Mieux se connaître (test)

Neuf portes de la sainteté

(Test inspiré de You ! magazine chrétien, n°14, 2ème trimestre 2001)

Attention : un test est toujours dangereux, si on accorde trop d’importance au résultat : on peut changer ! Alors prends celui-ci pour ce qu’il vaut : une petite aide sur ton chemin, pour mieux te connaître… et te réjouir de savoir qu’il y a eu des saints qui ont eu un caractère proche du tien…

 

Dans chaque série, entoure les 2 ou 3 propositions qui te correspondent le mieux :

D) Je prends le risque de prendre la parole lors des discussions à plusieurs.

G) Je ne supporte pas de voir les autres souffrir.

A) Je trouve du pour et du contre dans chaque opinion.

F) Je suis très honnête. Je ne me souviens pas d’avoir triché dans ma vie.

E) Je crois que, quoi qu’il m’arrive, je m’en sortirai.

C) Je suis toujours pressé.

B) Je me sens responsable de la bonne entente de ma famille, de mon groupe.

I) Je préfère souvent mes rêves à la réalité qui est trop dure.

H) Je n’aime pas être au centre d’un groupe. Je préfère observer.

 

B) J’ai peur de beaucoup de choses.

D) Je suis autoritaire mais je ne supporte pas l’autorité.

C) Dans un groupe, j’ai besoin d’être remarqué pour mes qualités.

A) J’ai horreur de me trouver en compétition avec les autres.

F) Je travaille avec méthode.

I) J’ai toujours pensé qu’on ne me comprenait pas vraiment.

E) Je m’émerveille facilement.

G) Ma vie serait plus facile sans la jalousie.

H) Je peux blesser les autres sans faire exprès.

 

A) J’ai besoin d’harmonie, que ça baigne.

C) Quand je rate quelque chose, j’ai tendance à le cacher.

F) J’aime l’ordre et la discipline.

G) Je ne supporte pas la violence à la télévision, je préfère les films sentimentaux.

B) Je finis toujours par saboter ce que je pourrai facilement réussir.

H) J’aime la réflexion abstraite.

E) J’aime la vie et ses plaisirs.

I) Les critiques me vexent.

D) Je me sens appelé à protéger la veuve et l’orphelin.

 

G) Amour avec un grand A est le maître-mot de ma vie.

B) Je porte les soucis et les souffrances des autres.

C) Je ne trouve pas de temps pour prier ou réfléchir car je suis trop occupé.

H) Dans l’action, je me contrôle toujours. J’agis avec calme.

D) Parfois j’aime le conflit pour le conflit.

E) Je fais tout pour ne pas m’ennuyer.

I) Je fais parfois un drame pour peu de choses.

A) Ce que je préfère ? Ne rien faire.

F) La morale est une valeur importante pour moi.

 

E) Je ne supporte pas que l’on me fasse la morale.

D) J’aime la franchise, le ton direct, les relations musclées.

F) Ma chambre est toujours bien rangée.

C) Je me sens jeune et dynamique.

A) On dit de moi que je suis gentil et bon.

G) Je n’aime pas sentir que ceux que j’aime n’aient pas besoin de moi.

H) J’aime la solitude, la méditation.

B) J’ai toujours tendance à me justifier.

I) Il m’arrive de m’habiller de manière bizarre.

 

C) Je suis satisfait de ce que je fais et par l’image que je donne de moi.

F) L’humour est parfois un manque de respect.

A) Je suis plutôt du genre têtu.

B) J’ai des problèmes avec la nourriture.

G) J’aime qu’on ait besoin de moi.

I) J’ai beaucoup d’imagination.

D) Je ne supporte pas la faiblesse chez moi et chez les autres.

H) J’aime comprendre avant d’agir, même si je n’agis pas souvent.

E) J’aime aider les autres à condition que cela ne m’engage pas à long terme.

 

C) j’aimerais être le meilleur dans ce que j’entreprends.

F) Je me culpabilise de me détendre ou de m’adonner à des activités futiles.

I) J’ai tendance à tout voir en noir.

E) Je ris de tout.

H) Je suis économe, parfois avare.

D) Je suis un bosseur. Je suis tenté de croire que les autres sont des paresseux.

B) Quand je rentre dans un magasin, il arrive très souvent que je ne me décide pas à acheter ce que je désirais.

A) Je n’aime pas les difficultés et tout ce qui demande un effort en général.

G) Je suis d’accord pour dire qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.

 

D) Quand je ne suis pas occupé, j’ai tendance à déprimer.

A) Je préfère dire que je suis d’accord avec quelqu’un plutôt que de me disputer.

F) Je fais souvent la leçon aux autres.

H) Si j’en avais les moyens, je passerais bien ma vie à étudier.

C) J’aime les compliments sur ma famille ou mon travail.

G) Je me fais du souci pour le bien-être de mes proches.

B) J’ai tendance, soit à remettre au lendemain, soit à foncer tête baissée.

I) J’ai un tempérament d’artiste.

E) Je n’aime pas ce qui est répétitif.

 

G) Je supporte difficilement la solitude.

B) Je doute beaucoup de moi.

A) Je ne me connais pas d’ennemi, je suis facile à vivre.

C) Je suis envieux de la réussite des autres.

F) Je cherche la perfection en moi et dans les autres.

I) Je me sens très vulnérable sur le plan émotionnel. Je suis hypersensible.

E) Je lis plusieurs livres à la fois.

H) J’aime qu’on respecte mon intimité, je déteste les gens collants.

D) Je suis un dur au cœur tendre.

 

F) J’ai très souvent raison.

E) Je tiens à ma liberté et à mon indépendance.

G) Penser que quelqu’un ne m’aime pas m’est insupportable.

H) Je suis timide et réservé.

C) J’ai plutôt confiance en moi.

A) Je suis le confident de beaucoup de monde.

B) Je suis fidèle en amitié comme dans le travail.

I) Je suis un intuitif.

D) Je suis indépendant et combatif.

 

C’est fini ! Maintenant, tu comptes les lettres entourées, et tu cherches quels sont tes deux ou trois meilleurs scores.

A :

D :

G :

B :

E :

H :

C :

F :

 

Pour la réponse, cliquer ICI.

Mieux se connaître (réponse)

[il faut avoir d’abord rempli le test]

Compare avec la liste des saints ci-dessous fournie. Ainsi, tu pourras :

1- Remercier Dieu pour la variété des personnalités de chacun, sachant que nul ne se réduira jamais à un simple numéro.
2- Mieux te connaître pour travailler tes points faibles et faire grandir tes talents.
3- Mieux comprendre les autres et leurs réactions quotidiennes, dans l’acceptation des différences et la charité fraternelle.
4- Voir que l’on peut toujours se convertir, quel que soit son caractère de départ : Saint François d’Assise (E) n’aimait pas la souffrance et l’a acceptée joyeusement ; Saint François de Sales (D) qui avait tout pour être violent est connu pour sa douceur.
5- Voir que l’on peut tous devenir saints, tout en gardant chacun son originalité: Saint Jean de la Croix (H) est l’un des plus grands poètes espagnols, tandis que Don Bosco (C) a rondement mené les « affaires » de son œuvre éducative.

 

Saint

Tempérament

Devise

Peur / Péché à combattre

Portrait Résolution à prendre Profession

A : Antoine de Padoue

Médiateur

« A quoi bon ? »

Les conflits / La paresse

Même si, une fois l’an, tu peux piquer une grosse colère et paraître parfois entêté, tu es un peu la bonne poire, celui qui est facile à vivre et dont les autres profitent d’ailleurs largement. Doux, réceptif, conciliant, confident-né, tu es tout adapté au désir de l’autre. Médite cette vérité cependant : la vraie paix n’est pas toujours l’absence de conflits.

Je renonce à rester passif face à ma propre vie. J’affirme que je me construis un avenir valable, et pour cela, je me fixe et respecte des échéances.

Tu as des qualités de diplomate, d’écoute pour calmer le jeu. Pense aux professions d’aide, ou à l’administration.

B : Catherine de Sienne

Loyal

« J’appartiens donc je suis »

Le regard des autres / La peur

Tu te retrouves un peu dans tous les types de tempéraments et ne sais pas au fond vraiment qui tu es. Tu manques de confiance en toi, ou, au contraire, prends de gros risques pour surmonter ta peur. Loyal, aimable, digne de confiance, tu aimes t’appuyer sur un groupe, familial, social, religieux, dont tu te sens responsable. Attention à tes possibles tendances anorexiques ou boulimiques ; ne te prends pas toujours pour une victime.

Je renonce à me sentir battu d’avance et à communiquer mon anxiété aux autres.

J’affirme que je suis une personne indépendante et capable.

Tu peux t’épanouir dans n’importe quel type d’emploi mais, comme tu aimes faire partie d’une équipe ou d’un groupe, le système judiciaire ou éducatif, le monde militaire, syndical ou de la santé te conviennent.

C : don Jean Bosco

Battant

« Je réussis donc je suis »

L’échec / Le mensonge

Tu t’investis à fond dans la course à la réussite, et même pour dire ta foi. Jeune et dynamique, tu es autonome, optimiste, fonceur, productif, pratique. Attention cependant à la frime, à l’agressivité, au goût excessif de la compétition et à la fuite de la vie intérieure. Tu vaux plus que la grosse moto que tu rêves d’acheter.

Je renonce à vouloir impressionner les autres avec mes performances. J’affirme que je m’accepte tel que je suis et je cultive mon authenticité.

Le commerce, l’informatique, la politique. En plus de ton travail, tu aimes aussi t’investir bénévolement dans des œuvres associatives.

D : François de Sales,

Vincent de Paul,

Grignion de Montfort

Chef

« Je suis fort, donc je suis »

Être dépendant / La violence

La force, le pouvoir et l’audace sont plutôt des caractéristiques masculines, et les femmes de ce tempérament ne sont pas toujours comprises. Direct, positif, combatif, sûr de toi, tu assumes avec autorité commandement, prise de décision, protection des faibles. Individualiste, exigeant, prompt à prendre les autres en défaut, tu redoutes toujours d’être manipulé et tu aimes tout contrôler.

J’affirme que je peux avoir des sentiments affectueux, un regard bienveillant et des attentions délicates. Je renonce à ma peur d’être sensible, vulnérable et faible.

Tu as l’étoffe d’un entrepreneur, d’un meneur d’hommes, d’un dirigeant, notamment dans le monde des affaires ou l’armée. Tu préfèreras souvent être ton propre patron.

E : Thérèse de l’Enfant Jésus, François d’Assise

Epicurien

« J’éprouve du plaisir, donc je suis »

La souffrance et le renoncement / La négligence

Tu aimes la vie, les autres, les projets stimulants. Tu t’intéresses à tout mais ne va au bout de rien. Tu passes de l’envie de t’engager à un désir de liberté et d’indépendance. Sorte de clown triste, tu fuis la souffrance. Charmeur, plein d’humour, rapide, imaginatif, productif, tu peux vite devenir narcissique, possessif, impulsif, dispersé.

J’affirme que je vais mener mes projets jusqu’au bout, en m’imposant une discipline personnelle et en m’organisant mieux. Je renonce à vouloir que chaque instant soit excitant.

Tu es tenté de mener plusieurs projets et carrières de front. Photographe, pilote, entrepreneur, etc… Tu aimes les défis, les voyages, les situations d’urgence et détestes les tâches répétitives.

F : Ignace de Loyola

Légaliste

« Je suis en règle, donc j’existe »

Être pris en faute / L’orgueil

Tu as le sens de la justice et de la vérité. Loyal, consciencieux, organisé, efficace, tu es une perle dans une entreprise ou une communauté : on peut te confier des responsabilité en toute confiance. Ne prends quand même pas tout au sérieux, même l’humour. Attention au perfectionnisme : la recherche de la perfection peut être un obstacle à la sainteté !

Je renonce à imposer aux autres et à moi-même des idéaux inatteignables. J’affirme que la vie est belle et qu’elle est source de plaisir.

Tu es intéressé par les sciences ou l’application des lois. Si tu es davantage tourné vers autrui, tu peux choisir les professions de la santé, de l’éducation ou les œuvres religieuses.

G : mère Teresa

Altruiste

« J’aime, donc je suis »

Être abandonné / La jalousie

Amour est le maître mot de ta vie. Traditionnellement, la société a davantage encouragé les qualités de ce tempérament chez les femmes que chez les hommes. Sensible, généreux, chaleureux, la relation à l’autre est pour toi plus importante que tout. Si tu cherches moins à être aimé qu’à aimer concrètement (aider, compatir, écouter…), tu deviendras l’altruiste véritable, celui qui

Je renonce à forcer les autres à m’aimer en attirant l’attention sur ce que je fais pour eux. J’affirme que j’ai une vie intérieure et des qualités propres à développer.

Tu aimes les contacts avec les autres, la relation d’aide, la vie de famille. Pense aux domaines de la santé, de la restauration, ou du spectacle si tu es plus extraverti.

H : Jean de la Croix

Penseur

« Je pense donc je suis »

L’empiètement d’autrui sur ton territoire intérieur / L’avarice

Enfant, tu t’isolais pour lire ou jouer, genre « petit chimiste ». Ce qui compte pour toi, même dans les relations humaines, c’est l’expérience stimulante au plan intellectuel. Timide, critique, avec un humour fin qui peut blesser parfois, tu retiens tout ce que tu lis ou observes, mais retiens aussi tes émotions et souvent ton argent.

Je renonce à ma peur d’être abusé ou englouti par les autres. J’affirme que je n’ai pas toujours besoin d’absolument tout connaître d’une question avant de me décider à agir.

Tu aimes la contemplation, les sciences et tout domaine exigeant au plan intellectuel. Tu préfères travailler seul. Les moines, chercheurs ou grands inventeurs sont presque tous du type « H ». SI tu as un bon score en « I », tu as peut-être aussi une vocation de musicien ou d’écrivain.

I : Thérèse d’Avila

Romantique

« Je suis différent, donc je suis »

La banalité, le quotidien / La tristesse

A l’adolescence, nous passons presque tous par une phase « I », ce qui ne veut pas dire que celle-ci sera la dominante de notre caractère plus tard. Les autres pourront-ils jamais te comprendre dans ton originalité ? Créatif, intuitif, hyper sensible, capable d’empathie, tu as une sérieuse tendance à la dépression, à la culpabilité, au repliement sur toi ou au narcissisme.

Je renonce à cultiver la tristesse. J’affirme que je suis beaucoup plus que mes émotions.

Tu es attiré par l’art, la presse, la psychologie. Les grands artistes sont presque tous des « I ». Tu acceptes généralement un métier banal pour te consacrer à la création.

 

 

Antoine de Padoue

Né à Lisbonne, ce contemporain de saint François d’Assise s’appelait en réalité Fernando. De famille noble aux traditions militaires, il entra tout jeune chez les Chanoines Réguliers de Saint Augustin à Coïmbra où il fut ordonné prêtre. En 1220, quand les restes des premiers martyrs franciscains furent ramenés du Maroc au Portugal, il entra chez les Frères Mineurs et prit le prénom d’Antoine. Il désirait lui aussi aller au Maroc afin d’y mourir martyr. Tombé malade pendant le voyage, il dut rentrer en Europe. En 1221, il est à Assise au chapitre de l’Ordre et ses frères découvrent alors ses talents de prédicateur et de théologien. Ayant remplacé « au pied levé » un prédicateur empêché, il étonne ses frères qui, désormais, l’envoient prêcher plutôt que de balayer. Avec la permission de saint François, il enseigne à Bologne, Toulouse, Montpellier et Limoges. A Brive-la-Gaillarde, on conserve même le souvenir des grottes où il se retira quelque temps dans la prière solitaire. C’est aussi dans cette ville qu’il retrouva miraculeusement un manuscrit dérobé, y gagnant du même coup sa spécialité posthume pour lui faire retrouver les objets perdus. En 1229, il est élu provincial de l’Italie du Nord. La fin de sa vie est dominée par la prédication où il excelle. Il se trouve à Padoue pour prêcher le Carême en 1231. C’est là qu’il meurt d’épuisement à 36 ans, dans cette ville qui le vénère et qui lui donne son deuxième nom, saint Antoine de Padoue. Il est « Docteur de l’Eglise », mais la piété populaire préfère en lui l’intercesseur efficace.

Catherine de Sienne (+1380)

Catherine, benjamine d’une famille très nombreuse (24 frères et sœurs) entend très jeune l’appel à se consacrer à Dieu. A seize ans, elle devient tertiaire dominicaine, tout en vivant sa vie d’austérité et de prière au milieu de sa famille. Elle fait vœu de virginité, mais le petit groupe des amis qui l’écoutent et la soutiennent (les Caterini) l’appelle « maman ». Ascèse et oraison la font vivre en étroite union avec la Christ, tout en se préoccupant des réalités de la vie. Elle vient en aide aux pauvres et aux malades de Sienne, elle écrit aux grands de son temps. Son principal souci est l’unité de l’Eglise. Sans complexe, elle écrit au Pape, alors en Avignon, une lettre brûlante où elle le presse de revenir à Rome. Elle ira même le chercher. Lorsque la chrétienté occidentale sera divisée entre plusieurs papes, elle soutiendra Urbain VI et déploiera des trésors d’activité et de diplomatie pour rassembler l’Eglise autour de lui. Elle prend aussi partie dans les luttes où s’affrontent les villes italiennes. Elle, la recluse de Sienne, elle voyage inlassablement comme médiatrice dans le nord de l’Italie et le sud de la France. Pourtant cette activité débordante n’est pas le tout de sainte Catherine. Ce n’est que la face apparente d’une intense vie mystique, avec des extases durant lesquelles ses disciples, émerveillés, copient les prières qui s’échappent de ses lèvres. Son « Dialogue », qui est aussi un des classiques de la langue italienne, retrace ces entretiens enflammés avec le Christ., qu’elle rejoignit à 33 ans, dans la vision béatifique. Elle a été proclamée docteur de l’Eglise en 1970.

Jean Bosco (+1888)

C’était un fils de pauvres paysans piémontais. Adolescent, il joue à l’acrobate pour distraire sainement les garnements de son village. Devenu prêtre à force de sacrifices, il se dévoue aux jeunes ouvriers de Turin abandonnés à eux-mêmes. Il crée pour eux un centre de loisirs, un patronage, puis un centre d’accueil, puis des ateliers. Rien de tout cela n’était planifié à l’avance, mais ce sont les besoins immenses qui le pressent. Jamais il ne refuse d’accueillir un jeune, même si la maison est petite, même si l’argent manque. Plutôt que de refuser, il multipliera les châtaignes comme son maître multipliait les pains en Palestine. Sa confiance absolue en la Providence n’est jamais déçue. Ses « enfants » seront bientôt des centaines et tous se feraient couper en morceaux pour Don Bosco. Sa mère, Maman Marguerite, vient s’installer près de lui et jusqu’à sa mort, elle leur cuira la polenta et ravaudra leurs vêtements. Très marqué par la spiritualité de saint François de Sales, Jean Bosco invente une éducation par la douceur, la confiance et l’amour. Pour ses garçons, il fonde l’Oratoire, l’Oeuvre, qui sera à l’origine de la congrégation des prêtres salésiens. Pour les filles, il fonde la congrégation de Marie-Auxiliatrice. Don Bosco mourra, épuisé, en butte à l’hostilité de son évêque qui ne le comprend pas, mais entouré de ses disciples.

François de Sales (+1622)

Fils d’une noble famille savoyarde restée catholique en pays calviniste, il était destiné à un brillante carrière juridique. Son père l’envoie étudier à Paris. Mais il y découvre la théologie et les problèmes de la prédestination, soulevés par les calvinistes. Scrupuleux, il se croit prédestiné à être damné. Le désespoir le submerge jusqu’au jour où il découvre le « souvenez-vous », la prière mariale attribuée à saint Bernard. Il retrouve la paix et ce sera l’un des grands messages de sa vie quand il pacifiera sainte Jeanne de Chantal, puis quand il écrira son « Introduction à la vie dévote ». Prêtre, puis évêque de Genève, il réside à Annecy, car Genève est la « Rome » des calvinistes. Il fréquente les plus grands esprits catholiques de l’époque, soutient la réforme des carmels de sainte Thérèse d’Avila, la fondation de l’Oratoire par saint Philippe Néri. Lui-même fonde l’Ordre des Visitandines pour mettre la vie religieuse à la portée des femmes de faible santé. Son « introduction à la vie dévote » est un ouvrage qui s’adresse à chaque baptisé. Il y rappelle tout laïc peut se sanctifier en faisant joyeusement son devoir d’état, en lequel s’exprime la volonté de Dieu. Il est le patron des journalistes car il écrivit de nombreuses feuilles imprimées qui sont des « gazettes » pour s’adresser aux calvinistes qu’il ne peut rencontrer.

Thérèse de l’Enfant Jésus (+1897)

Thérèse Martin est la cinquième et dernière fille d’une famille chrétienne où elle grandit « entourée d’amour. » Elle a 4 ans quand la mort de sa mère introduit une brisure dans sa vie. Le père et la quintette de ses filles s’installent alors à Lisieux pour se rapprocher d’une partie de sa famille. Deuxième drame qui ébranle Thérèse : sa sœur Pauline puis sa sœur Marie entrent au Carmel. La nuit de Noël, par une grâce puissante, elle retrouver le joyeux équilibre de son enfance et s’élance, dans « une course de géant », vers le Dieu-Amour qui l’a saisie. Non sans démarche, allant intrépidement jusqu’à Rome se jeter aux pieds du pape, elle obtient d’entrer au Carmel à quinze ans, le 9 avril 1888. Avec une fidélité héroïque, elle y poursuit sa route vers la sainteté. Le Seigneur lui découvre peu à peu sa « petite voie » d’abandon et de confiance audacieuse. Le 9 juin 1895, elle s’offre à l’amour miséricordieux de Dieu. Durant sa longue maladie; la tuberculose, elle est conformée au Christ, dans le mystère de son agonie pour le salut des pécheurs qui n’ont pas la foi. Elle meurt à 24 ans, promettant de faire tomber sur la terre « une pluie de roses » et de passer son ciel à faire du bien sur la terre. Quelques années plus tard, le récit de sa vie, écrit pas obéissance, connaît un succès populaire époustouflant et de nombreux témoignages de grâces obtenues par son intercession affluent au monastère. Proclamée patronne des missions de l’Eglise universelle, est docteur de l’Eglise en 1997.

Ignace de Loyola (+1556)

Né en Espagne d’une noble famille, benjamin de treize enfants, Ignace est d’abord page à la cour puis chevalier rêvant d’exploits. En 1521, les Français assiègent Pampelune. Ignace s’illustre parmi les défenseurs de la ville quand un boulet de canon lui broie la jambe et lui brise sa carrière. Il rentre au château familial sur un brancard. Ayant épuisé les récits de chevalerie, il entame la vie des saints. C’est la conversion, totale, brutale. Dès qu’il peut marcher, il se rend dans une grotte à Manrèse, non loin de l’abbaye bénédictine de Montserrat. Il y découvrira sa vocation propre : non la contemplation, mais le service de Dieu parmi les hommes. C’est là qu’il rédige ses « Exercices spirituels » où il consigne ses expériences spirituelles. Après un pèlerinage en Terre Sainte, il commence ses études de théologie à Paris. Il partage sa chambre avec un jeune étudiant : saint François Xavier et le contact n’est pas toujours facile. Quelque temps plus tard, le 15 août 1534, l’étudiant attardé de 43 ans et ses jeunes amis étudiants font à Montmartre, le vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance et fonde ainsi la « Compagnie de Jésus ». Douze ans plus tard, ils feront profession solennelle à Rome « pour la plus grande gloire de Dieu. » A Paris, existe encore le collège Montaigu où il logeait, actuellement collège Sainte Barbe. Rue Valette – 75005. La chapelle des vœux est actuellement désaffectée.

Mère Teresa (+1997)

Agnès Bojaxhiu est née en Albanie et rêvait des missions étrangères. A l’adolescence, elle choisit le couvent. Elle y reste vingt ans, enseignant l’histoire et la géographie dans un établissement huppé de Calcutta. Une nuit, dans un train, elle entend une voix : « Quitte ton couvent, va vivre avec les plus pauvres. » Dans l’incompréhension générale, elle délaisse son poste de directrice d’école pour s’installer seule dans les bidonvilles. En 1949, les sœurs étaient trois. A sa mort, le 5 septembre 1997, son ordre est présent dans plus de cent pays. Parmi les pauvres d’entre les pauvres, 50.000 morts ont reçu grâce à elle, l’amour et l’affection des derniers instants, « aucun d’eux n’est mort désespéré ». « Ce que nous faisons à ces gens là, c’est à Jésus que nous le faisons, la religion chrétienne apporte l’amour du Christ, et le message de son amour, est le seul message qui puisse conduire à la paix. Non seulement ici, mais dans le monde entier. L’amour est la seule chose qui compte, c’est pour cela qu’il faut se pardonner les uns les autres ». Contre le fatalisme, elle agissait pour changer les choses, nourrissant chaque année 500.000 familles, accueillant 20.000 enfants dans les écoles, soignant 90.000 lépreux etc… Elle reçu le prix Nobel de la paix en 1979.

Jean de la Croix (+1591)

Juan est né en Vieille-Castille dans une famille pauvre. Il est très jeune quand meurt son père. Sa mère doit se louer comme nourrice. Lui-même, pour payer ses études, travaille comme infirmier à l’hôpital de la ville. A 21 ans, il décide d’entrer chez les Pères Carmes et ses supérieurs l’envoient à l’Université de Salamanque. Il aspire à retrouver la règle primitive de l’Ordre, faite d’austérité et de prière, mais il n’essuie que des refus. Devenu prêtre, il songe à changer d’Ordre religieux, quand Dieu lui fait rencontrer sainte Thérèse d’Avila. Avec elle, il réalisera cette réforme dans une vie toute faite d’absolu. Il devint ainsi, auprès de ses frères, un signe de contradiction. On l’emprisonne neuf mois à Tolède, menottes aux mains, dans un cachot. Et, de son âme dépouillée de tout appui humain, jaillira le  » Cantique spirituel « . Il finit par s’enfuir et il est recueilli par des carmélites déchaussées. Commence alors pour Jean de la Croix, une période d’activité rayonnante, ouvrant à tous, carmes et carmélites, gens du peuple et universitaires, l’étroit sentier de la parfaite docilité à l’Esprit-Saint. De retour en Castille, il exerce de lourdes responsabilité, tout en désirant la parfaite ressemblance d’amour avec son Seigneur crucifié. Démis de toute charge, malade, calomnié, enfin se déchire la « toile de cette vie », il entre dans la vision de Dieu et va chanter son Cantique spirituel. « A la fin du jour, c’est sur l’amour qu’on vous examinera. » (St Jean de la Croix – Maxime 80)

Thérèse d’Avila. (+1582)

Née dans une noble famille d’Avila en Castille, elle entre à 20 ans au Carmel. Elle se rend compte que les pratiques religieuses de cet Ordre se sont dégradées et elle veut le réformer pour le faire revenir à la Règle primitive, malgré bien des résistances. Elle fonde de nombreux couvents en Espagne. Elle vit des expériences mystiques très fortes et rencontre saint Jean de la Croix, lui même mystique. Elle nous a laissé des écrits de haute spiritualité, en particulier « Le château intérieur de l’âme » qui est une extraordinaire méthode de prière et d’oraison qui la range parmi les meilleurs guides de l’oraison contemplative. Paul VI la proclame Docteur de l’Eglise en 1970. « Qu’il est admirable de songer que Celui dont la grandeur emplirait mille mondes et beaucoup plus, s’enferme ainsi en nous qui sommes une si petite chose ! » (in Chemins de la Perfection)

Divorcés-remariés & communion

L’accès à la communion des personnes divorcées remariées

La parution en 1999 d’un recueil de textes rappelant la position de l’Église catholique sur la place des divorcés remariés dans l’Église, et notamment l’introduction de ce recueil par le cardinal Ratzinger (DC n°2201 p. 316-325) a suscité des réactions critiques vis à vis de ce que certains ont considéré comme une manifestation de raideur magistérielle, en contradiction avec une vraie charité pastorale prenant en considération des situations personnelles, situations par ailleurs de plus en plus nombreuses. Si les critiques se focalisent sur l’accès des fidèles divorcés remariés aux sacrements, c’est peut-être parce que c’est là où la discipline de l’Église et le rapport personnel du croyant à la grâce et à la miséricorde du Christ paraissent le plus s’opposer, du fait que parmi les baptisés divorcés remariés, les plus pénalisés par cette discipline ecclésiale seraient en fait les plus fidèles, les plus disposés à accueillir fructueusement, en Église, la grâce des sacrements refusés.

Pour interpréter la position magistérielle d’une manière autre que critique (laxiste) ou au contraire rigoriste (tutioriste), alors qu’aussi bien l’exigence et la compassion sont complémentaires en ce sujet, les pages qui suivent proposent une lecture résumée de l’introduction du cardinal Ratzinger et quelques réflexions sur l’accès des personnes divorcées remariées à la communion. Il s’agira de vivre pleinement en chrétien cet état de vie et ce qu’il implique comme rapport fécond au Christ et à son corps qu’est l’Église.

Quelle que soit l’appréciation portée sur le fond, les pages de l’introduction au recueil de textes du Magistère publiés par le Saint Siège, ont le mérite de résumer avec précision la position de l’Église déjà exprimée dans des documents tels que Gaudium et Spes (GS n°47-52), l’exhortation apostolique Familiaris Consortio (FC – 22 nov. 1981), le code de droit canonique (CIC, 1983), le catéchisme de l’Eglise catholique (CEC n°1650-1651) et enfin la Lettre aux évêques de l’Église catholique sur l’accès à la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés (14 sept.1994 – DC n°2156 p.260-261). Ces pages situent aussi la problématique dans son contexte historique et ouvrent des questions à creuser.

Contexte historique

Le Concile de Vatican II n’a pas explicitement évoqué le statut des personnes divorcées remariées, mais en réaffirmant l’incompatibilité du divorce avec l’amour matrimonial, il a rappelé la doctrine constante dans l’histoire de l’Église sur l’indissolubilité du mariage. Si depuis le 18ème siècle, le divorce a été progressivement rendu possible dans les législations civiles, avec la possibilité d’un nouveau lien matrimonial, l’Église n’en a jamais reconnu la validité, ni du divorce, ni du remariage. Au contraire, le code de droit canonique de 1917 désignait les fidèles divorcés remariés comme « publiquement infâmes » et exclus des sacrements de la pénitence et de l’Eucharistie. Le ton aujourd’hui a changé à l’égard des personnes divorcées remariées, mais les orientations pastorales les plus récentes ainsi que les documents magistériels de ces dernières années rappellent l’indissolubilité du mariage et la non admission des fidèles divorcés remariés qui « persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste » (CIC n°915) De plus, on souligne que la conviction personnelle d’un fidèle divorcé remarié sur la nullité de son précédent mariage, mais sans possibilité d’en apporter une preuve « au for externe », cette conviction ne suffit pas à elle seule pour lui donner accès au sacrement, de son initiative ou de celle d’un pasteur, fût-il le pape. La réalité publique du mariage impose en effet que des preuves objectives en attestent la nullité. Cependant ça et là, une pratique pastorale s’est développée consistant à tolérer la réception des sacrements par les fidèles divorcés remariés qui estiment en conscience y être autorisés. La Congrégation pour la Doctrine de la foi a donc été sollicitée pour préciser la position du Magistère de l’Église : ce fut la Lettre aux évêques de 1994. En introduction du recueil de 1999, le cardinal Ratzinger résume en huit thèses la doctrine de l’Église.

Doctrine de l’Église

« Les fidèles divorcés remariés se trouvent dans une situation qui contredit objectivement l’indissolubilité du mariage. » Celle-ci n’est pas une simple norme ecclésiale, mais une volonté exprimée du Christ ; aussi l’Église n’a pas le pouvoir de défaire un lien matrimonial valide, ce qui exclut toute célébration ecclésiale d’un remariage d’un fidèle divorcé.

« Les fidèles divorcés remariés demeurent membres du Peuple de Dieu et doivent faire l’expérience de l’amour du Christ et de la proximité maternelle de l’Église. » C’est un appel à une attention pastorale particulière de la part des pasteurs et des communautés pour être proche des fidèles divorcés remariés et accompagner ceux qui souffrent de relations familiales difficiles.

« Comme baptisés, les fidèles divorcés remariés sont appelés à participer activement à la vie de l’Église, dans la mesure où cela est compatible avec leur situation objective. » Est citée Familiaris Consortio : « On les invitera à écouter la Parole de Dieu, à assister au sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière, à apporter leur contribution aux œuvres de charité et aux initiatives de la communauté en faveur de la justice, à élever leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l’esprit de pénitence et à en accomplir les actes, afin d’implorer, jour après jour, la grâce de Dieu. » Il y a là aussi l’invitation à une compréhension plus profonde de la communion spirituelle, dans la participation à la messe.

« A cause de leur situation objective, les fidèles divorcés remariés ne peuvent pas être admis à la sainte communion ; ils ne peuvent pas non plus accéder de leur propre initiative à la Table du Seigneur. » Cette norme n’est pas un règlement disciplinaire modifiable par l’Église, mais résulte d’une situation objective contredisant « la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie. » (FC n°84) Si admission il y avait, cela induirait en erreur les fidèles sur l’indissolubilité du mariage. Inversement, les fidèles divorcés remariés qui accueillent avec une conviction intérieure cette impossibilité objective rendent témoignage à leur manière de l’indissolubilité du mariage et de leur fidélité à l’Église.

« A cause de leur situation objective, les fidèles divorcés remariés ne peuvent pas exercer certaines responsabilités ecclésiales. » (cf. CEC n°1650) Cela vaut pour la fonction de parrain (cf. CIC n°874) ainsi que pour les fonctions pastorales qui présupposent un témoignage particulier de vie chrétienne. Cette exigence de discernement pastoral devrait être exercée à l’égard de tous les fidèles et non aux seuls fidèles divorcés remariés.

« Si les fidèles divorcés remariés se séparent ou bien s’ils vivent comme frères et sœurs [notamment si l’éducation des enfants exige de rester ensemble], ils peuvent être admis aux sacrements. » Cette continence manifeste le ferme propos de ne plus être en contradiction avec l’indissolubilité du mariage.

« Les fidèles divorcés remariés, qui sont subjectivement convaincus que leur précédent mariage était invalide, doivent régler leur situation au for externe. » Cependant, de nouvelles voies sont promues pour prouver la nullité du précédent mariage, notamment le fait que les déclarations crédibles des deux conjoints peuvent constituer à elles seules une preuve suffisante de nullité (cf. CIC n°1536, 1679).

« Les fidèles divorcés remariés ne doivent jamais perdre l’espérance de parvenir au salut.»

Objections et éléments de réponse

Face aux objections qu’une telle doctrine suscite, quelques éléments de réponse sont donnés :

« Beaucoup estiment, alléguant divers passages du Nouveau Testament, que la parole de Jésus sur l’indissolubilité du mariage permet une application souple et ne peut pas être classée avec rigidité dans une catégorie juridique. » En réalité, la position de l’Église n’est pas le résultat d’un tri entre passages bibliques rigoureux et d’autres plus ouverts à une possible exception de divorce (Mt 5,32 ; 1Co 7,12-16) : la fidélité envers la parole de Jésus conduit à voir le divorce comme résultant de la dureté de cœur des hommes, et contraire à la volonté du Créateur (Mc 10,9). L’indissolubilité du mariage sacramentel entre deux chrétiens croyants vient aussi de sa valeur de signe de l’alliance inconditionnelle de la part de Dieu. Les « exceptions » évoquées concernent en fait des situations de non sacramentalité, de non validité du mariage contracté.

« D’autres objectent que la tradition patristique laisserait place à une pratique plus différentiée, qui rendrait mieux justice aux situations difficiles ; à ce propos, l’Église catholique pourrait apprendre quelque chose du principe de l’ »économie » des Églises orientales séparées de Rome. » Une étude historique détaillée serait nécessaire pour l’affirmer. Trois lignes générales semblent claires : (1) selon les Pères, l’indissolubilité du mariage découle de la volonté du Seigneur ; (2) les fidèles divorcés remariés ne furent jamais officiellement admis à la communion, même s’il y eut des tolérances pastorales en divers lieux ; (3) la pratique des Églises orientales, plus libérale en matière de divorce, admettant dans des cas déterminés un 2nd voire un 3ème mariage, d’une part est inconciliable avec les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et d’autre part, pourrait s’expliquer par l’imbrication plus étroite entre l’État et l’Église amenant à des concessions théologiques abusives, que la réforme grégorienne et les conciles de Trente et de Vatican II ont permis d’éviter en Occident.

« Beaucoup proposent de permettre des exceptions à la norme ecclésiale, sur la base des principes traditionnels de l’ »epikeia » et de l’ »aequitas canonica » [justifiant une décision de conscience s’éloignant de la norme générale]. » En fait, ces principes ne s’appliquent qu’à des normes humaines et non à une norme de droit divin (remontant au Seigneur) comme l’indissolubilité du mariage vis à vis de laquelle l’Église ne peut entrer en contradiction. En revanche, l’Église peut approfondir les conditions de validité d’un vrai mariage, ainsi que les motifs de nullité de mariage (empêchements matrimoniaux, privilèges paulin et pétrinien) et les preuves à donner au for externe d’une telle nullité (cf. ci-dessus), sachant dans ces cas que le for interne, la seule conviction personnelle d’une des parties ne permet pas de juger soi-même en conscience de cette nullité, en dehors d’une procédure qui l’objective, en l’occurrence, devant un tribunal ecclésiastique.

« Certains accusent le Magistère actuel de repli sur soi par rapport au Magistère du Concile [de Vatican II], et de proposer une vision préconciliaire du mariage. » L’approche personnaliste de Gaudium et Spes n’a pas rompu avec la doctrine traditionnelle du mariage, avec fidélité jusqu’à la mort. En parlant de sacrement de mariage et de pacte d’amour et de vie, la dimension contractuelle, sociale, ecclésiale du mariage demeure, que le droit explicite. Une question reste ouverte : puisque la foi est requise et appartient à l’essence de tout sacrement, le mariage de deux baptisés non croyants est-il sacramentel ? Quelle évidence de non-foi entraînerait alors la nullité du mariage ?

« Beaucoup affirment que l’attitude de l’Église dans la question des divorcés remariés est unilatéralement normative et non pas pastorale [en pratiquant un langage d’exclusion, des sacrements et de certaines charges]. » Si la forme de ce langage doit être amendée pour atteindre les personnes et les cultures, son contenu doit s’attacher sans compromis à la vérité révélée, tant amour et vérité, charité pastorale et exigences de fidélité vont de pair. « Seul ce qui est vrai peut être pastoral. »

Réflexions sur l’accès à la communion

Le résumé précédent des réponses aux objections à la doctrine de l’Église concerne principalement le maintien du principe évangélique de l’indissolubilité du mariage, au cœur du débat. Pourtant, la contestation de ce principe ne s’affiche pas de manière aussi revendicatrice et aussi douloureuse que pour la question apparemment moins fondamentale de l’accès des fidèles divorcés remariés aux sacrements et en particulier à la communion. Cela peut s’expliquer, à une époque où, même en milieu non chrétien, le modèle du couple uni pour la vie apparaît encore comme un idéal, certes jugé inaccessible, irréaliste, mais idéal quand même. La relation durable apparaît comme une réussite plus désirable que le divorce – conçu comme échec – ou l’instabilité matrimoniale des familles recomposées. Que l’Église tienne à cette indissolubilité du mariage témoigne d’une exigence conforme à cette attente. Inversement, l’accès des fidèles divorcés remariés à la communion est un sujet plus polémique puisqu’il touche des personnes en situation concrète où le discours du Magistère de l’Église semble désavoué par les faits et les pratiques, en paraissant s’établir dans le registre juridique du « Tu n’as plus droit à ceci, puisque tu as fait cela ». Un tel discours peut être perçu comme enfermant la personne dans ses actes passés, dans une « situation objective », dont elle peut être davantage victime que responsable. De plus les invitations magistérielles récentes invitant les fidèles divorcés remariés à participer autrement et fructueusement à la vie ecclésiale, peuvent sembler déguiser par des pratiques accessoires ce qui est en fait une exclusion de l’essentiel, l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne.

Pour esquisser une réponse à ces objections, voici quelques réflexions qui pourraient déborder le cadre des seuls fidèles divorcés remariés, et qui concernent ce qui se réalise dans le sacrement de l’Eucharistie, le rapport du fidèle au salut qui y est signifié, et les rôles liturgiques différentiés qu’y jouent les membres de l’assemblée.

Pourquoi certaines catégories de fidèles n’ont-elles pas le droit de communier ?

Le registre du droit n’est pas le plus approprié pour parler de ce qui relève d’un don gratuit, immérité, que personne ne peut revendiquer comme un dû, comme un droit. A proprement parler, personne n’y a droit ! De même pour le sacrement du baptême, où le long temps du catéchuménat entraîne le futur baptisé à se recevoir dès maintenant du Christ plutôt qu’à s’impatienter d’une demande qui tarde à être exaucée ; de même pour la confirmation, où c’est moins le fidèle qui confirme son baptême, que l’Esprit Saint qui vient le confirmer ; de même pour l’ordination, où l’initiative et l’antécédence de l’appel de l’Église (particulièrement manifeste pour l’appel au diaconat ou à l’épiscopat), entraînent l’ordinand à remettre son projet, son désir entre les mains du Christ via les médiations ecclésiales… Ce n’est pas moi qui ait droit à tel sacrement ; c’est le Christ qui appelle, qui convoque tel ou tel, à travers son Église en vue de signifier sacramentellement un don de salut fait pour tous. Que tous ne soient pas baptisés, mariés, ordonnés, confirmés, eucharistiés ne relève pas premièrement d’un droit accordé ou non à qui l’Église jugerait bon de l’accorder, mais d’un signe sacramentel donné par grâce à qui consent, en l’accueillant, à être lui-même pour les autres signe du salut offert à tous, selon une modalité d’expression convenant à la situation objective de chacun. Ainsi, par une analogie qui reste à vérifier, autant c’est une « convenance de signe » qui justifie que l’on appelle à l’ordination des hommes qui ont fait le choix de la chasteté dans le célibat, autant c’est une convenance de signe d’un autre ordre qui pourrait être le motif suffisant de distinguer parmi les fidèles participant à la messe, ceux qui sont appelés à recevoir la communion.

Comment vivre en chrétien sans communier ?

C’est la relation personnelle du baptisé à Jésus-Christ qui fait son être-chrétien : être disciple de Jésus, être son frère et son ami. Ce qui relève de l’intimité avec le Christ, la vie d’oraison, la dévotion privée, a certes besoin d’une régulation ecclésiale pour s’assurer d’une fidélité à la figure du Christ telle qu’elle s’est révélée ; mais cette régulation est au service de la relation personnelle du croyant au Christ. Elle lui est subordonnée. A l’inverse, et au risque d’exagérer, ce qui se produit dans la célébration de tout sacrement relève d’une autre logique : ce n’est pas premièrement le croyant qui vient s’alimenter lui-même à une source de grâce qui conforte sa relation personnelle au Christ ; ceci lui est certes donné de surcroît, mais c’est d’abord la gloire de Dieu et le salut du monde, que le fidèle vient servir liturgiquement, à cause de la dimension d’universalité, de « service public » (c’est le sens étymologique du mot liturgie) présente en tout sacrement, y compris dans les sacrements apparemment les plus « personnels » (cf. le sacrement de la réconciliation). En Église, le fidèle vient servir, célébrer, annoncer, signifier la gloire de Dieu et le salut du monde, comme membre signifiant du sacrement de salut qu’est l’Église. Tous convoqués à l’appel du Christ, nous signifions ensemble les deux aspects paradoxaux du salut déjà accompli en la mort et la résurrection de Jésus : un salut déjà là et pourtant encore attendu, désiré, espéré. Le sacrement anticipe la pleine communion au Christ mais il signifie aussi ce qui reste encore inachevé du Royaume à venir où le Christ sera tout en tous. D’une certaine manière, il pourrait ainsi apparaître qu’il appartient au sacrement de l’Eucharistie de s’achever autant en communion, signe du déjà-là, qu’en non-communion, signe de l’à-venir-pas-encore-là du Royaume. Ce qui reste spirituellement sensé de la pratique désuète de la communion rare ou tardive – St Louis allait quotidiennement à la messe et ne communiait que quelques fois dans l’année – ou encadrée par des obligations strictes notamment de jeûne et de pénitence, c’est la fécondité ecclésiale de la célébration eucharistique en elle-même, à laquelle tous participent, par delà la communion des uns et la non-communion des autres. Certains, qui communient, signifient davantage le don déjà fait à tous ; d’autres, qui ne communient pas, ou plutôt, qui communient spirituellement, signifient la disproportion entre ce don et l’incapacité présente – de tous – à l’accueillir, et que seul l’avènement définitif du Christ pourra pleinement résorber. La répartition de ces rôles liturgiques découle de considérations au for externe, puisqu’il s’agit d’être des signifiants à travers lesquels s’exerce la causalité de salut du sacrement. Cela se situe en deçà de la sainteté personnelle, de la qualité de la relation personnelle au Christ des fidèles. « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri » Chacun l’affirme, parce que tous sont concernés, mais c’est au nom de toute l’humanité et non pas seulement en son nom propre ou de par sa relation personnelle au Christ qu’on l’affirme ; ce n’est que dans l’éternité que les deux pans de cette affirmation pourront vraiment coïncider l’un avec l’autre. Notre statut temporel impose non seulement qu’ils soient énoncés comme des moments successifs (indignité, guérison) d’une phrase unique, mais encore, que pour signifier leur non coïncidence actuelle, certains signifient davantage l’humble attente de l’ultime (parmi ceux-là, les enfants qui n’ont pas encore reçu la communion, pas seulement les personnes divorcées remariées…), et d’autres ce qui est déjà accompli. Le rôle liturgique des uns et des autres, comme la place et les responsabilités ecclésiales des uns et des autres ne sont pas à hiérarchiser ; ils sont différents, nécessaires et complémentaires dans l’Église, et ils donnent bien à chaque chrétien sa pleine place de témoin d’un salut pour tous.

10 convictions (fille)

On n’essaye pas une personne

On n’apprend pas à aimer par des essais avec plusieurs avant de s’engager avec l’homme de sa vie.

Aimer rime avec fidélité

Il est douloureux d’aimer ou d’être aimée de quelqu’un d’infidèle.

Les mots et les gestes de l’amour sont précieux

Mieux vaut en faire le cadeau à celui que j’aimerai vraiment, à qui je voudrai me donner totalement, au seul que je voudrai comme époux et père de mes enfants.

L’amour, c’est pour la vie (1)

Amour rime avec « toujours », et non « jusqu’au moment où je ne t’aimerai plus. »

L’amour, c’est pour la vie (2)

Un amour vrai entre un homme et une femme va jusqu’au désir de donner la vie à un enfant.

Aimer l’autre, c’est le servir, non s’en servir

Plus que de « vouloir l’autre pour mon bonheur », aimer, c’est « vouloir l’autre heureux ».

L’acte sexuel n’est jamais banal (1)

Il signifie le don total de l’un à l’autre, le don des corps (attirance sexuelle, plaisir des sens), des cœurs (sentiments, solidarité) et de la vie (fécondité possible, communion de vie, projets d’avenir).

L’acte sexuel n’est jamais banal (2)

Dans l’amour vrai, il est merveilleux ; hors de l’amour, il est odieux ou pervers (viol, prostitution, pornographie, pédophilie, inceste…).

L’amour, c’est aussi s’aimer soi-même

Ce n’est pas se respecter soi-même que de rester en relation amoureuse avec un garçon qui ne s’intéresse qu’au sexe ou à mon corps.

Aimer, c’est aussi savoir dire non

Il faut savoir dire non à un garçon qui veut aller trop vite sans vraiment s’engager, plutôt que de dire oui à quelqu’un qui ne me respecte pas ou refuse de s’engager durablement.

10 convictions (garçon)

On n’essaye pas une personne

On n’apprend pas à aimer par des essais avec plusieurs, avant de s’engager avec la femme de sa vie

Aimer rime avec fidélité

On ne peut prétendre aimer quelqu’un sans vouloir en même temps lui être fidèle.

L’amour, c’est pour la vie (1)

Amour rime avec « toujours », non « jusqu’au moment où je ne t’aimerai plus. »

L’amour, c’est pour la vie (2)

Un amour vrai entre un homme et une femme va jusqu’au désir de donner la vie à un enfant.

Aimer l’autre, c’est le servir, non s’en servir

Plus que de vouloir l’autre pour mon plaisir, aimer, c’est vouloir l’autre heureux.

L’acte sexuel n’est jamais banal (1)

Il signifie le don total de l’un à l’autre, le don des corps (attirance sexuelle, plaisir des sens), des cœurs (sentiments, solidarité) et de la vie (fécondité possible, communion de vie, projets d’avenir).

L’acte sexuel n’est jamais banal (2)

Dans l’amour vrai, il est merveilleux ; hors de l’amour, il est odieux ou pervers (viol, prostitution, pornographie, pédophilie, inceste…).

La pornographie est dégradante

Elle réduit l’amour à l’attirance sexuelle, et la personne à un objet de consommation et de convoitise.

Aimer, c’est aussi savoir dire non

Il faut savoir dire non à quelqu’un dont je ne suis pas prêt à faire le bonheur, ou pour qui je ne saurai dire « c’est pour la vie ».

Les mots et les gestes amoureux sont précieux

Ils perdent de leur valeur à être donnés à d’autres que celle avec qui je voudrai vivre toute ma vie.

Alzheimer

La relation et la communication avec les malades d’Alzheimer

Marie-Thérèse Bernabe-Garrido, IDE

Notes prises par RB à la conférence de Marie-Thérèse Bernabe-Garrido. Elles n’engagent pas le conférencier.

 

La maladie

A la différence des maladies psychiatriques, de l’esprit, lamaladie d’Alzheimer est une maladie organique, de l’organe cerveau, une maladie neurologique (du ressort du neurologue ou du neuropsychiatre), avec des manifestations mentales. Elle se traduit avant tout par une altération intellectuelle et s’inscrit dans le cadre plus général des démences. La démence est la pathologie de l’intelligence. Désignant à l’origine toute aliénation mentale, la notion de démence s’est, depuis Esquirol, circonscrite au déficit acquis et irréversible excluant ainsi les altération congénitales (débilité parexemple) ou transitoires (états confusionnels). « Le dément est un riche qui est devenu pauvre, tandis que l’idiot a toujours été pauvre » (Jean-PierreEsquirol 1772-1840) Il y a une soixantaine de démences, mais 5 ou 7 types sont surtout constatées en hôpital (Alzheimer, sénile, Parkinson, Korsakov,Creutzfeld-Jacob, Pick…). La maladie d’Alzheimer est une grave maladie, très répandue dans les pays occidentaux, parce que notre longévité est plus longue.

Historique

En 1906, le neuropathologiste Aloïs Alzheimer a décrit à Tübingen des altération anatomiques observées sur le cerveau d’une malade atteinte de démence. Depuis on nomme DTA (démences de type Alzheimer) des démences avant 65 ans, distinctes des DSTA (démences séniles de type Alzheimer) après 75 ans.

Atteintes neuronales

Les neurones, cellules du cerveau, sont donnés dès la naissance, et ne se remplacent pas, à la différence des autres cellules du corps : un neurone cassé ne se répare pas. Il peut être abîmé par dégénérescences neuro-fibrillaires, par ruptures de transmission de l’influx nerveux entre axones… Mais le capital neuronal initial n’est pas utilisé en totalité, d’où la possibilité de stimuler d’autres neurones inutilisés pour maintenir au maximum l’autonomie des malades. Un test en 30 points (MMSE) permet de mesurer la perte d’autonomie : 2 points par an en stimulation, 8 points par an sans. Des produits existent (neurotransmetteurs) retardant les effets d’Alzheimer, jusqu’à 15 ans aujourd’hui. La lutte des malades d’Alzheimer pour formuler péniblement des mots en mobilisant leurs neurones enétat mérite le respect. Des lieux comme les cantou (de l’occitan :foyer, lieu de la vie…) inventés par Caussanel à Paris il y a 17 ans (Centre d’Activités Naturelles autour de Travaux Occupationnels Utiles) permettent d’aider les malades à vivre, en travaillant ensemble, en leur donnant un cadre temporel et spatial… Ce sont des malades qui ont besoin de peu de soinsmédicaux. Les soins, ce sont les AVQ, les actes de vie quotidienne : mettre la table ensemble, cuisiner ensemble, balayer ensemble… Il y a 800.000 déments en France, et seuls 200.000 sont pris en charge en cantou.

Hypothèses étiogéniques

On ne connaît pas encore les causes de la maladie, de cette dégénérescence neuronale. Il y a 7 hypothèses : l’hypothèse neurochimique (le manque d’acétylcholine, neuromédiateur… mais même avec on n’arrive qu’à retarder la maladie), génétique (non vérifiée), virale (on cherche encore), immunologique (baisse de résistance vis à vis d’agressions externes), vasculaire et métabolique (au niveau des nutriments du cerveau), toxique (Aluminium ?), radicalaire (enzymes…).

Facultés intellectuelles ou « cognitives »

Le cerveau étant malade, ne peut plus faire fonctionner correctement les facultés mentales, ou intellectuelles, ou cognitives : 7 facultés cognitives que sont mémoire, langage, compréhension, orientation temporelle, attention et concentration, perception-jugement.

Stades mémoriels

Le dément perd à l’envers de l’apprentissage de l’enfance ces facultés. Il revient à des stades antérieurs de son histoire. Le dément retrouve cette mémoire sensorielle de la prime enfance, la manière dont il a été attendu, désiré, choisi… Car la mémoire est acquise au départ in utero, sensoriellement, d’abord via le toucher, puis l’ouïe, puis le goût car le fœtusavale du liquide amniotique. (cf. Catherine Dolto : l’aptonomie ou science de l’affectivité apprise dans les camps de concentration, la science du nonverbal employée avec les comateux, les déments…).

La mémoire immédiate : quelques secondes ou minutes de mémoire. Les malades d’Alzheimer la perdent rapidement. Inutile de faire référence à des événements d’il y a une heure ou plus…

La mémoire intermédiaire : de quelques heures à quelques années, la mémoire fonctionnelle qui permet de travailler. Elle demeure au stade 1 de la maladie, mais est perdue au stade 2 de la maladie.

La mémoire ancienne : la mémoire affective, des faits fondamentaux ou symboliques.

Stades de la maladie et pertes progressives des facultés mentales

Le langage ensuite, avec des sons et des images, enregistrés dans des zones. Au 8ème mois, des neurones se mettent en lien, avecla capacité de mettre en lien mémoire et langage, images et sons : c’est l’acquisition de la compréhension de celui qui est désormais « petit d’homme ».

Le fractionnement temporel fait partie de la socialisation de l’enfant. Une heure pour le manger, une heure pour le dormir… L’orientation temporelle. Idem pour l’orientation spatiale, pour distinguer les lieux selonleurs usages, favorisant l’insertion dans la société. Le dément perd ces repères, et se désocialise.

L’attention, concentration, c’est la capacité à se fixer. Un apprentissage dès la petite enfance : la capacité à rester assis, à terminer son travail, à maîtriser son instabilité. Comme des enfants « agités » ayant manqué de parentalité, des malades d’Alzheimer peuvent être incapables de rester assis, déambulant sans arrêt (d’où nécessité de veiller à leur alimentation calorique, à son hydratation etc… la nécessité d’accompagner : « marcher avec celui qui va, un peu en deçà, sur son chemin. Lui seul connaît le chemin. » Patrick Verspieren. C’est au-delà de la technique, car il s’agit d’accepter d’être déboussolé).

La perception-jugement, c’est la capacité à percevoir ce qui est bon ou mauvais. Un malade d’Alzheimer l’a perdu. L’accompagnateur doit suppléer à cette carence. Des malades vont boire leur urine, se déshabiller en public, parce qu’à partir du stade 2 de la maladie, il y a perte de lar econnaissance des objets (agnosie) et en particulier des vêtements. Faire comprendre aux proches que c’est l’effet d’une agnosie, non d’un vice, permet de mettre un pansement au cœur en réhabilitant l’image du malade à leurs yeux. La perte de la connaissance des mouvements et des gestes (apraxie), d’où des comportements sociaux très perturbant. On parle d’agnoso-apraxie lorsqu’on a les deux carences.

Réflexion d’un jeune africain accompagnant patiemment unmalade dément, répondant à la question « pourquoi lui parlez-vous, alors qu’il ne comprend pas ? » : « Il est déjà trop près des dieux : on ne peut plus le comprendre. »

Questions :

Que font les pouvoirs publics pour pallier au manque de lieux ? Quelle formation et moyens pour l’accueil de personnes démentes ? Comment faire progresser les ‘cantou’ en France ?

Il manque 600.000 places pour accueillir les personnes démentes en France. Il faudrait quintupler le nombre de cantou. Celafera son chemin, comme les soins palliatifs l’ont fait dans les années 90. 80% des maisons de retraite n’ont pas la capacité thérapeutique ou la formation pour accueillir les personnes démentes. Mais 1,4% de la masse salariale sert à des organismes de formation continue. Et on n’a pas besoin de l’Etat pour changer notre point de vue sur la maladie d’Alzheimer. De plus en plus de personnes ont en charge une personne malade d’Alzheimer. Les audits dans les maisons de retraite en vue d’établir les conventions tripartites avec les tutelles et le Conseil Général pour l’octroi de l’allocation APA, rendront obligatoire l’accueil spécifique de malades d’Alzheimer, avec un accompagnement nuit et jour, et du personnel formé.

Que faire par rapport à la culpabilité d’avoir mal soigné un malade ?

On n’est pas coupable de ce que l’on ignorait. C’est l’intentionnalité qui compte. Il s’agit de tirer parti de notre culpabilité pour mieux faire demain. La culpabilité est bonne, comme indicateur de la conscience.

Quid des moyens thérapeutiques ? des exercice de mémorisation ?

L’animation thérapeutique s’adresse à des malades avec des personnels soignants ayant à devenir des animateurs. L’animation occupationnelle est différente. Les exercices de mémoire aident à la prévention, et permettent de retarder l’advenue du stade 2 de la maladie. Une molécule existe qui contribue aussi à cela. L’association médicament –animation thérapeutique (selon 8 ateliers possibles).

Quid d’une famille qui refuse que l’on visite un malade d’Alzheimer ? Quelle est la place du bénévolat ?

La loi du 4 mars 2003 (L1111-4) précise que toute personne ne peut recevoir un traitement sans son consentement libre et éclairé ; le cas échéant sans le consentement des ayant-droits. Pour l’accompagnement des malades, la non reconnaissance nominale du visiteur ne signifie pas que la visite ne lui soit bénéfique ; le malade peut le signifier par une approbation. Dès qu’une personne ou une famille exprime être contente de notre visite, nous avons notre place, celle en particulier d’apporter le regard validant de la société, dire au malade et à la famille : nous sommes ensemble, avec vous.

Que faire avec une famille pour un début de maladie d’Alzheimer ?

Conseiller aux familles de ne pas rester seul, de rejoindre une association ou un réseau comme France-Alzheimer. Pour de l’aide, des soutiens psychologiques…

Porter un malade d’Alzheimer à domicile ?

Au stade 2 (perte de l’attention, de la perception-jugement qui conduit le malade à se mettre en danger), cela devient impossible d’accompagner un malade d’Alzheimer à domicile 24h sur 24. Une mise en institution devient obligatoire, ou le soutien d’autres.

Comment se comporter avec ces malades dans une courte visite ?

Ecouter, observer. Les malades nous apprennent beaucoup.

Les malades sont ils conscients de leur maladie ? En souffrent-ils ? A quoi peut-on reconnaître leur souffrance ?

Oui jusqu’à la fin du stade 1, mais avec une alternance de moments de lucidité et d’esquive, qui manifeste un effort de dialogue, de communication : le signe que l’on veut cacher son handicap à l’autre.Certaines agitations sont liées à la prise de conscience du manque. Au stade 1 des suicides sont possibles. Au stade 2, la mort est accidentelle, non voulue.

La souffrance d’un malade d’Alzheimer passe par des signes : un regard douloureux, perdu. L’agitation. L’agressivité. Des signes dus à un malaise soit physique (cf. incontinence…) ou psychique. Des fiches personnalisées de comportement permettent au cas par cas de décoder les signes et rituels de chacun, les goûts – à recueillir le plus tôt possible, avant que le malade soit incapable de les formaliser.

Y a-t-il responsabilité des actes ?

Non ; ce n’est pas une maladie psychique, mais organique.

Vis à vis d’un malade chrétien ?

Au niveau non verbal, il reste une imprégnation émotionnelle, qui permet de vivre un rituel religieux habité précédemment, un temps de recueillement, même non manifesté verbalement.

Les signes d’une maladie d’Alzheimer ?

L’agence nationale d’accréditation établit un référentiel des pratiques professionnelles, notamment du diagnostic permettant de définir la maladie. Une perte de mémoire ou d’orientation ne signifie pas nécessairement l’Alzheimer. Des tests (MMSE, tests psychométriques…) établis par des médecins spécialistes sont nécessaires avant d’énoncer le diagnostic terrible et définitif de la maladie d’Alzheimer. Il y a des fausses démences réversibles.

Travailler la mémoire ?

Au stade 1 on peut travailler à une rectification de l’altération de la mémoire. Une correction sans reproche, avec amour. Pas au stade 2, auquel cas, il faut arrêter ce travail.

Doit-on aider quelqu’un qui commence un mot sans pouvoir le finir ?

En général non, pour l’aider à trouver les connexions neuronales, à stimuler sa mémoire, et parce que la tendance des ‘aidants’ seraa lors de leur interdire la parole.

Face à l’agressivité d’un malade ?

Est-ce qu’il souffre physiquement ? Est-il confortable dans son habit ? A-t-il froid, chaud, faim, soif ? Certains agressifs le resteront du fait de réminiscences passées contre lesquelles on ne peut rien. Certaines agressivités viennent des intervenants eux-mêmes (hiatrogénie).

Comment garder la patience ?

Par l’amour.

Les stades de la maladie et atteintes cognitives :

Stade 1 : démence débutante

Troubles de la mémoire récente

Troubles de l’OTS

Troubles du langage : une syllabe pour une autre, un mot pour un autre, une périphrase (paraphrasie : le signe de l’effort de maintenir la communication)

Début de la perturbation de la capacité d’attention concentration (20’ à 40’, c’est le maximum ; laisser le malade libre de changer d’activité : « vivre toute sa vie, aimer tout son amour, mourir toute sa mort » (Thérèse d’Avila), on pourrait ajouter « être dément de toute sa démence »

Stade 2 : démence intermédiaire

Troubles de la mémoire intermédiaire (celle fonctionnelle, opératoire pour accomplir tel métier, telle activité)

Majoration des troubles de l’OTS

Aggravation des troubles du langage : disque cassé,« jargonophasie »

Apraxie, Agnosie (par exemple : les murs, les assiettes doivent être blancs, parce que des motifs peuvent être pris pour réels…)

Perte de la perception jugement

 

Stade 3 : démence avancée

Grabatisation physique plus ou moins importante

Troubles de la déglutition, dus à l’oubli de lapratique !

Mutisme ou cris ou onomatopées

Etat de prostration gestuelle

Regard éteint, figé

(à ce stade, on ne peut plus savoir si des pans de mémoire perdurent, si une sensorialité subsiste, si la notion de « besoin »,de « plaisir » existent ; on les postulera alors)

La communication

Echanger – Comprendre – Ecouter – Observer – Se préparer à la différence avec intérêt

Tenter la communication verbale tant que possible, en partant de leur vécu, leur environnement, leur réalité. Puis progressivement remplacer le verbal qui ne marche plus, par le non-verbal dont vous aurez objectivé qu’il fonctionne, car les déments y restent sensibles très tardivement.

a- la distance : empathique, chaleureuse

b- le regard : chaleureux, attentif, calme (on crie parce que l’on dit que les vieux sont sourds ! non, les vieux (‘remplis de vie’) écoutent)

c- le ton de voix : voix basse, rythme lent,vocabulaire de plus en plus simplifié (ce n’est pas infantiliser, mais se mettre au niveau de compréhension résiduel), ton amical et chaleureux

d- le toucher relationnel : remplacer le sens des mots par le sens des gestes, dire la présence autrement qu’avec le verbe, dire l’humain de peau à peau (cf. massages à l’eau de Cologne pour donner de la sensorialité, de l’odorat, ne postulant qu’ils me perçoivent). Attention, certaines personnes n’aiment pas être touchées. Certaines sont kinesthésiques, d’autres non. Respecter cette aversion et graduer vos contacts en fonction de ce que la personne peut tolérer.

Ne jamais considérer que votre raison, que votre (notre) norme leur est accessible… leur monde est différent ! il faut apprendre à les accompagner dans leur monde !

« Ce que tu auras fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que tu l’auras fait. »

La parabole du Bon Samaritain (Lc 10)

« Et qui est mon prochain? » demanda le légiste 30 Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. 31 Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. 32 Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. 33 Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. 34 Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant : Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour. 36 Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands? » 37 Il dit: « Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Et Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

La question du sens

L’empathie

A quoi cela sert d’accompagner les « déchus » ? A mesurer la température de mon éthique. C’est facile de respecter celui qui a le verbe, celui qui a la lucidité, mais l’amnésique, le mutique, l’inconscient…peut facilement voir sa sacralité violée. La déontologie professionnelle du soignant, son humanisme ne suffisent plus lorsque se pose la question du sens de l’autre dans sa perte, sa petitesse. Il s’agit de signifier la grandeur du petit, la dimension fondamentale de l’être humain. Admettre la souffrance de l’autre. Accompagner suppose ce mouvement intime et intérieur qu’est l’empathie, le fait de se mettre à la place de celui qui perd la mémoire du temps, des lieux, des mots. L’empathie : la capacité de se mettre à la place de l’autre, pour comprendre ce qu’il vit, ressent, comment il se bat. C’est affaire de spiritualité. La maladie est entre le patient et l’entourage. Maison sait aussi par expérience que l’efficacité des soins, c’est la qualité du traitement, multiplié par la qualité de l’environnement (architecture, entourage : soignants, famille, bénévoles).

Le deuil et la sublimation du soin ou de la relation

Il ne s’agit pas de guérir, mais d’accompagner dignement, marcher à côté de ce « perdu planétaire » ; parce que la route du dément ressemble à celle d’une planète inconnue où rien ne veut plus rien dire, sinon l’instant présent, ressenti, la présence émotionnelle. Ce voyage dans un pays étranger exige un travail d’acceptation, d’abnégation, de non rendu, de deuil : une altération de l’image narcissique de l’homme… perte de la réciprocité de la relation… sublimer son deuil, c’est accepter de donner sans retour, sans attente, d’être remercié d’une manière autre que terrestre (cf. pyramide de Maslow). La gratitude d’un bénévole, c’est de pouvoir donner.

Le strokoscope de poche : (signes dereconnaissance)

1. Marcher dans la foule

2. Regard rapide

3. Contact bref

4. Donner recevoir une information

5. Bonjour

6. Poignée de main

7. Regard dur

8. Regard doux

9. Une remarque

10. Engueulade (courte)

11. Sourire

12. Compliment

13. Gifle

14. Frapper,être frappé

15. Se prendre dans les bras

16. Un baiser

17. Une caresse

18. Une bonne conversation

19. Dispute importante

20. Intimité

N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug ; renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs? 7 N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair? 8 Alors ta lumière éclatera comme l’aurore, ta blessure se guérira rapidement, ta justice marchera devant toi et la gloire de Yahvé te suivra. 9 Alors tu crieras et Yahvé répondra, tu appelleras, il dira: Me voici ! Si tu bannis de chez toi le joug, le geste menaçant et les paroles méchantes, 10 si tu te prives pour l’affamé et si tu rassasies l’opprimé, ta lumière se lèvera dans les ténèbres, et l’obscurité sera pour toi comme le milieu du jour. 11 Yahvé sans cesse te conduira, il te rassasiera dans les lieux arides, il donnera la vigueur à tes os, et tu seras comme un jardin arrosé, comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. (Isaïe 58)

« Nos âmes souffrent de dénutrition, parce que notre cœur est en désordre, parce que l’amour qui indiquerait le chemin de la justice lui fait défaut. Le secours donné à chaque personne fait partie du combat de l’amour, de la lutte de la foi en vue de l’avènement du Royaume de Dieu. »  card. Joseph Ratzinger

 

Heureux ceux qui respectent mes mains décharnées et mes pieds déformés.

Heureux ceux qui conversent avec moi bien que j’aie désormais quelque peine à bien entendre leurs paroles.

Heureux ceux qui comprennent que mes yeux commencent à s’embrumer et mes idées à s’embrouiller.

Heureux ceux qui, en perdant du temps à bavarder avec moi, gardent le sourire.

Heureux ceux qui jamais ne me font observer :  » c’est la troisième fois que vous me racontez cette histoire ! « .

Heureux ceux qui m’aident à raviver la mémoire des choses du passé.

Heureux ceux qui m’assurent qu’ils m’aiment et que je suis encore bon à quelque chose.

Heureux ceux qui m’aident à vivre l’automne de ma vie…

d’après un tract de Caritas Portugal

Nature humaine 1

Sept pages d’un devoir de philo de 1er cycle de séminaire (en 1996 !)… Cliquer sur >> ou << en bas de page pour naviguer d’une page à l’autre.

Introduction à la nature humaine

Alors que les droits de l’homme et la dignité de la personne humaine relèvent, sinon d’une réalité présente et respectée, du moins d’une finalité admise, la question « qu’est ce que l’homme ? » et la possibilité même de la poser semblent aujourd’hui problématiques. A côté de la célèbre affirmation de Michel Foucault – « l’homme est mort » – l’interrogation sur ce qui est essentiellement humain dans l’homme semble avoir de telles répercussions morales, que l’on préfère l’indétermination des opinions à une recherche qui risquerait d’aborder ce que nous laissons subsister d’inhumain en nous et en nos sociétés. Derrière son apparente innocuité, la question sur ce qu’est l’homme cache une force subversive que n’ignorent pas les protagonistes de combats comme ceux autour de l’avortement ou de l’euthanasie. Ainsi, au lieu d’admettre qu’aucune raison scientifique, philosophique ou religieuse ne permet de justifier pour l’embryon humain un seuil d’entrée en humanité en deçà duquel on pourrait motiver son élimination [1] ou un seuil de sortie pour la personne affaiblie par la maladie au delà duquel… – on refoule la question comme hors-sujet. Si éventuellement on lui donne une réponse, c’est en s’abstenant d’en fournir un fondement rationnel ou en posant a priori ce que l’on prétend montrer (« l’embryon humain n’accède à l’humanité qu’à partir de X semaines ou de tel événement de son histoire »…) pour se préoccuper non de la nature de cet être qu’est l’embryon humain, puisqu’on l’a évacuée, mais des conditions dans lesquelles cet « être » indéterminé – le plus indéterminé de tous les êtres diront certains – pourrait « advenir » à l’humanité. C’est alors sur ces seules conditions que porte la réflexion éthique et toutes ses dérives ! Le problème n’est plus affaire de raison, mais d’opinions et de revendications de droits. Il s’agit d’un « débat de société » où les droits de l’homme ne sont pas l’objet d’une réflexion rationnelle, mais un cri de ralliement portant une vision implicite de l’homme selon laquelle il n’y a pas de nature humaine mais uniquement une condition humaine.

De fait, l’indétermination des opinions peut tirer parti de ce que la question sur ce qu’est l’homme n’a cessé d’être posée dans l’histoire de la pensée. La relativité des réponses, et pire, la déformation du sens des concepts – celui de nature humaine n’y échappe pas – donnent raison aux sceptiques pour abandonner la réponse à la vox populi. Cependant, face à une telle démission, la raison préfère l’attitude consistant à suivre les déplacements successifs, approchants mais certes toujours insuffisants de la pensée autour du mystère humain ; mystère, parce que la réalité humaine reste inépuisable de sens, parce que les mots que nous adoptons pour décrire ce qu’est l’homme restent toujours en deçà de ce qu’il est ; humain, parce qu’au delà des différences entre cultures, races et individus, il y a cette évidence de l’unité de l’espèce humaine et de la solidarité de fait, organique et biologique avant que d’être de droit, culturelle et morale, qui lie les différents membres de l’humanité. Cette évidence pré-philosophique fait que la notion de « droits de l’homme » recueille cette adhésion quasi religieuse : nous avons, nous humains, quelque chose en commun, quel que soit le nom que l’on veuille lui donner. Encore faut-il examiner si cette évidence est trompeuse ou s’il est possible d’en rendre compte raisonnablement en mobilisant quelques uns des penseurs de l’histoire de la philosophie, suivant en cela l’adage selon lequel « la pensée humaine ne se dépasse pas, elle se déplace ».

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[1] Certains biologistes pensent que le stade embryonnaire ne commence vraiment qu’avec la nidation et refusent de donner le qualificatif d’humain avant. Il le sera à un certain moment de son développement, par exemple vers quatorze ou dix-sept jours, quand la nidation sera complétée et le processus d’inviduation arrêté, ou plus tard quand seront formés le système nerveux et le cerveau. Une perspective psychosociale propose comme clé de lecture le rapport que l’embryon entretient avec son entourage. L’embryon sera vu comme un être en croissance vers la stature de personne et l’on définira l’embryon par rapport au tissu social qui le porte : ses parents, la culture sociale et juridique dans lequel ils vivent etc… Ainsi, l’embryon aura la valeur morale que ses géniteurs ou la société voudront bien lui accorder. C’est le droit qui se voit donner la mission de définir le moment où l’être en gestation peut être considéré comme un être humain ou une personne avec les droits et les devoirs moraux qui découlent. En régime chrétien, St Augustin supposait une animation médiate en avouant ne pas savoir, St Thomas d’Aquin, en aristotélicien évolutionniste, tenait lui aussi à une animation différée (40 jours après pour les garçons, 80 pour les filles), mais St Grégoire de Nysse préférait une animation immédiate de l’embryon. Jean-Paul II rappelant le magistère de l’Eglise Catholique sur le sujet évoque dans Donum Vitae (1987) : « Dès que l’ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n’est ni celle du père, ni celle de la mère, mais d’un nouvel être humain qui se développe pour lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors. »

Nature humaine 2 (biologique)

Une première approche

Invoquer l’unité biologique de l’espèce humaine est un point de départ « naturel » pour parler de nature humaine en tant que totalité ordonnée, une et distincte des autres espèces vivantes. Pour cela, il n’est pas besoin d’un ancêtre originel pour fonder l’unité de l’espèce humaine : même si les théories génétiques de la paléontologie s’orientent vers l’hypothèse d’un ancêtre unique, il suffit de ne remonter que de deux siècles pour que par alliance, ascendance ou descendance, les arbres généalogiques de tous les hommes soient reliés latéralement en une seule famille humaine ; confirmation d’une heureuse nouvelle : nous sommes tous frères ! Même si certains philosophes du XVIIIème siècle poussés par l’intérêt ambiant pour la biologie et la recherche de croisements et de races hybrides, ont pu se livrer à certaines outrances – ainsi d’un Locke affirmant que l’homme et le singe peuvent procréer ensemble, ou Fabricius, que les noirs résultent de l’accouplement d’un homme blanc et d’une guenon – en réalité, l’autarcie de reproduction de l’espèce humaine est bien un fait : la biologie des hommes leur est bien spécifique ; elle les distingue des autres êtres vivants et elle les caractérise, même si cette caractérisation n’est pas exhaustive. Ainsi, on ne peut suivre complètement Malson lorsqu’il écrit que « le système de besoins et de fonctions biologiques, légué par le génotype à la naissance, apparente l’homme à tout être animé sans le caractériser, sans le désigner comme membre de « l’espèce humaine ». »[1] L’unité biologique est au contraire un caractère originel et universel qui permet de poser l’existence d’un ordre distinctif concernant tous les hommes et rien qu’eux, et partant, d’une nature humaine.

Cependant cette dernière ne peut s’y confondre sous peine de réduire l’homme à son animalité, avec le risque de déboucher sur des doctrines racistes comme celle de Gobineau rejetant les mélanges inter-raciaux en affirmant la stérilité des hybrides (1853), ou de projets d’eugénisme ou de manipulation de l’espèce humaine pensés à la même époque et mis en oeuvre au XXème siècle aussi bien dans les camps nazis que sur les foetus humains aujourd’hui [2].

Penser la nature humaine, ce n’est donc pas seulement identifier quelques caractères propres des hommes dont ceux de la biologie feraient partie, mais tout ce qu’il y a de spécifiquement humain dans l’homme, ce qui lui en est le principe. Le flou de la notion exige alors une analyse de la notion de nature, en examinant d’abord ce qu’elle est en tant qu’objet de connaissance, c’est à dire le lien qu’il y a entre elle et la réalité qu’elle prétend viser.

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[1] Les enfants sauvages, Lucien MALSON.

[2] On trouve décrit dans Pour en finir avec l’antisémitisme, Jakez CHILOU, Monique-Lise COHEN, 1995, p. 35-40, le lien entre les premières tentatives de manipulation de la vie au XVIIIème siècle, les doctrines racistes du XIXème siècle et les pratiques nazies.

Nature humaine 3 (Antiquité)

La réflexion de l’Antiquité sur la nature humaine

La notion de nature a pour ancêtre la « phusis » grecque, inventée pour répondre aux questions fondamentales du devenir, ou de l’un et du multiple. Pour les premiers philosophes grecs – les « physiciens » – la nature d’un être est sa réalité primordiale, matérielle et sensible qu’ils considéraient comme première cause de tous les phénomènes, à la manière d’une force irrationnelle et instinctive : l’air pour les uns, l’eau, la terre, un autre élément ou les atomes le constituant pour les autres. Pour Platon au contraire, la nature d’un être est son essence spirituelle, transcendant les phénomènes qui ne sont qu’apparence, sans réalité véritable.

Aristote fait la critique et la synthèse de ces positions opposées en considérant la nature comme « un principe et une cause de mouvement et de repos pour chaque chose en qui elle réside primordialement par soi et non par accident » [1], c’est à dire son principe interne d’organisation, de développement et de spécification. L’unité des espèces biologiques – qui sont ce qu’elles sont, dans leur être comme dans leur devenir, sans l’influence de l’action de l’homme ou de causes qui leur seraient extérieures [2] conduit en effet à la notion de nature, à la fois immanente à la réalité et la dépassant. La nature d’un être est pour cela à la fois « matière » – ce qui dans cet être constitue l’élément indéterminé et le sujet individuel du changement – et « forme » – le principe du changement qui détermine la matière et qui en permet l’intelligibilité.

Face à un être, la question « qu’est-ce ? » suscite en effet deux approches :

La première est celle de l’intelligence qui cherche à saisir sa nature, c’est à dire la détermination essentielle ou la définition de ce qu’il est, au delà de ses qualités changeantes et de ses transformations accidentelles. Pierre, avant d’être musicien, français, blond est d’abord et primordialement un homme. Cette approche fournit une intelligibilité de cet être, inséparable de lui, mais cependant différente de lui, puisque connaître la nature d’un être n’épuise pas la connaissance de ce qu’il est, en particulier dans son existence individuelle et dans son histoire.

La deuxième approche, plus immédiate, nous fait saisir cet être dans son existence propre, le sujet unique, seul réel, mais qui dans sa singularité reste inconnaissable objectivement, sauf à en rester aux tautologies de l’école cynique – ou au contraire, de la connaissance amoureuse – du type « Pierre, c’est Pierre », ou à le réduire aux éléments matériels qui le composent. Sa matière lui est de fait individuelle, mais elle ne permet pas de rendre compte de ce qui en fait l’unité : Pierre est plus que les molécules dont il est constitué.

Contre Platon qui réduit l’être à son intelligibilité essentielle, et contre les physiciens qui le réduisent à sa matière, Aristote identifie en chaque être un principe d’unité de ce qu’il est, sa « substance » (« ousia » en grec) pour réconcilier les deux approches du « qu’est-ce ? » dans leur complémentarité, à la manière dont on découvre un principe d’unité dans la « formation » de la syllabe « BA », faite des deux lettres B et A qui en constituent la matière, tout en étant plus qu’elles [3]. L’approche du sujet dans son existence réelle complète celle de son intelligibilité immanente à la réalité, et constituent deux modalités de la substance. D’où l’adage selon lequel « il n’y a de science que du général et de réalité que de l’individu » qui suppose l’existence d’un principe qui unifie dans le même être, ce réel individuel, particulier, matériel, et cet universel, général, formel qui en est la détermination intelligible [4] et qu’Aristote assimile à la nature de cet être.

En tant que sa détermination essentielle, la nature d’un être en est le principe de finalité : contrairement aux physiciens mécanistes qui refusaient d’accorder à la nature une finalité, et à Platon selon qui tout est finalisé par le Bien et le Beau transcendants, Aristote reconnaît à côté de la finalité de la nature immanente aux êtres, un hasard et des faits accidentels, mais ceux-ci ne touchent que la matière et non la nature – forme intelligible ou informant la matière.

Cette approche suppose un ordre de l’univers, stable, objectif, (téléo)logique et nécessaire dont l’intuition s’appuie sur la stabilité des espèces et la régularité des cycles biologiques ou physiques. Rapportée à l’ensemble des réalités, l’ensemble des natures qu’est la Nature est « cosmos » (littéralement, belle parure) c’est à dire harmonie et finalité, donc raison ; chaque être obéit à sa nature, selon sa loi interne de développement. L’ordre de cette Nature est objet de « théorie », d’émerveillement – qui est à la base de toute vraie connaissance – et de contemplation esthétique, mathématique ou religieuse ; la Nature est le lieu des valeurs donnant sens aux actes humains, puisque l’homme lui-même ne peut agir sur le cosmos qu’en se soumettant à ses lois : « on ne domine la Nature qu’en lui obéissant » redisent les écologistes après les paysans. Ainsi, de même que la nature d’un être est la norme de son fonctionnement harmonieux, pour l’être libre qu’est l’homme, la nature humaine est ce qui est principe et règle de son activité orientée vers des fins, en même temps qu’elle en est le principe d’unité et d’intelligibilité [5].

La nature humaine est ainsi tout ce qui, enraciné dans chaque être humain nous permet de connaître ce qu’est l’homme en général, sans pour autant atteindre ou attenter au mystère de la personne [6], c’est à dire à l’inconnaissable de chaque existence dans sa condition humaine. Cette distinction sans confusion ni séparation entre nature et personne permet de fonder par élimination de tout ce qui n’est pas propre à l’homme et de tout ce qui en chaque individu lui est personnel ou « accidentel », une définition de l’homme comme « animal raisonnable ». Cette définition est ainsi constituée du genre (animal) et de la marque la plus distinctive qui fonde toutes les autres différences au sein du genre (le caractère raisonnable), indépendamment des « accidents » (être musicien, français, blond…), des « prédicats » qui n’appartiennent pas à l’essence, et qui tout en étant nécessaires sont dérivés du caractère raisonnable de l’homme (le langage, la culture…), et des « propres » qui n’ont pas une valeur de principe distinctif (le rire…).

Une telle approche n’est pas neutre sur le plan moral. L’homme comme animal raisonnable est pour Platon un être capable de distinguer le vrai, le juste, le bon et donc d’agir moralement ; c’est pour Aristote un « animal politique » ou plutôt « devant faire la cité », c’est à dire devant agir selon les lois positives de la cité qu’il se donne librement. Les stoïciens accentuent encore le trait en identifiant nature humaine et raison, en risquant de nier la dimension corporelle de l’homme : le constat de l’incapacité de l’Etat antique totalitaire à fonder un droit sur la nature humaine, les conduit à une morale individualiste dont la perfection est indépendante de tout conditionnement social, politique ou économique. Dans un monde totalement régi par une raison divine excluant toute liberté, il s’agit alors de s’accorder à cette raison par une héroïque maîtrise de soi faite d’indifférence aux passions. L’insensé peut récriminer contre l’événement, la Nature. Le sage au contraire s’ajuste à l’ordre naturel, « selon sa propre nature et celle du tout » (Diogène Laërce), c’est à dire la nature d’un monde rationnel. Les philosophes grecs, en étudiant cette nature fondent ainsi en pratique la morale.

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[1] Physique II, 1, 192b 21-23

[2] Cette constatation et les conséquences qu’en tire Aristote sur la notion de nature ne sont pas remises en question par la théorie darwinienne de l’évolution, lorsqu’on la prend au sens restreint, démontré scientifiquement, selon lequel de nouvelles races et espèces apparaissent sous l’action de la sélection naturelle. En revanche, la notion aristotélicienne de nature et de Nature est incompatible avec la « théorie générale » selon laquelle toute la diversité des espèces terrestres peut être expliquée par extrapolation du processus graduel de sélection naturelle, par un processus évolutif continu et aléatoire sur une très longue période, à partir d’une première cellule issue d’une soupe chimique originelle. Mais cette théorie générale n’a aujourd’hui aucun statut scientifique. cf. (2) Evolution, une théorie en crise, Michaël DENTON, Londreys, 1988.

[3] Métaphysique, Z, 17

[4] Cette intelligibilité est abstraite du fait du conditionnement de notre mode connaissance.

[5] L’expression « l’homme est condamné au sens » de Merleau-Ponty n’est pas éloignée d’une telle approche de la nature humaine.

[6] La personne est au sens classique que lui a donné Boèce (VIème siècle), la « substance individuelle d’une nature rationnelle ».

 

 

 

Nature humaine 4 (chrétiens)

Réflexions chrétiennes sur la nature humaine

1. Les Pères de l’Eglise :

Les pères de l’Eglise s’appuieront sur cette conception de la nature « où l’homme se sent intégré dans son expérience intime au point de s’accorder à elle de mieux en mieux par l’exercice des vertus » [1]. Cependant, à l’inverse de la vision antique de la Nature comme cosmos régi par un Destin rationnel intangible, la pensée judéo-chrétienne dédivinise la Nature en la relativisant au Créateur, sans pour autant la déprécier, puisqu’elle est un « miroir de Dieu », qu’elle est créée pour l’homme, et donc bonne en tant que telle. Elle est impliquée avec l’homme dans la chute, et c’est en l’homme transcendant la Nature que réside l’issue du salut dont l’initiative revient d’abord à Dieu, puis à l’homme, parce que la nature de celui-ci ne désigne pas seulement sa biologie, mais davantage ce que sa raison lui permet de saisir comme aspiration au sens, à la vérité et à la vie. Plus ultimement, en s’appuyant sur la Révélation et au delà d’une théodicée qui ne dériverait que de la raison humaine, la finalité de l’homme est de participer à la vie divine, dans une dialectique d’assimilation qui dépasse les désirs de l’homme et ne peut résulter que d’une initiative divine : c’est là toute l’histoire du salut accompli en Christ.

L’anthropologie chrétienne voit en l’homme le seul être créé à l’image de Dieu. Etre spirituel et doté de raison, il est donc responsable de ses actes, contrairement aux êtres infra-humains que leurs instincts ou leurs « inclinations » poussent naturellement à agir selon les lois propres de leur espèce, de leur nature. Les lois naturelles, physiques, biologiques expriment pour les êtres irrationnels un déterminisme strict. L’homme en tant qu’animal subit également de telles inclinations naturelles, mais il les régule par sa liberté et sa raison, en tant que cette dernière est une participation à la lumière divine qui lui permet un discernement moral.

Chez St Augustin, la nature humaine est liée à la vie présente de l’homme, qui « n’est qu’une plaie ». La lutte pour satisfaire ses besoins, la fatigue physique, l’accablement moral – où l’homme fait le mal qu’il ne veut pas et ne fait pas le bien qu’il veut – font naître au coeur de l’homme une quête de bonheur dont il se rend compte qu’elle vise infiniment au delà de ce que sa condition finie, mortelle, contingente lui permet d’espérer. La nature humaine ne se comprend alors que sur fond de surnature. Elle ne peut être instance normative pour un agir moral qu’à condition d’être réordonnée par l’Evangile. Avec St Augustin, « ce qui correspond à la véritable nature de l’homme ne peut être connu que par les yeux de la foi. » [2] Gratien transposera la notion augustinienne de nature dans l’ordre du droit en faisant de la Révélation et non de la nature humaine le seul véritable principe directement normatif du droit. « Ce que la nature de l’homme ordonne vraiment à l’homme de faire ne se déchiffre que dans la foi et ne peut s’opérer qu’avec le secours de la grâce. » [3]

2. St Thomas d’Aquin :

Dans une visée plus métaphysique qui est celle d’une théodicée, St Thomas d’Aquin redonne un statut à la nature humaine vis à vis de la grâce, en s’appuyant sur Aristote, pour qui toute nature implique une finalité et donc une normalité de fonctionnement pour atteindre cette fin : « en un mouvement ascendant, l’univers est comme soulevé par une finalité qui le parcourt en toutes ses dimensions et le pousse à revenir vers Dieu, à remonter vers son auteur, pour en exprimer la grandeur, pour le louer et lui rendre gloire. » [4] La nature humaine chez St Thomas est ainsi caractérisée par sa finalité. Dans son traité sur la béatitude [5], il distingue la fin comme béatitude à atteindre, et la fin telle que celle-ci est ou non atteinte au terme des choix libres et volontaires que l’homme aura posés dans son existence concrète. Dans le premier sens, la fin comme désir de bonheur est inscrite dans la nature humaine de la même manière que toute nature est finalisée vers sa perfection, c’est à dire vers son bien. De ce point de vue, l’homme n’est pas libre de ne pas vouloir son bonheur. Dans le second sens de fin, on rend compte de la condition humaine faite de liberté et de conditionnements, et donc d’errements possibles [6].

Certains actes des hommes relèvent spécifiquement de la nature humaine : ce sont les « actes humains », qui dépendent d’une libre détermination de la raison. Un acte humain est alors ontologiquement bon s’il permet à l’homme d’atteindre la plénitude d’être typique à sa nature humaine. Ce qui est vrai de chaque être, à savoir que sa loi naturelle est la manière dont, selon sa nature et donc sa fin spécifiques il « doit » atteindre sa plénitude d’être, prend pour l’homme une dimension morale, car l’homme, de par sa liberté, est le seul être pour qui le verbe « devoir » peut avoir une signification morale. Agir bien, c’est agir comme un homme, c’est à dire conformément à la raison, et dans le sens d’une plus grande humanisation. La raison humaine est ainsi la mesure des actes humains, mais cette raison n’est pas considérée comme auto-suffisante, parce qu’elle a besoin de la réalité pour s’exercer, et parce qu’elle n’est qu’une participation à la raison divine ou éternelle. En effet, les situations humaines ont une dimension existentielle qui n’est pas contenue a priori dans la nature humaine – sans quoi ce serait nier la liberté de l’homme – mais la nature humaine et la loi naturelle se dévoilent à l’homme à partir de la confrontation de celui-ci avec la réalité en tenant compte de l’expérience accumulée dans l’histoire des hommes. Chaque situation nouvelle, chaque expérience nouvelle permet à l’homme de découvrir, dans une « connaissance par inclination » [7], un type de comportement conforme ou non à sa nature humaine, ce qui contribue à un développement croissant de la connaissance de la loi naturelle, sans exclure les risques d’erreurs. La loi naturelle n’est donc pas un code supposé écrit par la Nature dans le coeur de l’homme et qu’il suffirait de dérouler pour obtenir un modèle rationnalisable en système. Sa connaissance ne peut être qu’imparfaite et jamais achevée. L’histoire de la condition et de la conscience humaine est donc l’histoire de la découverte progressive des « inclinations » proprement humaines face aux différentes situations existentielles. Les groupes sociaux ou culturels les formalisent, les objectivent et les particularisent provisoirement en lois positives, ou en règles de « droit des gens » toujours imparfaites [8]. Alors que la loi naturelle relève de la nature humaine, inconnaissable comme elle, sinon progressivement et au travers des situations existentielles, les lois positives relèvent des particularités des groupes humains et de leur histoire contingente, et n’ont de valeur que relative à la loi naturelle, sans que le lien entre celles-ci et celle là puisse être établi déductivement ou une fois pour toute. La figure d’Antigone est là pour rappeler cette relativité des lois positives par rapport aux exigences de la conscience.

La nature humaine correspond ainsi à la notion d’essence humaine, transcendant le monde de l’expérience, tout en ne pouvant être perçue qu’à travers elle, par voie de connaissance non réductible à une raison déductive. Les exigences de la nature humaine ont alors force de loi, mais non directement sous la forme d’un ordre moral positif, parce qu’étant non-écrite, la loi naturelle ne crée pas immédiatement un ordre juridique ou un droit réel : ce sont les lois positives, à condition d’avoir été élaborées en consonance avec elle et au contact de l’expérience, qui créent des droits positifs, divers selon les groupes sociaux où elles naissent, et toujours susceptibles d’amélioration. On résout par là les conflits si délicats que génèrent les systèmes juridiques idéalistes – le nôtre en France actuellement – ou à l’inverse positivistes, entre la loi et la jurisprudence, entre la norme et le fait. N’est-ce pas là la meilleure traduction épistémologique du non arbitraire moral de l’agir humain, de ce qu’il y a de liberté et de raison en l’homme ?

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[1] « Réflexions sur les relations entre la philosophie et la théologie », Servais PINCKAERS, in Actes du congrès « Actualité de la Philosophie » 13-14 oct. 1989, NEL.

[2] article « Nature / Droit naturel », in Dictionnaire de Théologie, Wilhelm KORFF, Cerf 1988

[3] idem ci dessus.

[4] Philosophie de la Nature, Jean Marie AUBERT, Beauchesne 1965.

[5] Somme Théologique, Ia IIae, q. 1 à 5 (traité sur la béatitude)

[6] cf. introduction du traité sur la béatitude, par Jean Louis BRUGUES, (Somme Théologique, t2, Cerf).

[7] Jacques Maritain, commentant St Thomas, décrit ainsi cette connaissance mobilisée dans une situation existentielle : « La connaissance par inclination ou par connaturalité n’est pas une connaissance claire comme celle qui est obtenue par la voie des concepts et des jugements conceptuels ; c’est une connaissance obscure, non systématique, vitale, par mode d’instinct ou de sympathie, et dans laquelle l’intellect, pour former ses jugements, consulte les pentes intérieures du sujet, l’expérience qu’il a de lui-même, prête l’oreille à la mélodie produite par la vibration des tendances profondes rendues conscientes dans la subjectivité, tout cela pour aboutir à un jugement, non pas fondé sur des concepts, mais un jugement qui n’exprime que la conformité de la raison aux tendances auxquelles elle s’accorde. » (La Loi naturelle ou Loi non écrite, Jacques MARITAIN, Prémices, Editions Universitaires, Fribourg, 1986.)

[8] Par exemple, la confrontation des hommes avec le problème de la guerre a permis d’élaborer progressivement une doctrine de la légitime défense par la force militaire, où il faut à la fois :

– que le dommage infligé par l’agresseur soit durable, grave et certain ;
– que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés inefficaces ou impraticables ;
– que soient réunies les conditions sérieuses de succès ;
– que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux plus graves que le mal à éliminer.
Ces règles qui relèvent du droit des gens (jus gentium) n’ont pu être élaborées qu’à partir de l’expérience des guerres elles-mêmes et des inclinations de l’homme raisonnable confronté à cette expérience – et non d’un raisonnement rationnel et encore moins du déroulement d’une loi pré-écrite dans le coeur de l’homme. En cela elles n’ont qu’un caractère provisoire et sont appelées à un affinement dans l’histoire. (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n°2307 sq).
– que le dommage infligé par l’agresseur soit durable, grave et certain ; – que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés inefficaces ou impraticables ; – que soient réunies les conditions sérieuses de succès ; – que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux plus graves que le mal à éliminer. Ces règles qui relèvent du droit des gens (jus gentium) n’ont pu être élaborées qu’à partir de l’expérience des guerres elles-mêmes et des inclinations de l’homme raisonnable confronté à cette expérience – et non d’un raisonnement rationnel et encore moins du déroulement d’une loi pré-écrite dans le coeur de l’homme. En cela elles n’ont qu’un caractère provisoire et sont appelées à un affinement dans l’histoire. (n°2307 sq).