« Nul être humain n’échappe à la nécessité de concevoir hors de soi un bien vers lequel se tourne la pensée dans un mouvement de désir, de supplication et d’espoir. Par conséquent il y a le choix seulement entre l’adoration du vrai Dieu et l’idolâtrie. » (Simone Weil, citée dans « Prier 15 jours avec Simone Weil » de Martin Steffens, Ed. Nouvelle Cité, p. 27)
Même individualiste, consumériste, relativiste… notre société ne parvient pas à déprendre l’homme de ce qui le constitue en son fond : une insatisfaction radicale, une recherche incessante de dépassement, un désir d’absolu, qui s’apparentent à ce que l’Evangile des Béatitudes nomme la « pauvreté de coeur » (Mt 5,3). La tradition chrétienne dit de l’homme qu’il est « Capax Dei », en-creux-de-Dieu, avec le « désir naturel de voir Dieu » (Saint Thomas d’Aquin relu par le card. Henri de Lubac dans ses textes sur le « Surnaturel »), un désir qui le dispose à s’adresser à Dieu avec les mots de Saint Augustin : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi ». Trouver sa vocation, c’est alors découvrir sa manière personnelle d’aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa force etc… et d’aimer son prochain comme soi-même. L’accomplissement de toute vie passe nécessairement par une consécration à Dieu et aux autres, par la mise en pratique d' »aimer, c’est tout donner » (Ste Thérèse de Lisieux), par la radicalité de l’amour-de-don qui est tout le contraire du « travailler plus pour gagner plus ».
La folie du djihadiste – comme toute folie qui semble exclure du sens commun – est en fait symptomatique du trouble de tous, celui de ne pouvoir/savoir donner sa vie, de ne pas la consacrer à plus grand que soi et de lui préférer son confort. Le djihadiste répond à ce trouble en se croyant appelé par Allah à défendre l’Oumma, ce qui le radicalise dans un héroïsme barbare, où cependant il s’agit davantage d’ôter la vie d’autrui que de donner la sienne, avec aussi la contradiction d’un Absolu incapable de régner sans tueurs. Pour le chrétien, seul le Christ réalise le parfait don de soi, la parfaite consécration de l’amour, et c’est en s’unissant à Lui, en se glissant sacramentellement dans Son sacrifice pascal que le chrétien se retrouve lui aussi donné à Dieu et aux hommes.
Autres textes :
– L’article de Samuel Piquet (Causeur, 28 oct. 2015) : Lutter contre le djihadisme, oui mais avec quelles armes ?
– L’article d’Abdennour Bidar (Le Monde, 27 oct. 2015) : L’absence de spirituel est un problème, pas l’Islam
– Un ancien article (ce blog, 3 mars 2015) : Donner sa vie, donner la vie