :

C’est quoi la sainteté ? Si on veut y aspirer on doit se battre jusqu’à nier pour ne plus avoir de défauts ? 

Ex : je veux être saint, mais parfois je suis jaloux, donc je m’auto-convainc que je ne suis pas jaloux, je me raisonne et prend du recul, et me dis que c’est pas grave finalement ? Là, c’est être saint ?

Moi j’ai plus l’impression que c’est une négation de nos faiblesses, et que ce recul aussi juste et sain soit-il nous éloigne du coeur de nous même, il nous rend plus froid…

Je pense à une réflexion acide d’un non croyant sur la charité chrétienne comme « la manière très particulière qu’ont les chrétiens d’aimer ceux qu’ils n’aiment pas ».

Eh oui, vu comme ça, cela sent la sueur, l’effort volontariste d’aller à l’inverse de ses sentiments naturels, une forme d’hypocrisie. Cela n’est pas chrétien, même si cela a quand même de la valeur, puisque c’est simplement être civilisé que d’apprendre à se raisonner comme dans ton exemple sur la jalousie, à sublimer ou à contrôler ses pulsions (eros ou thanatos) pour les canaliser dans des directions plus moralement ou socialement acceptables.

Être saint, implique aussi un effort exigeant sur soi-même, mais à la différence de ton exemple, où tout ne part que de soi et renvoie à soi (« je m’auto-convainc… je me raisonne… je me dis… »), cet effort ne peut être que second par rapport à l’accueil de la grâce d’être aimé de Dieu sans condition. Sans cette relation dont Dieu a l’initiative, on court le risque du pharisaïsme (tirer orgueil de ses efforts, les faire en vue d’une récompense, prétendre à une antériorité de notre don sur celui de Dieu) ou de l’héroïsme (donner de soi, dans une générosité qui s’épuise à ne donner qu’à partir de soi).

Le chrétien au contraire mesure sa faiblesse, et même son incapacité foncière à aimer à la manière dont Dieu aime et l’appelle à aimer, mais il se découvre en même temps incompréhensiblement aimé, « grâcié », comme dans la parabole du débiteur impitoyable (Mt 18,23-35) ; s’il se laisse faire, s’il accueille cette grâce, il reçoit le cadeau mystérieux d’une capacité nouvelle d’aimer et de pardonner, par delà tout effort, et au-delà du raisonnable (cf. les 5 premières minutes de cette vidéo), bien loin d’un christianisme-caution-idéologique-à-la-morale-bourgeoise. C’est cela la « charité » : aimer d’un amour divin qui découle de l’accueil de ce même amour de Dieu pour nous, comme c’est le cas pour Zachée en Lc 19,1-10.

Les exigences déraisonnables du discours sur la Montagne (Mt 5-7) ou du fameux « tendre la joue gauche » (Lc 6,29)… tout cela n’est alors audible qu’à partir de l’accueil préalable de la révélation d’un Dieu qui aime les bons comme les méchants, qui promet que nous pourrons aimer comme lui, et qui en Jésus-Christ se donne pour que cela se réalise. Les sacrements servent à cela.

En régime chrétien, le don précède toujours l’exigence ; la morale découle d’une mystique, et avant d’être un « faire » ou « donner », la sainteté est d’abord un « se-laisser-faire » et « recevoir ». Par comparaison, si le héros était un arrosoir qui s’épuise à se vider, le saint serait un tuyau d’arrosage déversant son eau à la mesure de ce qu’il reçoit en amont.

Sur le dialogue avec les musulmans

A la suite d’un débat sur le « Forum Philo-Théo tala » (facebook) à propos du Dieu des chrétiens et du Dieu des musulmans…

 

Pas facile d’entrer dans le débat sur le rapport entre Christianisme et Islam… Je suis tenté de donner plusieurs réponses pas forcément compatibles entre elles :

D’une part, ma rencontre avec de jeunes musulmans il y a 16 ans à Villefranche de Rouergue, quand j’étais séminariste, a été un grand moment de fraternité, d’hospitalité, d’émulation spirituelle et morale, avec notamment Kader, un étudiant en maîtrise d’anglais, avec qui nous avons eu de longs échanges théologiques le vendredi soir ou en route vers Toulouse quand je covoiturais des étudiants villefranchois d’origine marocaine. Cela a aussi été le cas avec des habitants de confession musulmane du quartier du Tricot que je visitais comme supporter de l’équipe de foot du quartier, ou chez qui je venais pour du soutien scolaire. J’y étais alors invité pour les repas de fêtes religieuses, et je pense, apprécié comme un frère. J’y ai moi-même goûté ce qu’il peut y avoir de profondément humain dans la culture, la civilisation inspirées par l’Islam, notamment chez les marocains. J’ai aussi été percuté par l’interpellation de mes interlocuteurs musulmans, en vue d’une foi qui ne soit pas affaire de discours, d’opinion, mais qui se traduise en pratiques, et il m’arrive encore de mentionner, y compris en homélie ce que Kader m’a dit à propos de la messe (à partir de 1’44 sur l’enregistrement), telle qu’il la voit pratiquée par nombre de chrétiens. Il faut bien dire cependant que cet Islam que je côtoyais se définissait surtout par des pratiques (plus ou moins complètes) de l’interdit alimentaire du porc, du jeûne du Ramadan et des fêtes en lien avec le Ramadan, mais plusieurs s’autorisaient l’alcool… et que très peu priaient, lisaient le Coran, ou considéraient la foi comme relation personnelle avec Dieu. Quelques années plus tard, à partir de 2002, en participant régulièrement aux rencontres islamo-chrétiennes sur Rodez, dans le cadre des « Religions pour la Paix », j’ai fraternisé avec les responsables musulmans de la mosquée de Rodez, continuant d’apprécier l’humanité, la douceur et la cordialité de mes interlocuteurs – et leur thé à la menthe – et partager avec eux des préoccupations communes jusqu’à la rédaction de prises de positions co-signées – en particulier sur le plan de la morale. Tout cela m’interdit de faire un quelconque amalgame avec l’extrémisme musulman, qui est aussi une réalité ailleurs (voir plus bas) et qui oblige justement à persévérer coûte que coûte dans le dialogue avec l’Islam modéré. C’est ce que nous ferons samedi 29 septembre prochain à Rodez, au centre social Saint Eloi (cf. affiche ci-contre ou événement facebook).

D’autre part, je ne peux m’empêcher de sentir que sur le fond, lorsque qu’avec des musulmans nous évoquons des sujets de foi, je perçois chez mes interlocuteurs même modérés comme une rigidité liée à la certitude de détenir la révélation de Dieu, ultime et non déformée. Cela se traduit par la récitation incessante d’un texte, le Coran, ou le renvoi répété à la figure, aux paroles ou à l’exemple d’un homme, Mohammed, qui pour moi, pardonnez-moi de le penser, ne suscitent pas d’admiration, et n’ont de valeur que culturelle ou historique – je me ferais lyncher au Pakistan pour de tels propos, que je tire aussi de la lecture de livres sur l’Islam, certes pas tous favorables, mais toujours informés (A.M. Delcambre, Fr. Jourdan, J. Ellul, A. Besançon, M.A. Gabriel, Chr.de Chergé, Chr. Delorme…), et notamment d’une biographie – rédigée à partir d’un de ses premiers biographes (Ibn Hicham) et d’un grand recueil de hadiths (le Sahih al-Bukhari). L’effort de s’intéresser à l’autre et d’en être affecté, me semble difficile chez mes frères musulmans à propos du christianisme, tant la certitude de l’origine divine du Coran empêche d’entendre l’autre à partir de ce qu’il dit de lui-même : toute similitude entre Christianisme et Islam confirme le processus de révélation affirmé par l’Islam, où juifs et chrétiens ont bien reçu une révélation ; mais toute différence entre les deux religions est par avance assumée dans l’affirmation du travestissement de la révélation par les juifs et les chrétiens (cf. Jésus tel que les chrétiens l’ont reçu, et dont la vie – et surtout la mort – diffère de celle de l’Issa de l’Islam…). Quand tout ce que dit l’autre de compatible et d’incompatible est intégré par avance dans son propre discours, c’est que l’on a affaire à de l’idéologie, et que l’on est dans un cercle. Ici, il s’agit d’un cercle autour du Coran, dont on ne peut sortir si on le présuppose d’origine divine… C’est pour cela que le débat sur les différences entre le Dieu des chrétiens et le Dieu des musulmans ne me semble pas viser le problème le plus crucial. Même si j’adhère à la position du p. François Jourdan qui insiste davantage sur ces différences, ce n’est pas un problème de savoir si nous avons des manières proches ou éloignées de considérer le Dieu unique, Créateur, provident et miséricordieux, car c’est déjà un énorme acquis que de le considérer ensemble comme tel, notamment par rapport à d’autres manières de croire, en particulier le Bouddhisme, si différent de nous. A la rigueur, nous aurions la même théologie, le même contenu de foi, le même discours sur Dieu – si tant est que des mots puissent approcher de l’indicible – ce qui en fait pose problème pour moi est le statut du texte sacré dans nos religions. En Christianisme, il s’agit de paroles humaines inspirées, traduisant l’expérience du Christ qu’ont eu les prédécesseurs, les apôtres et les disciples du Christ, et qui nous permettent d’authentifier l’accès que nous pouvons avoir aujourd’hui à sa personne, lui qui est LA Parole vivante de Dieu, le Verbe fait chair, Dieu-fait-homme, celui tel qu’en le voyant, nous voyons le Père. Cette authentification passe par une interprétation du texte sacré, où la raison humaine a la part belle, avec l’aide de l’Esprit qui a inspiré ce texte. Dans l’Islam, le Coran est parole divine dictée par l’ange Gabriel à Mohammed : un texte incréé ne se discute pas, mais appelle à une obéissance où la raison humaine doit se soumettre à plus grand qu’elle. C’est en gros le sujet de la conférence de Benoït XVI à Ratisbonne en 2006, qui a fait couler tant d’encre, et même du sang !

Enfin, dans la foulée de ce qui précède, les manifestations de violence ou d’intolérance religieuse insensées, de la part d’extrémistes se réclamant de l’Islam, et dont l’actualité se repaît, pose quand même le problème de la compatibilité de l’Islam avec de telles pratiques. Certes, il ne suffit pas de se déclarer musulman pour l’être, de même qu’il ne suffit pas à Anders Breivik de se déclarer chrétien pour l’être : c’est la conformité ou non des actes avec la foi qui détermine leur caractère chrétien ou non, musulman ou non. Ainsi, avec Jésus qui préfère subir jusqu’à en mourir la violence plutôt que l’exercer, et qui appelle à tendre la joue gauche à ceux qui frappent la joue droite etc…, l’Evangile et la non-violence sont intrinsèquement liés. Aussi, les chrétiens fanatiques pratiquant la violence ou maltraitant leur prochain, ne peuvent invoquer l’Evangile au service de ce qui en est une trahison. A l’inverse, la vie de Mohammed remplie de batailles et de guerres, de razzias et de conquêtes (et pas seulement de défense contre les attaques extérieures), la violence de certains versets coraniques (s.9 v.29) abrogeant d’autres versets empreints de tolérance (s.2 v.256 « Nulle contrainte en religion ») interdit de refuser au fanatique musulman la conformité de ses actes avec l’Islam. La persistance d’une opinion publique pakistanaise majoritairement favorable à la loi anti-blasphème qui amène tant de chrétiens – notamment Asia Bibi qui croupit encore en prison -, mais aussi et surtout de musulmans, au lynchage ou à la prison à vie, l’impossibilité pratique pour un musulman en terre d’Islam de se convertir au christianisme sans être menacé dans son intégrité physique, la situation des chrétiens en Arabie Saoudite (notamment des philippins), en Irak ou dans le nord Nigéria, des animistes des monts Juba au Soudan… cela n’est pas seulement le fait d’extrémistes minoritaires ayant une lecture déformée du Coran, ou d’une instrumentalisation politique de l’Islam : des foules de musulmans sincères et cohérents avec leur foi y adhèrent.

A propos d’exorcisme…

Réponse à une question d’un étudiant sur les exorcismes, en particulier ceux que l’on peut voir dans des films récents – ou non.

Je ne suis pas le meilleur interlocuteur sur les questions d’exorcisme, même s’il m’est arrivé d’être confronté une fois à des phénomènes vraiment extraordinaires – déplacements et destructions d’objets sans cause physique explicative -, qui ont requis que je célèbre sacrement du pardon et messe au domicile d’un couple victime de cela : les phénomènes ont cessé alors.

Il n’y a qu’un prêtre par diocèse que l’évêque nomme exorciste. La plupart des exorcistes que j’ai rencontrés témoignent que les « possessions » ou envoûtements ou autres phénomènes extraordinaires requérant un « exorcisme » du genre décrit dans les films, sont en fait extrêmement rares, et que 99% des personnes qui sollicitent un exorciste en se pensant envoûtés ou confrontés à des phénomènes qu’ils croient « surnaturels », sont certes confrontés au diable, mais selon des modalités en fait explicables psychologiquement ou médicalement. C’est pour cela que les exorcistes s’entourent souvent d’une équipe comprenant psychologues ou psychiatres.

Pour souligner le caractère ordinaire des phénomènes démoniaques, le fait que le diable emploie des causes secondes banales pour agir, et qu’en contrepartie, les moyens pour y répondre sont tout simples et ordinaires, il suffit de remarquer qu’avant Vatican II, tout prêtre avant son ordination sacerdotale, recevait les 4 « ordres mineurs », dont celui d’ « exorciste », pour indiquer que n’importe quel prêtre, voire même n’importe quel chrétien, peut dire une prière de délivrance du Mal, notamment par un simple « Notre Père » : la petite Thérèse de Lisieux, à 8 ans, avait compris que la simple prière confiante d’une enfant ayant la foi en Jésus-Christ pouvait faire « fuir les démons ».

Le diable n’a en fait pas besoin de moyens extraordinaires pour abîmer l’homme, physiquement, psychiquement, moralement ou spirituellement : dans les vies des saints, c’est même un signe de faiblesse de sa part (cf. les violentes manifestations démoniaques qu’a subies le curé d’Ars…) et il y a d’autant moins à en avoir peur qu’il y fait de l’esbrouffe. C’est ainsi que j’ai réagi dans le cas évoqué plus haut, en traitant le diable avec des moyens « ordinaires » – une confession et une messe -, mais où le Christ est présent et se charge de l’affaire !

Les termes bibliques employés pour parler du diable (étymologiquement le « diviseur ») : Satan (l' »accusateur »), Démon, Tentateur, Adversaire etc… le désignent comme un ennemi spirituel qui agresse l’homme, un pur esprit qui le tente pour le pousser au péché et à la mort, en fait pour l’éloigner de Dieu. La théologie qui traite de cela (l’angéologie, sic) théorisera cela en parlant du diable comme d’un ange déchu, d’une créature spirituelle, libre, éternelle, dont le « non » au projet divin d’aimer l’homme acquiert de par son statut angélique une valeur définitive. Le diable agresse donc l’homme, non parce que l’homme serait un adversaire digne de lui, mais par opposition au projet divin de faire alliance avec l’homme. Le nom de « Lucifer » (« porteur de lumière »), témoigne de cette jalousie angélique pour Dieu, contre sa mésalliance avec l’homme. Le tentateur vise ainsi à prouver à Dieu qu’il a tort d’aimer une créature aussi vile que l’homme… Le mystère pascal pousse cela à l’extrême avec l’action du Tentateur visant à faire dévier l’homme-Dieu de son sacrifice pour l’humanité (« Sauve-toi toi-même… » 3 fois répété dans la Passion selon saint Luc – Lc 23,35.37.39 -, à l’instar des 3 tentations au début du ministère public de Jésus – Lc 4,1-13). Mais depuis Pâques, il n’y a plus lieu de s’inquiéter de phénomènes démoniaques dans la mesure où avec la crucifixion de son Fils, Dieu a assumé le pire éloignement possible de l’homme avec lui, et en a fait LE moyen de réconciliation avec l’homme.

Même si bien des prêtres ont tendance à ne plus parler du diable, ou à minorer son influence, à l’inverse d’une époque où on en parlait trop, il me semble indispensable de le nommer, car dans le combat spirituel, c’est déjà la moitié du travail de fait que de nommer son adversaire. Dans l’expérience de la tentation que nous connaissons tous, nous ne sommes pas seul avec nous-mêmes, à débattre – ou non – avec notre conscience : il y a un agresseur caché, qu’il convient de désigner pour lui résister, avec la force que donne la foi en Celui qui l’a vaincu sur la Croix.

Jeunes chrétiens et résultats scolaires…

Plusieurs articles ont paru au sujet de la corrélation entre résultats au Bac et prénoms des candidats, à partir de l’impressionnant travail statistique sur 350.000 candidats qu’a fait Baptiste Coulmont.

Des articles ont commenté cette enquête comme par exemple « La liste des prénoms pour avoir mention Très Bien au Bac » sur Slate, ou « Dis-moi ton prénom, je te dirai si tu auras une mention au Bac » sur l’Etudiant.

En réalité, les titres de ces articles prêtent volontairement à sourire en confondant corrélation statistique et relation de cause à effet, comme si le fait d’avoir tel prénom avait un effet sur le résultat du Bac… Mais les articles indiquent bien quelques causes cachées, notamment sociales, à l’origine de cette corrélation…

Peut-on prolonger cela à propos de la participation des jeunes à la vie de l’Eglise ?

Pour le brevet 2012 des collègiens de 3ème à Baraqueville : sur 105 (ou un peu plus…) collégiens en 3ème, 17 sont à l’aumônerie ;  sur les 15 ayant reçu la mention TB, 10 sont à l’aumônerie…

Hors aumônerie A l’aumônerie Total
88 17 105
Mentions TB 5 10 15
% 5,7% 58,8% 14,3%

 

J’aurais bien aimé en conclure que « venir à l’aumônerie donne 10 fois plus de chance d’avoir mention TB au brevet ». C’est statistiquement vrai, mais la formule est (hélas) fausse : des causes cachées sont à l’origine de cette corrélation. Par exemple : des parents attentifs à la formation chrétienne de leurs enfants le sont aussi pour leur scolarité ; les jeunes catholiques sont majoritairement de milieux où la réussite scolaire est valorisée ; mais aussi, la « sélection » que constitue le fait de prendre du temps pour réfléchir sur le sens de sa vie à la lumière de l’Evangile, de cultiver l’intériorité…

Cela dit, si la corrélation avait été inverse, que n’aurait-on dit qu’être chrétien, c’est fait pour les neuneus !

P.S. : pour info, quelques méthodes de travail scolaire qui ne sont pas sans lien avec l’anthropologie chrétienne.

Sur la messe

7′ d’extraits de l’homélie de la première communion à Baraqueville (20 mai 2012, suite à l’aimable piratage de Chantal Pringault) à partir de la redécouverte de la messe lors de mes années étudiantes, au contact de camarades chrétiens…  et de conversations avec un jeune musulman, Kader Z. lorsque j’étais séminariste à Villefranche de Rouergue.

10 images pour dire la foi

Voici un diaporama (Powerpoint 6 Mo – téléchargeable en cliquant sur « 10 images…« ) pour dire la foi chrétienne en quelques minutes, en vue d’une catéchèse en accéléré (préparation au mariage ou au baptême, animation auprès de jeunes…). Les pistes de texte d’accompagnement sont disponibles en cliquant ICI. On peut aussi voir chaque image séparément sur un album Picasa :

(1) La Bible, mémoire et guide de la marche de l’homme avec Dieu

Un Dieu qui laisse une trace de sa présence auprès de l’homme, dans la Création et dans l’Histoire.

La Bible, mémoire vive des rencontres faites avec Dieu : un livre ou plutôt une bibliothèque, qui met en contact avec la Parole vivante de Dieu.

La Bible, un guide qui permet de repérer comment Dieu, fidèle à sa promesse, continue de parler aujourd’hui.

. (2) La prière, présence et réponse de l’homme à Dieu

Dieu s’adresse à l’homme, pour que l’homme puisse l’entendre et lui répondre.

La prière donne à l’homme d’être en contact personnel avec Dieu.

Un contact qui peut n’être que de simple présence, d’adoration silencieuse : « Tu es Dieu, et cela me suffit. »

 

(3) Jésus, la Parole de Dieu faite chair

Le point culminant du dialogue de Dieu avec l’homme est atteint en Jésus, la Parole de Dieu faite chair.

Dieu se fait homme, pour que tout homme se découvre enfant de Dieu.

Dieu prend le langage d’une vie d’homme pour se dire.

. (4) La Passion du Christ pour les hommes

Toute la vie de Jésus dit Dieu, y compris l’expérience du scandale du mal, de la souffrance et de la mort.

La Croix de Jésus-Christ est le point culminant de la révélation de Dieu : amour donné jusqu’au bout.

Tout homme, en particulier dans la souffrance, est à l’image de Dieu, icône du Christ.

 

(5) Les sacrements, don de la Vie du ressuscité

La Résurrection, au cœur de la foi en Dieu qui descend dans nos enfers pour nous donner la Vie.

La vie éternelle promise par Dieu, est celle dont vit le Christ ressuscité : rien ne peut nous séparer de lui.

Par les sacrements, le Christ nous communique sa vie, pour que nous aussi, nous nous donnions aux autres.

. (6) Le baptême, plongée dans le Christ

La foi est un risque à prendre, à la suite du Christ : un acte de la raison mue par la volonté, soutenue par la grâce.

Le baptême nous fait plonger dans la foi de l’Eglise.

Par le baptême, nous devenons d’autres Christ, morts au péché, et vivants pour Dieu.

 

(7) Suivre le Christ, la pratique de l’Evangile

Être uni au Christ, se vérifie par l’imitation concrète de sa vie toute donnée aux autres, par l’amour.

L’amour préférentiel pour les petits et les pauvres n’est pas optionnel pour le chrétien.

Servir les petits et les pauvres, c’est servir le Christ qui s’identifie à eux : c’est servir Dieu lui-même.

. (8) La morale, grammaire de l’amour

L’amour n’est pas que sentiment ou passion, mais décision et action en vue du bien d’autrui.

La morale, aussi bien naturelle que révélée – avec le Décalogue donné à Moïse, en donne des règles universelles.

Dieu donne à l’homme la liberté de choisir entre le bien et le mal, de discerner sa vocation.

 

(9) L’Eglise, ensemble pour aller de la terre au ciel

On n’est pas chrétien tout seul, mais ensemble, en Eglise.

Nous sommes à la fois pécheurs, avançant à cloche-pied vers Dieu, et saints, déjà habités par l’amour du Christ.

Le chrétien est appelé à répondre à sa vocation, comme membre unique du Corps du Christ, l’Eglise.

. (10) Vivre de l’Esprit, réenchanter le monde…

Dieu nous donne son Esprit, pour que nous en vivions, en témoignant de son amour pour tout et pour tous.

Annoncer l’Evangile – la bonne nouvelle du Christ vivant – est la tâche et la joie du chrétien.

Le mystère de la Trinité révèle toute l’ampleur de l’amour de Dieu.

Pourquoi se marier à l’Eglise ? A quoi sert un sacrement ?

Avec le printemps, fleurissent des mariages à l’Eglise. C’est l’occasion d’en repréciser le sens pour aujourd’hui.

A l’heure où s’affirme davantage la revendication d’une égale reconnaissance pour les diverses manières d’être en couple ou de constituer une famille, l’Eglise catholique persiste à penser que le meilleur écrin pour accueillir l’enfant, pour fonder un foyer, se trouve dans l’engagement entre un homme et une femme à s’aimer d’un amour libre, fidèle, indissoluble et fécond.

Certains contestent ces points – qui pour l’Eglise constituent les quatre piliers du mariage – mais peu remarquent que ces points n’ont en eux-mêmes rien de religieux ou de spécifiquement chrétien, car ils concernent tout autant le mariage civil. A ceux qui le contestent en disant que l’on peut divorcer d’un mariage civil, on peut répondre que le mariage civil implique lui aussi de l’indissolubilité, avec l’irréversibilité de droits et de devoirs réciproques qui demeurent entre les époux, y compris lorsqu’il y a séparation : même en ce cas, un couple marié civilement ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu mariage.

Face à une telle réappréciation du mariage civil de la part de l’Eglise, et qui surprend parfois ceux que nous préparons au mariage religieux, l’interrogation voire le doute, viennent alors sur ce que le mariage religieux change par rapport au mariage civil, voire à l’engagement privé entre deux personnes qui s’aiment. Voici alors quelques ébauches de réponses.

Venant après le mariage à la mairie, le mariage à l’Eglise apporterait :

– un « plus » indéfinissable de l’ordre d’une « atmosphère », d’une « ambiance » qui donnerait plus de poids symbolique à l’engagement des époux ;
– une bénédiction, au sens où Dieu « dirait du bien » du couple constitué ;
– une « grâce sacramentelle », d’un don de Dieu qui se rendrait présent, comme c’est le cas en tout sacrement, et qui ferait grandir la foi en lui.

Tout cela est juste… mais peut aussi être critiqué !*

En quoi la force de l’engagement des époux dépendrait-elle du décor (mairie ou église) ou de la présence de figurants (témoins, clergé, invités…) ? En quoi Dieu ne dirait-il pas du bien de l’amour entre deux êtres avant leur mariage ? Dans un amour selon les quatre piliers de la liberté, de la fidélité, de l’indissolubilité et de la fécondité, déclaré en privé par un homme et une femme, Dieu n’aurait-il pas déjà tout donné ? Que reste-t-il à recevoir puisque « où sont amour et charité, Dieu est présent. » (hymne grégorienne pour le Jeudi Saint) ?

C’est là la limite d’un raisonnement en terme de « ce-que-l’on-peut-recevoir-de-plus » avec le sacrement du mariage, mais aussi avec tout sacrement. Car en toute liturgie – qui étymologiquement signifie le « service public » que l’Eglise accomplit en union avec le Christ – célébrer un sacrement ce n’est pas d’abord chercher à recevoir quelque chose qui manquerait, mais plutôt « servir » et donner rien moins que soi-même, en consacrant à Dieu ce que l’on a déjà reçu de lui, à partir du constat proprement chrétien de ce que Dieu a déjà tout donné en son Fils Jésus-Christ. Mieux encore : de ce qu’en Jésus-Christ, Dieu nous donne de quoi nous donner nous-mêmes !

Logique de gratuité, le mariage chrétien part d’une double « reconnaissance » :

– au sens d’ »identification » de Dieu comme source première de l’amour entre un homme et une femme capables de s’engager – même en privé – selon les quatre piliers ci-dessus ;
– au sens de « gratitude » à l’égard de Dieu, en lui consacrant ces dons reçus de lui que sont déjà le couple, l’amour entre époux, ceux-ci acceptant en retour la responsabilité de veiller sur ces biens qui ne leur appartiennent plus, mais qui appartiennent à Dieu et dont Dieu leur confie la gérance. Promesse de sérieux et de décontraction tout à la fois…

Dans tout sacrement, à commencer par le baptême, la question n’est pas celle de savoir si on en a « besoin » pour (s’)aimer davantage, pour être plus croyant etc… une question qui reste centrée sur soi. Elle est moins encore celle d’être aimé davantage de Dieu : Dieu est amour, et son amour infini pour chacun n’est pas déterminé par le fait d’être ou non « pratiquant ». La vraie question est plutôt celle du psalmiste : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » (Ps 115) à laquelle il répond immédiatement en termes liturgiques : « J’élèverai la coupe du salut. J’invoquerai le Nom du Seigneur ! »

Comme à chaque Eucharistie, où l’assemblée dit pourquoi elle célèbre : « pour la gloire de Dieu et le salut du monde« , tout sacrement est une réponse à l’amour de Dieu déjà reçu (et reconnu tel moyennant la foi), une remise de soi, un décentrement, un « rendre gloire à Dieu » qui est le contraire du « pour moi ». Or ce n’est qu’avec le Christ qu’un tel décentrement vers le Père et vers les autres est possible : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) Célébrer un sacrement, c’est alors s’en remettre au Christ, lui consacrer ce que nous recevons et transformons de la Création, ce « fruit de la terre et du travail des hommes » (messe), lui consacrer cet amour que nous avons reçu de Dieu (mariage), lui consacrer cette faiblesse, cette fragilité qui nous affecte par le péché ou la maladie et que nous confions au Seigneur, certains qu’il saura bien en faire quelque chose (sacrement du pardon, sacrement des malades), lui consacrer notre énergie, notre envie de vivre, d’agir, de nous engager (confirmation), lui consacrer toute notre personne en plongeant avec lui dans cette aventure de la vie qui intègre la mort (baptême)… et recevoir en retour ce que nous avons consacré au Christ comme la plus haute des bénédictions : le fait de pouvoir « offrir notre personne et notre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu. C’est là l’adoration véritable » (Rm 12,1). La grâce de tout sacrement qui unit au Christ est qu’un tel don de soi à Dieu et au monde soit effectif. « Donne-moi seulement de t’aimer » (Saint Ignace de Loyola)

A l’occasion d’une récente rencontre commune de préparation au mariage en doyenné, un des fiancés présents a eu la sincérité de dire que s’il se mariait à l’Eglise, c’était « pour l’autre », en désignant celle avec qui lui, non croyant, allait se marier. Belle remarque finalement, car il suffit de la corriger en « pour l’Autre » et « pour les autres » pour dire la valeur sacramentelle du mariage chrétien.

 

 

* Le même genre de propos arrive lorsqu’il est question du « plus » qu’apporte le sacrement du baptême :

– la satisfaction de faire les choses comme il faut, comme la tradition le demande : la famille, l’Eglise… ;
– l’entrée dans la communauté chrétienne ;
– une bénédiction-protection contre le mal ;
– le fait de devenir enfant de Dieu.

A cela, on pourra objecter que tout être humain est enfant de Dieu dès sa conception, qu’il soit baptisé ou non, qu’il soit croyant ou non ; que le chrétien n’est pas épargné par le scandale du péché, du mal, de la souffrance et de la mort ; que les frontières de l’Eglise débordent le groupe des baptisés, ne serait-ce que parce qu’y sont admis les catéchumènes non encore baptisés ou les tout-petits « baptisés » d’un « baptême de désir » ; et enfin que toute tradition est relative à un lieu du monde et à un moment de l’histoire, et qu’à se contenter de la respecter pour la respecter, on en viendrait à n’être musulman ou bouddhiste que du seul fait d’être né au Maghreb ou en Asie, ou à l’inverse « catholique et français, toujours ».

Le baptême ne fait donc pas devenir enfant de Dieu, car c’est déjà l’identité de tous. Il rend pourtant possible de « devenir ce que nous sommes » (Saint Augustin) de vivre en cohérence avec cette identité commune, en réponse à l’amour reçu de Dieu, en reconnaissance à l’égard de cet amour. Cette vie chrétienne ne relève pas d’abord d’une supériorité morale du baptisé, mais de ce que le baptême signifie et réalise : une plongée dans le Christ, une remise de soi au Christ, qui nous partage son identité parfaite de Fils de Dieu, afin que ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ qui vive en nous. (Ga 2,20) Le baptême consacre alors au Christ l’enfant de Dieu que nous sommes déjà, pour que nous vivions en fils ou en fille de Dieu, dans le Fils unique de Dieu.

Présidentielles et doctrine sociale de l’Eglise

Les élections présidentielles suscitent des réflexions en Eglise sur les critères de vote. Les évêques de France ont publié des « éléments de discernement » (3 octobre 2011), pour dire non pas « pour qui » voter, mais pour proposer des critères, « pour quoi » voter. Des laïcs soucieux de rendre accessible ce texte des évêques l’ont mis en forme dans le site de quellesociete2012.fr et via la vidéo ci-dessous commentée sur le blog koztoujours.fr.

 

 

Quelques remarques :

1- Mettre en priorité la vie, la famille et l’éducation, en les considérant comme « plus décisifs que d’autres », cela peut se comprendre à l’heure où il ne s’agit pas seulement de raffiner l’ « administration des choses » mais de rappeler les principes de notre vivre ensemble, pour « construire ensemble une société digne de l’homme ». Mais cela implique-t-il que les questions d’économie, de justice sociale, ou de développement (du Sud ou durable) passent en second plan ? Faut-il opposer morale privée (familiale, affective…) et publique (économique, sociale…), ou privilégier l’une par rapport à l’autre ?

2- A l’inverse, tout mettre au même plan sans pondérer les sujets, n’est pas satisfaisant, et sous des apparences de neutralité sous-entend en fait un classement. Ce qui est par exemple le cas pour certains tests d’évaluation du candidat qui nous ressemble le plus, sans coefficient de pondération, et qui ne remplacent pas l’examen en conscience des programmes des candidats.

3- D’autres critères d’évaluation auraient aussi pu être ajoutés, en lien avec la doctrine sociale de l’Eglise, comme les 16 propositions du « pacte pour une terre solidaire » du CCFD-Terre Solidaire, pour en finir avec les paradis fiscaux, responsabiliser les multinationales, lutter contre la spéculation sur les marchés agricoles et respecter les droits des migrants.

 

Différents outils de comparaison des programmes existent, notamment celui très bien fait de rue89 qui détaille sur 38 sujets les positions des 6 principaux candidats.

Sur le même site se trouve le beau travail de Blandine Grosjean, rédactrice en chef adjointe de Rue89, qui confronte les programmes de ces 6 candidats aux critères listés par les évêques (sauf ceux d’économie & justice, et d’Europe).

Des tests existent aussi pour confronter les programmes des candidats à ses propres convictions, avec notamment celui sur libertepolitique.com, sous forme de 20 questions où l’on doit répondre de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord », et qui donne des résultats parfois conformes à l’intuition que chacun a au départ, ou qui parfois surprennent.

De fait, de tels tests ont l’inconvénient de donner le même coefficient de pondération à toutes les questions posées, à tous les critères, alors que la plus ou moins grande importance accordée à chaque question – au-delà de la réponse qu’on lui donne – traduit déjà une préférence politique.

D’où le petit outil suivant que je me suis amusé à faire, un tableur excel à télécharger, qui reprend les 13 critères listés par les évêques, les notes données par rue89 aux candidats selon ces critères – certaines légèrement amendées… et amendables -, mais où l’on peut en plus affecter ses propres coefficients de pondération à chaque critère, ce qui peut changer le candidat réputé « proche » de ses convictions.

Ce tableau reste perfectible : j’attends vos suggestions, notamment sur d’autres propositions de notes !